Accueil > Soljenitsyne soutient la Russie : La famine en Ukraine n’était pas un génocide

Soljenitsyne soutient la Russie : La famine en Ukraine n’était pas un génocide

Publie le samedi 5 avril 2008 par Open-Publishing
19 commentaires

La famine qui a tué des millions de paysans en URSS et principalement en Ukraine au début des années 1930 ne peut pas être qualifié de génocide et ne doit pas être politiquement instrumentalisée, a estimé la chambre basse du Parlement russe dans une résolution adoptée mercredi.

L’écrivain et ex-dissident de l’époque soviétique Alexandre Soljenitsyne, 89 ans, a apporté son soutien à cette position, jugeant dans le quotidien "Izvestia" que les appels ukrainiens à la reconnaissance d’un génocide relevaient d’"une folle fable" qui ne pouvait tromper que l’Occident.

Le texte répond aux revendications de l’Ukraine, qui accuse l’ex-URSS d’avoir sciemment provoqué la famine sur son territoire en 1932-33. La douma a voté la résolution par 370 voix contre 56, alors qu’au même moment l’OTAN se réunissait à Bucarest pour éventuellement proposer à l’Ukraine de rejoindre l’Alliance. or Moscou n’accepte pas l’élargissement à l’Est de l’OTAN, qui se rapproche ainsi de ses frontières.

Certains historiens estiment que la famine n’a été que la conséquences des politiques officielles de Joseph Staline pour éradiquer la propriété terrienne privée. L’Ukraine, considérée comme "le grenier à blé" du pays, a le plus souffert.

Le président ukrainien Viktor Iouchtchenko tente d’obtenir auprès de la communauté internationale la reconnaissance de la famine en tant que génocide. Mais pour le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, cité par l’agence de presse ITAR-Tass, cette volonté de reconnaissance du caractère génocidaire est "une affaire politique visant les intérêts russes".

Selon M. Iouchtchenko, jusqu’à dix millions d’Ukrainiens sont morts de faim en 1932-33, mais l’historien ukrainien respecté Stanislav Koultchitsky, suggère un nombre plus proche des 3,5 millions de morts. MOSCOU

http://canadianpress.google.com/art...

Messages

  • (...)Ce qui est tragique dans cette histoire, c’est qu’on s’est retrouvé à parler de génocide à propos de la famine en Ukraine (thèse qui semble donc aujourd’hui totalement démentie par les spécialistes), et que cette fable (comme le dit fort justement le farouche anticommuniste et antisoviétique Alexandre Soljenistyne) est encore aujourd’hui largement diffusée par les médias, les manuels scolaires,......et utilisée par des associations-sectes ukrainiennes de France - soutenues par des députés UMP (qui ne font pas d’histoire mais de la pure propagande anticommuniste) - pour faire pression sur une historienne comme Annie Lacroix-Riz qui ne dit pourtant pas autre chose qu’Alexandre Soljenitsyne et que bien des plus éminents spécialistes de la question. C’est avec ce genre d’affaires qu’on se rend compte qu’il ne faut surtout pas que les politiciens et les Parlements s’occupent d’histoire. L’histoire aux historiens (si possible sérieux et indépendants), pas aux politiciens qui ne sont pas qualifiés pour en parler et qui veulent juste s’en servir à des fins idéologiques ! (...)

  • Le fait que le nationaliste russe Soljenitsine soutienne cette position n’en fait pas une vérité. Je préfère, et de loin, la version de Annie Lacroix-Ritz (voir son site) qui arrive, avec d’autres chiffres à une conclusion analogue.

    CN46400

    • C’est sûr que la caution de Soljenitsyn c’est pas une référence et qu’elle aurait même tendance à servir de "repoussoir" au analyses en question.

      L’étude de Lacroix-Ruiz sur le sujet, solidement documentée mérite elle d’être prise en compte par sa rigueur et surtout par des chiffres solidement étayés.

      Le danger c’est que la prise de position de Soljenitsyn desserve la version réelle car ce sera celle-ci qui sera reprise et publiée par les médias occidentaux avec les dérives prévisibles.

      De là à dire que c’est voulu ? Je laisse juge.

      G.L.

  • SUR LA "FAMINE GÉNOCIDAIRE STALINIENNE » EN "UKRAINE EN 1933 : UNE CAMPAGNE ALLEMANDE, POLONAISE ET VATICANE
    Annie Lacroix-Riz Ukraine 1933 mise à jour d’avril 2007

    (Ce texte peut être téchargé en version compressée ICI )

    Je vous livre les documents par volume d’archives
    et ordre chronologique. En note infrapaginale figurent des explications.
    Je suis à votre disposition pour toute demande supplémentaire.
    Les étudiants qui ont reçu l’an dernier une version
    initiale de ce texte y trouveront nombre d’éléments
    nouveaux.
    Tout ce qui est entre guillemets est de la citation de document original.
    J’ai corrigé les fautes de frappe des textes originaux (pour
    renoncer à des (sic) trop nombreux).

    La gigantesque campagne de presse (et autre propagande) de 1933 sur « la
    grande famine » d’Ukraine est, si l’on se fie aux fonds
    du Quai d’Orsay, un bobard lancé
    1° pour préparer l’« alliance » polono-allemande
    de janvier 1934 (Varsovie et Berlin se font des politesses à propos
    de l’Ukraine que le Reich promet aux Polonais, « en échange
    du corridor de Dantzig », supercherie dont Berlin a déjà usé dans
    les années vingt) et
    2°, objectif allemand essentiel, pour
    empêcher la réalisation l’alliance franco-soviétique
    qui se dessine depuis le retour d’Herriot au poste conjoint de
    Président du Conseil et de Ministre des Affaires étrangères
    (juin-décembre 1932). Les fonds publiés du Foreign Office « sur
    l’Ukraine et la grande famine de 1932-1933 » autorisent une
    interprétation similaire sur le sens de politique extérieure
    de l’opération de propagande de 1933 : le « mémorandum
    de Ponsonby Moore Crosthwaite sur l’histoire de l’Ukraine
    et ses relations avec la Pologne et la Russie, 11 décembre 1933 » est
    aussi clair que la correspondance du Quai d’Orsay citée ci-dessous.

    Le Vatican, qui hait la Pologne, catholique certes, mais pillarde de
    territoires allemands, signe en juillet 1933 le Concordat du Reich qui
    prévoit, entre autres clauses secrètes, l’occupation
    commune de l’Ukraine. On comprend ainsi mieux le rôle, particulièrement
    actif, de la Curie romaine et l’utilisation dans l’opération
    ukrainienne de son instrument favori de l’expansion allemande à l’Est
    (notamment pour l’Anschluss et la liquidation de la Tchécoslovaquie),
    l’Allemand des Sudètes, par ailleurs cardinal (1933) archevêque
    de Vienne (1932), Innitzer .
    L’URSS a connu en 1932-1933 une sérieuse disette conduisant à un
    strict renforcement du rationnement, pas une famine et en tout cas pas
    une famine à « six millions de morts », chiffre (scandaleux
    sur le plan méthodologique en particulier) lancé ces dernières
    années par le démographe Alain Blum, question examinée
    plus loin (sur le traitement universitaire récent de la question
    en France, mise au point dans la 3e partie du présent dossier).
    Les développements ci-dessous relatifs aux ambitions affichées
    par le Reich en 1933 à propos de l’Ukraine (programme de
    conquête antérieur à 1914, et donc non spécifique
    du programme impérialiste nazi ) infirment, comme ceux du recueil
    que j’ai constitué sur l’armée rouge en 1937-1938,
    la thèse des dangers extérieurs instrumentalisés
    par Staline contre ses ennemis « imaginés » ou purement
    et simplement inventés.

    CAMPAGNE GERMANO-VATICANE ET UKRAINIENNE SUR LA FAMINE EN UKRAINE, 1932-1933


    Britanniques et Français ne voient pas la même chose que
    les Allemands et les Italiens, au motif que, exposent les tenants de
    la thèse de la famine, les premiers auraient « choisi de
    ne pas voir » originalité dans la correspondance diplomatique
    dont n’existerait aucun équivalent, autant que j’en
    puisse juger par près de trente ans de fréquentations régulières
    de ces fonds.



    FONDS DU FOREIGN OFFICE

    URSS 1918-40, VOL. 1036, SITUATION ÉCONOMIQUE, 3 AOÛT 1932-18
    JANVIER 1940, ARCHIVES DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
    (MAE)

    339 folios [classement par volume, paginé] et voir infra la correspondance
    de 1933 du colonel Mendras, attaché militaire, fonds SHAT)

    Copie du « correspondant particulier » à Berlin articles
    de Renaissance

    Copie de l’article de Renaissance 17 août 1932, « Famine
    et chaos (Rapports de Consuls allemands) », 4-7, 4 p. [la France
    a une ambassade à Moscou, comme la Grande-Bretagne, qui a également
    un consulat à Leningrad , mais pas de multiples consulats en URSS, à l’inverse
    des Italiens et des Allemands : les sources sur la famine sont donc germano-italiennes
    et, on le verra, proviennent d’associations ukrainiennes émigrées
    séparatistes financées par le Reich, d’Ukrainiens émigrés,
    parfois depuis l’avant-guerre, etc., comme l’attestent les
    courriers du Quai d’Orsay cités plus loin]
    Descriptif apocalyptique de la « situation dans le midi de la Russie
    Région de Kharkov
    […] menacée de famine […] la situation du Donetz […]
    est catastrophique […] pas de savon […] L’instabilité de
    la main-d’œuvre arrête tout travail productif. » 1. « La
    situation des ouvriers et ingénieurs allemands est alarmante et
    ils supplient de les rapatrier. » Idem à Odessa. « La
    plupart des habitants n’ont pas de chaussures ; […] Les denrées
    manquent partout. […] la moisson se fait mal », tout même
    eau, 3, et sq. « Les consuls [allemands] affirment que le Gouvernement
    soviétique va, dans très peu de temps, être insolvable. » 4

    Copie de l’article de Renaissance du 16 août 1932, « Réclamation
    de M. Gosser à l’Intourist deux semaines dans les prisons
    du Guépéou) », 4-7, 4 p.

    Lettre 171 de Dejean, ambassadeur de France à Moscou , au président
    du Conseil-ministre des Affaires étrangères Édouard
    Herriot, Moscou, 13 septembre 1932, 10, 2 p.

    Sur « la gravité de la crise alimentaire », 1, et
    statut privilégié des diplomates, travailleurs et journalistes étrangers,
    1-2

    tous rapports sur situation catastrophique

    Télégramme 971-2 de Beaumarchais, ambassadeur à Rome,
    11 octobre 1932, ronéoté, 14-15
    Cf. ma « conversation » d’aujourd’hui avec « M.
    Mussolini m’a dit aujourd’hui […] que la situation économique
    de l’URSS était inquiétante : le plan quinquennal
    avait notoirement échoué », etc. 1, sq.

    copie sans numéro de la lettre de Dejean au président
    du Conseil-ministre des Affaires étrangères, Édouard
    Herriot, Moscou, 5 décembre 1932, 18-21, 4 p.
    « 
    a.s. de la soif de devises du Gouvernement soviétique »

    Lettre 1165 d’André François-Poncet, ambassadeur
    en Allemagne , au ministre des Affaires étrangères Paul-Boncour,
    Berlin, 22 décembre 1932, 22-28, 7 p.
    Dans la presse allemande sur la Russie (en italique, noms de journaux) « Il
    n’est question que de crises ; crise de la production industrielle
    et surtout agricole, crise du ravitaillement, crise de l’approvisionnement
    en devises, indispensables au paiement des commandes passées à l’étranger,
    crise enfin (2) de l’armée rouge elle-même. » cf.
    Vossischezeitung, 3, Berliner Tageblatt, 3-4, sur « des révoltes
    chroniques […] au Kouban », car « la résistance
    des populations cosaques au système collectif d’exploitation
    agraire […] c’est cette indolence et non pas les quelques
    groupes de koulaks du Kouban ou d’ailleurs qui est la véritable
    ennemie du bolchevisme, comme elle avait été d’ailleurs
    celle de tout progrès au temps du régime bourgeois. » 4,
    et litanie continue, 4 sq. cf. la Vossischezeitung , 5, Deutsche Allgemeine
    Zeitung, 5-6, notamment sur crise armée rouge où « les
    courants dits “d’opposition de droite” y ont fait des
    progrès sensibles », mais « à la frontière
    mandchoue […] cette partie de l’armée soviétique,
    grâce à son éloignement de Moscou, aura pu échapper à toute
    contagion.” »
    Confirmé par l’attaché militaire auprès de
    l’ambassade Japon à Berlin « qui, ayant eu l’occasion
    de traverser la Sibérie, il y a quelques mois, a constaté parmi
    les troupes rouges mobilisées […] un état d’esprit
    excellent et même, selon son expression, enthousiaste. » 7,
    et même confirmation sur mauvais état d’esprit armée
    rouge en Europe (6) par un Français « qui vient de faire
    un séjour en Allemagne et dans l’Est européen […].
    D’après lui, l’armée prendrait en Russie une importance
    sans cesse croissante » et « manifesterait des tendance de
    plus en plus marquées à prendre les allures et surtout
    l’état d’esprit d’une garde prétorienne. L’influence
    de certains de ses chefs tels que Vorochilov, Blücher, Toukhatchevski
    y serait considérable et causerait de l’inquiétude
    au gouvernement de Staline. Le mécontentement des troupes dû à l’insuffisance
    du ravitaillement augmenterait le fossé qui s’est creusé entre
    militaires et civils. […]
    La même personne m’a assuré d’autre part que les tendances
    subversives observées dans l’Armée rouge étaient
    encouragées par la Reichswehr. Celle-ci inquiète de la
    croissance du mouvement communiste en Allemagne, ne verrait pas d’un
    mauvais œil que l’État-major fît un coup d’État,
    qui débarrasserait la Russie du gouvernement actuel et de l’influence
    toute puissante de l’Internationale communiste. » Il convient
    de faire « les réserves » nécessaires sur « pareilles
    informations ». 7

    Lettre 2 de Dejean à Paul-Boncour, Moscou, 3 janvier 1933, 1932-1934,
    5 p.

    « 
    La crise du ravitaillement en URSS […] de plus en plus aiguë »,
    1, baisse des livraisons de céréales à l’État
    au 1er novembre 1932, fixées à 20,5 millions, seulement
    11,4, 1 ; énormes exportations en 1930-31, en valeur 19,9 et 19,4%
    total des exportations, d’où « de sévères
    restrictions pour le marché intérieur. » en 1932, à la
    fois « une aggravation du rationnement de la population soviétique » et « une
    considérable diminution des exportations », 1,3 million
    tonnes pour 10 premiers mois de 1932, contre 4,2 millions pour 10 premiers
    mois de 31, 2, cf. chiffres détaillés, 2-3, bref il s’agit
    d’« un véritable effondrement, notamment pour le blé et
    pour l’avoine » sauf maïs, et en 1932, importation de
    céréales de 137 145 tonnes accélérée
    en septembre-octobre où d’ordinaire l’exportation constitue « un
    appoint considérable pour la balance commerciale soviétique. »,
    3, et aggravation du rationnement de la population cf. ordonnances des
    4 et 16 décembre 1932, et population livrée au marché libre
    où prix « exorbitants », 4, et ordonnance 27 décembre
    augmentant « la pression d’un système de contrôle
    administratif et policier dont le but avoué est d’évacuer
    des villes une partie de la population » : rétablissement
    du système des « passeports individuels qui avait été aboli
    au début de la révolution en tant que “méthode
    policière destinée à opprimer les masses laborieuses”. » sans
    doute l’évacuation a-t-elle lieu « dans les camps
    de concentration du Nord de la Russie ou les vastes étendues de
    la Sibérie. » 5 [Dejean ne fournit sur ce point aucune information].

    Lettre 17 de Dejean à Paul-Boncour, Moscou, 17 janvier 1933,
    47-51, 9 p.
    Dejean dénonce (selon son habitude) « les conséquences
    funestes d’une politique effrénée de collectivisation
    agricole ».

    Lettre 17 du ministre de France en Finlande, Helsingfors, 11 février
    1933, 60-61, 4 p.
    Témoignage de l’ingénieur américain Henning
    Rowsing, « d’origine suédoise » de retour aux États-Unis
    via Scandinavie « après deux années de séjour
    en Russie », au journal Hufvudstadsbladet, 1, sur « le manque
    de vivres et, en général, des objets nécessaires à l’existence.
    […] il n’y a vraiment bon marché que le pain qui, avec des
    concombres, et arrosé de kvass, forme presque l’unique nourriture
    du peuple. » Manque de tissus et chaussures ; « mauvais état
    des lignes, manque de locomotives et de wagons » et problème
    du logement « dans les (2) grandes villes dont la population a
    beaucoup augmenté » 3,5 millions habitants à Leningrad,
    plus à Moscou.
    « 
    […] on ne peut nier que le régime n’ait fait faire
    au pays d’appréciables progrès, notamment au point
    de vue de l’instruction publique. Les écoles se sont multipliées,
    il y a peu d’illettrés complets dans la jeune génération
     : les théâtres et autres locaux de plaisir ou d’art
    sont toujours remplis, et surprennent par leur éclat. De nombreux
    bains publics ont été ouverts. La propreté des villes
    s’est aussi fort améliorée, mais les transports publics
    urbains, tout comme les chemins de fer, laissent encore beaucoup à désirer.

    […] l’ingénieur américain a paru vouloir se
    garder de toute appréciation sortant de la pure objectivité,
    et de nature à lui interdire un retour éventuel au paradis
    soviétique. Il n’a pas un mot de commisération pour
    les innombrables habitants des villes dont le refus de passeport fait,
    ipso facto, des hors la loi. Il ne dit (3) rien des transports vers les
    régions nordiques de populations entières du Sud de la
    Russie, de ce brassage systématique de races auquel paraît
    procéder en ce moment le Gouvernement soviétique, ni de
    cette reprise de déportations des paysans d’Ingrie qui inquiète
    et indigne depuis quelque temps leurs frères de Finlande. » et « aucune
    réflexion […] non plus » du journal. 4

    Lettre 75 de Dejean à Paul-Boncour, Moscou, 15 mars 1933, 46,
    2 p.
    Multiplication des queues dans les grandes villes depuis l’ouverture
    début mars 1933 de « boutiques » pour la vente de
    pain et viande sans carte alimentation, à des prix « voisins
    de ceux du marché libre », 1, « cortèges longs
    de 150 à 200 mètres […] dès 5 heures du matin. »
    Mais la situation est bien pire encore en Ukraine où « sévit
    actuellement la plus effroyable disette. On peut parler de véritable
    famine pour les districts ruraux. » et de « pénurie
    des denrées les plus essentielles » dans grandes villes
    comme Kharkov et Kiev. « Depuis l’automne dernier, les prix
    du marché libre ont monté de 100 à 150%. […]
    Des cas de cannibalisme ont même été signalés
    par les Consulats d’Allemagne et d’Italie. » 2

    Lettre 93 de Dejean à Paul-Boncour, Moscou, 12 avril 1933, 62-3,
    3 p.
    « 
    Des rapports alarmants » sont envoyés par les consulats
    allemands « sur la crise alimentaire qui sévit particulièrement
    en Ukraine, dans le bassin de la Volga et dans le Nord-Caucase. De nombreux
    districts seraient réduits à une véritable famine. » « ravitaillement
    […] de plus en plus difficile » à Kiev, Kharkov, Odessa
    et pénurie « même les magasins du Torgsin » [d’État]
    où achats contre or, argent et devises. « Harassée
    par les privations et décimée par la maladie, la population
    ne donnerait aucun signe de réaction. » On constate une
    situation d’« abondance » par comparaison à « Moscou
    et Leningrad » où pour « les ouvriers et employés »,
    1, sont maintenus « des prix abordables dans les coopératives ».
    Mais les prix sont exorbitants pour « toute quantité supplémentaire » au
    rationnement. Et « réapparition du chômage […]
    depuis quelques mois » avec perte consécutive de la « carte
    d’alimentation ». La presse soviétique est optimiste, « Mais,
    d’après les rapports circonstanciés reçus par l’Ambassade
    d’Allemagne, l’état des travaux agricoles serait déplorable,
    non seulement à cause de la (2) désorganisation des exploitations
    agricoles, mais encore du fait qu’il n’y a pas de semences, que
    le nombre des chevaux de labour a diminué d’une façon considérable
    et qu’enfin environ 75% des tracteurs sont hors d’usage » d’où prévision
    d’une récolte « pire encore que celle de 1932. »

    Krestinski, commissaire adjoint aux Affaires étrangères,
    m’a dit qu’on allait « envoyer dans les stations de
    tracteurs, 60% des jeunes gens qui suivaient des cours préparatoires
    aux examens diplomatiques et consulaires. “C’est que nous
    vivons en temps de guerre”, a ajouté ce haut fonctionnaire.
    Il y a cependant lieu de douter que la science marxiste puisse remplacer
    le labeur des paysans arrachés à leurs exploitations par
    l’offensive effrénée de la collectivisation. » (3)

    Lettre 117 de Dejean à Paul-Boncour, Moscou, 3 mai 1933, 64-5,
    3 p.
    Extension du système des passeports en URSS, cf. détails
    sur la nouvelle ordonnance du 28 avril l’étendant à une
    série de villes (après Moscou, Leningrad et Kharkov), « ainsi
    qu’à une zone de 100 km, considérée comme
    zone de sécurité, le long de la frontière occidentale
    de l’URSS. » 2

    Lettre 459 d’André Corbin, ambassadeur à Londres, à Paul-Boncour,
    Londres, 25 juin 1933, 66, 2 p.
    Publication par le Times du 12 juin de la lettre de Sabline, président
    du comité d’assistance aux réfugiés russes,
    ancien chargé d’affaires de la Russie (tsariste) à Londres,
    sur « la famine […] en Ukraine, en Arménie et dans
    d’autres provinces […] menace d’être plus grave
    encore qu’en 1921 » ; mais pas d’appel du gouvernement
    soviétique « à l’aide des Puissances étrangères » car
    ce serait un aveu public « échec de sa politique agraire. » et
    confirmé par lettre de Kerensky de ce matin, 1, « en ajoutant
    certains détails », joint, lettre de Kerensky, « The
    State of Russia ».

    « Bureau de presse ukrainien à Bruxelles », août
    1933, ronéoté, 68 (parties en italique soulignées
    dans le texte)

    [les « sources » ukrainiennes séparatistes sur la « famine » citées
    ici et ci-dessous ont constitué l’essentiel de la matière
    des courriers publiés du Foreign Office ]
    « 
    L’Ukraine sous le joug de Moscou »
    « 
    Les horreurs de la famine de Ukraine », atroce « La misère
    est si grande que les hommes mangent les hommes. C’est ainsi que nous
    a arrangés le plan quinquennal.
    La famine est due aux agissements des Moscovites », etc. « Toutes
    les mesures sont prises par les Soviets pour enlever, manu militari,
    aux paysans de l’Ukraine, les céréales, et les expédier
    en Moscovie ou à l’étranger. » d’où énorme
    solidarité des « Ukrainiens se trouvant hors de l’URSS
    […] Des comités de secours se sont constitués à Lwow
    , à Prague et dans d’autres endroits de l’Europe.
    L’épiscopat gréco-catholique ukrainien adresse une
    lettre “à tous les gens de bonne volonté” pour
    protester contre l’extermination par les bolchevistes “des
    petits et des miséreux, des faibles et des innocents”, et
    pour implorer l’aide pour l’Ukraine. Une Croix-Rouge ukrainienne
    est en voie d’organisation, une aide internationale à l’Ukraine
    est envisagée. »

    Brochure de l’Association financière industrielle et commerciale
    russe , 3 rue Nicolo, Paris, « Collectivisation du village en URSS »,
    69-83, 29 p.
    Vision d’horreur, ainsi conclue : « Si le plan des communistes
    est réalisable, Staline obtiendra sous forme de blé l’arme
    la plus puissante pour l’attaque contre le monde capitaliste. » 29

    Télégramme 1472 de François-Poncet, ambassadeur à Berlin, à Paul-Boncour,
    Berlin, 18 août 1933, 2 p., 84-85
    Le Völkische Beobachter du 18 août publie « sur la première
    page […] des photographies représentant des sujets russes
    réduits à l’état de squelettes » dans
    un article intitulé « Véritable visage de la Russie
    des Soviets – de quoi Hitler a sauvé l’Allemagne. »
    + « un article » p. 1 « consacré à l’enfer
    de la famine dans la Russie des Soviets » glose sur famine pire
    qu’en 1921-22, et sur l’insupportable plan quinquennal et
    son échec dans cet ancien « grenier de l’Europe »,
    1, etc.

    Télégramme de Charles-Roux, ambassadeur auprès
    du Saint-Siège, très confidentiel, copie ronéotée
    sans numéro, Rome, 25 août 1933, 86, 1 p.
    Charles-Roux a demandé des explications à Mgr d’Herbigny
    sur « l’appel » du cardinal archevêque de Vienne
    Innitzer « à la charité publique pour secourir les
    victimes de la famine en Ukraine et au Caucase […].
    Les Allemands auraient suggéré au Pape de lancer lui-même
    cet appel en l’adressant à toute la catholicité.
    Le Souverain Pontife aurait refusé, pour ne pas s’exposer
    au reproche de faire cause commune avec les Hitlériens contre
    le communisme. Mais il aurait laissé les évêques
    libres, en chaque pays, d’agir à leur guise . En Allemagne
    se serait alors organisée une entreprise de secours matériels
    pour les Allemands de Russie ; en Galicie orientale, les Polonais en auraient
    fait autant pour les Ukrainiens d’Ukraine. Enfin le Cardinal Innitzer
    aurait pris, à Vienne, l’initiative moins limitée
    qui vient d’être annoncée.

    J’ai demandé à Mgr d’Herbigny si le Cardinal Innitzer
    s’y était décidé d’accord avec le Saint-Siège.
    Il m’a répondu que non.
    Cela me paraît difficilement admissible. Il me semble peu probable
    qu’un membre du Sacré Collège ait pris sur lui de
    lancer un appel à la charité en suggérant une organisation
    internationale de secours par les soins de la Croix-Rouge et faisant
    allusion à des conditions à poser au Gouvernement russe. »

    Lettre 335 de Charles-Roux au ministre des Affaires étrangères,
    Rome, 28 août 1933, 87-8, 3 p.
    Article d’Innitzer publié dans l’Osservatore Romano
    du 24 août, et l’Osservatore Romano du 23 août « avait
    donné déjà des informations alarmantes sur la famine
    en Russie » avec des détails sur la cannibalisme, etc. « Toujours
    d’après ces mêmes renseignements » d’abord publiés
    par l’Écho de la Bourse de Bruxelles, « empreints
    d’une certaine exagération, à en juger par les intéressants
    rapports de notre Ambassadeur à Moscou, plus du tiers de la population
    de l’Ukraine aurait succombé à la faim, et, pour
    que les survivants puissent subsister, 15 à 20 pour cent de la
    population devait encore disparaître. »
    Cf. glose d’Innitzer dans son appel sur cannibalisme, et appel à la
    Croix-Rouge internationale « mais […] aussi adressé à tous
    ceux qui négocient aujourd’hui en vue de nouer des relations économiques
    avec l’Union Soviétique […] afin que soit maintenu
    le principe de faire dépendre ces négociations d’un éclaircissement
    (chiarificazione) général sur la nécessité de
    venir en aide aux diverses régions de la Russie et de l’acceptation
    par l’Union Soviétique de ladite clause humanitaire.” »
    Le Vatican soutient la thèse de sa non initiative auprès
    d’Innitzer, mais Charles-Roux la juge « peu plausible » :
    Innitzer s’est « au moins concerté avec le Saint-Siège
    avant d’émettre des propositions telles que la demande d’un “éclaircissement
    général” sur les causes et l’étendue
    de la famine. Cela signifie sans doute une “enquête générale” sur
    la situation économique de la Russie. » 2

    Bref, « il est vraisemblable que les nouvelles précisions
    qu’il a données sur la famine en Russie, comme celles d’ailleurs
    figurant dans l’Écho de la Bourse, dans l’Osservatore
    ou dans La Croix , ont été puisées au service des
    Affaires russes du Vatican. »
    PS. « La Croix du 22 août en publiant un court résumé » de
    l’appel d’Innitzer, « avait donné cette information
    supplémentaire, qui ne figure pas dans le journal pontifical : “ le
    Cardinal Innitzer annonce la création à Vienne d’un
    comité de secours interprofessionnel sous son patronage”. » 3

    Août 1933, « Note sur les caractères généraux
    et la situation présente de l’économie soviétique »,
    ronéoté, 89-150, 52 p. + tableaux

    Télégramme de Rome Vatican, 1er septembre 1933, 1 p. 151
    Sur d’Herbigny, etc. « M. Charles-Roux pense que le Cardinal de
    Vienne a agi d’accord avec le Saint-Siège. »

    Lettre 267 de Charles Alphand, ambassadeur à Moscou, à Paul-Boncour,
    Moscou, 13 septembre 1933, 152-5, 7 p.

    « 
    Invité officiellement par le Gouvernement soviétique à participer
    au voyage » d’Herriot au Sud URSS, « six jours en Ukraine
    et dans le Caucase du Nord […].
    Ce voyage fut […] l’occasion de manifestations les plus flatteuses à l’égard
    de la France. » qui a reçu les applaudissements unanimes
    de la foule soviétique partout, « sans […] jamais
    remarquer une note discordante. » 1 « Le fait seul qu’on
    les ait permises ou même provoquées montre le souci des
    Gouvernants de marquer leur désir de rapprochement avec la France.
    Nous avons visité, outre les musées et les anciens monuments,
    le plus grand nombre possible d’usines et d’exploitations
    agricoles. » Alphand émerveillé par « le Dnieprostroï » où se
    trouve désormais « l’usine hydroélectrique
    la plus importante d’Europe. Sur une steppe russe il y a quatre
    ans, s’élève aujourd’hui une ville de 150 000 habitants,
    dont 40 000 ouvriers. » L’ambassadeur fournit ensuite des
    détails sur ses activités ; sauf pour l’aluminium
    (1/6 « du plan prévu »), les usines sont encore en
    phase d’équipement et la production n’atteindra son « plein
    rendement que dans trois ou quatre ans, d’après les techniciens
    que j’ai pu approcher. » Visite des usines de panification à Kiev,
    de turbines et tracteurs à Kharkov, machines agricoles, cf. faucheuses-batteuses à Rostov,
    roulements à billes et moteurs à Moscou. « En rapprochant
    ces constatations des renseignements déjà fournis au Département
    sur les industries formidables de l’Oural (Magnitogorsk et Kouznietsk),
    sur les projets hydroélectriques de la Volga et de la Sibérie,
    sur les usines de Gorki et de Leningrad, on voit l’effort industriel énorme
    du Gouvernement des Soviets. Étant donnée la situation
    particulière de l’URSS, seul pays du monde qui soit en progression,
    ce développement ne peut nuire aux industries (2) européennes
    qu’en leur fermant le marché russe, car les facultés
    d’absorption de ce marché sont si grandes qu’il se
    passera 50 ou même 100 ans avant que les Soviets atteignent le
    point de prospérité les obligeant à déverser à l’étranger
    un surplus de production qu’ils n’absorberaient pas eux-mêmes. » Mais
    maintien d’« un grave problème […], celui des
    transports » : insuffisance du « réseau ferroviaire
    et routier […]. C’est dans cette voie […] que nous
    pourrions envisager une collaboration franco-soviétique.
    En dehors de la question industrielle, une impression se dégage
    d’un voyage en URSS, celle d’un effort dans la construction
    de logements pour une population qui en dix ans s’augmente de la
    population de la France. À Moscou comme à Leningrad de
    grandes maisons ouvrières s’élèvent à vue
    d’œil presque dans chaque rue, mais la réussite la
    plus grande au point de vue de l’urbanisme se fait jour à Kharkov
    où en quatre ans une ville entière d’aspect nettement
    américain s’est édifiée à côté de
    la ville ancienne.
    Enfin une des parties les plus importantes de notre tournée a été la
    visite des organisations soviétiques en Ukraine et dans le Caucase
    du Nord, le centre même des territoires où, d’après
    les récentes campagnes de presse, régnait une famine comparable à celle
    de 1922.
    Vous verrez, m’avait-on dit, qu’au dernier (3) moment cette
    partie du voyage sera supprimée ; on ne vous conduira pas dans
    cet enfer de la misère. Pour nous faire rencontrer à Moscou
    M. Molotov, qui partait en congé, on a supprimé du programme
    l’excursion de Crimée qui présentait un caractère
    plus particulièrement touristique ; le voyage en Ukraine s’est
    déroulé normalement. Nous avons traversé de part
    en part, dans les deux sens, en chemin de fer, cet immense champ de céréales
    aux cultures interrompues à perte de vue, à l’humus
    noir épais où l’engrais est inutile. Nous avons, à 60
    et 70 km des villes, visité des kolkhoz et un sovkhoz, et nous
    en revenons avec l’impression très nette de la fausseté des
    nouvelles répandues dans la presse et la conviction que j’esquissais
    dans ma correspondance d’une campagne inspirée par l’Allemagne
    et les Russes blancs désireux de s’opposer au rapprochement
    franco-soviétique.

    Avant de parcourir ce pays, j’ai pu moi-même me faire l’écho
    de ces racontars colportés par les ennemis du régime, j’ai
    aujourd’hui la certitude de leur exagération.
    Sans doute, nous dira-t-on, les Slaves, depuis Potemkine , ont un sens
    merveilleux de la mise en scène, on ne vous a montré que
    ce qu’on voulait que vous vissiez, comment voulez-vous, dans une
    excursion d’une semaine, ne parlant pas le russe, vous rendre compte
    de l’état d’une contrée d’une aussi vaste étendue ?
    Nous avons néanmoins regardé par les fenêtres durant
    ce trajet de plus de 3 000 km, on n’a pas pu entièrement
    truquer la population qui nous a paru en meilleur état physique
    et d’habillement que celle des villes du Nord d’où nous
    venions. Notre auto a manqué d’écraser des poules
    de plus de quatre mois ; nous avons aperçu l’étendue
    de ces champs qui viennent de donner une récolte que tous s’accordent à trouver
    exceptionnelle. Si vraiment des millions d’hommes étaient
    (4) morts de faim dans ces contrées, les malheureux eussent mangé leurs
    poules avant de songer à se nourrir de cadavres. Il eût
    fallu des millions de soldats pour les empêcher de manger les semences.
    Que disent à ce sujet les autorités que nous avons interrogées ?
    L’an dernier a eu lieu en effet un épisode des plus graves
    de la Révolution pour l’application du régime collectiviste à l’agriculture.
    Dans ces régions particulièrement riches, nous avons eu à lutter
    contre les paysans riches qui ne cultivent pas eux-mêmes leurs
    terres mais utilisent des salariés ; contre ces koulaks plus ou
    moins ouvertement soutenus par l’Allemagne qui mène en Ukraine
    sa campagne séparatiste. Dans l’espoir de troubles graves, ces éléments
    contre-révolutionnaires sont tentés de susciter la grève
    des bras croisés.
    Il en est résulté une diminution de la production des céréales
    qui à un moment a menacé sérieusement Moscou et
    a entraîné non seulement de graves difficultés dans
    les régions où le sabotage de la récolte avait été organisé,
    mais encore l’obligation de restrictions importantes dans les distributions
    de vivres. On a eu faim, c’est hors de doute. Mais par une action énergique
    du pouvoir central, action combinée de la police et des éléments
    politiques communistes, grâce à certaines concessions données à l’intérêt
    personnel (propriété d’une vache et des produits
    des jardins), la situation a pu être rétablie durant ces
    derniers mois et Staline, selon un mot de Radek , […] a gagné sa
    bataille de la Marne agraire.
    Deux exemples typiques de cette campagne (5) et des difficultés
    […] nous ont été données par M. Kalinine que
    nous interrogions sur cette grave question de la famine. » Il nous
    a donné l’exemple de la commune de Tver « qui porte
    aujourd’hui mon nom, il y a trois kolhozes. Le premier a fort bien travaillé,
    a fait une bonne récolte et ses membres ont touché de bons
    bénéfices ; le second a joint les deux bouts ; mais le troisième,
    sous l’impulsion de nos adversaires, a saboté la récolte
    et ses adhérents ont risqué de mourir de faim. Sur ma demande,
    le Gouvernement leur a fait parvenir du secours. Je me suis, de ce fait,
    attiré l’animosité des deux autres kolhozes qui pensaient
    que ce n’était guère la peine de se donner du mal
    si, en ne faisant rien, on obtenait néanmoins sa subsistance.
    […] le second exemple de M. Kalinine est le suivant : l’an
    dernier on a manqué de lait à Moscou en en restreignant
    néanmoins la distribution aux enfants et aux ouvriers employés à des
    travaux nocifs. Or la personne chargée de la distribution du lait était
    précisément le gros négociant d’avant-guerre
    qui assurait le même service sous le régime tsariste. Le
    Président Kalinine fit appeler ce fonctionnaire pour lui demander
    comment avec une quantité double de lait il n’arrivait pas à fournir
    les catégories restreintes ci-dessus indiquées. L’intéressé n’eut
    pas de peine à lui montrer que la quantité était
    aujourd’hui insuffisante parce qu’auparavant le lait était
    le privilège de la classe noble et riche de Moscou.

    Augmentation considérable des besoins, résistance politique
    d’éléments réactionnaires, telles sont les
    causes du (6) déséquilibre qui révolte nos esprits
    occidentaux mais qui paraissent naturels à l’esprit slave
    fataliste qui, peu soucieux des intérêts immédiats
    individualistes, reste tendu sur l’accomplissement du large programme
    qu’il s’est assigné. » 7

    Documents de propagande de la Fédération européenne
    des Ukrainiens de l’étranger, transmis par lettre du secrétaire
    général et du secrétaire au ministre des Affaires étrangères
    français, Bruxelles, 27 septembre 1933, 1 p., 156
    « 
    Mémorandum sur la famine en Ukraine », 157-9, 3 p.
    sur l’extermination de la population ukrainienne, et les conditions à imposer à URSS
    pour l’octroi de tout secours, la liberté totale d’intervention
    pour les missions de secours , 3

    Bulletin du bureau de presse ukrainien, 42 rue Denfert-Rochereau, 28
    septembre 1933, 160-6, 7 p., ronéoté.
    cite notamment « deux articles » de Mlle Suzanne Bertillon
    dans Le Matin sur « la tragédie de l’Ukraine […]
    a pu interviewer de simples paysans ukrainiens notamment Martha Stebalo
    et son mari » couple expatrié depuis 1913 et établi
    aux États-Unis mais dont la famille serait en Ukraine , etc.,
    1, développement sur leur voyage en Ukraine en 1932, 1-2, où ils
    ont vu s’accumuler les « morts de faim », etc. La famine
    est organisée par les « autorités […] les plus
    acharnées à nous détruire. On veut nous faire périr,
    c’est une famine organisée. La moisson n’a jamais été aussi
    belle, mais il nous est interdit d’y toucher. Si nous sommes surpris
    coupant quelques épis c’est la geôle ou la fusillade,
    et dans la geôle, au bout de trois semaines, on meurt d’inanition
    […] des scènes épouvantables, elle parle de l’acharnement
    avec lequel les affamés se jettent sur la nourriture, des cris
    des enfant que la faim empêche de dormir. Elle cite également
    des cas de la folie et d’anthropophagie… » 2

    cite article du Journal de Genève “L’Ukraine point
    névralgique” sur le « calvaire » des paysans
    ukrainiens, 3, « […] le régime soviétique ne
    s’appuie plus en Ukraine que sur le Guépéou et les
    baïonnettes. Les communistes eux-mêmes se sont tournés
    contre lui. » etc.
    cite articles sur Ukraine « de nombreux journaux suisses, allemands,
    anglais, belges et autres » et même « certains journaux
    français » Journal des Débats, Dépêche
    Toulouse, Matin, Ordre, et cite Pierre Veber dans le Candide du 14 septembre
    qui veut faire intervenir la SDN, et tonne contre « les journaux
    qui rapportent ces horreurs nous montrent, en première page, la
    signature des traités franco-et italo-soviétiques ! » et
    glose sur « notre monde “qui se prétend civilisé” » et
    son “pharisaisme (sic)”, 4
    cite les articles du docteur Ewald Ammende, secrétaire du congrès
    des minorités nationales, de Vienne, dans la Reichspost et dans
    journal ukrainien Dilo de Lwow, et même glose.
    Cite l’appel d’Innitzer sur « des centaines de milliers,
    des millions même, d’êtres humains sont morts de faim » en « ces
    quelques derniers mois, en Russie des Soviets », témoignages « dont
    la véracité ne peut être mise en doute », etc.
    et il « cite l’appel du Métropolite Szepticky, le
    mémorandum du docteur Ewald Ammende, 5, etc., et les interventions
    d’Innitzer sur le silence impossible « au moment même
    où les populations de l’URSS sont en proie à la famine
    et de ses conséquences : infanticide et cannibalisme » et « lance
    un appel ardent au monde civilisé pour organiser un secours aux
    affamés et avant tout au comité international e la Croix-Rouge.
    Cette démarche du cardinal Innitzer a produit une grande impression
    parmi tous les Ukrainiens profondément touchés […] »
    Cite appel Église gréco-catholique ukrainienne, signé de
    Szepticky « et tous les évêques » de ce clergé.

    Cite appel Haut conseil réfugiés ukrainiens et création
    comité international secours à Ukraine, etc., 6
    Et glose sur initiative des « Ukrainiens de Galicie », « manifestation
    ukrainienne à Cernauti en Roumanie » prévue 28 août,
    mais empêchée par autorités « craignant une
    protestation du côté de l’URSS »
    Comité secours Prague et Bruxelles
    « 
    congrès européen des minorités et la famine en Ukraine »,
    7

    Télégramme 814-6 de Massigli, représentant de la
    France à la SDN, Genève, 29 septembre 1933, ronéoté,
    167-9, 3 p.
    Le délégué norvégien à SDN Mowinckel
    (président du Conseil de la SDN) évoque les pétitions
    reçues « d’organisations ukrainiennes de Pologne,
    des États-Unis et du Canada » et « d’organisations
    charitables […] sur la famine en Ukraine » ; mais il ne veut
    pas « inscrire la question à l’ordre du jour sans
    y être préalablement autorisé par une décision
    du Conseil » ; le conseil a été réuni « en
    séance secrète » ; il « n’a pas dissimulé les
    difficultés (1) de l’entreprise […] et il a confessé que
    Mme Kollontay qu’il avait rencontrée à Oslo niait
    formellement l’existence de la famine », donc il « suggérait
    que le Secrétaire général s’enquière
    discrètement et amicalement auprès du Gouvernement soviétique
    de l’existence de cette famine. »

    Les délégués et le secrétaire général « lui-même » arguent « qu’une
    démarche » même « officieuse […] aurait
    un caractère politique du fait qu’elle émanerait
    de la SDN, risquerait de se heurter à une dénégation
    formelle (2) des Soviets et d’irriter ceux-ci sans résultat
    contre l’institution de Genève. » Paul-Boncour a proposé d’« orienter
    la question sur une organisation purement philanthropique telle que la
    Croix-Rouge […] » formule d’une lettre du président
    Conseil SDN « à la Croix-Rouge internationale » acceptée
    par le Conseil, etc. 3

    Télégramme confidentiel 822 de Massigli, Genève,
    30 septembre 1933, ronéoté, 170, 1 p.
    En fait, l’intérêt de la Norvège pour les « questions
    ukrainiennes » s’explique « par le fait que des ressortissants
    norvégiens se seraient fait accorder en Ukraine soviétique
    du vivant du Docteur Nansen des concessions notamment de terrains miniers
    au sujet desquels ils seraient en ce moment en difficultés avec
    le Gouvernement de l’URSS. »
    Demande « faire vérifier discrètement cette information
    par notre Ambassadeur à Moscou. » en marge, au crayon rouge, « fait »

    Cf. lettre 467 du ministre des Affaires étrangères à Alphand,
    12 octobre 1933, 174, 1 p.
    Demande de renseignement sur ce dossier

    Lettre 161 du Chayla, chargé d’affaires en Norvège, à Paul-Boncour,
    Oslo, 5 octobre 1933, 171, 1 p.
    Transmet interview Mme Kollontay, « actuellement Ministre de l’URSS
    en Suède, […] au journal travailliste norvégien l’Arbeiderblad » après
    son « séjour à Oslo où elle a conservé beaucoup
    d’amis »

    Traduction texte interview Arbeiderblad du 30 septembre 1933, 172-3,
    4 p.
    Mme Kollontay nie la famine mais évoque « le problème
    des transports », route et chemins de fer, 1, et invoque « la
    valeur » d’information venues « soit de Riga, soit
    de Berlin. », le sabotage de certains paysans en 1932, 2, mais
    le loyalisme l’emporte cette année, où « il
    n’est plus question de famine. » Elle insiste sur les énormes
    besoins de consommation soviétique (cf. 2, paysans naguère
    les pieds dans des chiffons, d’où problème aujourd’hui
    approvisionnement en chaussures), d’où besoin soviétique
    importations massives, et non « pas » aspiration « à nous
    isoler de l’étranger. » Elle mentionne les « relations
    […] excellentes avec les pays scandinaves, avec la France et avec
    tous les pays avec lesquels nous avons conclu des pactes de non-agression » et « des
    conventions spéciales avec l’Italie et avec la France. » 3 ;
    les rapports avec Allemagne sont « tendus en ce moment, mais nous
    faisons tout notre possible pour éviter tout ce qui pourrait les
    envenimer. » 4

    Note manuscrite sans référence, 20 octobre 1933, 175,
    1 p., in extenso
    « 
    M. de Fontenay , sur avis de M. de Robien, est venu demander des informations
    sur le Comité d’organisation de secours aux affamés de
    l’Ukraine dont il avait été sollicité d’accepter
    la présidence d’honneur. Il a indiqué que cette demande
    lui avait été faite par le prince Tokary.

    En raison des conditions actuelles, des susceptibilités polonaises
    et soviétiques en matière ukrainienne, et de la personnalité même
    du prince Tokary (connu pour ses opinions d’extrême droite
    et qui fut associé à l’action de Petlioura et de
    Skoropadski ) il a été indiqué à M. de Fontenay
    qu’une grande prudence paraissait opportune.
    M. de Fontenay a décidé de refuser la proposition qui lui était
    faite. »

    Lettre 299 Charles Alphand à Paul-Boncour, Moscou, 24 octobre
    1933, 176, 2 p.
    J’ai interrogé Molotov sur le problème des « concessions
    norvégiennes » éventuelles « en Ukraine » et
    il a nié tout rapport avec relations générales URSS-Norvège. « Il
    estime que l’intervention de M. Mowinkel – dont d’ailleurs
    il se montre peu satisfait – est uniquement motivée par
    les fonctions du Président M. Mowinkel au Conseil de la Société des
    Nations » et « pense […] que les récentes élections
    en Norvège peuvent l’écarter prochainement de Genève. »
    « 
    J’ai posé les mêmes questions au ministre de Norvège
    qui m’a répondu que le Docteur Nansen avait utilisé une
    partie provenant des fonds du Prix Nobel qui lui avait été attribué (1-2) à la
    création de fermes modèles en Ukraine » ; mais ces « concessions
    […] sont arrivées à expiration et conformément
    au contrat ces fermes ont fait retour à l’État. Il
    n’y a donc eu aucune difficulté à ce sujet. » La
    seule autre concession, « normalement » appliquée,
    est celle « de pêcherie de phoques dans la Mer Blanche. » 2

    Lettre du président intérimaire du Comité d’organisation
    de secours aux affamés de l’Ukraine à l’ambassadeur
    Peretti de la Rocca, Paris, 20 octobre 1933, 178, 1 p.

    « 
    Monsieur l’Ambassadeur de Panafieu qui est membre du comité central
    de la Croix-Rouge française et par conséquent ne peut occuper
    de poste dirigeant dans notre Comité, nous engage vivement à prier
    Votre Excellence de bien vouloir prendre notre œuvre sous sa protection
    et d’accepter la présidence de notre Comité » qui « s’est
    assuré déjà le patronage des cardinaux et d’autres
    personnalités et l’énergique appui de l’archiduc
    Guillaume d’Autriche, cousin germain du Roi Alphonse XIII, qui
    se joint à nous pour prier Votre Excellence de bien vouloir accepter
    la présidence de notre Comité », et cf. notre « réunion
    plénière » sans date « dans une dizaine de
    jours », etc.
    transmis avec lettre manuscrite de Peretti de la Rocca à « mon
    cher ami » en marge au crayon « urgent. M. Rochat »,
    25 octobre 1933, 177, 1 p.
    Je n’accepterais « que si le Département y voyait
    un avantage évident. »

    notice biographique du prince Tokary, manuscrite, de la même main
    que supra, « cl. (sic) 7 novembre 1933 », 179
    né 24 juin 1885 en Ukraine, « arrive en France le 9 novembre
    1924.
    Ancien propriétaire foncier en Ukraine, connu pour ses opinions
    d’extrême droite. A pris part au mouvement national ukrainien
    sous la dictature de l’hetman et qui fut associé à l’action
    de Petlioura et de Skoropadski, a été envoyé à ce
    titre comme Conseiller de la légation ukrainienne à Vienne.

    Après le retour des bolcheviki (sic) en Ukraine, s’est réfugié à Varsovie
    où il a participé à la conclusion du traité conclu
    en 1920 entre la Pologne et Petlioura. Attaché à la personne
    de ce dernier, fut alors Ministre des Affaires étrangères
    du “front ukrainien”, puis ministre adjoint.
    É
    tait (? illisible) (1930) président de l’association des
    Anciens combattants ukrainiens. “Renseignements favorables en privé”.
    Secrétaire général du Cercle d’études
    ukrainiennes (61, bd Saint-Germain). »

    Note dactylographiée, sans référence, 7 novembre
    1933, 180
    Reprend les mêmes thèmes que ceux des deux manuscrits sur
    le prince Tokary.
    « 
    Il semblerait donc que les organisateurs ukrainiens de ce Comité paraissent
    poursuivre en l’espèce un but plus politique qu’humanitaire.
    […] Il y a lieu de noter, en outre, que si, en dépit des
    dénégations soviétiques, une forte disette paraît
    s’être effectivement manifestée en certaines régions
    de l’Ukraine, notamment au moment de la “soudure”,
    la gravité semble en avoir été vivement exagérée
    et exploitée par une campagne (de source allemande, semble-t-il)
    hostile au régime soviétique. Enfin la situation sous ce
    rapport paraît s’être sensiblement améliorée
    depuis les récoltes.
    Enfin, en présence des susceptibilités tant soviétiques
    que polonaises à l’égard de toute activité ukrainienne,
    une certaine réserve paraît dans les conditions actuelles
    particulièrement opportune en ce domaine. »

    Réunion du 21 novembre 1933 de la Commission des affaires étrangères,
    ronéoté, 184, 1 p.
    « 
    La France et la Russie »
    rapport du Sénateur de l’Isère Serlin « très
    circonstancié et très vivant des impressions […]
    de ce voyage en Russie […] en compagnie de M. Édouard Herriot
    et de divers autres membres du Parlement français ».
    Il « a montré les transformations sociales accomplies par
    le régime actuel dans le sens de la double formation d’une élite
    fondée sur le mérite personnel et d’une classe moyenne
    recrutée dans les masses ouvrières ;
    Les usines, nombreuses et géantes, fonctionnent à plein
    rendement : il n’y a pas de chômage en Russie.
    L’électrification, l’aviation et les voies fluviales
    sont poussées avec une activité fiévreuse.

    Moscou et Kharkov sont d’immenses chantiers de constructions.
    L’enseignement et le service sont obligatoires. Le service militaire
    actuel est de deux ans pour les armes ordinaires, de trois ans pour l’aviation
    et de quatre ans pour la marine.
    L’enseignement supérieur scientifique et artistique est
    très développé.
    Les moyens de transports laissent à désirer. Il en est
    de même de la voirie. […] “la Russie est une ferme
    et une usine travaillant à feu continu. La collectivité,
    dirigée dictatorialement, n’épargne aucun effort,
    aucun sacrifice, pour réaliser à la fois une industrie
    et une agriculture adaptées à une nation de 165 millions
    d’habitants”.
    Le dynamisme de la jeunesse est dominé par une mystique de la
    science et de l’industrialisation appliquée à la
    masse. »
    Remerciements du président de la Commission des affaires étrangères
    Henry Bérenger, et « nombreuses questions […] posées
    par » Général Bréguet, Yves Le Trocquer, Eccard,
    Dalbiez, Fernand Merlin, François Labrousse et Albert Fouilloux. »

    Décision d’impression de la communication Serlin à « porter à la
    connaissance du Gouvernement. »

    Lettre 221 de Jean Payart, chargé d’affaires , à Louis
    Barthou, 3 juin 1934, 243-251, 9 p. (non paginé)
    « 
    perspectives […] médiocres » de la prochaine récolte
    céréales, mais sans doute « les Soviets » pourront-ils « prévenir » la « famine », « la
    situation économique générale » s’améliore
     : cf. excédent balance commerciale, et « la production de
    l’or serait en accroissement constant » et l’URSS en importera
    si nécessaire, comme déjà fait « d’après
    la presse anglaise, […] en Australie et en Nouvelle-Zélande. » 3,
    Forte hausse des prix du pain, de « près de 100% […] à Moscou »,
    donc hausse des salaires, 4, cf. tableau 4-5, et détails, 5-7,
    risque d’« inflation dangereuse », mais l’État
    est maître de tout, prix, etc., 8

    Lettre 9236 du Ministère de l’Intérieur au ministre des
    Affaires étrangères, confidentiel, Paris, 16 août
    1934, 1 p., 252
    Transmet « une note n° 9263 […] de mes services »
    Jointe, P. 9263, Paris, 11 août 1934, 2 p., 253-4

    D’après « un correspondant qui occupe une haute situation à Shangaï » allé en
    URSS, des « progrès de tous ordres » ont été accomplis
    en « trois ans ». D’après lui « on a maintenant
    […] une impression d’ordre que l’on était loin d’éprouver
    il y a quelques années. La prospérité visible a
    aussi augmenté considérablement. Les gens sont mieux vêtus
    et l’on n’aperçoit plus les queues interminables » de « jadis.
    Dans la banlieue des grandes agglomérations se construisent des
    villas qui contrastent heureusement avec les grandes maisons communes
    que le nouveau régime édifiait naguère exclusivement
    […] on a tout lieu de croire […] que les progrès industriels
    sont en rapports (sic) avec les progrès sociaux remarqués.
    Ils auraient permis de donner une assise sérieuse à la
    puissance militaire de l’URSS maintenant redoutable. » 1
    Situation dont les Japonais sont conscients et qui « est de nature à les
    faire hésiter à entamer une lutte dont l’issue serait
    certaine. C’est pourquoi leur expansion paraît s’orienter
    de plus en plus vers la Chine. » 2


    7 N 3121, URSS, RAPPORTS DES ATTACHÉS MILITAIRES, 1933-1934


    Lettre Colonel Mendras 23, au Ministre de la Guerre, Moscou, 13 juillet
    33, 2 p. (parties en italique soulignées dans le texte)

    « 
    compte rendu d’entretien avec le Docteur [Otto] Schiller »,
    (glose allemande, du ton habituel de la campagne de Berlin et
    rien de plus… source, également, dans l’op. cit., des Anglais,
    qui se trouvent dans la même situation que les Français
    )
    É
    loge sur les qualités remarquables de l’« attaché agricole à l’ambassade
    d’Allemagne à Moscou, le Docteur Schiller », etc., etc.,
    cf. « un copieux rapport » sur son « voyage de trois
    semaines en Ukraine » communiqué au colonel Mendras, et
    sa glose sur les « plusieurs millions d’hommes qui seront
    morts de faim cette année. […] nouvelle famine » d’« un
    caractère tout particulier, du fait de l’habileté férocement
    asiatique, avec laquelle les Bolcheviks l’ont exploitée.
    Lorsqu’en décembre dernier, ils ont pu se convaincre que
    la famine devenait inévitable, ils ont décidé de
    la “diriger” (1) grâce aux prélèvements
    massifs opérés par l’État sur les récoltes
    et de l’utiliser », pour
    « 
    1° se débarrasser de tous les éléments de la
    population hostiles au régime ou simplement gênants, en
    répartissant la famine dans les régions où dominaient
    ces éléments : Ukraine, Caucase du Nord, Sibérie
    occidentale […] parmi les plus fertiles de l’Union […]
    J’ai pu me rendre compte de visu que l’irréductible
    sentiment d’indépendance des Cosaques du Nord-Caucase était
    aujourd’hui définitivement aboli – par voie d’anéantissement,
    des villages entiers étant maintenant déserts. Les velléités
    de séparatisme manifestées par l’Ukraine ont subi
    le même sort.
    2° obliger le paysan à travailler […]. Cette méthode
    radicale a d’ailleurs produit des résultats indéniables.
    Mon dernier voyage m’a permis de consacrer que la récolte
    en Ukraine s’annonçait nettement meilleure que celle de
    l’an dernier. » 2

    Jointe, traduction rapport Schiller, février 1933, 124 p.

    une étude économique et géographique générale,
    tirée des statistiques et de la presse soviétiques, qui
    ne contient rien sur ce qui nous intéresse, et dont ressort un
    véritable déchaînement contre la collectivisation,
    et sur la « situation critique » agriculture soviétique
    (j’ai renoncé à l’annoter, mais vous disposez
    de la « source »).

    Lettre du Colonel Mendras au Ministre de la Guerre, Moscou, 20 octobre
    33, 14 p. « Compte rendu de voyage en Ukraine » (dont
    il est aisé de relever les multiples antagonismes, internes et compte
    tenu de ce qui précède
    )
    « 
    Sur la famine, que l’exagération et la source même
    de certains renseignements m’avaient induit pendant longtemps à mettre
    en doute, j’ai recueilli sur place des précisions indiscutables. À Bogatchka
    (Ouest de Poltava), l’un des coins des (sic) plus riches – comme
    son nom même l’indique – d’une des région
    les plus fertiles du monde, on m’a affirmé qu’au printemps
    nombre d’habitants avaient été réduits à manger
    de l’herbe et des feuilles d’arbres. On m’a cité tel
    village, où une centaine de personnes étaient mortes de
    faim et un paysan m’a dit estimer (6) à deux mille le nombre
    des décès causés par la famine dans son rayon » équivalent « d’un
    arrondissement français », mais a refusé honnêtement
    gloser « sur les rayons voisins, qu’il connaissait mal » et « a
    ajouté que son artel (communauté agricole) avait dû assurer
    la récolte dans un village voisin, Kravtchenko, presque entièrement
    dépeuplé. » et « sur la route de Moscou à Kiev,
    j’ai rencontré plusieurs familles qui émigraient
    en Ukraine où elles avaient entendu dire qu’il y avait une
    belle récolte et personne pour la rentrer. » (et
    c’est
    tout… j’ai cité tous les cas
    )
    paysans ne donnent « que des réponses évasives […]
    sur le principe même de la collectivisation », mais intarissables « pour
    vitupérer l’État, auquel il faut tout donner et qui
    ne vous laisse rien, ni pour manger, ni pour nourrir le bétail. » 7
    à
    Kiev et Kharkov, « un effort d’urbanisme évident » dont « des
    résultats grandioses […] déjà […] à Kharkov
    […], mais une population d’aspect extérieur uniformément
    misérable et dans les coins écartés, pas mal de
    loqueteux […] Il faut mettre à part Berditchev, métropole
    juive, prodige de misère et de saleté, qui offre une spectacle
    véritablement hallucinant. (8)

    La campagne ne m’a pas fait mauvaise impression. » paysans
    l’air toujours misérables, « portent la plupart de
    lamentables défroques » et chaumières semblent « sur
    le point de tomber en ruines. » mais pas neuf… « Par
    contre, en Ukraine, surtout dans la région de Poltava, on rencontre
    beaucoup de villages riants, donnant au moins l’illusion de l’aisance
    avec leurs maisonnettes blanchies à la chaux et leur église
    fraîchement peinte de couleurs claires. Partout des enfants, beaucoup
    d’enfants, allant sagement en classe avec leurs livres sous le
    bras. La famine semble déjà loin, ou du moins pour le passant,
    il n’en reste plus de signe extérieur apparent dans ces
    hameaux où vaguent en liberté poules, porcs, oies et canards. » mais
    le plus frappant est « l’extraordinaire richesse du sol » des « régions
    des Terres noires […] cette Beauce qui se développe à perte
    de vue, sur des centaines de km. Et quand on songé que des milliers
    [souligné par moi] d’hommes ont pu mourir de faim sur cette
    terre bénie, on comprend à la fois l’aveugle puissance
    de l’esprit de système déchaîné chez
    un Staline et l’effarent inertie du paysan russe. »
    Sur le séparatisme, information pas possible « Je dois cependant
    noter l’accueil véritablement triomphal fait par Kiev, le
    1er octobre, à Vorochilov venu en inspection avec Boudenny, (9)
    Egorov et Iakir. » et détail sur « une de ces journées
    populaires que les Bolcheviks organisent périodiquement avec un
    sens étonnant de la mise en scène.
    […] Entre la Russie, la Pologne et l’Allemagne, l’indépendance
    d’un pays aussi riche que l’Ukraine ne peut être qu’une
    fiction, et les séparatistes sont éternellement voués à cristalliser
    leurs rêves autour d’une intervention étrangère,
    polonaise ou germanique. Là gît la condamnation d’un
    mouvement qui sera toujours réduit à s’appuyer sur
    les utopies des intellectuels ou les appétits des aventuriers. » 10
    France quasi inconnue, 10, Allemagne pas aimée mais admiration,
    et cf. importance de leurs consulats, « un cadre tout prêt à reprendre
    les tradition interrompues », qui « a d’ailleurs des auxiliaires
    et des informateurs bénévole disséminés un
    peu partout et jusque dans les colonies allemandes, pourtant intégrées
    depuis plus d’un siècle dans l’Empire russe. J’ai
    pu moi-même constater que le Consul allemand de Kiev entretenait
    des relations suivies et intimes avec nombre de colons, particulièrement
    ceux de Korostychev, gros village sis à 30 km à l’Est
    de Jitomir et où la méthode et l’application germaniques
    tranchent sur tout le pays environnant. » 11
    Bilan « Les Bolcheviks ont fait un effort colossal (11) dans le
    domaine de industrie, où ils ont obtenu des résultat substantiels
    et même, dans certaines branches, étonnants. Tout n’est
    certes pas parfait. » cf. maintien retard des transports par rapport
    au « rythme accéléré de l’industrie
    lourde […] Un gros effort d’équipement et d’organisation
    s’impose, les dirigeants s’y résoudront forcément
    un jour peut-être prochain – nous devons en être avertis
    pour ne pas laisser passer l’occasion d’y coopérer.
    Malgré tout, l’œuvre accomplie force l’admiration,
    d’autant plus qu’elle l’a été au prix des lourdes
    privations, que les chefs, imbus d’une mentalité de guerre,
    ont imposées au pays sans sourciller. » et cf. rupture « brutalement
    l’équilibre de la production nationale » par l’ébranlement
    des « fondements de l’agriculture […] déclenchant
    ainsi la crise la plus grave que la Russie ait subie depuis la Révolution. »,
    12 puis glose très idéologique sur sens combat contre les
    koulaks, 12-13, et sur crise paysannerie, 13. « Face à la
    crise, les Bolcheviks (13) ont réagi avec une énergie farouche
    […] tous les moyens ont été bons pour forcer le paysan à travailler,
    la famine même a été dirigée pour punir les
    paysans. » et certitude « récolte cette année
    […] suffisant sinon pour supprimer les difficultés alimentaires,
    du moins pour écarter le danger d’une famine générale. » et
    conclut sur « le sphinx » paysan. « Cette énigme,
    nul ne peut dire si les Bolcheviks la résoudront ou s’ils
    seront dévorés petit à petit par le Sphinx. » 14

    LA QUESTION UKRAINIENNE DANS LA STRATÉGIE ET LA TACTIQUE
    ALLEMANDES DE 1933


    EUROPE URSS 1918-1940, VOL. 985, RELATIONS ALLEMAGNE-URSS, JUIN 1932-MAI
    1933,


    Télégramme 440 confidentiel de François-Poncet,
    Berlin, 16 mars 1933, ronéoté, 148-50, 3 p. [éclairé par
    la correspondance du SHAT citée infra]
    Vinogradov [alors conseiller de l’ambassade soviétique à Berlin]
    a tenu « certains propos intéressants » à « l’un
    de mes collaborateurs » ; il lui a dit que Chintchuk [ambassadeur
    de l’URSS à Berlin] s’attend à une convocation « en
    audience particulière par M. Hitler », jusqu’ici accordée
    seulement, et deux fois, pour l’ambassadeur italien, Cerruti. « C’est
    sous la pression des milieux économiques et industriels intéressés
    aux échanges commerciaux avec la Russie, et surtout sous la pression
    des chefs de la Reichswehr, que M. Hitler songerait à ce geste
    public en faveur de l’Ambassadeur de l’URSS, afin de montrer
    que les persécutions infligées au parti communiste allemand
    ne sauraient porter ombrage à l’amitié germano-russe. »

    cf. intérêt particulier de « la mission soviétique à Berlin » pour
    le compte rendu du journal Paris « appartenant aux émigrés
    russes et repris ensuite par la presse polonaise » d’« un
    entretien que M. Rosenberg, député national-socialiste
    et (1) rédacteur diplomatique du Völkische Beobachter, aurait
    eu récemment à Locarno avec des Délégués
    fascistes italiens », Rosenberg était « accompagné […]
    d’une personnalité ukrainienne en résidence en France,
    et de M. Wladimir de Korostowetz, qui est à Berlin l’un
    des principaux collaborateurs de l’Hetman Skoropadsky. »
    cf. incontestables « projets qui hantent les cerveaux nationaux-socialistes
    dans ce domaine » et leur consensus malgré leurs divergences « en
    matière de politique étrangère », sur le fait « que
    le destin assigne à l’Allemagne, en Europe orientale, une
    mission de civilisation et de colonisation. Une personnalité nationale-socialiste
    affirmait, hier encore, à l’un de mes collaborateurs, que
    l’Allemagne et l’Italie avaient eu à ce sujet des
    conversations précises, où l’on avait envisagé le
    retour au Reich du Corridor, en échange d’une portion du
    territoire ukrainien, accordée à la Pologne. Privé de
    toute issues sur la Mer Baltique, le Gouvernement de Varsovie se verrait
    ainsi dédommagé par un débouché sur la Mer
    Noire , conformément aux intérêts économiques
    de l’Italie, qui considérerait désormais l’Europe
    (2) centrale et les Balkans contre son hinterland commercial. Le fonctionnaire
    hitlérien […] a été jusqu’à affirmer
    que l’Italie et la Turquie avaient déjà négocié un
    accord en vue d’assurer une libre communication de la Pologne,
    installée sur la Mer Noire, avec la Méditerranée.
    Toutes ces informations ont un côté fantastique. »,
    mais l’URSS est ainsi placée « dans un état
    d’inquiétude permanente à l’égard des projets
    de la nouvelle diplomatie allemande. » 3

    EUROPE URSS 1918-1940, VOL. 986, RELATIONS ALLEMAGNE-URSS, JUIN 1933-MAI
    1934, MAE

    « 
    Note de l’ambassade des Soviets en Allemagne au ministre allemand
    des Affaires étrangères », manuscrit, 24 juin 1933,
    12-13, 2 p.
    reproduction dans presse soviétique note remise 22 juin par Chintchuk
    [ambassadeur d’URSS à Berlin] au secrétaire d’État
    von Bülow, ministre des Affaires étrangères par intérim,
    1, cf. Vie économique, journal de l’industrialisation, 24
    juin 1933, 2

    Chintchuk proteste au nom de son gouvernement contre le passage suivant
    du texte de la délégation allemande à la conférence économique
    mondiale de Londres : “Le second moyen consiste à mettre à la
    disposition “d’un peuple sans espace” de nouveaux territoires
    où cette race énergique puisse fonder des colonies et se
    livrer à de grands travaux pacifiques. Nous ne souffrons pas de
    surproduction, mais de sous-consommation forcée. La guerre, la
    révolution et la ruine intérieures ont trouvé leur
    point de départ en Russie et dans les vastes régions de
    l’Orient. Ce processus de désagrégation se poursuit.
    Le moment est arrivé d’y mettre un terme” ».
    Bref il s’agit d’« un appel à la guerre contre l’URSS » et
    de « l’exigence que soient fournies des territoires de l’Union
    Soviétique à la colonisation allemande. » 1.
    Ce texte est « en contradiction flagrante avec les obligations » allemandes
    (1) en vertu du traité germano-soviétique Berlin 24 avril
    1928 ((sic) au lieu de 1926), d’où « une protestation
    décisive » de « mon gouvernement » auprès
    du « Gouvernement allemand […] contre la violation des relations
    contractuelles entre nos deux pays qui a été admise par
    l’Allemagne ».

    Lettre 247 très confidentielle de Gentil, chargé d’affaires
    près le Saint-Siège, Rome, 29 juin 1933, 15-16, 4 p.
    « 
    informations qui m’ont été rapportées à titre
    strictement confidentiel » issues de celles données par
    Cerruti, ambassadeur d’Italie à Berlin, « à un
    haut prélat du Vatican. », propos d’autant plus importants
    qu’il « venait d’être reçu par Mussolini » donc
    exprimait « certaines opinions du Duce » et a regretté son
    manque de temps « pour obtenir une audience du Pape, » façon
    d’exprimer sa volonté « que sa conversation fût
    communiquée à Pie XI. » 1, et ce d’autant plus qu’il « a
    parlé presque uniquement de la situation du communisme en Allemagne
    et en Russie, question à laquelle le Pape s’intéresse
    tout particulièrement. »
    Il « aurait d’abord cité l’opinion de M. Göbbels
    sur la facilité avec laquelle le parti communiste avait été écrasé en
    Allemagne » d’après lui « parce que le parti communiste
    allemand n’était fort qu’au point de vue électoral
     ; il manquait de chefs : il avait eu de nombreuses occasions d’étouffer
    le mouvement hitlérien à ses débuts ; mais il resta
    passif et ne prit aucune initiative.
    M. Göbbels affirme que ce parti ne se relèvera pas : lui-même
    recevait chaque jour des milliers de lettres d’ancien militants
    communistes qui protestent de leur loyalisme envers le régime
    hitlérien : 23 000 communistes seraient dans des camps de concentration,
    mais la plupart ne seraient plus dangereux et on n’en garderait
    guère que 5 000. »

    Cerruti lui-même « aurait déclaré que le Gouvernement
    allemand ne pouvait pas ne pas envisager l’éventualité de
    la disparition du régime soviétique dans un avenir plus
    ou moins proche. L’action des Japonais en Mandchourie et Transbaïkalie
    pourrait hâter cette fin. » ancien ambassadeur à Moscou,
    il « serait persuadé que si les Japonais poussaient une
    pointe vers Vladivostok et la province maritime, le Gouvernement des
    Soviets se verrait dans l’obligation (2) d’intervenir. » et
    les forces armées soviétiques « seraient aisément
    balayées par les forces japonaises », et « la lutte
    du Gouvernement soviétique » serait telle que « amènerait
    inévitablement l’effondrement du régime. »
    D’après Cerruti, « Göbbels » aurait dit « que
    le Gouvernement allemand n’avait plus aucune vue sur l’Alsace,
    pays trop difficile à gouverner et qui n’avait donné à l’Allemagne
    que des déboires . Par contre, la frontière orientale devrait être
    révisée tôt ou tard. A ce moment, se poserait la
    question de l’Ukraine qui se détacherait un jour ou l’autre
    de la Russie : cet immense territoire pourrait servir de débouchés
    aux produits allemands ; de plus ne pourrait-on étudier une combinaison
    pour remplacer le couloir polonais du nord par dédommagement en
    Ukraine, une espèce de couloir polonais vers la Mer Noire.
    Le prélat » informateur « m’a dit » avoir « posé une
    question sur l’avenir catholique de l’Allemagne. M. Cerruti,
    qui d’ailleurs a tout le temps manifesté un vif enthousiasme envers
    M. Hitler, avec la seule réserve que le “Führer” allait
    trop vite et brûlait les étapes, a affirmé que celui-ci
    (3) était de formation trop catholique pour jamais devenir un
    ennemi de l’Église. Il ne pouvait en dire autant de M. Göbbels
    qui serait devenu anti-catholique le jour où l’Église
    a refusé de bénir son mariage avec une divorcée. » 4

    Télégramme François-Poncet 1245-6, 5 juillet 1933,
    ronéoté, 17-8, 2 p.
    Sur l’inquiétude allemande vis à vis des pactes orientaux
    signés à Londres malgré l’indifférence
    affectée « tout d’abord » par la presse, 1, mais cette
    fausse indifférence « n’empêche pas d’ailleurs
    qu’une vaste collecte et diverses manifestations publiques ne soient
    organisées en ce moment à travers tout le Reich pour venir
    en aide aux 100 000 Allemands environ qui meurent de faim en Russie.
    Il ne vient pas à l’idée des autorités allemandes
    que cette propagande bruyante puisse être désagréable
    au Gouvernement russe. » 2

    Lettre 727 de François-Poncet à Paul-Boncour, Berlin,
    5 juillet 1933, 20-2, 3 p.

    Sur la campagne de presse délirante sur la « situation tragique
    […] des colonies allemandes de Russie […] devant la famine
    de plus en plus menaçante. » mobilisation de l’église évangélique,
    Croix-Rouge, Ligue pour Protection du germanisme à l’étranger,
    et grande campagne de la section de Berlin défense du Deutschtum
    , cf. discours, 1 et sq.
    Manifestation publique prévue vendredi 7 juillet au Lustgarten
    de Berlin et pour préparation, « des affiches représentant
    le portrait tragique d’un enfant allemand de Russie souffrant de
    la famine » ; or « les pires misères » ne sont
    pas une nouveauté pour « les peuples de l’Union Soviétique
    […] Jusqu’ici, l’Allemagne avait toujours jugé opportun
    d’observer à ce sujet un silence prudent. Mais cette fois,
    M. Göbbels n’a pas voulu laisser passer une si belle occasion
    de manifester avec ostentation la sollicitude du Gouvernement national-socialiste
    allemand à l’égard des branches du peuple allemand les
    plus lointaines et les plus anciennement détachées du tronc
    commun. Il a mis également à profit cette occasion pour
    flétrir les résultats du régime marxiste. » 2,
    or cette exploitation va choquer Moscou, à l’époque où l’industrie
    allemande a sérieusement besoin de la reprise des « relations économiques
    avec Moscou » et où Berlin redoute les pactes orientaux
    de Litvinov. « Tant d’insouciance étonne et montre
    le désarroi qui s’est emparé de la politique extérieure
    du IIIè Reich. » 3

    Télégramme François-Poncet 1263-65, 7 juillet 1933,
    ronéoté, 23-5, 3 p.
    Sur l’inquiétude allemande des pactes orientaux signés à Londres

    Télégramme François-Poncet 1268, 7 juillet 1933,
    ronéoté, 26, 1 p.
    La manifestation à Berlin prévue supra est annulée,
    car l’ambassade russe a menacé Berlin d’organiser
    des contre-manifestations à Moscou.

    Lettre 969 de François-Poncet à Paul-Boncour, Berlin, 31
    août 1933, 10 p., 32-41
    Campagne de plus en plus déchaînée contre URSS « Les
    récits les plus alarmants qui circulent en Allemagne sur le développement
    de la famine en Russie ont notamment servi d’aliment à une
    campagne contre le régime soviétique, plus énergique
    et surtout plus généralisée que celles que l’on
    avait pu enregistrer antérieurement. » depuis signal donné par
    Völkische Beobachter de 18 août « sur la situation intérieure
    de la Russie un article d’une violence extrême », cf.
    mon télégramme 1478, 1 (cf. in URSS 18-40 situation économique,
    vol. 1036) « accompagné de toute une série de photographies
    de victimes de la famine les plus propres à frapper les imaginations. » Protestation
    de l’ambassade soviétique « qui a pris pour parti
    de nier systématiquement qu’il y ait la moindre famine en
    Russie » et a parlé de faux ; « quoiqu’il en soit, “la
    famine en Russie”, “la détresse des Allemands de la
    Volga”, sont devenues les rubriques habituelles de la presse allemande.
    Des journaux relativement modérés comme la Vossischezeitung
    ont publié, d’autre part, une série d’articles plus
    alarmants les uns que les autres sur l’avenir immédiat de
    la Russie en se complaisant à insister sur les vices du régime
    et sur l’échec inévitable des grandes tentatives
    de M. Stalin. (sic) »
    À
    la réunion de la presse évangélique à Berlin, « il
    a été décidé que les protestants d’Allemagne
    se joindraient aux efforts du Cardinal Archevêque de Vienne pour
    organiser une action internationale et interconfessionnelle en faveur
    des victimes de la faim. »
    Certes la hargne de la presse contre URSS n’est pas nouvelle, mais jusqu’ici
    elle faisait « preuve (2) […] de mesure et de prudence. » et « haine » du « Gouvernement
    national-socialiste » contre « le régime soviétique »,
    cf. son organisation d’une manifestation au Lustgarten de Berlin,
    mais « l’avait décommandée au dernier moment ».
    Pourquoi cette aggravation ? « Il semble que la réponse doive être
    surtout cherchée dans des motifs de politique intérieure
    , dans la lutte à outrance que le Gouvernement de M Hitler mène
    contre le communisme et en faveur de laquelle aucune arme, aucun moyen
    de pression ne saurait être épargné. » 3, or
    les diplomates soviétiques « sont, au moins autant que des
    diplomates, des communistes ou des envoyés d’un État
    communiste.
    […] Quand M. Göbbels dans son discours de Königsberg
    estime nécessaire d’assurer à ses auditeurs allemands “qu’ils
    ne mourront ni de faim ni de froid au cours de l’hiver qui vient”,
    il ne doit pas paraître tellement superflu aux services du Ministère
    de la Propagande, d’assurer ces mêmes Allemands que des sujets
    d’un État communiste sont, eux, la proie de la famine. Cette
    propagande semble, d’ailleurs, être couronnée de succès,
    et, autant qu’on en peut juger, le petit bourgeois allemand est
    en effet parfaitement convaincu que la Russie actuelle est le pire des
    enfers. »
    mais aussi « il semble bien […] que la crainte d’offenser
    Moscou, naguère encore toute puissante, ait beaucoup perdu de
    sa force convaincante. » 4, et conviction de Berlin qu’on
    arrive à la fin de l’ère de collaboration cf. « changement
    survenu dans l’orientation de la politique soviétique. »

    « 
    Mais ce que Berlin ressent surtout, c’est une inquiétude
    profonde, et sans cesse croissante.
    Cette inquiétude se manifeste en ce moment d’une façon
    particulièrement frappante, tandis que l’Allemagne assiste
    au voyage de M. Herriot, apprend que la signature d’un accord économique
    entre la France et l’URSS est imminente, et lit les abondants extraits
    qui paraissent dans sa presse de l’article » de Karl Radek
    dans Les Izvestia, 5, et dans Gazeta Polska, « et qui ne lui permettent
    plus de douter de la réalité du rapprochement polono-soviétique.
    Cet article a fait sensation. Les journaux allemands lui ont donné une
    grande publicité, et si l’on songe qu’il y a quelques
    semaines, ces journaux n’osaient pas révéler au public
    le voyage du même Radek en Pologne et dans le corridor, on peut
    mesurer l’étendu (sic) du chemin parcouru dans la connaissance
    et l’acceptation de la situation nouvelle ». cf. particulière émotion
    du Courrier de la Bourse (Berliner Börsenzeitung), conteste péril
    allemand contre URSS, et invoque fait que « les Polonais sont précisément
    en train de persécuter leur (6) parti communiste pour son activité illégale.
    […] La catholique Germania exprime des craintes analogues »,
    7, cf. citations, 7-8
    « 
    Les bureaux de la Wilhelmstrasse auront sans doute jugé opportun
    de rassurer l’opinion, et ils ont chargé de ce soin l’officieuse
    Correspondance diplomatique et politique, cf. son article hier sur France
    et Russie « est allée chercher des consolations dans ce
    même éditorial du Temps » du 29 août cité aussi
    par la Berliner Börsenzeitung. « Passant sous silence la plus
    grande partie de cet éditorial où le journal parisien rappelle
    toute la part que le Gouvernement national-socialiste a prise dans le
    rapprochement franco-soviétique, la “Correspondance” n’en
    retient que la dernière partie, où le “Temps” met
    ses lecteurs en garde contre des illusions. » cf. citation Correspondance
    diplomatique et politique : “En France même, […] on
    commence à se mettre en garde contre d’excessives illusions à l’égard
    de la politique soviétique… L’attitude des milieux
    compétents français montre à quel point ils se trouvent
    embarrassés et divisés sur cette question… L’importance
    des voyages de Ministres ne doit pas être exagérée.
    La visite de M. Herriot, qui s’intéresse personnellement
    au développement de l’Union Soviétique a un caractère
    privé. Le but du voyage de M. Pierre Cot est surtout de décider
    des Autorités soviétiques à acheter des avions en
    France […] Ce qui intéresse surtout l’Allemagne en
    cette occasion, c’est de contrecarrer les efforts que fait la France
    pour nuire aux rapports germano-(8)soviétiques en jetant le soupçon
    sur les buts de la politique extérieure de l’Allemagne.
    Celle-ci doit saisir cette occasion pour rappeler qu’elle entretient
    toujours avec l’Union des Soviets des rapports d’amitié”. »
    Bref, « Pour apaiser ses inquiétudes, celle-ci [Allemagne]
    proclame que la Russie est dans une situation des plus alarmantes, qu’elle
    se trouve, en fait, réduite à l’impuissance et que
    tous les accords qu’elle peut conclure ne sauraient avoir qu’une
    valeur très relative. Sans arriver à se convaincre elle-même,
    elle blesse le Gouvernement des Soviets aux points les plus sensibles,
    ce qui ne l’empêche pas de lui offrir ensuite son amitié.
    La crainte du communisme, d’une part et la crainte de la Pologne de l’autre,
    les divergences qui existent entre certains grands intérêts
    allemands et les passions du parti au pouvoir expliquent sans aucun doute
    beaucoup des contradictions et du trouble de l’Allemagne. Celle-ci,
    en outre, subit à son tour les effets du mirage russe qu’elle
    a elle-même si puissamment travaillé à créer
    . Pendant dix ans, elle a tenu l’Europe dans l’inquiétude
    par le prestige de ses mystérieux accords avec la Russie. Tenue à l’écart,
    impuissante, elle voit (9) se développer à Paris, à Varsovie, à Rome, à Moscou
    des négociations entre les Soviets et d’autres Puissances,
    et elle éprouve à son tour les tourments de l’incertitude
    et du soupçon. » 10

    Télégramme Alphand 339, Moscou, 9 septembre 33, 42-44,
    3 p. (souligné dans le texte)
    Commentaire polémique des Izvestia d’un communiqué de
    l’agence Wolff du 5 septembre postulant l’existence de « relations
    normales entre l’Allemagne et l’URSS et démentant
    les insinuations de la presse française, notamment du Matin, concernant
    les visées de l’Allemagne sur l’Ukraine », 1
     : observe que « de telles déclarations ont été faites à plusieurs
    reprises par le Gouvernement allemand. Cela n’empêche pas
    le parti national-socialiste d’Allemagne et ses troupes de choc
    d’organiser des sections de gardes-blancs qui proclament ouvertement
    leur (mot passé) [volonté ? Intention ? ou tout synonyme]
    de participer à une guerre antisoviétique » ni « jusqu’ici
    des organes édités auprès du Gouvernement allemand
    de publier des travaux (2) consacrés à la question du partage
    de l’URSS. » cf. n° 8 de Reich und Volk « édité avec
    les subsides de l’État. » 3

    7 N 2999, RAPPORTS DES ATTACHÉS MILITAIRES EN POLOGNE,
    1933-35, SHAT

    Rapport 368 de l’attaché militaire d’Arbonneau, Varsovie,
    15 novembre 33, 11 p.
    Sur « l’assassinat par un étudiant ukrainien d’une
    fonctionnaire du Consulat soviétique, des bagarres sanglantes
    qui ont eu lieu peu de jours après dans une rue de Lwow » et
    leurs suites, claires « sur l’agitation menée en Galicie
    orientale par l’organisation ukrainienne nationale (OUN) » dont « l’État-major
    […] est à Berlin ; Konowalec et ses adjoints, en très
    bonnes relations avec l’État-major allemand, sert les plans
    de ce dernier dont l’intérêt est d’entretenir
    sur les arrières de la Pologne une activité anti-polonaise
    et une effervescence permanente. Dans son ensemble, la population ruthène
    de Pologne orientale condamne les moyens terroristes de l’OUN. » mais
    (10) « par les chimères qu’elle entretient d’une
    Ukraine indépendante ou autonome, elle favorise ces attentats. » 11


    ASPECTS DE LA COLLABORATION GERMANO-POLONAISE CONTRE L’UKRAINE
    SOVIÉTIQUE, 1933-1935

    Cette action allemande anti-polonaise et anti-russe (et pas spécifiquement
    anti-bolchevique) n’empêche pas la Pologne de Pilsudski (et
    de son ministre des Affaires étrangères Beck, successeur à sa
    mort en mai 1935) de se croire l’alliée « ukrainienne » du
    Reich. Sur l’acharnement russophobe et la servilité pro-allemande
    des dirigeants polonais, jusqu’à l’assaut du Reich en septembre
    1939, une des meilleures sources est fournie par les archives allemandes,
    (Documents on German Foreign Policy), dont on trouvera écho dans
    Le choix de la défaite). Mais les archives françaises sont
    riches .

    7 N 3024, RAPPORTS DES ATTACHÉS MILITAIRES EN POLOGNE, 1928-9,
    ET 1933-9, SHAT

    Renseignement 17795, 11 juillet 1933, « Ukraine. Relations entre
    la Pologne et l’Allemagne », 2 p. « Informateur très
    sérieux, mais recoupements nécessaires ».
    Frantinsek Lickoski, « d’origine tchèque, citoyen polonais
    de l’ancien territoire contesté par la Tchécoslovaquie,
    est l’agent secret du Colonel Beck auprès du groupe Skoropatski
    [ici toujours écrit avec d au lieu de t] à Berlin […]
    information […] très importante. Car le fait qu’un
    homme aussi connu et aussi compromis que Lickoski, » qui « était
    l’ami intime de Cernotski, directeur de la maison de France à Prague,
    en 1919-20-21 », « puisse faire, sans difficultés,
    la navette entre Berlin et Varsovie permet de supposer qu’il y
    a entente entre Berlin et le colonel Beck », qui « serait
    d’ailleurs en excellents termes personnels avec Hitler. Il se rend compte,
    d’autre part, que la France abandonne la Pologne et il l’a déclaré en
    termes formels à un journaliste français il y a quelques
    jours. Aussi cherche-t-il des assurances du côté allemand.
    C’est ce qui expliquerait une intensité plus grande des
    pourparlers au sujet de l’Ukraine. » Varsovie dément
    et jure que « la Pologne ne renoncera jamais au couloir. » 1, « impression » du « journaliste
    mentionné plus haut. » mais « l’informateur » est
    convaincu « que la Pologne se déciderait à un arrangement
    pour le Couloir si l’on peut aboutir à une solution satisfaisante
    du côté de l’Ukraine. Étant donné sa
    situation intérieure, la Russie devra céder à la
    pression germano-polonaise. Quant à la liberté des communications
    navales polonaises, elle sera tout aussi assurée par Bosphore
    que par le Skager Rak [Skagerrak, détroit Mer du Nord-Baltique]
    car les Polonais s’entendront facilement avec les Turcs. Enfin
    Odessa vaut bien Gdynia [port de Dantzig].

    Le plus gros écueil résiderait dans la maladresse des Polonais à l’égard
    des Ukrainiens d’ailleurs peu disposés à les subir. À tout
    le moins faudrait-il laisser à l’Ukraine une autonomie administrative.
    Nota. Le groupe Skoropatski tend, de plus en plus, à devenir le
    groupe dirigeant, depuis l’avènement de Hitler.
    Berlin ayant pris nettement la direction du mouvement le groupe Petlioura
    se rallie au groupe Skoropatski. »

    EMA 2ème Bureau, renseignement Depas 882 « d’un informateur
    compétent et généralement bien renseigné »,
    H/25.7/9, 23 juillet 1934, 2 p.
    Dimitri Levitzki, à Vienne, « vient d’offrir à un
    journaliste ukrainien M. Paneyko, le poste de chef de la propagande ukrainienne à Londres
    et à Paris », mais Paneyko a refusé car il est l’« adversaire
    du séparatisme ukrainien. »
    Déclarations de Levitzki [chef de l’UNDO (parti nationaliste
    ukrainien)] « au cours de l’entretien » avec Paneyko
     : il lui a parlé de la « politique commune » désormais
    de l’UNDO et UVO (organisation militaire ukrainienne) sous la direction
    de Konovaletz. « Cette politique est menée en plein accord
    avec Varsovie et Berlin et a pour but de préparer et de seconder
    la politique polono-allemande qui vise à séparer dans un
    délai de trois ou quatre ans l’Ukraine de l’URSS.
    D’après le plan polono-allemand l’Ukraine séparée
    de l’Union Soviétique formera un État indépendant
    sous le protectorat de la Pologne et de l’Allemagne. La Galicie
    orientale restera partie intégrante de la Pologne mais recevra
    une autonomie provinciale. (1)

    D’après M. Levitzki entre l’Allemagne et la Pologne l’accord
    est parfait en ce qui concerne l’Ukraine.
    L’UNDO a cessé toute propagande et activité anti-polonaises
    en Galicie et marche maintenant avec le bloc gouvernemental polonais.
    Toute son activité ainsi que celle de l’UVO est dirigée
    contre les Soviets, ces deux organisations font une propagande séparatiste
    en Ukraine. » Sur l’assassinat de Pieracki, Ministre de l’Intérieur, « par
    des Ukrainiens » Levitzki le dit l’œuvre d’« Ukrainiens
    exaltés à l’insu de Konovaletz, qui croyait sincèrement à un
    attentat des fascistes polonais. » et glose sur le fait que « Konovaletz
    […] le considère comme un coup de poignard à la cause
    ukrainienne. » et Levitzki espère « que ce crime n’aura
    pas de répercussions fâcheuses sur la politique ukrainienne
    de la Pologne ». et il « a […] ajouté qu’il
    a eu des conversations à Berlin avec les hommes de confiance d’Hitler
    (Rosenberg, Göbbels et Hess) et à Varsovie avec M. Beck et
    qu’il a la certitude absolue qu’au sujet de l’Ukraine
    il y a un accord entre la Pologne et l’Allemagne. »

    EMA 2ème Bureau, renseignement Depas 1426, « source autorisée
    de seconde main, 4 novembre 1935 », G/7.11.35/5
    « 
    L’Allemagne et la Pologne ont organisé en territoire ukrainien
    soviétique, plusieurs bandes qui seraient chargées, au
    début d’une guerre, de détruire certains points importants
    du réseau ferroviaire de l’URSS.
    Les points à détruire seraient :
    la gare de Kazatin

    la gare de Jmerinka
    les voies ferrées Jmerinka-Kopaï et Jmerinka-Porokourov
    la gare de Rakhni
    la gare de Birzoula
    la gare de Znamenka.
    Par ailleurs une intense propagande est fait en Ukraine, en faveur de
    l’indépendance du pays, par les colons allemands. Cette
    propagande est dirigée d’Allemagne, par le Martin Luther
    Bund, d’Erlanger, et par l’association évangélique
    Licht im Osten de Vernigerode am Harz. »

    MISE AU POINT BIBLIOGRAPHIQUE SUR LES SOURCES DE « SIX MILLIONS
    DE MORTS » : ALAIN BLUM ET LES HISTORIENS FRANÇAIS


    Annie Lacroix-Riz :

    Je signale deux exemples récents (1994 et 2001) sur la façon
    dont se diffuse en France la thèse de la famine, présentée
    sous les atours de la scientificité et de façon catégorique,
    mais sur des bases précaires :
    L’historienne Sabine Dullin impute à la furie exportatrice,
    céréales comprises, de Staline (en vue d’« acquérir
    des positions solides sur le marché international et de supplanter
    les concurrents » ) « la terrible famine de 1933 qui fit
    environ six millions de morts et prit des proportions dramatiques en
    Ukraine, dans le Caucase du Nord et au Kazakhstan » .

    La source unique citée de cette information est un ouvrage, dont
    il a été fait grand cas , du démographe Alain Blum,
    dont je vous livre le développement. Cet auteur cite plusieurs
    des textes de contemporains puisés aux « Archives diplomatiques » ,
    notamment la dépêche du 13 septembre 1933 de l’ambassadeur
    de France à Moscou (Charles Alphand) et l’interview de la « Ministre
    de l’URSS en Suède » (et non pas en Norvège,
    son poste antérieur ) Mme Kollontay à la presse norvégienne,
    présentés ci-dessus. Il relève les motivations du
    scepticisme éprouvé à l’égard de la thèse
    de la famine ukrainienne « par une partie de l’opinion et
    des responsables gouvernementaux » français, leur « méfiance » à l’égard
    d’« informateurs [provenant] surtout de l’Allemagne
    et des mouvements ukrainiens, suspectés d’être proches
    de l’extrême droite , et donc prêts à utiliser
    n’importe quel argument contre les Soviets. En outre, existe la crainte,
    toute diplomatique, de mettre en péril le processus de rapprochement
    engagé avec l’Union Soviétique, au profit d’une
    Allemagne de plus en plus menaçante. » Cette interprétation
    est certes compatible avec les sources originales françaises,
    mais ces précautions diplomatiques, indubitables, n’excluent
    en aucun cas l’existence d’une correspondance spécifique
    sur la « famine » ou la disette, d’ailleurs présente
    dans les fonds « économiques ». Suit une présentation
    des textes consacrés au prince Tokary, à Petlioura et à Skoropadski
    qu’on a également pu lire ci-dessus. Alain Blum conclut
    de ces mises en garde en provenance du Quai d’Orsay :
    « 
    Quoiqu’il en soit, l’aveuglement de certains Occidentaux reste
    surprenant tant les faits sont tragiques. Car l’ampleur des pertes
    est considérable. En 1933, six millions de décès
    sont imputables à la famine, à ajouter aux quatre millions
    de décès observés en temps normal. Le taux de mortalité dépasse
    70 pour mille : en 1932, il était inférieur de 30 pour
    mille ! » La source de ce propos catégorique est indiquée à la
    n. 61 : « Des travaux récents donnent une estimation qui
    paraît solide, bien que certaines hypothèses utilisées
    par leurs auteurs, en particulier celles qui concernent les migrations
    vers l’étranger, puissent paraître, il est vrai, conduire à sous-estimation
    de certains phénomènes. De plus, ces auteurs ont aussi
    choisi de concentrer l’essentiel du déficit démographique
    de la décennie 1930 sur cette seule année 1933, ce qui
    peut paraître un peu extrême » (on remarquera le paradoxe
    de l’expression « un peu extrême »).
    Ces « travaux récents » et « ces auteurs » se
    bornent donc à un ouvrage statistique russe, qui, d’une part, « sous-estime » les
    migrations et, d’autre part, procède au regroupement, scientifiquement
    irrecevable, des morts d’une décennie sur une année.
    Cette curieuse méthode de resserrement des chiffres, qui permet
    ensuite d’ironiser sur « l’extraordinaire continuité de
    la machine administrative qui ne cesse de fonctionner malgré la
    mortalité parfois multipliée par plus de 10 » est-il
    spécifique à l’URSS et à l’abominable
    Staline que les catastrophes, massacres avec ou sans guerre, n’anéantissent
    pas « la machine administrative » ? , est cependant jugée
    encore insuffisante pour évaluer le phénomène : « et
    encore cette terrible mortalité est-elle ici quelque peu minimisée ;
    car ces chiffres concernent l’ensemble du pays. » .
    La carte de « l’extension régionale de la famine de
    1933 » et les graphiques sur le « mouvement mensuel des décès
    dans quelques région de l’URSS » qui font suite à ces
    propos procèdent d’un regroupement chronologique de même
    type, l’année statistique 1933 n’étant pas
    disponible : « Les archives, incomplètes, ne permettent
    pas de présenter un panorama géographique précis.
    Mais le recensement de 1939 autorise une reconstitution indirecte des événements
    en rattachant la génération de 1934 à celle de 1938. » etc.
    Comment peut-on fournir des chiffres mensuels pour 1933, alors qu’on
    admet par ailleurs ne pas disposer du simple chiffre annuel ? Si les témoignages
    français (et soviétique, a fortiori) sont récusés
    comme relevant de « l’aveuglement de certains Occidentaux »,
    en revanche sont retenus ceux des consuls italiens, au titre des « témoignages
    qui affluent de toutes parts ». Mais alors, pourquoi la formule
    is fecit, cui prodest, appliquée aux « aveuglements » français
    présumés, est-elle rejetée comme grille de lecture
    des rapports des consuls italiens, seule source « littéraire » retenue
    avec le « grand nombre de récits de vies, qui forment un
    panorama large de cette histoire tragique », recueillis par « la
    commission [américaine] pour l’étude de la famine
    en Ukraine » ?
    Pourquoi le lecteur n’est-il pas informé de ce qu’établit
    la correspondance diplomatique française, pourtant consultée
    par Alain Blum : seuls les rapports des consuls allemands et italiens
    firent état d’une « famine » ukrainienne tuant
    les paysans par millions – les textes les plus pessimistes de Dejean
    s’appuyant explicitement sur les comptes rendus allemands. Ceux
    du Foreign Office également, Londres s’appuyant sur les
    mêmes sources, notamment Or, l’Italie, engagée dans
    une alliance avec le Reich qui ne datait pas du 30 janvier 1933 , jouait
    alors les « auxiliaires » de Berlin en général
    avec sa proposition (essentiellement antisoviétique) de Pacte à Quatre,
    et en particulier avec sa participation à la campagne politique
    sur l’Ukraine déchaînée par les hitlériens
    dès les premières semaines de leur arrivée au pouvoir,
    en compagnie de l’autre « auxiliaire » du Reich, la
    Pologne, obsédée par sa russophobie (non réductible à l’antisoviétisme)
    et objet d’une campagne de séduction du Reich qui aboutit
    au « traité d’amitié » du 26 janvier
    1934, simple morceau de papier qui arracha officiellement Varsovie à sa
    (fausse) alliance avec Paris.
    Il est également permis de douter du sérieux des études
    conduites à Harvard, université essentielle dans la gestion
    idéologique de l’« empire » américain,
    notamment via ses centres d’activités « russes » gravitant
    autour du « Russian Research Center », et « modèle
    de coopération avec la CIA et le FBI » . James Mace, « directeur
    exécutif de la Commission américaine sur la famine en Ukraine » (mentionnée
    par Alain Blum comme source sérieuse de connaissance) de 1986 à 1990, établi
    depuis 1993 comme spécialiste de sciences politiques à Kiev,
    en Ukraine, a animé un dossier dans un hebdomadaire français,
    Courrier international, intitulé, comme son article : « Comment
    on étouffe un génocide ». Ce texte dépourvu
    de toute note de référence est assorti d’un article,
    identique de ce point de vue, de Raymond Clarinard, intitulé « Une
    politique délibérément meurtrière » et
    surtitré « historiographie ».

    Il en ressort qu’il n’existe pas d’historiographie
    sur la famine ukrainienne, au motif, nous est-il expliqué, de « l’indifférence
    occidentale. Peu d’historiens et de chercheurs occidentaux s’intéressent à la
    famine de 1933 et plus généralement à l’Ukraine,
    ce qui accroît encore l’isolement des spécialistes
    locaux. Ces derniers doivent travailler sans moyens, dans un pays rongé par
    la corruption et où l’Histoire, précisément
    parce qu’elle est fertile en polémiques, suscite la méfiance
    de l’opinion publique. D’où le silence qui continue
    de planer soixante dix ans après les faits sur la famine “artificielle” et
    ses millions de victimes. »
    On se demande bien 1° pourquoi pareil sujet eût échappé à une
    historiographie « occidentale » si friande des horreurs soviétiques ;
    2° en quoi « l’isolement » des historiens vernaculaires – qui
    auraient donc impérativement besoin des « Occidentaux » pour
    trouver leurs sujets et effectuer leurs recherches – les eût
    empêchés d’enquêter sur leur pays martyrisé par
    les Russes : sujet tabou ou au contraire particulièrement porteur
    dans l’Ukraine, amatrice de « polémiques » antirusses,
    de la dernière décennie ? En quoi la corruption du pays
    constitue-t-elle un obstacle à cette mise au travail d’historiens « sans
    moyens » ? En vertu de quel privilège le fait de travailler
    sur l’URSS dispense-t-il les chercheurs de se plier aux règles
    méthodologiques valables pour toute recherche historique, notamment
    en matière de maniement des sources ?
    Le seul ouvrage qui, à ma connaissance (acquise grâce aux
    indications fournies en juillet 2005 par l’universitaire belge
    Jean Pestieau), traite des étapes historiques de la campagne de
    propagande, d’origine nazie, allemande et américaine (Hearst et
    sa presse) dans les années trente et quarante, relancée
    dans les années 1980 de l’ère Reagan, est celui,
    essentiel et épuisé mais téléchargeable de
    Tottle Douglas, Fraud, Famine and Fascism. The Ukrainian Genocide Myth
    from Hitler to Harvard, Toronto, Progress Book, 1987. Cet ancien photographe
    de presse apporte notamment la démonstration, comparaison de photographies à l’appui,
    que celles des années 1930, publiées par la presse Hearst
    et par la presse et les publicistes nazis, ont été empruntées à la
    famine de 1922 (famine de la Russie soviétique épuisée
    par la « guerre civile étrangère » pour reprendre
    une expression de Chautemps en novembre 1937 à propos de l’Espagne
    (voir mon ouvrage à paraître Le choix de la défaite
    qui avait suivi la Grande Guerre).


    MISE À JOUR PARTIELLE EFFECTUÉE ENTRE NOVEMBRE 2006 ET
    AVRIL 2007


    RÉPONSE À UN AMI CORRESPONDANT QUI M’A TRANSMIS L’ARTICLE
    BAPTISÉ « ENQUÊTE » « LE TABOU DE L’“HOLODOMOR” UKRAINIEN »,
    PARU DANS LE MONDE, 24.11.06


    (sur le sort de ce texte, envoyé au Monde, voir la précision
    apportée à la fin)
    Commentaire du texte de M. Benoît Hopquin (reproduit ci-dessous)
    qui me met en cause, tant sur le fond de mes recherches, opposées à celles
    d’autres chercheurs (I), que sur mon comportement envers lui (III),
    sans préciser les liens entre les aspects politiques et historiques
    de la vieille campagne sur l’« extermination par la faim » ou « génocide
    stalinien » contre l’Ukraine ravivée ces deux dernières
    années en France (II).
    Remarques concernant mes recherches et celles d’autres chercheurs
    « 
    La gravité de la famine est cependant contestée par quelques
    historiens revendiquant leur fidélité communiste. » Le
    Monde a pris l’habitude de préciser que j’étais « membre
    du parti communiste » pour déprécier mes travaux
    depuis les 9 et 11 octobre 1996, où il a présenté mes
    découvertes (alors censurées) sur la collaboration économique
    franco-allemande en général et la fabrication en France
    par Ugine, la vente au Reich et l’utilisation du Zyklon B en particulier.
    C’est mon appartenance politique qu’invoqua M. Nicolas Weill,
    le 11 octobre 1996, dans son article « Des entreprises françaises
    au service de l’Allemagne nazie », pour déprécier
    un aspect de mon article « Les élites économiques
    françaises et la collaboration économique : la banque, l’industrie,
    Vichy et le Reich ». Dans cette étude censurée et
    bloquée depuis avril 1994 par la revue historique du ministère
    des Finances Études et documents, finalement publiée par
    la Revue d’Histoire de la Shoah. Le monde juif, n° 159, janvier-avril
    1997, p. 8-123, je comparais les patronats américain et français
    et relevais la collaboration économique entre les États-Unis
    et le IIIème Reich : « les Alliés anglo-saxons […]
    assurèrent au Reich des livraisons massives, presque jusqu’au
    terme du conflit, par le biais des neutres Espagne et Suisse notamment :
    moyen à la fois de prolonger une guerre lucrative et d’épuiser,
    avec le partenaire-rival allemand, les Soviets. »

    Cet extrait, d’une audace limitée, me valut le grief de « déborder
    largement [m]on sujet » et d’entretenir des arrière-pensées
    coupables : « on devine clairement où l’auteur veut
    en venir... ». Depuis les insinuations de M. Weill, la considérable
    et fructueuse collaboration économique germano-américaine,
    notoire depuis des décennies dans l’historiographie anglo-saxonne,
    est devenue (notamment par la publicité faite à des travaux
    sur la famille Bush dans les années trente et quarante) un sujet
    médiatique banal en France. La correspondance diplomatique dont
    je faisais état a donc été avérée
    et mes conclusions vérifiées. Ma « fidélité communiste »,
    que nul n’a besoin d’invoquer, sauf à pouvoir démontrer
    qu’elle me conduirait à violer les règles de mon
    métier, demeure dépourvue de rapport avec la matière
    du dossier « ukrainien » présenté par M. Benoît
    Hopquin à titre de nouvelle démonstration.
    « 
    La Française Annie Lacroix-Riz, qui enseigne à Paris-VII,
    dénonce ainsi une “opération de propagande”, “un
    bobard” et préfère évoquer “une sérieuse
    disette conduisant à un strict renforcement du rationnement” (Sur
    la “famine” en Ukraine en 1933 : une campagne allemande,
    polonaise et vaticane) ». Je ne suis donc que « la Française
    Annie Lacroix-Riz, qui enseigne à Paris-VII », ou « l’historienne » ;
    Nicolas Werth, présenté comme « l’un des meilleurs
    connaisseurs français de la période », est gratifié de
    son titre de « directeur de recherche à l’Institut d’histoire
    du temps présent, dépendant du CNRS » ; « l’historien
    Stéphane Courtois, coauteur du Livre noir du communisme » (ouvrage
    auquel Le Monde a consacré depuis sa sortie une publicité éditoriale
    exceptionnelle) est également supposé savoir de quoi il
    parle. M. Benoît Hopquin a omis de préciser mon titre de
    professeur d’histoire contemporaine (et divers autres titres, qui
    figurent sur la 4e de couverture de nombre de mes livres : ancienne élève
    de l’École normale, agrégée d’histoire,
    Docteur ès Lettres) et ma spécialité de relations
    internationales : ces deux qualités légitiment pourtant
    mon intervention sur la « campagne allemande, polonaise et vaticane » qui
    escorta en les dissimulant les plans allemands de conquête de l’Ukraine.
    Certifiant les compétences de MM. Werth et Courtois, le journaliste
    suggère la minceur des miennes : mes a priori politiques aggraveraient
    donc ma médiocrité et mon incompétence professionnelles.
    Le document dont il fait état n’a pas été publié.
    Il a été destiné originellement à mes étudiants
    dans le cadre d’une question de concours d’agrégation
    et de CAPES de 2003-2004 (« Les sociétés, la guerre
    et la paix, Europe, Russie-URSS, États-Unis, Japon, 1911-1946 »),
    sujet qui offrit à M. Nicolas Werth le thème à grand
    succès, diffusé dans nombre de manuels de préparation,
    de « la guerre de Staline contre son peuple ». Je l’ai
    ensuite adressé à mes listes de diffusion via Internet,
    origine évidente de la frénésie contre ma personne
    et mes travaux déployée depuis avril 2005 par plusieurs
    organisations « ukrainiennes », dont la cléricale « Ukraine
    33 ».
    Le caractère inédit de ce recueil critique de textes originaux
    en rendra l’accès plus difficile aux lecteurs du Monde et
    par voie de conséquence entravera le contrôle par ce dernier
    des propos ainsi tenus (la seule référence jusqu’ici publiée
    sur la polémique relative à « la famine en Ukraine » figure
    dans mon dernier ouvrage, Le choix de la défaite, Paris, Armand
    Colin, 2006, p. 205). Envoyé en 2004 à mes étudiants
    de concours, le texte a été enrichi en 2005, sur la base
    de nouvelles découvertes d’archives et analyses de travaux.
    Intitulé d’abord « Sur la “famine” en Ukraine
    en 1933 : une campagne allemande, polonaise et vaticane », il a
    vu en 2005 son titre ainsi modifié : « Sur la “famine
    génocidaire stalinienne” en Ukraine en 1933 : une campagne
    allemande, polonaise et vaticane ». Il a circulé en version
    PDF sous ce titre depuis juillet 2005 et sur mon site www.historiographie.info.
    On le trouvera ci-joint (certains de mes destinataires l’ont déjà reçu,
    d’autres, non, comme le second texte joint : cf. infra).
    Le contenu de cette présentation critique de correspondance diplomatique
    et militaire contemporaine des faits me dispense d’argumenter longuement
    sur le fond scientifique de la question (mais on trouvera ci-dessous
    des observations sur des travaux alors non mentionnés). Il démontre
    que M. Benoît Hopquin connaît mon travail sur la seule base
    des propos tenus contre moi par M. Courtois et les siens dans leurs diverses
    tribunes idéologiques et politiques, dont certaines portent le
    label officiel du gouvernement ukrainien, sur Internet (Ukraine Europe,
    etc.) et ailleurs. Le dossier infirme en effet notamment deux passages
    de l’article du Monde : 1° « Les réfractaires
    s’appuient notamment sur le voyage d’Edouard Herriot dans la région
    en 1933. L’homme politique radical s’était répandu sur
    la prospérité des campagnes ukrainiennes. Mais des travaux
    historiques ont, depuis, démontré comment le voyageur,
    obnubilé par sa volonté d’un rapprochement franco-soviétique,
    avait été magistralement abusé par ses hôtes » ;
    2° « Tandis que des hommes mouraient de faim, l’URSS exportait
    des céréales (1,7 million de tonnes en 1932, puis en 1933). »

    J’ai réagi par ailleurs en octobre 2005 contre la campagne
    conduite sans répit par les groupements « ukrainiens » œuvrant
    en France et par leurs amis, notamment MM. Courtois et Panné,
    contre Bruno Drweski, maître de conférences habilité à diriger
    des recherches à l’INALCO, et, depuis près de deux
    ans, contre moi-même, dans un texte qu’on trouvera également
    joint au présent courrier (« Des champions de l’Ukraine
    indépendante et martyre à l’Institut d’histoire sociale » :
    fichier « La Banque Worms et l’institut d’histoire sociale »).
    Les lecteurs y trouveront par ailleurs des éléments complétant
    le documentaire historique produit par l’historien et documentariste
    allemand Hans-Rüdiger Minow qui doit être diffusé sur
    Arte le mercredi 29 novembre à 20 h 40, « Quand la CIA infiltrait
    la culture ».
    « 
    Nicolas Werth s’est engagé depuis le début de l’année
    2000 dans un projet de publication de documents sur le Goulag (6 volumes,
    sous l’égide de la fondation Hoover et des Archives d’État
    de la Fédération de Russie) » (précision figurant
    sur son site). La fondation Hoover (Hoover Institution on War, Revolution
    and Peace, fief républicain depuis sa création en 1919,
    rattaché à l’université de Stanford) comme
    nombre d’institutions de recherche et universités américaines,
    finance depuis sa création des études sur l’URSS
    et le communisme dont les motivations dépassent les enjeux scientifiques.
    On se reportera, sur les liens entre « l’empire » américain
    et les études universitaires commanditées depuis 1919 et
    surtout depuis 1945, aux travaux de James Allen Smith, The Idea Brokers :
    Think Tanks and the Rise of the New Policy Elite (Free Press, 1991),
    Christopher Simpson, éd., Universities and Empire : money and
    politics in the social sciences during the Cold War, New York, New Press,
    1998, et Sigmund Diamond, Compromised Campus : the collaboration of Universities
    with the Intelligence Community, 1945-55, Oxford University Press, New
    York, 1992.
    Ces ouvrages révèlent la subordination de nombre d’institutions
    universitaires et autres think tanks aux stricts impératifs de
    la politique extérieure américaine – statut dont
    témoigne également le documentaire télévisé déjà cité.
    Je ne travaille pour ma part « sous l’égide » d’aucune
    institution privée ou d’État, mais grâce au
    traitement que m’assure, via la puissance publique, l’impôt
    du contribuable français, lequel n’oriente pas mes recherches.
    Les études sur le Goulag et sur « la famine en Ukraine » que
    ne finance sans doute pas la Fédération de Russie, mais
    qui mobilisent « les pays […] abritant une forte communauté ukrainienne
    comme les États-Unis, le Canada ou l’Australie, [qui] ont aujourd’hui
    reconnu officiellement [son] caractère génocidaire » sont
    dotées de moyens financiers considérables, sans cesse croissants
    depuis les années 1980. J’ai fait connaître en 2004
    mon opposition à ce type de patronages et financements extérieurs à la
    sphère universitaire et ma critique des atteintes contre l’indépendance
    des chercheurs y afférentes (L’histoire contemporaine sous
    influence, Paris, Le temps des cerises). Je maintiens entièrement
    cette position.
    M. Nicolas Werth, désormais rallié à la thèse
    de l’extermination stalinienne, renoncerait à se montrer « circonspect
    sur la qualification de l’Holodomor [car…] les derniers textes
    exhumés des archives, notamment des lettres de Staline, ont infléchi
    sa position. » Quels textes récemment découverts ?
    Assurément pas ceux qu’ont consultés R.W. Davies
    et S. Wheatcroft pour rédiger The years of Hunger, Soviet agriculture
    1931-1933, New York, Palgrave Macmillan, 2004, livre fort documenté qui
    conclut à la « famine rurale » mais exclut son caractère
    planifié et génocidaire. « Est-ce un génocide ?
    Plutôt oui. » Que signifie le jugement « plutôt
    oui » concernant un génocide, acte radical s’il en
    est ? Aucun historien ne prétend que le IIIème Reich a « plutôt » visé « la
    destruction des juifs d’Europe ».
    Selon la chercheuse canadienne Lynne Viola, la thèse de la famine
    (en l’occurrence, « dans les implantations spéciales » de
    koulaks déportés) demeure fragile. Le processus se serait étiré sur
    cinq mois, entre une « “menac[e] de famine imminente” » (souligné par
    moi) en février-mars 1933 et une amélioration « à la
    fin de l’été 1933 » récolte une fois
    achevée, donc, après que l’appareil d’État
    eut multiplié les efforts pour améliorer les rations et
    parer à la catastrophe de « récoltes […] très
    mauvaises » de l’année précédente. Mme
    Viola, qui admet, comme beaucoup de chercheurs anglo-saxons, qu’on
    ne saurait confondre les estimations de « fugitifs » quittant
    l’Ukraine « affamée » et les nombres de morts,
    conclut son article « La famine de 1932-1933 en Union Soviétique » (pas
    seulement en Ukraine) par ce mélange de recul et de brouillage
    des concepts qui en caractérise l’ensemble : « […]
    la famine frappa toute la paysannerie, par-delà l’Ukraine
    et les autres enclaves non russes au sein de l’Empire. Aussi cette
    famine » (que l’auteur n’a pas démontrée) « peut-elle être
    considérée comme une conséquence atroce de la guerre
    menée contre la culture paysanne, guerre qui débuta par
    la collectivisation et la “dékoulakisation” qui tenta
    d’éradiquer la culture paysanne tout entière. Le
    terme de génocide culturel serait alors plus approprié pour
    décrire cette famine que celui de génocide national adopté par
    nombre de chercheurs ukrainiens » (art. cit., Vingtième
    siècle n° 88, octobre-décembre 2005, p. 5-22, passim)
    et par leurs homologues non ukrainiens, France comprise.
    Pourra-t-on un jour recenser des « millions de morts » dans
    le bref délai écoulé entre une « “menac[e]
    de famine imminente » et un rétablissement des approvisionnements ?
    Staline et le régime soviétique auraient donc eu la capacité d’enfouir à jamais
    les morts entassés en quelques mois, alors que l’extermination
    de six millions de juifs étirée sur près de trois
    ans a accumulé des preuves immédiatement visibles, perçues
    d’emblée très au-delà des frontières de la
    réalisation du processus, et conservées sur les lieux du
    génocide malgré les efforts que fit le IIIème Reich
    pour en dissimuler toute trace à partir de 1944. Lynne Viola est
    plus prudente que les chercheurs et démographes français,
    tel Alain Blum, non cité par Benoît Hopquin : grave lacune
    de l’article, puisque ce démographe a fourni en 1994 (Naître,
    vivre et mourir en URSS, 1917-1991, Paris, Plon) à Nicolas Werth
    le chiffre non de « cinq », mais de « six millions
    de morts » cité en 1997 (Le livre noir du communisme, Paris,
    Laffont, p. 178, n. 1). Cette estimation, établie sur une base
    méthodologique hautement fantaisiste, a été reprise
    sans critique par tous les « soviétologues » français
    depuis lors (voir la « Mise au point bibliographique sur les sources
    de « six millions de morts » : Alain Blum et les historiens
    français », dans mon texte joint sur « la campagne
    allemande, polonaise et vaticane) : cette historienne se garde de compter
    les morts et, si je comprends bien le français, qualifie de « génocide
    culturel » la liquidation de la propriété privée
    de la terre soviétique.

    Quelle vaine emphase ! Pourquoi ne pas soumettre à Raul Hilberg
    les nouveaux concepts de « “plutôt” génocide » et
    de « génocide culturel », qui mesurent surtout la
    pression idéologique et politique écrasante exercée
    depuis plus de deux décennies sur la « soviétologie » mondiale,
    mêlant attraits (pour les financements et l’avancement des
    carrières « occidentales ») et intimidation (contre
    tout avis indépendant, fatalement iconoclaste).

    Les liens entre les aspects politiques et historiques de la vieille
    campagne sur l’« extermination par la faim »

    Si M. Benoît Hopquin a distingué deux domaines, politique
    et scientifique, de traitement du thème de l’« Holodomor » ukrainien,
    il a omis de signaler leurs liens organiques, qui accentuent les dépendances
    susmentionnées. Il eût dû
    1° reconnaître que les promoteurs du thème du génocide à « millions
    de morts » sont les groupements « ukrainiens » (ou
    prétendus tels), héritiers des fascistes ukrainiens actifs
    entre les années trente et l’occupation allemande de l’URSS,
    puis réfugiés et choyés en Amérique du Nord,
    dont Douglas Tottle a décrit l’histoire entre 1934-1935
    et les années 1980 (Fraud, Famine and Fascism. The Ukrainian Genocide
    Myth from Hitler to Harvard, Toronto, Progress Book, 1987, ouvrage épuisé mais
    téléchargeable : Adobe reader, tottlefraud.pdf). Ce travail
    minutieux d’un ancien photographe ridiculise le jugement prêté à Nicolas
    Werth sur « un silence absolu de soixante ans ». « 5
    millions de morts », nous dit-on, soit au-dessous désormais
    du chiffre fatidique du génocide juif, qui, selon les politiciens
    ou les spécialistes labellisés par le journaliste du Monde
    (qui en a oublié plusieurs), peut s’élever jusqu’à 15
    millions, voire davantage : près de la moitié de la population
    de l’Ukraine du début des années trente, en quelques
    mois, au maximum entre l’été 1932 et la soudure avec
    la récolte de 1933 ;
    2° parler du chef et chef d’orchestre du mouvement, M. Askold S.
    Lozynskyj, président du Congrès mondial ukrainien siégeant
    aux États-Unis et dont dépendent officiellement les trois
    associations ukrainiennes, Ukraine 33 incluse, qui ont promu ledit thème
    en France et sollicité à différentes reprises, depuis
    avril 2005, mon exclusion de l’université ou la prise de
    sanctions administratives contre moi (y compris à l’Élysée
    le 27 février 2006, pendant près d’une heure, en
    présence de M. Laurent Bili, conseiller technique à la
    Présidence de la République).

    Ces groupements « ukrainiens », qui dénoncent la « famine
    génocidaire stalinienne » d’Ukraine (soviétique),
    sont à ma connaissance issus, quand ce n’est pas d’outre-Atlantique,
    d’Ukraine occidentale, zone dévolue à la Pologne
    entre-deux-guerres et grand centre, à « Lwow » (nom
    polonais de Lvov, ancienne Lemberg), de la « propagande » sur « la
    famine en Ukraine (soviétique, donc orientale) » diffusée
    avec une intensité accrue depuis l’été 1933.
    Ils ont déclaré publiquement que l’abominable forfait
    avait été perpétré par les judéo-bolcheviques,
    ce qui n’a pas fait sortir de ses gonds la grande presse américaine,
    d’ordinaire sensible à l’antisémitisme (voir
    document ci-joint, intitulé « Lozynsky July 18 » sur
    la controverse de juillet 2002 parue dans le New York Times et le lien
    http://zustrich.quebec-ukraine.com/news02_shmul.htm). C’est de
    cette zone, sise 150-200 km à l’Est de la Ligne Curzon,
    attribuée à la Russie en 1919 puis dévolue, grâce à l’aide
    militaire et politique de la France en croisade contre les Soviets, à la
    Pologne de Pilsudski, cœur du « cordon sanitaire »,
    que « le président Viktor Iouchtchenko », auteur du « projet
    de loi “sur la perpétuation de la mémoire des victimes
    de la famine” », a tiré la majorité de ses électeurs.
    J’ai signalé le 22 mars 2006 par courrier au CRIF et à la
    LICRA, organisations juives qui avaient montré jusqu’alors une
    grande indulgence ou patience à l’égard de groupes revendiquant
    une belle ardeur dénonciatrice contre tous les génocides,
    génocide juif inclus, les périls d’un compagnonnage
    avec ces antisémites de choc. Les destinataires respectifs de
    ce message, MM. Roger Cukierman et Richard Sereno, n’ont pas cru
    devoir me répondre. La LICRA a cependant, deux mois plus tard, été confrontée à la
    réalité politique de l’entreprise : les hérauts
    du « génocide stalinien », dont elle ne pouvait ignorer
    les publications, en France, aux États-Unis et ailleurs, ont pu
    rendre le 25 mai suivant un hommage officiel à leur héros
    Petlioura.
    M. Benoît Hopquin n’a pas jugé bon de mentionner l’événement,
    si éclairant sur la nature des organismes voués à la
    stigmatisation de la « famine génocidaire stalinienne » et
    sur les intentions du gouvernement ukrainien, activement soutenu par
    celui des États-Unis en vue de la reconnaissance parlementaire
    du « génocide » par tous les États alliés,
    membres ou futurs membres de l’OTAN. La LICRA a alors, via son
    président Patrick Gaubert, protesté (en vain) contre le
    projet de commémoration (23 mai) puis contre sa tenue, sous la
    protection de la police (tribune du Monde du 26 mai 2006, « Une
    commémoration des plus douteuses » ; voir aussi l’information
    du 27 mai de l’agence d’informations israélienne Metula « Un
    pogromiste honoré sur la tombe du soldat inconnu », que
    m’a transmise aussitôt Dominique Vidal, que j’en remercie à nouveau.
    Sa protestation a valu à M. Gaubert des attaques confirmant l’antisémitisme
    des zélateurs de Petlioura, que l’Ambassadeur d`Ukraine
    en France Yuriy Sergeyev avait déguisé le 24 mai en dénonciation « d’une
    erreur fâcheuse qui provient d’un manque de l’information
    réelle, ainsi que par la traînée des falsifications
    de l’époque du régime totalitaire soviétique » (transcription
    selon l’original, http://www.amb-ukraine.fr/?id=29101).
    Je me réserve de développer le champ de la connaissance
    sur le rôle des organisations petliouristes (parmi bien d’autres)
    dans la campagne allemande sur la « famine génocidaire stalinienne »,
    tintamarre qui, depuis l’été 1933 – date à laquelle
    prit fin la grave disette ou la famine , couvrit les plans allemands
    de conquête militaire de l’Ukraine. Le Reich visait la saisie
    de la totalité de l’Ukraine, au détriment des territoires
    soviétique, roumain et polonais, et ce en dépit de la longue
    association de Varsovie aux plans allemands de subversion et à la
    subvention des groupes antisoviétiques dans les territoires soviétiques
    de l’Ukraine : cette œuvre germano-polonaise dura jusqu’à l’assaut
    allemand contre la Pologne (Le choix de la défaite, p. 188, 196-198,
    205, 208, 225, 393-399, 411, 478-481), mais l’historiographie dominante
    y voit des « soupçons [infondés] de conspiration » de
    l’OGPU (Lynne Viola, art. cit., p 17).

    Remarques concernant mon comportement

    « 
    Contactée par Le Monde, l’historienne n’a pas donné suite à notre
    appel », écrit M. Benoît Hopquin. Il s’agit d’une
    contrevérité. J’ai trouvé dans mon casier à l’université,
    le 15 novembre, un message manuscrit dont j’ignore la date de dépôt
    (entre le 9 et le 15) rédigé par un membre du personnel
    administratif (secrétariat de l’UFR GHSS de Paris 7). Il
    me signalait qu’un journaliste du Monde me priait de le contacter à propos
    de « la famine en Ukraine » et avait laissé ses coordonnées
    dans ce but. Considérant que le souhait d’un journaliste
    ne vaut pas convocation de justice ou de police (a fortiori quand il
    provient d’un organe malveillant qui me « dénonce » régulièrement
    comme « communiste »), j’ai écrit à cette
    collègue le message suivant le 15 novembre à 20 h 36 :
    « 
    Chère Madame,
    Merci de votre message. Si M. Hopquin, du Monde, souhaite me contacter
    et vous le fait savoir (je ne le contacterai naturellement pas puisque
    c’est lui qui me sollicite), je vous remercie de lui communiquer
    mon adresse électronique ou mon téléphone [...suivaient
    mes numéros de téléphone fixe et de portable].
    Bien cordialement,
    Annie Lacroix-Riz »
    Ma collègue du secrétariat de l’UFR pourra naturellement
    confirmer mes dires. Je ne suis en effet pas à la disposition
    de Benoît Hopquin, et il est d’usage que les demandeurs sollicitent
    directement les universitaires : mon université a toujours fourni
    mes coordonnées personnelles aux journalistes, ainsi mis en mesure
    de me contacter directement.

    Bien cordialement à tous,

    Annie Lacroix-Riz

    (Ce texte, envoyé au Monde, n’a fait l’objet d’aucune
    mention, pas même pour préciser que le journaliste Benoît
    Hopquin avait proféré une contrevérité sur
    son prétendu contact avec moi).

    ----Message d’origine-----
    Transmis par mon correspondant vendredi 24 novembre 2006 17:40 À :
    annie.lacroix-riz@*********

    ENQUÊTE LE TABOU DE L’"HOLODOMOR" UKRAINIEN LE MONDE
    | 24.11.06 | 14H15 • MIS À JOUR LE 24.11.06 | 14H15


    L’Histoire n’est pas neutre. Dans l’ex-Union soviétique encore
    moins qu’ailleurs. L’Ukraine s’apprête à commémorer,
    samedi 25 novembre, la famine qui a frappé le pays en 1932 et
    1933. Connue sous le nom d’"Holodomor" ("extermination
    par la faim", en ukrainien), cette page de l’ère stalinienne
    a fait plusieurs millions de morts, principalement dans les régions
    de Kharkiv et de Dniepropetrovsk. L’anniversaire est, cette année,
    plus politique que jamais. Le président Viktor Iouchtchenko
    a déposé, début novembre, un projet de loi "sur
    la perpétuation de la mémoire des victimes de la famine".
    Le texte prévoit notamment de punir quiconque contesterait son
    caractère génocidaire. "Nous n’accusons aucun peuple,
    aucun pays et personne, en Ukraine, de génocide. Ce n’est pas
    le but de cette loi", a assuré le président, le
    15 novembre. Tout de même. L’affaire survient alors que Viktor
    Iouchtchenko est en train de rompre le pacte de gouvernement scellé en
    août, après les élections législatives,
    avec le parti prorusse de Viktor Ianoukovitch, qui représente
    justement ces russophones dont les parents sont venus s’installer en
    Ukraine pour combler la saignée démographique de la famine.
    Les partisans de M. Ianoukovitch sont divisés sur l’opportunité de
    voter ce projet de loi. En visite à Kiev, début novembre
    2006, Sergueï Lavrov, ministre russe des affaires étrangères,
    a de son côté refusé que la famine soit considérée
    comme un génocide.
    Le texte fouaille une blessure de la mémoire ukrainienne. Occultée
    de l’histoire officielle soviétique, l’Holodomor a marqué les
    familles et entretenu le ressentiment vis-à-vis de Moscou. Dans
    les périodes de tensions avec le grand voisin ou dans les phases
    d’impopularité interne, le gouvernement ukrainien se saisit
    de la tragédie. En 2003, avant la "révolution orange",
    le Parlement ukrainien avait voté une résolution - pas
    une loi - qui assimilait déjà la famine de 1932-1933 à un "génocide", "un
    acte terroriste délibéré du système stalinien" et "un
    des facteurs importants pour la reconnaissance de l’indépendance
    ukrainienne".
    L’offensive du président est également diplomatique.
    Le 27 octobre, un représentant ukrainien a appelé, lors
    d’une réunion de l’Assemblée générale de
    l’ONU, "tous les Etats à condamner l’Holodomor et à promouvoir
    sa reconnaissance internationale, particulièrement par les Nations
    unies, comme génocide contre la nation ukrainienne". Une
    dizaine de pays, la plupart abritant une forte communauté ukrainienne
    comme les Etats-Unis, le Canada ou l’Australie, ont aujourd’hui reconnu
    officiellement ce caractère génocidaire. La France, qui
    aime tant légiférer sur l’Histoire, ne fait pas partie
    de la liste. "Le gouvernement français n’envisage pas, à ce
    stade, de se prononcer sur la qualification politique et juridique
    de la grande famine comme crime de génocide", assurait,
    en 2005, le ministère des affaires étrangères,
    en réponse à une question écrite d’un sénateur.
    L’exploitation politique de la famine ne facilite pas le travail des
    historiens, déjà compliqué par le long interdit
    qui a pesé sur le sujet. "Nous sortons d’un silence absolu
    de soixante ans", constate Nicolas Werth, l’un des meilleurs connaisseurs
    français de la période, directeur de recherche à l’Institut
    d’histoire du temps présent, dépendant du CNRS. L’ouverture
    partielle des archives de l’ex-URSS a amélioré la connaissance,
    tout comme les témoignages des derniers survivants, recueillis
    notamment par Georges Sokolov (L’Année noire 1933 : la famine
    en Ukraine, Albin Michel). Les rapports de la Guépéou
    sur les "difficultés alimentaires" apportent un éclairage
    glacial mais circonstancié. Les estimations divergent encore
    sur le bilan, mais le chiffre de 5 millions de morts est le plus fréquemment évoqué.
    La gravité de la famine est cependant contestée par quelques
    historiens revendiquant leur fidélité communiste. La
    Française Annie Lacroix-Riz, qui enseigne à Paris-VII,
    dénonce ainsi une "opération de propagande", "un
    bobard" et préfère évoquer "une sérieuse
    disette conduisant à un strict renforcement du rationnement" (Sur
    la "famine" en Ukraine en 1933 : une campagne allemande,
    polonaise et vaticane). Contactée par Le Monde, l’historienne
    n’a pas donné suite à notre appel.

    Les réfractaires s’appuient notamment sur le voyage d’Edouard
    Herriot dans la région en 1933. L’homme politique radical s’était
    répandu sur la prospérité des campagnes ukrainiennes.
    Mais des travaux historiques ont, depuis, démontré comment
    le voyageur, obnubilé par sa volonté d’un rapprochement
    franco-soviétique, avait été magistralement abusé par
    ses hôtes. Le journaliste américain Walter Duranty, correspondant
    du New York Times à Moscou, prix Pulitzer 1932, a également
    nié jusqu’à sa mort, en 1957, l’existence d’une famine.
    Mais son journal a récemment soumis ses articles à un
    examen critique et conclu que sa couverture était "discréditée".
    Une campagne a été lancée outre-Atlantique pour
    que le prix Pulitzer lui soit retiré.
    Si la réalité de la famine n’est plus guère contestée,
    le principal débat concerne donc la qualification de génocide.
    La pénurie alimentaire est née de réquisitions
    massives, virant au pillage, organisées à partir de l’été 1932.
    Elle a surtout touché les régions les plus hostiles à la
    collectivisation des terres et les foyers du nationalisme ukrainien.
    Les victimes avaient interdiction de sortir du périmètre
    dans lequel les vivres avaient été confisqués.
    Elles y étaient renvoyées quand elles tentaient de s’en échapper.
    Tandis que des hommes mouraient de faim, l’URSS exportait des céréales
    (1,7 million de tonnes en 1932, puis en 1933).
    Selon l’historien Stéphane Courtois, coauteur du Livre noir
    du communisme, "cette famine préméditée,
    organisée, systématisée était destinée à éliminer
    la partie la plus dynamique de la paysannerie. Il faut appeler cela
    un génocide de classe". "C’est un génocide
    par famine", estime le docteur Yves Ternon, auteur de Guerres
    et génocides au XXe siècle, ouvrage à paraître
    en janvier chez Odile Jacob. "Les historiens ont la volonté de
    contenir la définition de génocide, mais, même
    selon des critères restrictifs, la mort par famine délibérée
    de 5 millions de personnes est sans aucun doute un génocide",
    poursuit le spécialiste."Une volonté punitive est-elle
    une volonté génocidaire ?", interroge cependant
    Pavel Chinsky, normalien franco-russe enseignant à Moscou et
    auteur de Staline. Archives inédites 1926-1936 (éd. Berg).
    Egalement opposés à la collectivisation, les nomades
    du Kazakhstan, les paysans des bords de la Volga ou les cosaques du
    nord du Caucase ont été à la même époque
    l’objet de mesures répressives qui ont abouti à de terribles
    famines.
    Longtemps, Nicolas Werth s’est montré circonspect sur la qualification
    de l’Holodomor. Mais les derniers textes exhumés des archives,
    notamment des lettres de Staline, ont infléchi sa position. "Est-ce
    un génocide ? Plutôt oui. Par rapport aux autres famines
    qui ont touché l’Union soviétique, celle-ci se distingue
    par la volonté d’éradiquer le nationalisme et de punir
    des paysans. Elle est aggravée volontairement. Il y a une spécificité",
    estime-t-il. Près de soixante-quinze ans après, les archives
    ne sont encore qu’entrouvertes et le débat est soumis aux pressions. "Il
    y a, dans certaines démarches historiques, la recherche d’une
    part de revanche", regrette Pavel Chinsky. "Être historien
    reste un métier difficile en Russie", constate-t-il.
    Benoît Hopquin. Article paru dans l’édition du 25.11.06

    Le caractère génocidaire de « la famine en Ukraine » est
    exclu par nombre de travaux récents, que je n’avais pas
    encore lus quand j’ai fait ma présentation critique et archivistique
    sur la question en 2003-2005 :

    Enfin, sur « la famine en Ukraine », voir la référence
    aux travaux de Mark Tauger que je n’avais pas encore lus quand
    j’ai fait ma présentation critique et archivistique sur
    la question en 2003-2005 (référence qui m’a été fournie
    récemment par une correspondante que je remercie une fois de plus).
    Commencer par exemple par sa critique du « Livre Noir du Communisme
    on the Soviet Famine of 1932-1933 », critique documentée
    sur les méthodes utilisées par Nicolas Werth pour illustrer,
    via cette question de « la famine de 1932-1933 », sa thèse
    centrale, celle de « la guerre de Staline contre son peuple ».
    Je rappelle que ce chercheur est devenu depuis dix ans, grâce à sa
    contribution audit livre, le champion de la « soviétologie » française à usage
    universitaire et scolaire (ce qui l’a qualifié comme conseiller
    des réalisateurs de l’émission de la chaîne
    Bertelsmann sur « Staline, le tyran rouge » qui a reçu
    la caution du Ministère de l’éducation nationale et de
    l’association des professeurs d’histoire et géographie).


    LISTE DES TRAVAUX DE MARK B. TAUGER


    (Référence fournie en mars 2007 par une correspondante
    que je remercie une fois de plus).
    Commencer par exemple par sa critique du « Livre Noir du Communisme
    on the Soviet Famine of 1932-1933 », critique documentée
    sur les méthodes utilisées par Nicolas Werth pour illustrer,
    via cette question de « la famine de 1932-1933 », sa thèse
    centrale, celle de « la guerre de Staline contre son peuple ».
    Je rappelle que ce chercheur est devenu depuis dix ans, grâce à sa
    contribution audit livre, le champion de la « soviétologie » française à usage
    universitaire et scolaire (ce qui l’a qualifié comme conseiller
    des réalisateurs de l’émission de la chaîne
    Bertelsmann sur « Staline, le tyran rouge » qui a reçu
    la caution du Ministère de l’éducation nationale et de
    l’association des professeurs d’histoire et géographie).
    Mark B. Tauger, Ph.D. UCLA, Associate Professor, Specialization : Russian
    and Soviet History, Mark.Tauger@mail.wvu.edu


    Writings on Soviet Famines and Agriculture, and Other Famines

    There items are articles in journals or books, and two are free-standing
    small monographs in two series : the Carl Beck Papers published by the
    University of Pittsburgh and the Donald Treadgold Papers published by
    the University of Washington. Because of copyright restrictions not all
    of these are available for downloading from this site. For those that
    are not available, please email me and I should be able to send a PDF
    copy to you. The Treadgold Papers has allowed me to email a PDF version
    of my paper to interested readers outside the U.S. upon request. I urge
    interested readers in the U.S. to obtain the publications in the Beck
    and Treadgold Papers from the publishers rather than downloading them.
    Both series have websites :

    Carl Beck Papers : http://www.ucis.pitt.edu/crees/cbpaper.html
    Treagold Papers : http://depts.washington.edu/reecas/dwt/dwt.htm

    Tauger, et al Papers : "The
    1932 Harvest and the Famine of 1933
    ."
    Tauger, ’The
    1932 Harvest and the Famine of 1933
    , SR 91.pdf (2463 kb)
    First
    exchange with Conquest on 1991
    article
    Second
    exchange with Conquest on 1991
    article

    " Natural
    Disaster and Human Actions in the Soviet Famine
    of 1931-1933."
    Tauger,
    Natural Disaster and Human Actions.pdf
    (4592 kb)
    " Statistical
    Falsification in the Soviet Union : A comparative Case Study of Projections,
    Biases, and Trust"

    Tauger, Statistical Falsification in the Soviet Union.pdf (4644 kb)
    "
    Grain
    Crisis or Famine ? The Ukranian State Commission for Aid to Crop-Failure
    Victims and the Ukranian Famine of 1928-1929
    ."

    Tauger,
    Grain Crisis or FamineQ, in Raleigh, Provincial Lan.pdf
    (1626
    kb)
    Tauger, Soviet Peasants, Collectivization, Resistance and Adaptation.pdf
    " Le
    Livre Noire du Communisme on the Soviet Famine of 1932-1933"
    Tauger, Chapter for Roter Holocaust book b.pdf
    (175 kb)

    R. W. Davies, M. B. Tauger, S. G. Wheatcroft

    " Stalin, Grain Stocks and the Famine of 1932-1933"
    Davies, Tauger, and Wheatcroft, ’Stalin, Grain Stocks...’

    , SR 95.pdf (1737
    kb)
    " War
    die Hungersnot in der Ukraine intendiert ?"
    Tauger, M. War die Hungersnot in der Ukraine intendiertQ Ro.pdf
    (482 kb)
    Tauger,
    on famines and scholarship, H-Russia 04.16.02, my p.pdf
    (50 kb)

    Entitlement,
    Shortage, and the 1943 Bengal Famine : Another Look, Journal of Peasant
    Studies, vol. 31, no. 1, Octobor 2003, 45-72
    . (1,000 kb

    http://www.historiographie.info/ukr...

  • Le fait que le nationaliste russe Soljenitsine soutienne cette position n’en fait pas une vérité. Je préfère, et de loin, la version de Annie Lacroix-Ritz (voir son site) qui arrive, avec d’autres chiffres à une conclusion analogue.

    CN46400

    Une fois de plus "CN46400" a raison.

    Les délires de S... -ex chouchou des médias francophones, ultra-réactionnaire grand russe affirmé-... ne sont pas un problème.

    Le problème est... le fait que la famine d’Ukraine de 1930-1933 n’a pas existé.
    Disette peut-être, famine non. (cf archives de l’époque et analyses d’A.Lacroix-Ritz).

    C’est lassant à force ces révisionnismes historiques, toujours les mêmes : pseudos ’’wagon plombé’’, ’’famine d’Ukraine’’, ’’pacte germano-soviétique’’, ’’Accords de Grenelle’’, etc.

    C.A.

  • RÉPONSE À UN AMI CORRESPONDANT QUI M’A TRANSMIS L’ARTICLE BAPTISÉ « ENQUÊTE » « LE TABOU DE L’“HOLODOMOR” UKRAINIEN », PARU DANS LE MONDE, 24.11.06

    Commentaire du texte de M. Benoît Hopquin (reproduit ci-dessous) qui me met en cause, tant sur le fond de mes recherches, opposées à celles d’autres chercheurs (I), que sur mon comportement envers lui (III), sans préciser les liens entre les aspects politiques et historiques de la vieille campagne sur l’« extermination par la faim » ou « génocide stalinien » contre l’Ukraine ravivée ces deux dernières années en France (II).

    Remarques concernant mes recherches et celles d’autres chercheurs

    « La gravité de la famine est cependant contestée par quelques historiens revendiquant leur fidélité communiste. » Le Monde a pris l’habitude de préciser que j’étais « membre du parti communiste » pour déprécier mes travaux depuis les 9 et 11 octobre 1996, où il a présenté mes découvertes (alors censurées) sur la collaboration économique franco-allemande en général et la fabrication en France par Ugine, la vente au Reich et l’utilisation du Zyklon B en particulier. C’est mon appartenance politique qu’invoqua M. Nicolas Weill, le 11 octobre 1996, dans son article « Des entreprises françaises au service de l’Allemagne nazie », pour déprécier un aspect de mon article « Les élites économiques françaises et la collaboration économique : la banque, l’industrie, Vichy et le Reich ». Dans cette étude censurée et bloquée depuis avril 1994 par la revue historique du ministère des Finances Études et documents, finalement publiée par la Revue d’Histoire de la Shoah. Le monde juif, n° 159, janvier-avril 1997, p. 8-123, je comparais les patronats américain et français et relevais la collaboration économique entre les États-Unis et le IIIème Reich : « les Alliés anglo-saxons […] assurèrent au Reich des livraisons massives, presque jusqu’au terme du conflit, par le biais des neutres Espagne et Suisse notamment : moyen à la fois de prolonger une guerre lucrative et d’épuiser, avec le partenaire-rival allemand, les Soviets. »

    Cet extrait, d’une audace limitée, me valut le grief de « déborder largement [m]on sujet » et d’entretenir des arrière-pensées coupables : « on devine clairement où l’auteur veut en venir... ». Depuis les insinuations de M. Weill, la considérable et fructueuse collaboration économique germano-américaine, notoire depuis des décennies dans l’historiographie anglo-saxonne, est devenue (notamment par la publicité faite à des travaux sur la famille Bush dans les années trente et quarante) un sujet médiatique banal en France. La correspondance diplomatique dont je faisais état a donc été avérée et mes conclusions vérifiées. Ma « fidélité communiste », que nul n’a besoin d’invoquer, sauf à pouvoir démontrer qu’elle me conduirait à violer les règles de mon métier, demeure dépourvue de rapport avec la matière du dossier « ukrainien » présenté par M. Benoît Hopquin à titre de nouvelle démonstration.

    « La Française Annie Lacroix-Riz, qui enseigne à Paris-VII, dénonce ainsi une “opération de propagande”, “un bobard” et préfère évoquer “une sérieuse disette conduisant à un strict renforcement du rationnement” (Sur la “famine” en Ukraine en 1933 : une campagne allemande, polonaise et vaticane) ». Je ne suis donc que « la Française Annie Lacroix-Riz, qui enseigne à Paris-VII », ou « l’historienne » ; Nicolas Werth, présenté comme « l’un des meilleurs connaisseurs français de la période », est gratifié de son titre de « directeur de recherche à l’Institut d’histoire du temps présent, dépendant du CNRS » ; « l’historien Stéphane Courtois, coauteur du Livre noir du communisme » (ouvrage auquel Le Monde a consacré depuis sa sortie une publicité éditoriale exceptionnelle) est également supposé savoir de quoi il parle. M. Benoît Hopquin a omis de préciser mon titre de professeur d’histoire contemporaine (et divers autres titres, qui figurent sur la 4e de couverture de nombre de mes livres : ancienne élève de l’École normale, agrégée d’histoire, Docteur ès Lettres) et ma spécialité de relations internationales : ces deux qualités légitiment pourtant mon intervention sur la « campagne allemande, polonaise et vaticane » qui escorta en les dissimulant les plans allemands de conquête de l’Ukraine. Certifiant les compétences de MM. Werth et Courtois, le journaliste suggère la minceur des miennes : mes a priori politiques aggraveraient donc ma médiocrité et mon incompétence professionnelles.

    Le document dont il fait état n’a pas été publié. Il a été destiné originellement à mes étudiants dans le cadre d’une question de concours d’agrégation et de CAPES de 2003-2004 (« Les sociétés, la guerre et la paix, Europe, Russie-URSS, États-Unis, Japon, 1911-1946 »), sujet qui offrit à M. Nicolas Werth le thème à grand succès, diffusé dans nombre de manuels de préparation, de « la guerre de Staline contre son peuple ». Je l’ai ensuite adressé à mes listes de diffusion via Internet, origine évidente de la frénésie contre ma personne et mes travaux déployée depuis avril 2005 par plusieurs organisations « ukrainiennes », dont la cléricale « Ukraine 33 ».

    Le caractère inédit de ce recueil critique de textes originaux en rendra l’accès plus difficile aux lecteurs du Monde et par voie de conséquence entravera le contrôle par ce dernier des propos ainsi tenus (la seule référence jusqu’ici publiée sur la polémique relative à « la famine en Ukraine » figure dans mon dernier ouvrage, Le choix de la défaite, Paris, Armand Colin, 2006, p. 205). Envoyé en 2004 à mes étudiants de concours, le texte a été enrichi en 2005, sur la base de nouvelles découvertes d’archives et analyses de travaux. Intitulé d’abord « Sur la “famine” en Ukraine en 1933 : une campagne allemande, polonaise et vaticane », il a vu en 2005 son titre ainsi modifié : « Sur la “famine génocidaire stalinienne” en Ukraine en 1933 : une campagne allemande, polonaise et vaticane ». Il a circulé en version PDF sous ce titre depuis juillet 2005 et sur mon site www.historiographie.info. On le trouvera ci-joint (certains de mes destinataires l’ont déjà reçu, d’autres, non, comme le second texte joint : cf. infra).

    Le contenu de cette présentation critique de correspondance diplomatique et militaire contemporaine des faits me dispense d’argumenter longuement sur le fond scientifique de la question (mais on trouvera ci-dessous des observations sur des travaux alors non mentionnés). Il démontre que M. Benoît Hopquin connaît mon travail sur la seule base des propos tenus contre moi par M. Courtois et les siens dans leurs diverses tribunes idéologiques et politiques, dont certaines portent le label officiel du gouvernement ukrainien, sur Internet (Ukraine Europe, etc.) et ailleurs. Le dossier infirme en effet notamment deux passages de l’article du Monde : 1° « Les réfractaires s’appuient notamment sur le voyage d’Edouard Herriot dans la région en 1933. L’homme politique radical s’était répandu sur la prospérité des campagnes ukrainiennes. Mais des travaux historiques ont, depuis, démontré comment le voyageur, obnubilé par sa volonté d’un rapprochement franco-soviétique, avait été magistralement abusé par ses hôtes » ; 2° « Tandis que des hommes mouraient de faim, l’URSS exportait des céréales (1,7 million de tonnes en 1932, puis en 1933). »

    J’ai réagi par ailleurs en octobre 2005 contre la campagne conduite sans répit par les groupements « ukrainiens » œuvrant en France et par leurs amis, notamment MM. Courtois et Panné, contre Bruno Drweski, maître de conférences habilité à diriger des recherches à l’INALCO, et, depuis près de deux ans, contre moi-même, dans un texte qu’on trouvera également joint au présent courrier (« Des champions de l’Ukraine indépendante et martyre à l’Institut d’histoire sociale » : fichier « La Banque Worms et l’institut d’histoire sociale »). Les lecteurs y trouveront par ailleurs des éléments complétant le documentaire historique produit par l’historien et documentariste allemand Hans-Rüdiger Minow qui doit être diffusé sur Arte le mercredi 29 novembre à 20 h 40, « Quand la CIA infiltrait la culture ».

    « Nicolas Werth s’est engagé depuis le début de l’année 2000 dans un projet de publication de documents sur le Goulag (6 volumes, sous l’égide de la fondation Hoover et des Archives d’État de la Fédération de Russie) » (précision figurant sur son site). La fondation Hoover (Hoover Institution on War, Revolution and Peace, fief républicain depuis sa création en 1919, rattaché à l’université de Stanford) comme nombre d’institutions de recherche et universités américaines, finance depuis sa création des études sur l’URSS et le communisme dont les motivations dépassent les enjeux scientifiques. On se reportera, sur les liens entre « l’empire » américain et les études universitaires commanditées depuis 1919 et surtout depuis 1945, aux travaux de James Allen Smith, The Idea Brokers : Think Tanks and the Rise of the New Policy Elite (Free Press, 1991), Christopher Simpson, éd., Universities and Empire : money and politics in the social sciences during the Cold War, New York, New Press, 1998, et Sigmund Diamond, Compromised Campus : the collaboration of Universities with the Intelligence Community, 1945-55, Oxford University Press, New York, 1992.

    Ces ouvrages révèlent la subordination de nombre d’institutions universitaires et autres think tanks aux stricts impératifs de la politique extérieure américaine – statut dont témoigne également le documentaire télévisé déjà cité. Je ne travaille pour ma part « sous l’égide » d’aucune institution privée ou d’État, mais grâce au traitement que m’assure, via la puissance publique, l’impôt du contribuable français, lequel n’oriente pas mes recherches. Les études sur le Goulag et sur « la famine en Ukraine » que ne finance sans doute pas la Fédération de Russie, mais qui mobilisent « les pays […] abritant une forte communauté ukrainienne comme les États-Unis, le Canada ou l’Australie, [qui] ont aujourd’hui reconnu officiellement [son] caractère génocidaire » sont dotées de moyens financiers considérables, sans cesse croissants depuis les années 1980. J’ai fait connaître en 2004 mon opposition à ce type de patronages et financements extérieurs à la sphère universitaire et ma critique des atteintes contre l’indépendance des chercheurs y afférentes (L’histoire contemporaine sous influence, Paris, Le temps des cerises). Je maintiens entièrement cette position.

    M. Nicolas Werth, désormais rallié à la thèse de l’extermination stalinienne, renoncerait à se montrer « circonspect sur la qualification de l’Holodomor [car…] les derniers textes exhumés des archives, notamment des lettres de Staline, ont infléchi sa position. » Quels textes récemment découverts ? Assurément pas ceux qu’ont consultés R.W. Davies et S. Wheatcroft pour rédiger The years of Hunger, Soviet agriculture 1931-1933, New York, Palgrave Macmillan, 2004, livre fort documenté qui conclut à la « famine rurale » mais exclut son caractère planifié et génocidaire. « Est-ce un génocide ? Plutôt oui. » Que signifie le jugement « plutôt oui » concernant un génocide, acte radical s’il en est ? Aucun historien ne prétend que le IIIème Reich a « plutôt » visé « la destruction des juifs d’Europe ».

    Selon la chercheuse canadienne Lynne Viola, la thèse de la famine (en l’occurrence, « dans les implantations spéciales » de koulaks déportés) demeure fragile. Le processus se serait étiré sur cinq mois, entre une « “menac[e] de famine imminente” » (souligné par moi) en février-mars 1933 et une amélioration « à la fin de l’été 1933 » récolte une fois achevée, donc, après que l’appareil d’État eut multiplié les efforts pour améliorer les rations et parer à la catastrophe de « récoltes […] très mauvaises » de l’année précédente. Mme Viola, qui admet, comme beaucoup de chercheurs anglo-saxons, qu’on ne saurait confondre les estimations de « fugitifs » quittant l’Ukraine « affamée » et les nombres de morts, conclut son article « La famine de 1932-1933 en Union Soviétique » (pas seulement en Ukraine) par ce mélange de recul et de brouillage des concepts qui en caractérise l’ensemble : « […] la famine frappa toute la paysannerie, par-delà l’Ukraine et les autres enclaves non russes au sein de l’Empire. Aussi cette famine » (que l’auteur n’a pas démontrée) « peut-elle être considérée comme une conséquence atroce de la guerre menée contre la culture paysanne, guerre qui débuta par la collectivisation et la “dékoulakisation” qui tenta d’éradiquer la culture paysanne tout entière. Le terme de génocide culturel serait alors plus approprié pour décrire cette famine que celui de génocide national adopté par nombre de chercheurs ukrainiens » (art. cit., Vingtième siècle n° 88, octobre-décembre 2005, p. 5-22, passim) et par leurs homologues non ukrainiens, France comprise.

    Pourra-t-on un jour recenser des « millions de morts » dans le bref délai écoulé entre une « “menac[e] de famine imminente » et un rétablissement des approvisionnements ? Staline et le régime soviétique auraient donc eu la capacité d’enfouir à jamais les morts entassés en quelques mois, alors que l’extermination de six millions de juifs étirée sur près de trois ans a accumulé des preuves immédiatement visibles, perçues d’emblée très au-delà des frontières de la réalisation du processus, et conservées sur les lieux du génocide malgré les efforts que fit le IIIème Reich pour en dissimuler toute trace à partir de 1944. Lynne Viola est plus prudente que les chercheurs et démographes français, tel Alain Blum, non cité par Benoît Hopquin : grave lacune de l’article, puisque ce démographe a fourni en 1994 (Naître, vivre et mourir en URSS, 1917-1991, Paris, Plon) à Nicolas Werth le chiffre non de « cinq », mais de « six millions de morts » cité en 1997 (Le livre noir du communisme, Paris, Laffont, p. 178, n. 1). Cette estimation, établie sur une base méthodologique hautement fantaisiste, a été reprise sans critique par tous les « soviétologues » français depuis lors (voir la « Mise au point bibliographique sur les sources de « six millions de morts » : Alain Blum et les historiens français », dans mon texte joint sur « la campagne allemande, polonaise et vaticane) : cette historienne se garde de compter les morts et, si je comprends bien le français, qualifie de « génocide culturel » la liquidation de la propriété privée de la terre soviétique.
    Quelle vaine emphase ! Pourquoi ne pas soumettre à Raul Hilberg les nouveaux concepts de « “plutôt” génocide » et de « génocide culturel », qui mesurent surtout la pression idéologique et politique écrasante exercée depuis plus de deux décennies sur la « soviétologie » mondiale, mêlant attraits (pour les financements et l’avancement des carrières « occidentales ») et intimidation (contre tout avis indépendant, fatalement iconoclaste).

    Les liens entre les aspects politiques et historiques de la vieille campagne sur l’« extermination par la faim »

    Si M. Benoît Hopquin a distingué deux domaines, politique et scientifique, de traitement du thème de l’« Holodomor » ukrainien, il a omis de signaler leurs liens organiques, qui accentuent les dépendances susmentionnées. Il eût dû

    1° reconnaître que les promoteurs du thème du génocide à « millions de morts » sont les groupements « ukrainiens » (ou prétendus tels), héritiers des fascistes ukrainiens actifs entre les années trente et l’occupation allemande de l’URSS, puis réfugiés et choyés en Amérique du Nord, dont Douglas Tottle a décrit l’histoire entre 1934-1935 et les années 1980 (Fraud, Famine and Fascism. The Ukrainian Genocide Myth from Hitler to Harvard, Toronto, Progress Book, 1987, ouvrage épuisé mais téléchargeable : Adobe reader, tottlefraud.pdf). Ce travail minutieux d’un ancien photographe ridiculise le jugement prêté à Nicolas Werth sur « un silence absolu de soixante ans ». « 5 millions de morts », nous dit-on, soit au-dessous désormais du chiffre fatidique du génocide juif, qui, selon les politiciens ou les spécialistes labellisés par le journaliste du Monde (qui en a oublié plusieurs), peut s’élever jusqu’à 15 millions, voire davantage : près de la moitié de la population de l’Ukraine du début des années trente, en quelques mois, au maximum entre l’été 1932 et la soudure avec la récolte de 1933 ;

    2° parler du chef et chef d’orchestre du mouvement, M. Askold S. Lozynskyj, président du Congrès mondial ukrainien siégeant aux États-Unis et dont dépendent officiellement les trois associations ukrainiennes, Ukraine 33 incluse, qui ont promu ledit thème en France et sollicité à différentes reprises, depuis avril 2005, mon exclusion de l’université ou la prise de sanctions administratives contre moi (y compris à l’Élysée le 27 février 2006, pendant près d’une heure, en présence de M. Laurent Bili, conseiller technique à la Présidence de la République).

    Ces groupements « ukrainiens », qui dénoncent la « famine génocidaire stalinienne » d’Ukraine (soviétique), sont à ma connaissance issus, quand ce n’est pas d’outre-Atlantique, d’Ukraine occidentale, zone dévolue à la Pologne entre-deux-guerres et grand centre, à « Lwow » (nom polonais de Lvov, ancienne Lemberg), de la « propagande » sur « la famine en Ukraine (soviétique, donc orientale) » diffusée avec une intensité accrue depuis l’été 1933. Ils ont déclaré publiquement que l’abominable forfait avait été perpétré par les judéo-bolcheviques, ce qui n’a pas fait sortir de ses gonds la grande presse américaine, d’ordinaire sensible à l’antisémitisme (voir document ci-joint, intitulé « Lozynsky July 18 » sur la controverse de juillet 2002 parue dans le New York Times et le lien http://zustrich.quebec-ukraine.com/news02_shmul.htm). C’est de cette zone, sise 150-200 km à l’Est de la Ligne Curzon, attribuée à la Russie en 1919 puis dévolue, grâce à l’aide militaire et politique de la France en croisade contre les Soviets, à la Pologne de Pilsudski, cœur du « cordon sanitaire », que « le président Viktor Iouchtchenko », auteur du « projet de loi “sur la perpétuation de la mémoire des victimes de la famine” », a tiré la majorité de ses électeurs.

    J’ai signalé le 22 mars 2006 par courrier au CRIF et à la LICRA, organisations juives qui avaient montré jusqu’alors une grande indulgence ou patience à l’égard de groupes revendiquant une belle ardeur dénonciatrice contre tous les génocides, génocide juif inclus, les périls d’un compagnonnage avec ces antisémites de choc. Les destinataires respectifs de ce message, MM. Roger Cukierman et Richard Sereno, n’ont pas cru devoir me répondre. La LICRA a cependant, deux mois plus tard, été confrontée à la réalité politique de l’entreprise : les hérauts du « génocide stalinien », dont elle ne pouvait ignorer les publications, en France, aux États-Unis et ailleurs, ont pu rendre le 25 mai suivant un hommage officiel à leur héros Petlioura.

    M. Benoît Hopquin n’a pas jugé bon de mentionner l’événement, si éclairant sur la nature des organismes voués à la stigmatisation de la « famine génocidaire stalinienne » et sur les intentions du gouvernement ukrainien, activement soutenu par celui des États-Unis en vue de la reconnaissance parlementaire du « génocide » par tous les États alliés, membres ou futurs membres de l’OTAN. La LICRA a alors, via son président Patrick Gaubert, protesté (en vain) contre le projet de commémoration (23 mai) puis contre sa tenue, sous la protection de la police (tribune du Monde du 26 mai 2006, « Une commémoration des plus douteuses » ; voir aussi l’information du 27 mai de l’agence d’informations israélienne Metula « Un pogromiste honoré sur la tombe du soldat inconnu », que m’a transmise aussitôt Dominique Vidal, que j’en remercie à nouveau. Sa protestation a valu à M. Gaubert des attaques confirmant l’antisémitisme des zélateurs de Petlioura, que l’Ambassadeur d`Ukraine en France Yuriy Sergeyev avait déguisé le 24 mai en dénonciation « d’une erreur fâcheuse qui provient d’un manque de l’information réelle, ainsi que par la traînée des falsifications de l’époque du régime totalitaire soviétique » (transcription selon l’original, http://www.amb-ukraine.fr/?id=29101).

    Je me réserve de développer le champ de la connaissance sur le rôle des organisations petliouristes (parmi bien d’autres) dans la campagne allemande sur la « famine génocidaire stalinienne », tintamarre qui, depuis l’été 1933 – date à laquelle prit fin la grave disette ou la famine , couvrit les plans allemands de conquête militaire de l’Ukraine. Le Reich visait la saisie de la totalité de l’Ukraine, au détriment des territoires soviétique, roumain et polonais, et ce en dépit de la longue association de Varsovie aux plans allemands de subversion et à la subvention des groupes antisoviétiques dans les territoires soviétiques de l’Ukraine : cette œuvre germano-polonaise dura jusqu’à l’assaut allemand contre la Pologne (Le choix de la défaite, p. 188, 196-198, 205, 208, 225, 393-399, 411, 478-481), mais l’historiographie dominante y voit des « soupçons [infondés] de conspiration » de l’OGPU (Lynne Viola, art. cit., p 17).

    Remarques concernant mon comportement

    « Contactée par Le Monde, l’historienne n’a pas donné suite à notre appel », écrit M. Benoît Hopquin. Il s’agit d’une contrevérité. J’ai trouvé dans mon casier à l’université, le 15 novembre, un message manuscrit dont j’ignore la date de dépôt (entre le 9 et le 15) rédigé par un membre du personnel administratif (secrétariat de l’UFR GHSS de Paris 7). Il me signalait qu’un journaliste du Monde me priait de le contacter à propos de « la famine en Ukraine » et avait laissé ses coordonnées dans ce but. Considérant que le souhait d’un journaliste ne vaut pas convocation de justice ou de police (a fortiori quand il provient d’un organe malveillant qui me « dénonce » régulièrement comme « communiste »), j’ai écrit à cette collègue le message suivant le 15 novembre à 20 h 36 :

    « Chère Madame,
    Merci de votre message. Si M. Hopquin, du Monde, souhaite me contacter et vous le fait savoir (je ne le contacterai naturellement pas puisque c’est lui qui me sollicite), je vous remercie de lui communiquer mon adresse électronique ou mon téléphone [...suivaient mes numéros de téléphone fixe et de portable].
    Bien cordialement,
    Annie Lacroix-Riz »

    Ma collègue du secrétariat de l’UFR pourra naturellement confirmer mes dires. Je ne suis en effet pas à la disposition de Benoît Hopquin, et il est d’usage que les demandeurs sollicitent directement les universitaires : mon université a toujours fourni mes coordonnées personnelles aux journalistes, ainsi mis en mesure de me contacter directement.

    Bien cordialement à tous,
    Annie Lacroix-Riz


    Message d’origine-----
    Transmis par mon correspondant vendredi 24 novembre 2006 17:40 À : annie.lacroix-riz@wanadoo.fr

    ENQUÊTE LE TABOU DE L’"HOLODOMOR" UKRAINIEN LE MONDE | 24.11.06 | 14H15 • MIS À JOUR LE 24.11.06 | 14H15

    L’Histoire n’est pas neutre. Dans l’ex-Union soviétique encore moins qu’ailleurs. L’Ukraine s’apprête à commémorer, samedi 25 novembre, la famine qui a frappé le pays en 1932 et 1933. Connue sous le nom d’"Holodomor" ("extermination par la faim", en ukrainien), cette page de l’ère stalinienne a fait plusieurs millions de morts, principalement dans les régions de Kharkiv et de Dniepropetrovsk. L’anniversaire est, cette année, plus politique que jamais. Le président Viktor Iouchtchenko a déposé, début novembre, un projet de loi "sur la perpétuation de la mémoire des victimes de la famine". Le texte prévoit notamment de punir quiconque contesterait son caractère génocidaire. "Nous n’accusons aucun peuple, aucun pays et personne, en Ukraine, de génocide. Ce n’est pas le but de cette loi", a assuré le président, le 15 novembre. Tout de même. L’affaire survient alors que Viktor Iouchtchenko est en train de rompre le pacte de gouvernement scellé en août, après les élections législatives, avec le parti prorusse de Viktor Ianoukovitch, qui représente justement ces russophones dont les parents sont venus s’installer en Ukraine pour combler la saignée démographique de la famine. Les partisans de M. Ianoukovitch sont divisés sur l’opportunité de voter ce projet de loi. En visite à Kiev, début novembre 2006, Sergueï Lavrov, ministre russe des affaires étrangères, a de son côté refusé que la famine soit considérée comme un génocide.

    Le texte fouaille une blessure de la mémoire ukrainienne. Occultée de l’histoire officielle soviétique, l’Holodomor a marqué les familles et entretenu le ressentiment vis-à-vis de Moscou. Dans les périodes de tensions avec le grand voisin ou dans les phases d’impopularité interne, le gouvernement ukrainien se saisit de la tragédie. En 2003, avant la "révolution orange", le Parlement ukrainien avait voté une résolution - pas une loi - qui assimilait déjà la famine de 1932-1933 à un "génocide", "un acte terroriste délibéré du système stalinien" et "un des facteurs importants pour la reconnaissance de l’indépendance ukrainienne".

    L’offensive du président est également diplomatique. Le 27 octobre, un représentant ukrainien a appelé, lors d’une réunion de l’Assemblée générale de l’ONU, "tous les Etats à condamner l’Holodomor et à promouvoir sa reconnaissance internationale, particulièrement par les Nations unies, comme génocide contre la nation ukrainienne". Une dizaine de pays, la plupart abritant une forte communauté ukrainienne comme les Etats-Unis, le Canada ou l’Australie, ont aujourd’hui reconnu officiellement ce caractère génocidaire. La France, qui aime tant légiférer sur l’Histoire, ne fait pas partie de la liste. "Le gouvernement français n’envisage pas, à ce stade, de se prononcer sur la qualification politique et juridique de la grande famine comme crime de génocide", assurait, en 2005, le ministère des affaires étrangères, en réponse à une question écrite d’un sénateur.

    L’exploitation politique de la famine ne facilite pas le travail des historiens, déjà compliqué par le long interdit qui a pesé sur le sujet. "Nous sortons d’un silence absolu de soixante ans", constate Nicolas Werth, l’un des meilleurs connaisseurs français de la période, directeur de recherche à l’Institut d’histoire du temps présent, dépendant du CNRS. L’ouverture partielle des archives de l’ex-URSS a amélioré la connaissance, tout comme les témoignages des derniers survivants, recueillis notamment par Georges Sokolov (L’Année noire 1933 : la famine en Ukraine, Albin Michel). Les rapports de la Guépéou sur les "difficultés alimentaires" apportent un éclairage glacial mais circonstancié. Les estimations divergent encore sur le bilan, mais le chiffre de 5 millions de morts est le plus fréquemment évoqué.

    La gravité de la famine est cependant contestée par quelques historiens revendiquant leur fidélité communiste. La Française Annie Lacroix-Riz, qui enseigne à Paris-VII, dénonce ainsi une "opération de propagande", "un bobard" et préfère évoquer "une sérieuse disette conduisant à un strict renforcement du rationnement" (Sur la "famine" en Ukraine en 1933 : une campagne allemande, polonaise et vaticane). Contactée par Le Monde, l’historienne n’a pas donné suite à notre appel.

    Les réfractaires s’appuient notamment sur le voyage d’Edouard Herriot dans la région en 1933. L’homme politique radical s’était répandu sur la prospérité des campagnes ukrainiennes. Mais des travaux historiques ont, depuis, démontré comment le voyageur, obnubilé par sa volonté d’un rapprochement franco-soviétique, avait été magistralement abusé par ses hôtes. Le journaliste américain Walter Duranty, correspondant du New York Times à Moscou, prix Pulitzer 1932, a également nié jusqu’à sa mort, en 1957, l’existence d’une famine. Mais son journal a récemment soumis ses articles à un examen critique et conclu que sa couverture était "discréditée". Une campagne a été lancée outre-Atlantique pour que le prix Pulitzer lui soit retiré.

    Si la réalité de la famine n’est plus guère contestée, le principal débat concerne donc la qualification de génocide. La pénurie alimentaire est née de réquisitions massives, virant au pillage, organisées à partir de l’été 1932. Elle a surtout touché les régions les plus hostiles à la collectivisation des terres et les foyers du nationalisme ukrainien. Les victimes avaient interdiction de sortir du périmètre dans lequel les vivres avaient été confisqués. Elles y étaient renvoyées quand elles tentaient de s’en échapper. Tandis que des hommes mouraient de faim, l’URSS exportait des céréales (1,7 million de tonnes en 1932, puis en 1933).

    Selon l’historien Stéphane Courtois, coauteur du Livre noir du communisme, "cette famine préméditée, organisée, systématisée était destinée à éliminer la partie la plus dynamique de la paysannerie. Il faut appeler cela un génocide de classe". "C’est un génocide par famine", estime le docteur Yves Ternon, auteur de Guerres et génocides au XXe siècle, ouvrage à paraître en janvier chez Odile Jacob. "Les historiens ont la volonté de contenir la définition de génocide, mais, même selon des critères restrictifs, la mort par famine délibérée de 5 millions de personnes est sans aucun doute un génocide", poursuit le spécialiste."Une volonté punitive est-elle une volonté génocidaire ?", interroge cependant Pavel Chinsky, normalien franco-russe enseignant à Moscou et auteur de Staline. Archives inédites 1926-1936 (éd. Berg). Egalement opposés à la collectivisation, les nomades du Kazakhstan, les paysans des bords de la Volga ou les cosaques du nord du Caucase ont été à la même époque l’objet de mesures répressives qui ont abouti à de terribles famines.

    Longtemps, Nicolas Werth s’est montré circonspect sur la qualification de l’Holodomor. Mais les derniers textes exhumés des archives, notamment des lettres de Staline, ont infléchi sa position. "Est-ce un génocide ? Plutôt oui. Par rapport aux autres famines qui ont touché l’Union soviétique, celle-ci se distingue par la volonté d’éradiquer le nationalisme et de punir des paysans. Elle est aggravée volontairement. Il y a une spécificité", estime-t-il. Près de soixante-quinze ans après, les archives ne sont encore qu’entrouvertes et le débat est soumis aux pressions. "Il y a, dans certaines démarches historiques, la recherche d’une part de revanche", regrette Pavel Chinsky. "Être historien reste un métier difficile en Russie", constate-t-il.

    Benoît Hopquin. Article paru dans l’édition du 25.11.06

    http://www.historiographie.info/mon...

  • Lettre à la rédaction,
    Journal The New York Times
    229 W. 43rd Street
    New York, New York 10036
    Cher Rédacteur en Chef,

    En lisant “Ce qui est arrivé à Oncle Shmiel," j’ai été sidéré en, en particulier par l’affirmation de Daniel Mendelsohn selon laquelle, « grâce au pacte Ribbentrop-Molotov », les Soviétiques ont repris l’Ukraine occidentale en 1939 et « les juifs ont eu deux ans de relative sécurité ». Comme cette affirmation donne du crédit à l’ensemble des diatribes de Mendelsohn , elle nécessite clarification.

    L’occupation soviétique de l’Ukraine occidentale en 1939 a conduit à l’arrestation et l’internement de dizaines de milliers d’ukrainiens accusés d’activité patriotique. Quand les soviétiques furent forcés de battre ne retraite après l’invasion des nazis en juin 1941, ils massacrèrent leurs prisonniers. Ceci s’est fait avec l’aide des communistes locaux, principalement d’ethnie juive. Malheureusement, ce massacre n’était pas une aberration de l’activité soviétique en Ukraine. Quelques années avant, en 1932-33 en Ukraine orientale, les Soviétiques ont assassiné environ 7 millions d’hommes, femmes et enfants ukrainiens au moyen d’une famine génocidaire stratégiquement planifiée. L’homme auquel Joseph Staline a confié la tâche de perpétrer ce crime était un juif, Lazar Kaganovich.

    Norman Davies, le célèbre historien britannique, a conclu qu’aucune nation n’a perdu autant d’habitants au 20ème siècle que l’Ukraine. C’est en grande partie le résultat de l’activité à la fois des communistes et des nazis en Ukraine. Les Russes et les Allemands furent sauvages. Mais les juifs furent pire. Ils trahirent leurs voisins et le firent avec un zèle accompli !

    Askold S. Lozynskyj
     President, Ukrainian World Congress

    http://www.historiographie.info/ukr...

  • DEPUIS PLUSIEURS MOIS ANNIE LACROIX-RIZ EST CONFRONTEE A D’ENORMES PRESSIONS CONCERNANT SES TRAVAUX SUR LA "FAMINE EN UKRAINE"

    Tout récemment des représentants d’associations on été même reçues à l’Elysée (extraits ) :

    "le Président de l’UFOU exprime la profonde déception des 75 000 Français d’origine ukrainienne qui ont le sentiment que les pouvoirs publics, par leur mutisme, cautionnent la démarche révisionniste de Mme Lacroix-Riz, professeur d’Histoire contemporaine à l’Université Paris VII - Denis Diderot qui s’emploie à nier la réalité de la famine de 1932-1933 en Ukraine."

    Il est clair qu’"ON" veut des têtes ! Ce n’est pas simplement la recherche historique qui est visée, mais toute recherche qui remet en cause la "pensée unique" ; aussi nous vous demandons de signer la pétition de soutien à Annie Lacroix-Riz.

  • Certains de vos détracteurs vous taxent de négationnisme, allant même jusqu’à dire que de nier le génocide stalinien en Ukraine revient a nier aussi le génocide nazi des Juifs, ce qui est passible de poursuites judiciaires. Comment vous situez-vous dans ce débat ?

    Annie Lacroix-Riz :

    Cette affaire est absolument ridicule : que les lecteurs lisent l’ensemble de la critique des ouvrages parus et des textes d’archives originaux, diplomatiques et militaires que j’ai consacrés à la question de la campagne sur le thème de « la famine de 1933 en Ukraine » (écrits non publiés, mais diffusés sur Internet). Et qu’on cesse de prendre les criailleries des associations « ukrainiennes » ou présumées telles pour des propos scientifiques. Ce que celles-ci me reprochent, et elles l’avouent dans leurs sites, c’est avant tout de montrer, dans divers travaux, publiés, eux, tel Le Vatican, l’Europe et le Reich, que les mouvements « autonomistes » ukrainiens dépendaient financièrement de Berlin bien avant la Deuxième Guerre mondiale, qu’ils ont contribué à l’extermination des juifs et des Russes d’URSS (Raul Hilberg l’a exposé avant moi et plus longuement) et que Szepticky, évêque de Lemberg (autrichienne) puis Lwow (polonaise), a été le soutien de la stratégie autrichienne puis allemande en et contre la Russie, tsariste puis bolchevique, depuis les premières années du 20e siècle, sous l’égide du Vatican. Qu’il ait béni la division nazie « Galicia », et que les « autonomistes » ukrainiens aient participé en masse aux massacres de juifs et de Russes aux côtés de l’occupant allemand sont des affirmations qui rendent les associations « ukrainiennes » hystériques. Elles reposent sur des faits établis.

  • Le « Congrès mondial ukrainien » accuse l’historienne Annie Lacroix-Riz de « révisionnisme »

    Yvonne Bollmann prend ici la défense de l’historienne Annie Lacroix-Riz, dont les travaux sont attaqués par le « Congrès mondial ukrainien » et des associations de la « diaspora ukrainienne » en France, qui auraient réussi à obtenir une audience d’un collaborateur de la Présidence de la République pour lui demander de désavouer publiquement les travaux de l’historienne.

    Lettre adressée par Yvonne Bollmann au Président de la République Jacques Chirac, le 20 mars 2006 :

    Le 23 février 2006, Monsieur Askold S. Lozynskyj, président du Congrès mondial ukrainien, a adressé au Président de la République une lettre relative à ce qu’il appelle « l’affaire Lacroix-Riz ». Il y accuse Madame Annie Lacroix-Riz, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris VII, de « révisionnisme historique » dans ses travaux sur l’Ukraine. En y écrivant que « les propos de Madame Lacroix-Riz sont empreints d’une hostilité contre une ethnie », Monsieur Lozynskyj lui prête de surcroît sa propre conception de la nationalité.

    Monsieur Lozynskyj définit en effet le Congrès mondial ukrainien, basé aux Etats-Unis, et qui a un statut officiel d’observateur aux Nations Unies, comme « organisation représentative de citoyens et de résidents d’origine ethnique ukrainienne ». Il parle également de « communauté franco-ukrainienne ». Cela montre qu’il ne partage pas la conception française de la nationalité, qui ne fait pas référence à une communauté ethnique préexistante, et qui ne reconnaît qu’une seule catégorie de citoyens, conformément aux principes d’indivisibilité de la République, d’égalité de tous devant la loi sans distinction d’origine, de race et de religion, et d’unité du peuple français énoncés dans la Constitution du 4 octobre 1958. Monsieur Lozynskyj s’en prend donc non seulement à Madame Lacroix-Riz, mais à la France elle-même, dans ce qui fait la spécificité de son histoire et de sa culture politique.

    A l’heure actuelle, ce déni de réalité quant à l’essence de la nationalité française n’est pas un phénomène isolé. Il se manifeste par exemple dans l’intervention « pour les droits des minorités en France » de l’Association pour les peuples menacés (Göttingen), qui a demandé en avril 2004 à la Commission des Droits de l’homme des Nations Unies de « la soutenir afin de faire adopter » dans notre pays, entre autres mesures, l’ « annulation de l’article 2 de la Constitution ». Il se manifeste également dans le rapport du 15 février 2006 de Monsieur Alvaro Gil-Robles sur le respect effectif des Droits de l’homme en France, où notre pays est invité à signer et ratifier la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, et à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, alors même qu’il ne s’y trouve pas de « minorités nationales ». Monsieur Lozynskyj participe à sa manière au travail de sape d’inspiration ethniste ainsi mené de toutes parts contre la France.

    Ardent défenseur de l’ « ethnie ukrainienne », Monsieur Lozynskyj en mène à l’occasion moins large avec l’ « ethnie juive », comme le montre sa lettre du 18 juillet 2002 au New York Times. Là, évoquant « l’occupation soviétique de l’Ukraine occidentale », il accuse « des communistes locaux, principalement d’ethnie juive », d’avoir massacré des prisonniers ukrainiens en juin 1941. Il y désigne également « un juif, Lazar Kaganovitch » comme principal responsable de l’assassinat « d’environ 7 millions d’hommes, femmes et enfants ukrainiens » en 1932-33, « au moyen d’une famine génocidaire ». Par cette attaque en règle contre « les juifs », Monsieur Lozynskyj renoue avec les campagnes de l’entre-deux-guerres sur les « judéo-bolcheviques ».

    Le 27 février 2006, Monsieur Laurent Bili, conseiller technique à la Présidence de la République, a reçu une délégation composée de représentants de trois associations ukrainiennes basées en France, qui accusent eux aussi Madame Lacroix-Riz de « démarche révisionniste ». L’un d’entre eux s’est référé à la lettre de Monsieur Lozynskyj au Président de la République, et au Congrès mondial ukrainien « fédérant l’ensemble de la diaspora sur tous les continents ». Un autre, qui adopte le même langage ethniste que Monsieur Lozynskyj, a parlé au nom de « 75 000 Français d’origine ukrainienne ».

    D’après le compte rendu de cette audience fait par les représentants des trois associations, Monsieur Bili a déclaré que « les citoyens français de souche ukrainienne ont droit au respect au même titre que les autres composantes, visibles ou non visibles, de la société française ». S’il a bien tenu ces propos, il a préféré faire sienne la conception ethniste exprimée par ses interlocuteurs, plutôt que d’affirmer le caractère un et indivisible du peuple français. Une telle complaisance, au cœur de l’Elysée, envers les ennemis de nos principes républicains, est des plus funestes, à l’heure où diverses « communautés » tentent d’imposer leurs intérêts particuliers.

    Le harcèlement dont est victime une historienne française internationalement reconnue s’inscrit dans une entreprise de destruction plus vaste, dont la cible est la France elle-même. Il faut que Madame Lacroix-Riz puisse poursuivre ses travaux librement, dans un pays qui restera celui de la liberté.


    Courrier adressé au Président de la République française par Askold Lozynskyj, président du Congrès mondial ukrainien, 23 février 2006 :

    Le 23 février 2006

    L’Honorable Jacques Chirac
    Président de la République française

    Monsieur le Président,
    À titre d’organisation représentative constituée de citoyens et de résidents d’origine ethnique ukrainienne répartis dans plus de trente pays, nous vous écrivons au sujet d’un enjeu d’importance. L’affaire en question nous a été signalée par des représentants de la communauté franco-ukrainienne et implique une employée d’un établissement d’enseignement régi par l’État.

    Madame le professeur Lacroix-Riz de l’Université Paris 7 a écrit que la famine/génocide qui s’est abattue sur l’Ukraine en 1932-33 est une invention concertée de l’Allemagne, de la Pologne et du Vatican. En outre, elle a qualifié l’Église catholique ukrainienne de fasciste et de nazie. La communauté franco-ukrainienne a écrit des lettres à l’attention de Madame le professeur Lacroix Riz, du recteur de l’Université et du ministre de l’Éducation nationale. Toutes ces lettres sont demeurées sans réponse.

    Bien que nous respections la liberté universitaire ainsi que la liberté d’expression, nous sommes profondément préoccupés par ce révisionnisme historique avoisinant le sectarisme. Comme l’a reconnu le monde entier, la famine qui a décimé l’Ukraine en 1932-33 était un génocide cruel perpétré par le régime soviétique de Josef Staline. Cette tragédie a mené à la mort quelques sept millions d’hommes, de femmes et d’enfants. Le discours de Madame Lacroix Riz constitue un affront non seulement à la mémoire de ces victimes innocentes mais également à la mémoire des victimes d’autres génocides. De plus, l’insulte faite à l’Église catholique ukrainienne démontre que les propos de Madame Lacroix Riz sont empreints d’une hostilité contre une ethnie.

    Compte tenu que la réputation de l’éducation et du savoir français est en jeu, tout comme la compassion du peuple de France envers la souffrance d’autrui, nous vous demandons de vous impliquer personnellement dans cette affaire. Nous ne visons pas le congédiement de Madame Lacroix Riz ni même sa condamnation. Nous demandons toutefois que le Président français émette une déclaration qui désavoue le sectarisme personnel de l’un de ses employés.

    Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos sentiments distingués.

    (Signé) Askold S. Lozynskyj
    Président du Congrès Mondial Ukrainien

    c.c. : Représentation permanente de la France auprès de l’Organisation des Nations Unies
    Représentation permanente de l’Ukraine auprès de l’Organisation des Nations Unies
    Ambassade de France au Canada
    Ambassade de France aux Etats-Unis

  • Tout agriculteur vous dira qu’à partir du moment où les conditions climatiques sont correctes, une famine rurale dans un pays aussi peu peuplé que l’Ukraine en 30-33 est impossible quelle que puisse être la désorganisation. En 43-44-45 la France a eu faim....en ville, pas à la campagne ! Or en Ukraine on parle de famine à la campagne et pas en ville, ce qui est aberrant !

    CN46400

    • ah bon ? et comment trouver en Europe un agriculteur qui utilise les moyens des agriculteurs ukrainiens des années 30 ? même au fin fond de la Lozère y z’ont pas ! Et il y a désorganisation et désorganisation : l’Ukraine sortait d’une vraie guerre (pas un petit conflit comme la France a connu en 39-40 avec 300.000 morts et une occupation statistiquement soft (statistiquement ) sauf pour une minorité)), d’une famine en 22 et de mauvaises conditions climatiques (justement). Donc pas si clair !

  • SOLIDARITE avec l’HISTORIENNE ANNIE LACROIX-RIZ CONTRE la CHASSE aux SORCIERES

     Parce que nous disons non à toute forme de chasse aux sorcières totalitaire en France et en Europe !
     ? Parce que nous refusons la pensée unique et l’histoire officielle « politiquement correcte » !
     ? Parce que nous défendons le statut de la Fonction publique, garant de la laïcité, de l’universalité des services publics, de l’indépendance de l’Université et de la recherche scientifique,
    nous demandons à M. le Ministre de l’Éducation nationale
    de faire cesser le harcèlement politique contre l’historienne Annie Lacroix-Riz,

    Professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Paris VII et historienne de renommée internationale, Mme Annie Lacroix-Riz est harcelée depuis des mois par une officine regroupant des nostalgiques de la Russie et de l’Ukraine « blanches ». Ignorant la loi, qui garantit aux fonctionnaires la protection de l’Etat contre les intrusions partisanes, un député de Mayenne franchit un cap supplémentaire dans le harcèlement et la tentative de chasse aux sorcières en relayant la lettre d’une Française d’origine ukrainienne qui exige que le Ministère désavoue publiquement, voire sanctionne, Mme Lacroix-Riz, accusée de manière irresponsable de « négationnisme » et de « révisionnisme ».
    Le « crime » de Mme Lacroix-Riz est, sur la base de ses recherches sérieuses et d’arguments historiques qu’il revient à la communauté scientifique et aux citoyens de discuter et d’apprécier librement, de ne pas abonder dans le sens d’une interprétation reposant sur la criminalisation à outrance de l’histoire communiste de la Russie et de l’Ukraine au 20ème siècle.
    Le courrier liberticide relayé par le député de Mayenne exige quant à lui ouvertement que le gouvernement s’aligne sur les déclarations des parlements ukrainien et russe sur la « famine en Ukraine » en 1932/33 et qu’il « mette à l’index » la « tradition universitaire française d’admiration pour le régime stalinien » (sic) à partir de « faits » déclarés « historiquement établis » sur l’autorité d’institutions internationales qui n’ont pas de légitimité scientifique et universitaire. Bien entendu, l’accusation de négationnisme n’a aucun fondement législatif en droit français puisque ce terme désigne juridiquement la négation des crimes nazis et ne saurait être employé pour limiter la liberté de pensée et de recherche qu’à des fins d’intimidation et de diffamation.
    Cette campagne de harcèlement intervient à un moment où, à l’échelle européenne, diverses forces réactionnaires s’efforcent de criminaliser le marxisme et le « communisme historique », de les amalgamer l’un et l’autre au nazisme, au risque de banaliser ce régime intrinsèquement criminel, de NIER les immenses sacrifices consentis par l’URSS pour vaincre le Troisième Reich (« les Français savent que la Russie soviétique a joué le rôle principal pour leur libération », déclarait ainsi le Général De Gaulle en 1966), et de diaboliser à jamais toute contestation du capitalisme et du libéralisme économique.
    Les mêmes forces viennent d’ailleurs en France de tenter d’imposer une réhabilitation du colonialisme en prétendant imposer par la loi une histoire unique de la colonisation française.
    Il serait en outre hautement contradictoire qu’au nom de la condamnation hypocrite du « totalitarisme », une opinion sur l’URSS et sur le communisme fût désormais totalitairement imposée à tous les citoyens, à tous les chercheurs, à tous les étudiants, à tous les jeunes élèves ! La France, terre de la 1ère Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen renierait les principes invoqués par sa Constitution en donnant ainsi le signal d’une chasse aux sorcières digne du fascisant Mac Carthy, dont l’expérience a montré maintes fois qu’elle n’a plus de limites une fois déclenchée.
    C’est pourquoi, indépendamment du jugement que chacun des signataires de cette pétition porte à titre personnel sur l’URSS, sur la pensée et sur l’expérience communiste du 20ème siècle, indépendamment de tout jugement de valeur sur les thèses et sur les recherches de Mme Lacroix-Riz et de ses collègues sur la période et sur les faits concernés, les soussignés déclarent :

     ? que « ce n’est pas au Parlement d’écrire l’histoire » (M. Jacques Chirac, président de la République), et encore moins à des assemblées russe et ukrainienne d’établir ce que doivent penser les Français sur l’histoire et ce que doivent « trouver » les historiens travaillant sur telle ou telle période ;

     ? que la liberté de conscience, de pensée, de recherche, ne se divise pas : toute atteinte à la liberté de recherche, de pensée, d’opinion, d’expression, toute attaque contre l’indépendance statutaire des professeurs, des chercheurs et des fonctionnaires attente du même coup à la démocratie et à la liberté de tous. Il ne s’agit pas en l’occurrence d’approuver ou de désapprouver telle ou telle idéologie, telle ou telle approche historique, mais de rappeler avec force le mot de Voltaire : « je ne suis pas d’accord avec vos idées, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez les exprimer ».

    En conséquence les signataires prient instamment M. le Ministre de condamner catégoriquement les sommations liberticides qui lui sont faites à l’encontre de Mme Annie Lacroix-Riz ; ils demandent instamment que M. le Ministre fasse appliquer en faveur de Mme Lacroix-Riz l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 qui stipule : « les fonctionnaires bénéficient, à l’occasion de leurs fonctions, d’une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spécialisées ».

    • Tout ceci est très grave, et démontre l’étape idéologique cruciale dans laquelle nous sommes aujourd’hui et qui vise de la part du capitalisme mondial s’appuyant sur les forces les plus réactionnaires de chaque pays, à donner le coup de grâce aux idées marxistes de justice sociale et d’émancipation des peuples.

      Malheureusement, le capitalisme mondial a pris de l’avance surtout depuis les années 1970-1980 sur les forces de libération et d’émancipation des peuples portées par le marxisme dans sa radicalité et son analyse pertinente des méfaits du système capitaliste à tous les niveaux de la société y compris sur le plan humain et sa capacité de discernement et de résistance à l’obscurantisme.

      La capacité du capitalisme à se donner les moyens de cette avance pour se mettre en mouvement de réadaptation aux idées et aux grandes conquêtes sociales de 1968, a été renforcée par l’incapacité de ceux qui ont fait 68 à construire un vrai projet élaboré et cohérent et un blocage déplorable de la part du PCF incapable de se renouveler et de mener une réflexion approfondie sur tout ce qui avait bougé dans la société et dans le monde depuis 1968 (modifications de tactiques et de gouvernance du patronat par exemple, et récupération d’une certaine popularité des Etats-Unis grâce aux nouveaux droits civiques des Noirs et au désengagement au Vietnam.)

      Cela démontre tout le travail à faire pour le mouvement anticapitaliste et le PCF en particulier pour se mettre à la hauteur d’une lutte idéologique intelligente et intense correspondant à l’acharnement et au matraquage de l’idéologie libérale et capitaliste d’aujourd’hui.

      Bon courage !!!

      Maguy

  • Staline le tyran rouge ou « Staline pour les nuls » (Annie Lacroix-Riz, PCF)

    Ce soir M6 présente un film "Staline, le tyran rouge". Sur ce site, en article "A la une" vous pouvez lire le point de vue de Jacques Serieys " Joseph Staline est mort voisi 54 ans. Qu’il reste dans sa tombe !" L’historienne réputée Annie Lacroix Riz, adhérente du PCF défend un point de vue très critique sur ce film (soutenu par l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie) ; nous le mettons en ligne ci-dessous.

    À l’attention de M. Hubert Tison, directeur de la rédaction et rédacteur en chef de la revue Historiens et Géographes et de M. Robert Marconis, président de l’Association des professeurs d’histoire et de géographie de l’enseignement public (APHG)

    Chers collègues,

    Je suis informée aujourd’hui par un collègue de l’enseignement secondaire, agrégé d’histoire, M. Weiser (que je remercie vivement de son initiative), du soutien apporté ès qualités par l’APHG (Association des professeurs d’histoire et de géographie de l’enseignement public), et, selon sa section d’Aix-Marseille, par "la rédaction d’Historiens et Géographes", à une production télévisée non encore diffusée.

    Après lecture de la pièce concernée, la diffusion par www.aphgAixMarseille.com d’une publicité intitulée "Documentaire pédagogique de M6 à destination des collégiens et des lycéens" (que vous trouverez reproduite ci-dessous), je constate avec stupeur que :

    1° l’APHG a été dotée du privilège de visionner, avant la masse des spectateurs français, un « documentaire » de M6 intitulé « Staline, le tyran rouge », titre accrocheur qui semble augurer du même sérieux qu’une production antérieure, « Hitler, la folie d’un homme », dont l’intitulé constitue à soi seul un aveu de manque de sérieux scientifique. Je remercie l’association de faire savoir aux professeurs d’histoire et de géographie de l’enseignement public à quel titre elle a reçu ledit privilège de cette chaîne de télévision privée.

    2° l’APHG accepte que son label et sa réputation auprès des collègues servent de relais publicitaire à une chaîne de télévision qui n’a pas habitué les élèves et étudiants des membres de l’association à des spectacles de nature à informer et éduquer la population française, qu’il s’agisse d’histoire ou de « télé-réalité » information et éducation qui constituent, au moins en partie, la mission de notre profession.

    3° l’APHG donne sa caution, quasi complète, à cette émission, en dépit de la légère réserve finale destinée à sauver son honorabilité : « Bien sûr les réalisateurs ont fait des choix. Le documentaire ne dit pas tout. Le professeur doit remettre en perspective et compléter, expliquer, et initier les élèves à la critique de l’image ». C’est bien le moins que l’APHG reconnaisse au professeur d’histoire « de l’enseignement public » le droit ou le devoir de compléter l’enseignement de base dispensé par une chaîne privée de télévision. Concernant les bases « scientifiques » sur lesquelles le malheureux « professeur » pourra se livrer à cet examen « critique » a posteriori, vous lirez au point suivant mes remarques sur les références bibliographiques que vous fournissez aux collègues, pour la tâche à eux assignée après diffusion du « documentaire » colorisé.

    4° l’APHG, au rebours de toutes les traditions de l’université relatives à la « disputatio » ou au débat scientifique, accentue encore cet appui par la référence à deux des travaux de M. Nicolas Werth, qui a déjà dispensé ses « conseils historiques » au « documentaire » réalisé par Mathieu Schwartz et Serge de Sampigny, et monté par Yves Deleumandre. Je rappelle que Nicolas Werth, Directeur de Recherches au CNRS, a vu sa notoriété portée aux cimes par sa large participation à un ouvrage qui, sur le plan scientifique, a confirmé la « soviétologie » française en lanterne rouge de l’historiographie internationale : du Livre noir du communisme (Paris, Robert Laffont, 1997) réalisé sous l’égide de Stéphane Courtois, M. Werth a en effet fourni la partie présumée scientifique. Il s’est agi en réalité d’une opération politique et idéologique de grande envergure, à l’échelle tant de la France que de l’Europe unifiée. Cette opération éditoriale a donné l’élan décisif à l’assimilation entre nazisme et communisme qui peuple aujourd’hui les manuels scolaires (est-ce avec la caution scientifique de l’APHG ?).

    Dans l’Europe unifiée comptant désormais nombre de pays d’Europe orientale supposés avoir acquis la liberté grâce à l’effondrement de l’abominable Union Soviétique, l’opération a abouti à ce que, malgré l’identité proclamée entre nazisme et communisme, les groupements communistes sont aujourd’hui pourchassés et interdits, tandis que les héritiers des bourreaux nazis et des collaborationnistes de la période 1939-1945 sont dotés de statues, places, etc., et érigés en héros de manuels scolaires ayant servi la liberté des peuples contre la barbarie soviétique. Un des derniers hauts faits de ces hérauts de la liberté s’est déroulé en Roumanie « démocratique », avec la récente réhabilitation « partielle », par la « cour d’appel de Bucarest », du dictateur nazi Ion Antonescu, chef des Gardes de fer, boucher hitlérien, tortionnaire et massacreur de juifs passé par les armes le 1er juin 1946 sur décision de la justice de son pays, événement rapporté par un historien américain, Radu Ioanid, dans le Monde du 2 mars 2007. Je signale en outre que M. Courtois, le maître d’œuvre du Livre noir du communisme, se fait aujourd’hui, entre autres tâches médiatiques, une spécialité de diffuser en tous lieux la bonne parole des organisations « ukrainiennes » : lesquelles se sont illustrées le 25 mai 2006 en rendant un hommage solennel sous l’Arc de Triomphe au pogromiste ukrainien Petlioura, outrage qui a valu auxdites organisations l’ire de la LICRA, organisation juive née de la défense de Samuel Schwarzbard, jeune juif ukrainien émigré à Paris qui y avait tué Petlioura en 1926.

    L’APHG peut-elle expliquer pourquoi son soutien enthousiaste au documentaire réalisé sur les « conseils historiques » de M. Werth est doublé d’une publicité exclusive en faveur du même chercheur ? On imagine dès lors comment le professeur, convaincu des mérites de M. Werth à la fois par M6 et par l’APHG, pourra « remettre en perspective et compléter, expliquer, et initier les élèves à la critique de l’image » mise en forme sur les « conseils » de M. Werth.

    Les collègues ignoreront donc que les travaux de M. Werth, devenu l’idole des manuels scolaires et universitaires, entrent en contradiction absolue avec nombre de ceux qui, dans le monde, font autorité. J’en citerai peu. L’un a été rédigé par son père, le remarquable journaliste anglais Alexander Werth, qui a passé en URSS les années de guerre d’extermination allemande contre ce pays, et en a tiré le gros ouvrage La Russie en guerre, Paris, Stock, 1964, 2 vol. Cette étude de journaliste demeure une des meilleures observations de la guerre en URSS et du soutien massif qu’a recueilli de sa population le « tyran rouge » dont Nicolas Werth décrit en tous lieux « la guerre contre son peuple ». Un des derniers livres universitaires en date, paru en octobre 2006 (donc, qui ne figure pas encore dans l’ensemble es bibliographies) confirme le sérieux du témoignage de 1964 : il a été rédigé par un des plus importants spécialistes internationaux de la politique extérieure soviétique des années trente à 1953, Geoffrey Roberts, Stalin’s Wars : From World War to Cold War, 1939-1953. New Haven & London : Yale University Press, 2006.

    Sur l’histoire intérieure de l’URSS, « la famine en Ukraine » pour ne citer que cet aspect sur lequel M6 va nous faire frémir, l’APHG nous l’annonce est traitée par nombre de spécialistes mondiaux dans des termes absolument antagoniques avec les méthodes et les conclusions de M. Werth. On citera notamment les travaux de Douglas Tottle, Fraud, Famine and Fascism. The Ukrainian Genocide Myth from Hitler to Harvard, Toronto, Progress Book,1987 (photographe de formation qui a démontré, entre autres, que la campagne de presse germanique des années trente sur « la famine en Ukraine » a été alimentée par les photographies de celle de 1921-1922), et, plus récemment, ceux de spécialistes d’histoire sociale : Mark B. Tauger dont la plupart des articles et ouvrages sont téléchargeables (http://www.as.wvu.edu/history/Faculty/Tauger/soviet.htm) et R.W. Davies and S.G. Wheatcroft, The Years of Hunger : Soviet Agriculture, 1931-1933, New York, Palgrave Macmillan, 2004 (travaux catégoriques sur le caractère non volontaire et non génocidaire de la famine ou grave disette, non limitée à l’Ukraine, qu’a connue une partie de l’Union Soviétique en 1932-1933).

    Le fait qu’il n’existe que peu de travaux en français illustre l’état pitoyable auquel est réduit la « soviétologie » française : un historien français se met en péril s’il ne partage pas les vues de M.M. Nicolas Werth et Stéphane Courtois, comme je l’ai fait observer L’histoire contemporaine sous influence, Pantin, Le Temps des cerises, 2004. Il existe cependant un ouvrage traduit en français qui eût pu équilibrer la thèse du « tyran rouge » et qui porte en partie, malgré son titre, sur la période stalinienne, celui d’Arno Mayer, Les Furies, terreur, vengeance et violence, 1789, 1917, Fayard, Paris, 2002. L’APHG n’a cependant pas cru bon non plus de mentionner ce travail comparatif éclairant du grand historien américain, pourfendeur de la « soviétologie » de l’ancienne gauche radicale française qui a acquis « droit de cité dans les salons des VIe et VIIe arrondissements » en abjurant tapageusement le péché original de son appui à la révolution bolchevique (et à l’extrême gauche ici même) et en pratiquant « l’analogie entre Robespierre, Rousseau et la Grande Terreur d’une part, et Lénine/Staline, Marx et le goulag de l’autre » (op. cit., p. 10-11).

    5° l’APHG donne dans la surenchère antisoviétique et antistalinienne même par rapport à l’hebdomadaire culturel et de télévision Télérama. Ce magazine critique systématiquement les régimes qui ont aboli ou menacent d’abolir la propriété des grands moyens de production et d’échange (URSS, Chine, Cuba, Vietnam, Corée du Nord, etc., et désormais Venezuela du « tyran » Chavez). Le journaliste rendant compte du documentaire qui a émerveillé l’association considère cependant que « “Staline pour les nuls” pourrait être le sous-titre de cette biographie du “petit père des peuples”, nouvelle incursion de M6 dans le champ du documentaire historique ». Vous trouverez ci-après le commentaire intégral de François Ekchajzer de Télérama dans son n° 2982 du 7 mars 2007, p. 110 (transcription fournie par M. Weiser) : « Staline, le tyran rouge

    Documentaire de Mathieu Schwartz, Serge de Sampigny et Yvan Demeulandre (France, 2007). 100 mn. Inédit.

    « Staline pour les nuls » pourrait être le sous-titre de cette biographie du « petit père des peuples », nouvelle incursion de M6 dans le champ du documentaire historique. Réalisé à base d’archives en couleurs ou colorisées (première partie de soirée oblige), ce programme destiné à un large public pousse l’exigence de simplicité jusqu’à réduire l’histoire du stalinisme à la folie d’un homme, négligeant le contexte dans lequel son régime s’instaura, comme les circonstances de l’exercice de son pouvoir. Soucieux de nous convaincre de la barbarie du stalinisme, les auteurs usent de procédés pour le moins accrocheurs. C’est le cas dès le prégénérique, qui confronte une image de Maurice Thorez exprimant son « amour ardent » pour Staline à la réalité chiffrée des méfaits du tyran : 1 million d’exécutions, 18 millions de prisonniers... Des chiffres qui s’inscrivent à l’écran pour marquer nos esprits, comme se gravent dans nos oreilles quelques formules assassines du « petit père des peuples ». Le reste est à l’avenant. Bruitage à tout-va des archives, musique omniprésente et commentaire emphatique, concourent à l’hyperdramatisation de ce documentaire, dont la vertu essentielle est de parler d’histoire sur une chaîne et à un horaire habituellement dédiés au divertissement. François Ekchajzer ».

    Pouvez-vous expliquer, chers collègues, aux « professeurs d’histoire et de géographie de l’enseignement public » pourquoi vous engagez la revue Historiens et Géographes et l’association en leur nom dans la promotion militante d’une production que même Télérama qualifie de « Staline pour les nuls ». Je me permets d’espérer que mes collègues membres de votre association solliciteront de votre revue et de l’association qui les représente un comportement plus conforme à la déontologie universitaire.

    Bien cordialement,

    Annie Lacroix-Riz

    Ci-dessous panégyrique de l’APHG (WWW.aphgAixMarseille), envoyé à M. Weiser et communiqué par ce dernier : Staline , le tyran rouge un documentaire de la chaine M6 Documentaire pédagogique de M6 à destination des collégiens et des lycéens

    Nous attirons l’attention des adhérents de l’APHG, des lecteurs de la revue Historiens et Géographes sur la projection d’un nouveau documentaire en couleurs qui va sortir le mardi 13 mars à 20h50 sur M6 Après les documentaires sur Hitler, la folie d’un homme et Quand l’Algérie était française , M6 sort ce nouveau documentaire sur Staline , le tyran rouge . Réalisé par Mathieu Schwartz et Serge de Sampigny et Yves Deleumandre pour le montage, il a bénéficié desconseils historiques de Nicolas Werth, Directeur de Recherches au CNRS

    Comment Staline a t-il conquis le pouvoir, comment est-il devenu un dictateur impitoyable comment a t’il dirigé d’une main de fer son pays (planification , collectivisation des terres , industrialisation à outrance) ? Pourquoi a-t-il éliminé ses amis comme ses opposants ? Le documentaire essaie de répondre à ces questions et de cerner la personnalité d’un tyran qui a causé en 30 ans la mort de millions de personnes. La famine d’Ukraine en est un exemple tragique.

    Pour contourner la difficulté des films de la propagande stalinienne, les réalisateurs ont consulté plusieurs centaines de sujets d’archives émanant de 15 sources différentes, notamment à Moscou. Ils ont pu photographier quelques documents terribles auprès d’associations pour la mémoire des victimes du stalinisme. Beaucoup de ces images sont inédites.

    Le documentaire est un récit historique réalisé à partir d’archives (Les deux tiers des images ont été colorisées pour rendre selon les réalisateurs le sujet plus accessible et plus réaliste). Aucune interview n’a été réalisée pour privilégier les documents d’époque : cahiers intimes photos, lettres. Les citations des protagonistes sont lues par des comédiens qui ont été colorisées pour les rendre plus accessibles à un grand public. Ajoutons que des cartes permettent de mesurer les évolutions territoriales de l’URSS, de situer par exemple les camps d’emprisonnement.

    La revue Historiens et Géographes qui a vu le documentaire, le recommande, c’est un excellent support aux cours sur l’histoire de l’URSS en 3 ème, en 1ère et en Terminale. Il est libre de droits et peut donc être enregistré le jour de sa programmation le mardi 13 mars. et utilisé par la suite en classe sans aucun problème .Il dure plus d’une heure, mais il peut être présenté en totalité ou surtout en partie, en séquences par exemple pour analyser la période des procès, l’art de la propagande, la famine d’Ukraine, le travail forcé des opposants ou l’enterrement de Lénine ou Staline pendant la Seconde Guerre. Bien sûr les réalisateurs ont fait des choix Le documentaire ne dit pas tout. Le professeur doit remettre en perspective et compléter, expliquer, et initier les élèves à la critique de l’image.

    A lire Nicolas Werth La terreur et le désarroi Staline et son système, Perrin, collection Tempus , 2007, une réflexion neuve sur le stalinisme

    La rédaction d’Historiens et Géographes

    http://www.prs12.com/article.php3?i...

  • En clair : Comment une intox Germano-Austro-Vaticanesque appuyée par des ukrainiens antisémites est devenue, 75 ans aprés, une vérité d’évangile dans le microcosme historicien officiel de la France chiraco-sarkosienne !

    Plus fort que le ZyklonB ; 6 millions d’ukrainiens auraient donc, en 36 mois, disparu sans laisser ni traces ni témoins !

    CN46400