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Six cents millions d’enfants asiatiques dans la pauvreté et la misère

Publie le lundi 20 février 2006 par Open-Publishing

Photo d’André Bouny, 1994 : Ici, il n’y a pas de mémoire collective, il n’y a pas d’eau potable, il n’y a pas... Ici, il y a une odeur pestilentielle qui rentre dans le corps, dans l’haleine. Ici, il y a la typhoïde, la tuberculose et la lèpre.

de André Bouny

D’Est en Ouest, de Thành Phô Hô Chi Minh à Bagdad.

Thành Phô Hô Chi Minh (ancienne Saigon), mastodonte urbain - cinquante fois la superficie de Paris - se restructure lentement comme on lèche ses plaies. Des centaines de kilomètres de bidonville sur les berges des rach (arroyos) abritent une misère effroyable. Depuis de nombreuses années, les autorités s’efforcent de les résorber. En miroir, les capitaux étrangers sortent du marécage sous la forme de tours insolentes. Le sentiment local perçoit l’insulte et y trouve aussi une fierté comme la guerre se nourrit de la paix, et vice versa.

Bagdad, nourrice de notre civilisation, "se" déstructure rapidement : ceinture urbaine mitée par le fer et le feu, cœur de ville « kamikasé » retenant son souffle, pouvoir confisqué, génocide à retardement couvant dans les poussières du sol et les particules suspendues dans l’air inspiré. La misère pousse partout sur l’humus de la richesse, et vice versa. Les temps des tours insolentes viendront ?

Photo d’André Bouny, 1996 : Ici, il n’y a pas ; il n’y a pas... Ici, neuf personnes sur dix ont l’hépatite B. Ici, il y a des épidémies de peste et parfois un typhon.

D’Est en Ouest, l’Asie compte 1,27 milliard d’enfants.

Six cents millions d’entre eux vivent dans la pauvreté et la misère, soit un sur deux (source Organisation PLAN* à l’occasion de son rapport Grandir en Asie)

C’est presque la population des Etats-unis d’Amérique ajoutée à celle de l’Union européenne pour la seule Asie... La pauvreté, c’est quand on est entouré par des plus riches que soi. La misère, c’est lorsqu’on est cerné par les mêmes que soi, privé de nourriture, d’eau potable, d’accès à l’éducation, aux soins et installations sanitaires.

Parmi ces six cents millions d’enfants, trois cent-cinquante millions sont dans un état de misère absolue, ce qui signifie qu’ils n’ont pas accès à deux ou plus des besoins de base nécessaires à un enfant, deux cent-cinquante millions d’autres, pauvres, n’ont pas accès a un de ces besoins. Alors que le manque d’un seul de ces besoins met continuellement la vie en péril.

Photo d’André Bouny, décembre 2004 : visage d’un enfant qui travaille.

La moitié des familles asiatiques ne profitent pas de la croissance économique ni de la mondialisation, à cela s’ajoutent des facteurs liés aux mentalités, aux cultures, aux traditions, aux mœurs, à la discrimination, à la corruption et à la mauvaise gouvernance, selon PLAN. "L’Asie compte deux fois plus d’enfants très déshérités que l’Afrique subsaharienne et ce niveau de pauvreté infantile aura des conséquences graves sur les perspectives d’avenir de l’Asie si rien n’est fait maintenant, dit Michael Diamond, Directeur régional de PLAN pour l’Asie. Les pertes occasionnées et la disparition du potentiel qu’elles recelaient pourraient devenir l’une des pires tragédies de l’Histoire moderne. Le jugement des générations futures à notre encontre pourrait être sévère."

Il faut annuler la dette des pays du Tiers-monde de toute urgence, accroître immédiatement l’aide de la Communauté internationale et payer plus cher les biens achetés à ces pays. Les délocalisations fabriquent des chômeurs chez nous et des enfants esclaves là-bas. Il n’y a pas si longtemps, une paire de chaussures fabriquées en Asie revenait à une dizaine de centimes de Franc français(1,5 cents d’€) : matière, main d’œuvre, rendues au port. Aujourd’hui, les consommateurs d’ici, chômeurs compris, doivent débourser 100€ pour cette même paire de chaussures, tandis que là-bas un enfant attaché à la machine doit coller deux mille chaussures par jour pour un "salaire" abject qui ne lui permet pas de manger à sa faim.

Photo d’André Bouny, décembre 2004 : visage d’une enfant qui ne travaille pas. Cette fillette est parrainée par l’association D.E.F.I. Viêt Nam : elle mange à sa faim, a un toit et est scolarisée.

Le faux-rond de la Terre s’emballe.

*Ong américaine militant pour le développement international, soixante-huit ans d’existence, elle a élaboré pour 12 pays d’Asie un programme d’action sur dix ans d’un montant de un milliard de dollars. PLAN est présente au Bangladesh, au Cambodge, en Chine, en Inde, en Indonésie, au Népal, au Pakistan, aux Philippines, au Sri Lanka, en Thaïlande, au Timor oriental et au Viêt-Nam.

P.S. Le Viêt-Nam est le deuxième pays au monde à avoir ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant et le premier en Asie.

André Bouny, père d’enfants vietnamiens.