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Situation de classe dans les pays d’Europe de l’Est

Publie le lundi 27 juin 2005 par Open-Publishing

Editorial de Prol-position n° 2

Ce deuxième numéro en anglais du bulletin électronique Prol-position news, accessible sur le site du même nom, est principalement centré sur la situation de classe dans les pays d’Europe de l’Est. Les déplacements des capitaux et des travailleurs, de l’est vers l’ouest et vice versa, constituent un élément décisif de la recomposition de classe en Europe.

La mobilisation d’une vaste armée de réserve d’ouvriers originaires d’Europe de l’Est pour approvisionner en main-d’œuvre certains secteurs économiques à l’ouest et la menace de délocaliser la production de l’ouest vers l’est du continent contribuent à intensifier l’exploitation. La propagande capitaliste évoque, sur un ton inquiétant et sinistre, des « régions à bas salaire en Europe de l’Est » et « des ouvriers peu rémunérés » ; la réalité est en fait beaucoup plus complexe. Des prolétaires d’Europe de l’Est sont souvent employés dans des secteurs du marché du travail de l’Ouest (comme l’agriculture et le nettoyage) où les ouvriers « locaux » ne travaillent pas. Début avril 2005, les employeurs agricoles allemands se sont bruyamment opposés aux plans du gouvernement qui voulait pousser plus de chômeurs allemands à travailler dans les champs, au lieu d’employer des saisonniers polonais. Ces exploitants se sont plaints que les chômeurs allemands « arrivaient en retard, partaient avant la fin de leur journée de travail, et se mettaient en congés maladie au bout de quarante-huit heures ».

Parallèlement, de plus en plus d’ouvriers originaires d’Allemagne de l’Est émigrent aux Pays-Bas pour trouver du travail dans les serres servant aux
cultures légumières.

Concernant les délocalisations d’unités de production, le pourcentage réel d’usines transférées à l’Est est minime, si on le compare aux nouveaux
investissements réalisés à l’Ouest. En matière d’investissements directs,
les compagnies occidentales achètent surtout à l’Est des infrastructures
ou des entreprises qui étaient autrefois la propriété de l’Etat, comme les
télécommunications. D’autres investissements sont entrepris pour
approvisionner les marchés locaux, et donc ils ne diminueront pas les
capacités de production à l’Ouest. Pour démasquer la propagande et le
battage organisés autour de la « Ruée vers l’Est », il nous faudra
analyser en détail les mouvement réels de capitaux et les confrontations
de classe dans les pays d’Europe de l’Est.

Dans ce bulletin vous trouverez quelques textes qui pourraient servir de
point de départ : L’article Going East (La ruée vers l’Est) présente les
principales données statistiques disponibles sur la relation entre les
investissements directs et les réorganisations décidées par les
entreprises allemandes. Ce texte conclut que l’installation d’unités de
production à l’Est entraîne rarement la fermeture de départements ou
d’ateliers dans les mêmes sociétés à l’ouest. Désireux d’approvisionner
les marchés locaux, les patrons souhaitent aussi créer une situation où
une flexibilité maximum leur permettra de faire jouer certains sites de
production contre d’autres. Foreign Investments in the Czech Republic :
Boom or Fall (Les investissements étrangers en République tchèque : (boom
ou déclin)) analyse le processus de restructuration du capital et du
marché du travail durant la dernière décennie, l’impact de cette
restructuration sur la République tchèque - l’une des principales régions
de l’ancien Bloc de l’Est à accueillir des investissements étrangers
directs - ainsi que les menaces proférées par les capitalistes de se
déplacer toujours plus à l’Est.

L’article Migrant workers in the Czech Republic (Les travailleurs immigrés
en République tchèque) décrit la situation des ouvriers slovaques,
polonais et ukrainiens dans ce pays. Ce texte montre comment le marché du
travail européen s’étend bien au delà des frontières de l’Union
européenne, créant des réactions en chaîne dans les migrations de
travailleurs. Des ouvriers tchèques du bâtiment qui travaillent à l’ouest,
par exemple, sont remplacés par des Ukrainiens qui acceptent une forme
d’esclavagisme dans des villes tchèques : ces derniers doivent faire face
à la fois aux directives migratoires de l’Etat tchèque et à la structure
mafieuse des agences d’intérim ukrainiennes.

Skoda Auto : Inspiration from Mlada Boleslav ? (Skoda Automobile : Un
nouveau souffle venu de Mlada Boleslav ?) évoque une grève récente en
République tchèque. Cet article suggère que, bien que cette grève ait été
la plus importante lutte chez Skoda jusqu’ici, les ouvriers - contrôlés
par les syndicats - n’ont pas vraiment usé de toutes leurs forces pour
gagner. Mais la situation chez Skoda et dans d’autres entreprises pourrait
changer : Certaines des nouvelles usines implantées par les compagnies
occidentales en République tchèque ne trouvent pas assez d’ouvriers dansla
région, et ces difficultés sapent les possibilités de chantage au
licenciement ». Ces nouvelles usines n’ont souvent pas de section
syndicale, ce qui incite les auteurs à conclure qu’il existe "certaines
possibilités pour l’émergence d’une lutte autonome qui écarterait toute
structure syndicale. Nous verrons où le nouveau souffle venu de Skoda nous
mènera... ".

Behind the Border - Poland (Au-delà de la frontière - la Pologne) décrit
l’histoire des luttes de classe en Pologne depuis les années 1970, le rôle
des politiques financières et de la répression étatique, le contexte des
luttes ouvrières, et l’effondrement du mode d’exploitation socialiste. Il
traite également de la structure des secteurs agraires et industriels
polonais aujourd’hui et de la question des migrations.
En complément à ce texte, le lecteur trouvera un article apportant des
informations plus récentes sur les luttes en Pologne et à sa
périphérie. (Update on recent struggles in and around Poland)

Promised Land and Class Struggle : Romania after the Transition (Terre
promise et lutte de classe : la Roumanie après la transition) examine le
développement du capital et des migrations en Roumanie. Ce texte est
principalement centré sur l’industrie textile, et il précise le rôle
important des entreprises italiennes dans le processus de
restructuration. Il est suivi par un bref entretien avec un ouvrier de
Solectron à Timisoara (Interview with a worker from Solectron in
Timisoara). Solectron est une société américaine produisant des téléphones
portables et divers autres équipements électroniques pour des compagnies
comme Nokia, Ericsson et Alcatel. En complément le lecteur trouvera
quelques informations sur une grève récente chez Michelin en Roumanie et
Solectron en France (News on a recent strike in Romania (Michelin) and
Solectron in France).

Après les textes sur la lutte de classe en Europe de l’Est, Prol-position
reproduit la préface à la traduction de Forces of Labor de Beverly Silver
(Preface of Beverly Silver’s book ‘Forces of Labor’), préface écrite par
le groupe WildCat qui ont récemment publié ce livre en Allemagne. Beverly
Silver a étudié les luttes ouvrières à l’échelle mondiale au cours des
cent trente dernières années en utilisant une base de données qu’elle et
ses collègues ont mise au point. "La force particulière de ce livre réside
dans le fait qu’il nous raconte l’histoire du monde à partir des
perspectives ouvertes par les luttes ouvrières (...) . Force of Labor
analyse le rapport entre les luttes de la classe « d’en bas » et les
actions de la classe « d’en haut », les effets des premières sur les
secondes. Ce livre étudie ainsi le développement du capital comme un
système mondial. Les luttes des travailleurs poursuivent le capital autour
du globe, passant d’un secteur industriel à un autre. A chaque cycle
aboutissant à l’hégémonie d’une nouvelle puissance, la pression de la
classe « d’en bas » a davantage d’impact sur la façon dont se façonne
l’ordre du monde." Cette préface nous semble mériter de figurer dans ce
bulletin parce que ce livre nous aide à comprendre le développement
historique mondial des luttes, mais aussi le déroulement et l’issue de
certaines luttes ouvrières que nous voulons étudier ou auxquelles nous
voulons participer.

Ce numéro de Prol-position publie aussi d’autres rapports sur des luttes
ouvrières.

Report on the strike at the ThyssenKrupp steelmill in Terni, Italy
(Rapport sur la grève dans l’aciérie ThyssenKrupp à Terni en Italie)
s’inspire de plusieurs entretiens avec des ouvriers. Une grève a éclaté au
début de 2004 après que la multinationale allemande ThyssenKrupp eut
menacé d’interrompre une partie de la production à Terni (Italie) et de la
faire effectuer dans d’autres usines. ThyssenKrupp s’est ensuite rétracté
puis a de nouveau annoncé la fermeture de ce département quelques mois
plus tard. Les ouvriers ont fait grève une seconde fois mais sans succès.
Striking Day Laborers in the Spanish Olive Harvest (Grève chez les
journaliers cueilleurs d’olives en Espagne) donne un aperçu général sur la
structure de l’industrie agro-alimentaire espagnole et sa main-d’œuvre
(immigrée). L’article décrit les trois fronts principaux sur lesquelles le
capital attaque : les changements concernant les allocations chômage
auxquelles ont droit les ouvriers saisonniers, la nouvelle loi sur
l’immigration, et la mécanisation croissante. Cette triple attaque
frontale a également influé sur la réalité dans un petit village près de
Cordoue (Jaen), là où les journaliers ont lutté pendant un mois en hiver
2005. Nous y avons ajouté une discussion sur la grève des cueilleurs
d’olives (Chat on the Olive Harvest Strike.).

A new kind of Strikes in France (Un nouveau type de grèves en France)
essaye de relier trois phénomènes plus ou moins concomittants : la
restructuration de l’industrie (automobile), ses effets sur les salaires
et les conditions de travail, et enfin les nouveaux types de grèves qui
mettent en évidence une « nouvelle attitude offensive des travailleurs
face aux conditions d’exploitation". La grève chez Citroën à Aulnay (près
de Paris), sert de principal exemple. More on Citroën (Quelques
informations supplémentaires sur Citroën) nous a été envoyé par un
camarade qui défend un point de vue légèrement différent sur cette grève.

Leaflet on the 35-hours law in France (Tract sur la loi sur les 35 heurs
en France) dénonce la loi « Aubry » adoptée à la fin des années 90 et qui
fut présentée par la gauche européenne comme une solution miracle contre
le chômage. On oppose fréquemment les réformes du gouvernement de droite
actuel aux prétendues lois « pro-ouvrières » de la gauche. Ce tract décrit
comment la loi Aubry a en fait permis d’accélérer la flexibilisation du
temps de travail et de réduire les salaires réels. Il montre aussi que le
gouvernement de droite actuel ne fait que marcher sur les traces du
précédent gouvernement de gauche.

Leaflet for Faty, ex-striker at Accor, France (Tract pour Faty,
ex-gréviste à l’hôtel Accor, France), appelle à une solidarité
internationale avec les grévistes de la chaîne d’hôtels française. Nous
voulons soutenir cette initiative parce qu’elle essaye de dépasser les
frontières « nationales » et linguistiques. Nous avons ajouté quelques
commentaires critiques sur l’axe principal de la campagne.

Nous avons également résumé plusieurs rapports concernant diverses luttes
étudiantes et lycéennes dans différents pays européens, Reports from
various students’ protests in different parts of Europe, (France, Italie,
Allemagne, Slovaquie) au cours des derniers mois. Les agressions
perpétrées contre les manifestations lycéennes à Paris, attaques violentes
menées par des jeunes venant des banlieues limitrophes, soulèvent des
questions politiques qui concernent non seulement la jeunesse scolarisée
et les mouvements de jeunes, mais aussi toute la situation de classe dans
les grandes zones urbaines qui subissent un taux de chômage permanent
élevé et une économie parallèle. « Dernières informations sur la situation
et les grèves dans l’industrie automobile » (Update on the situation and
strikes in the car industry ) en République tchèque, Slovaquie, Allemagne
et Italie s’inspire de la lecture de plusieurs journaux (d’extrême gauche
ou pas). La lutte chez Dräxlmaier à Brême (Allemagne) illustre bien le
pouvoir que le post-fordisme a placé entre les mains des ouvriers.

Dräxlmeier est l’un des principaux investisseurs allemand en Roumanie et
dans d’autres pays de l’Est. Les grèves sauvages qui ont éclaté chez Skoda
en République tchèque, ou chez Citroën en France (voir ce bulletin) ainsi
que les protestations spontanées à la Fiat Mirafiori en Italie contrastent
avec le silence entourant la fermeture de l’usine automobile Rover en
Grande-Bretagne.

(Texte traduit par Stéphane, de Marseille)

La revue est disponible en entier sur le Net (en anglais)

http://www.prol-position.net/ppnews/ppnews2.pdf