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Sexe et genre : au fait, qu’est-ce qu’une femme, qu’est-ce qu’un homme ?

Publie le mardi 7 juin 2005 par Open-Publishing
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Sexe et genre : au fait, qu’est-ce qu’une femme, qu’est-ce qu’un homme ?
AFP 07.06.05 | 09h50

Pourquoi la plupart des gens se sentent-ils gênés à la vue d’un travesti ? Sait-on bien définir ce qu’est une femme et ce qu’est un homme ? Des chercheurs occidentaux soulèvent ces questions en voulant montrer que "le genre n’est pas donné d’avance", mais "socialement construit". Il y a quinze ans, aux Etats-Unis, une philosophe féministe de 34 ans, Judith Butler, publiait un livre intitulé "Trouble dans le genre" ("Gender trouble"). Depuis, l’ouvrage a été traduit dans 17 langues, bien qu’il soit très difficile à lire. Il est récemment paru en France, où le débat a aussitôt rebondi.

Son analyse part du malaise qui peut naître à la vue d’un travesti, "lorsque l’on n’est plus sûr de savoir si le corps perçu est celui d’un homme ou d’une femme". Le travesti pourrait apparaître comme la mauvaise copie d’un original, d’un idéal qui serait la Femme avec un grand F. Butler développe plutôt l’idée que nous sommes tous, en quelque sorte, des "imitations", des "copies forcément ratées". Nous essayons d’adhérer aux normes de genre et de sexualité, mais nous n’y parvenons jamais tout à fait, même les hétérosexuels.

Le sociologue français Eric Fassin, professeur à l’Ecole normale supérieure (ENS) à Paris, interroge : "au fond, l’homme qui surjoue sa masculinité, ou bien la femme qui en rajoute dans la féminité ne révèlent-ils pas, tout autant que la folle la plus extravagante ou la lesbienne la plus masculine, le jeu du genre, et le jeu dans le genre ?" Professeur à l’Université de Californie à Berkeley, Judith Butler a fait salle comble lorsque la prestigieuse ENS lui a consacré un colloque fin mai. Elle vit avec une autre femme universitaire et élève avec elle un enfant. C’est en Amérique du Nord que l’usage du mot "genre", plutôt que du mot "sexe", s’est répandu dans les années 1970. Il s’agissait de dire : certes, il y a la nature, mais aussi la culture... L’écrivain français Simone de Beauvoir, auteur du "Deuxième sexe", disait : "on ne naît pas femme, on le devient". Butler va plus loin : pour elle, on ne le devient même pas vraiment... Non seulement le genre "n’est pas donné d’avance", mais c’est "une activité qui s’accomplit sans cesse et en partie sans qu’on ne le veuille et qu’on ne le sache", "une sorte d’improvisation dans un contexte contraignant".

De façon plus prosaïque, Eric Fassin commente : "la plupart des gens vont dire : +c’est simple : on sort le bébé du ventre maternel, on voit si c’est un garçon ou une fille, et le problème est réglé !+ Mais le problème n’est pas réglé. Le fait que nous soyons sexués, ce n’est pas seulement naturel, c’est un travail sans fin. Je suis censé être homme ou femme, mais comment me conformer à cette attente ?" "Pourquoi s’insulte-t-on, dans les cours de récréation, en se traitant de pédé ?, demande le sociologue. Parce qu’il faut des rappels à l’ordre... Non pas que tout le monde ait envie d’être homosexuel ou de changer de sexe, mais tout le monde se pose des questions : +ça, ça se fait ou ça ne se fait pas ?+". "Certes, on a un peu moins tendance à considérer qu’un homme qui couche avec un homme n’est pas un homme, ou qu’une femme qui n’a pas d’enfant n’est pas une vraie femme", constate Eric Fassin. "Les normes s’imposent avec moins d’évidence, mais cela ne veut pas dire que chacun fait ce qu’il veut", insiste cet enseignant.

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  • Les débats de Quilombo :

    Mercredi 22 juin à 19h45
    POUR EN FINIR AVEC LE SEXISME
    Au Cicp - 21ter rue Voltaire - 75011 Paris

    En présence de Guillaume Carnino
    "Un petit garçon ne pleure pas !", "Une petite fille ne doit pas se salir !" "Oh, qu’il est costaud !", "Oh, qu’elle est mignonne !" "C’est un séducteur, quel Don Juan !", "C’est une séductrice, quelle salope !" Souvent jugées innées, les différences entre hommes et femmes sont fabriquées par une société sexiste. En faisant un panorama des situations et domaines dans lesquels s’opère la construction sociale du masculin et du féminin (petite enfance, jeux, école, sexualité, famille, publicités, travail, etc.), ce livre questionne les racines de la domination des hommes sur les femmes. Il propose des pistes théoriques et militantes pour remettre radicalement en cause les fondements du sexisme et du patriarcat.

    L’ouvrage "Pour en finir avec le sexisme" est disponible à la librairie ou par correspondance au prix de 9 euros.

    http://www.librairie-quilombo.org