Accueil > Sondage : de qui se moque-t-on ?
Sondage : de qui se moque-t-on ?
Publie le mercredi 11 octobre 2006 par Open-Publishing2 commentaires
Plus les sondeurs se trompent, plus les Français sont sondés. Rien n’y fait. Ni les échecs passés lors d’élections françaises, ni les fiascos rapprochés qui viennent d’intervenir à la fois en Belgique - « Ce vote mettra en évidence une nouvelle poussée de l’extrême droite flamande, en particulier à Anvers », avait pronostiqué Libération le 7 octobre (1) -, au Brésil - « Le président Lula en passe d’être réélu au premier tour » annonçait Le Monde du 1er-2 octobre -, en Autriche (où, à la surprise d’autant plus générale que les sondeurs avaient prophétisé l’inverse, les sociaux démocrates ont mieux maintenu leur position que la droite).
Présidente du Medef et patronne de l’Ifop, Laurence Parisot explique que les erreurs des sondeurs prouveraient le caractère scientifique de leur pratique : « L’outil utilisé n’est pas une boule de cristal. Ce sont les limites mêmes du sondage qui prouvent sa scientificité. Ces limites n’invalident nullement sa valeur. Le sondage apprend. Le sondage étonne » (Les Echos, 9 octobre 2006). Peut-être soucieux d’étonner, Les Echos a procédé dès le lendemain de la publication de ce point de vue à une nouvelle « enquête » d’opinion. Confiée à BVA, elle nous a appris : « Sondage : Royal plus crédible que Fabius et DSK en économie. » Et la Une du quotidien économique d’expliquer : « Les résultats donnent une avance notable à Ségolène Royal. L’écart avec Dominique Strauss-Kahn est en moyenne de 22 points chez les sympathisants socialistes, et elle devance Laurent Fabius, y compris dans l’électorat d’extrême gauche. »
Ces « résultats » sont d’autant plus savoureux que « les Français » ont dû répondre à des questions relatives à la crédibilité respective de Mme Ségolène Royal et de MM. Laurent Fabius et Dominique Strauss Kahn sur des sujets aussi précis que « le financement de l’assurance maladie », « les retraites », « la réduction de la dette publique », « la montée des prix de l’immobilier » ou « la fusion GDF - Suez ». Interrogation : combien de sondés peuvent réellement définir et différencier les propositions des trois candidats socialistes sur chacun de ces dossiers ? Et si, comme c’est probable, leur nombre est infime, quel est le sens des questions posées (2) ? « Les conclusions du baromètre mensuel BVA-Les Echos-BFM-Akerys sont sans appel », affirme toutefois Les Echos... Mais en ajoutant cette savoureuse précision : « Même sur des sujets sur lesquels la présidente de Poitou-Charentes s’est peu exprimée, tel le financement de l’assurance maladie, l’écart est notable. » « C’est un réflexe qui relève presque de la foi », admet alors M. Gaël Sliman, directeur adjoint de BVA Opinion et responsable de l’enquête. Mais les Français accordent-ils encore beaucoup de « foi » aux sondages ?
Peu importe : ces derniers occupent le terrain, au point de le parasiter. M. François Bayrou notait récemment : « Les minutes de télévision font les sondages, les sondages font les médias qui justifient à leur tour que vous repassiez à la télévision. » Or cette occupation du terrain n’est pas innocente. Quand M. Nicolas Sarkozy ou son conseiller politique M. François Fillon ont pris des positions démagogiques en matière de répression des jeunes délinquants ou de remise en cause des « régimes spéciaux », un sondage a aussitôt été diligenté. Le 15 septembre dernier, par exemple, Aujourd’hui en France titra en Une : « Retraite, la fin des privilèges. LES FRANÇAIS SONT POUR ». Et, en matière de sécurité, c’est au moment précis où un policier brutalisé témoignait des violences qu’il venait de subir que l’« enquête » intervint. Elle fut tellement biaisée qu’un professionnel des sondages exprima son dégoût : « On est stupéfait, explique Pierre Weill, ancien président de la Sofres, à la lecture des deux enquêtes, de voir à quel point “les réponses sont dans les questions” : au point qu’il est légitime de se demander si les résultats reflètent l’avis des sondés ou le pressentiment des sondeurs ! L’Ifop, par exemple, introduit ainsi le questionnaire de l’étude qu’il a réalisée pour le Figaro et LCI : “A propos de la récente agression de deux CRS à Corbeil-Essonnes et plus généralement au sujet de la délinquance, êtes-vous tout à fait d’accord, plutôt d’accord, plutôt pas d’accord ou pas d’accord du tout avec les affirmations suivantes ?” Difficile, lorsqu’on vous apostrophe ainsi, de ne pas donner dans la surenchère répressive, sauf à se sentir d’une lâcheté coupable envers les deux CRS victimes d’agresseurs ignobles (3). »
Au fait, plus d’un mois après la visite de M. Sarkozy à Washington, plus d’un mois après sa rencontre avec le président des Etats-Unis, plus d’un mois après ses déclarations condamnant en territoire étranger la politique étrangère du gouvernement auquel il appartient, aucune enquête d’opinion ne nous a encore instruits de ce que les Français en pensaient. Dommage que nul institut n’y ait pensé dans un pays qui produit deux sondages par jour...
(1) Le parti d’extrême droite Vlaams Belang (« L’Intérêt flamand ») a remporté 33,51 % des suffrages à Anvers, un score en légère augmentation par rapport aux 32,95 % qu’il avait récoltés en 2000. Mais le parti socialiste flamand SPA du maire Patrick Janssens dépasse le Vlaams Belang - jusque là premier parti de la ville - avec 35,28 % des suffrages, en très forte progression sur les 20 % qu’il avait obtenus en 2000, selon ces résultats (AFP).
(2) Même si l’enquête des Echos appelle d’autres critiques, les « enquêtes » d’opinion cherchant à départager les candidats à la candidature socialiste sont particulièrement peu fiables, comme vient de le rappeler la Commission des sondages. Le plus souvent, elles reposent sur des échantillons ridicules et elles interrogent des catégories de personnes qui ne correspondent pas à celles qui vont arbitrer cette consultation interne (réservée aux seuls 200 000 adhérent du PS, pas aux millions de sympathisants socialistes). Lire, sur le sujet « Les sondeurs délirent (déjà) grave », Le Canard Enchaîné, 11 octobre 2006.
(3) Pierre Weill, « Certains sujets ne peuvent être traités en fonction de l’opinion. Sondage n’est pas adage », Libération, 27 septembre 2006.
Messages
1. > Sondage : de qui se moque-t-on ?, 11 octobre 2006, 19:34
Avez-vous déjà été consulté pour un sondage ? Moi, jamais et je ne connais personne qui l’ait été. Les sondeurs qont recrutés par un institut ami de celui qui veut lancer le sondage, dans un même groupe d’opinion et ils iront interroger des gens de leur connaissance, donc en gros de la même sensibilité qu’eux, dans un échantillon représentatif de toutes les professions.
Résultat : les sondages disent toujours ce que celui qui les a lancés souhaitait entendre.
1. > Sondage : de qui se moque-t-on ?, 12 octobre 2006, 04:08
Le sondage comme il est utilisé en politique est un outil de propagande ni plus ni moins. les staticiens vous diront les limites scientifiques sur les methodes utilisés et surtout le nombre de personnes sondées ( échantillon representatif) qui est généralement trés inferieur pour une étude serieuse et fiable.anna