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Sous la plage... les pavés ! Guadeloupe : la grève générale se renforce.

Publie le mercredi 18 février 2009 par Open-Publishing

Sous la plage... les pavés !

Interview de Jean Claude Tormin (syndicaliste guadeloupéen)

On n’avait pas vu ça depuis longtemps : 60 000 manifestants dans les rues lors du "déboulé" (parade traditionnelle du carnaval) organisé par le LKP le 30 janvier, au moins autant le 14 février au Moule en commémoration du massacre de la grève générale de 1952, noyée dans le sang par l’Etat Français. C’est un vrai cyclone social et politique qui traverse la Guadeloupe depuis 1 mois et qui se dirige désormais en Martinique, mais aussi en Guyane et à la Réunion (un appeL à la grève générale eSt lancé pour le 5 mars. On est loin de l’image de carte postale, cocotiers, plages paradisiaques et Ti’punch) véhiculée ici en Métropole lorsque l’on parle des DOM (Départements d’Outre Mer). Et pourtant à y regarder de plus près, l’explosion sociale que connaissent ces îles n’est pas surprenante. Avec des taux de chômage et de pauvreté faramineux et un coût de la vie supérieur de 20 à 50% par rapport à la Métropole, ce sont les département les plus pauvres de France.

Comme nous l’explique Jean Claude Tormin, syndicaliste guadeloupéen, ce n’est pas qu’une crise sociale, et comme toute grève générale elle porte en elle un contenu politique fort. La réponse du gouvernment en envoyant les gardes mobiles et en interpellant 50 militants du LKP lundi 16 février montre aussi cette peur des élites que la contestation ne se politise plus et ne s’étende au delà de l’océan, ici même en Métropole.

Cela fait 1 mois qu’une grève générale se développe en Guadeloupe (et maintenant aussi en Martinique depuis 2 semaines) quelles sont les raisons de ce mouvement ? Comment a -t-il été préparé ?

La grève se radicalise et la mobilisation ne faibli pas au 25ème jour. Ce mouvement est la résultante de l’accentuation de l’exploitation néocoloniale et de la réponse unitaire que les masses laborieuses ont décidé de porter.

La force de la grève semble aussi résider dans le collectif "Lyanaj Kont Pwofitasyon" (LKP) ? Comment s’est-t-il créé ?

Le collectif "LIYANAJ KONT PWOFITASION" (LKP) a été créé a l’initiative des principales organisations syndicales (UGTG, CGTG, CTU, SPEG et FSU) pour fédérer l’ensemble des revendications sociales, culturelles et économiques qui se posaient depuis des années dans le pays. La première manifestation s’est déroulée le 16/12/2008 et a rassemblé 10 000 personnes dans les rues de Pointe à Pitre autour du thème de l’amélioration des conditions de vie, contre le chômage (27%) et la discrimination à l’embauche. Suite à cette marche le collectif a été rejoint par des organisations socio-professionelles, des associations culturelles et sociales, ainsi que par des organisations politiques anticolonialistes.Ainsi a été lancé l’appel à la grève générale reconductible du 20 Janvier sur la base d’une plateforme de revendication de 152 points.

Quelles sont les actions entreprises ?

La grève générale s’est transformée en un immense mouvement populaire de protestation et a mis en exergue le mal être antillais. Toutes les couches de la population sont mobilisées et prennent spontanément des initiatives.

 Des marches et des meetings ont lieu tous les jours dans les rues des grandes villes (Pointe à Pitre et Basse-Terre).

 Dans la zone de JARRY (Zone d’import-export) les travailleurs grévistes passent d’entreprises en entreprises pour expliquer et convaincre les non grévistes de rejoindre le mouvement.

 Les agriculteurs ont lancé la vente directe de fruits et légumes dans les champs au "prix LKP".

 Les petits producteurs également. Une économie de résistance est en train de se mettre en place.

 Des concerts de soutien sont également programmés.

Le collectif a appelé il y a 2 semaines à une rencontre avec la jeunesse.

La jeunesse prend -t-elle une part active dans cette grève ?

Les jeunes participent pleinement au mouvement, en effet une rencontre entre le LKP et les coordinations d’étudiants et de lycéens, ainsi que de jeunes au chômage ou inorganisés a permis un débat fructueux. Les jeunes guadeloupéens diplômés majoritairement touchés par le chômage sont inquiets pour leur avenir et ont réaffirmé leur droit à vivre et travailler au pays. Beaucoup de témoignages attestent d’une certaine discrimination à l’embauche. Dans le privé les emplois de cadres sont souvent occupés par des métropolitains, ou encore les critères de recrutements sont tels que peu de jeunes peuvent y répondre. (Ainsi un grand groupe hôtelier Norvégien recherchait des jardiniers et des femmes de ménage bilingues !!!).

On a l’impression que les guadeloupéens se sentent abandonnés et comme "colonisés" comment explique tu ce sentiment ? quelles en sont les bases matérielles ?

Les guadeloupéens et maintenant les martiniquais ne se sentent pas abandonnés bien au contraire ils veulent agir sur leur destin et dénoncent en filigrane le fait colonial dans ces territoires. Il faut savoir que l’économie de plantation du siècle dernier perdure. L’érection des anciennes colonies d’Amériques en Département français n’a pas changé la nature des rapports d’exploitation. De territoires d’exploitation des monocultures canne à sucre et banane au service d’une oligarchie de blancs créole, ils se sont transformés en terre de consommation de produits manufacturés et dont le principal bénéficiaire est cette oligarchie qui détient la quasi totalité des entreprises d’import-export ainsi que les enseignes de la grande distribution (Carrefour, Cora..).

Autres éléments à verser au dossier, l’approvisionnement pétrolier est réalisé par la Société Antillaise de Raffinerie (SARA) dont le principal actionnaire est la société TOTAL, laquelle détient également 70% des stations services, la révolte vient aussi du prix du carburant qui n’arrête pas de grimper, alors que TOTAL annonce des bénéfices faramineux.. Le prix des services de banque est en moyenne de +150% des prix pratiqués par les mêmes groupes en FRANCE (BNP, Société Générale). Les masses populaires subissent de pleins fouet une double peine, l’exploitation coloniale et capitaliste entretenant une mise à l’écart et une paupérisation du citoyen n’est donc plus acceptable.

Comment se traduit cette colère d’un point de vue politique et syndical ?
il y t-il un afflux de militants ? Les discussions entre travailleurs font -elles le lien avec la crise du capitalisme ? il y a t-il un regain des revendications indépendantistes, et/ou anticapitalistes ?

Meetings, marches, débats citoyens avec différentes couches de la société (les jeunes, les artisans, les petit producteurs...), souvent retransmis en direct par les médias locaux.

Organisation dans les communes de bases du collectif animé par des militants anticolonialiste de façon générale.

Il est clair que le débat politique sous-tend les revendications, même si les revendications portées par le collectif sont d’ordre social, économique, écologique et identitaire. Mais les actions de masse sont encadrés par des militants politiques et syndicaux.

Le contexte de la crise financière favorise également le débat et la prise de conscience pour une nouvelle société garantissant un partage des richesses en faveur des plus démunis et que la Guadeloupe a sa part à prendre dans la lutte contre le capitalisme mondial. On peut dire que cette lutte, est la lutte des travailleurs guadeloupéens pour la réappropriation de leur destin.

Le gouvernement a envoyé Yves Jégo et des « médiateurs »pour entreprendre des négociations. Quelles sont les propositions ? Comment sont elles prises par les travailleurs ?

Le collectif a joué l’ouverture, mais la fermeté. Les péripétie de JEGO n’avaient d’autre objectif que de faire illusion. En définitif un préaccord avait été trouvé avec lui, notamment
 sur une baisse de 10% de 100 produits de première nécessité,
 une augmentation de 200€ net des salaires jusqu’a 1,6 SMIC, avec une dégressivité au delà.
 une baisse du prix de l’essence de 20ct.

Les collectivités locales avait décidé de mettre 50Millions d’€ dans le dispositif

Le MEDEF local conditionnait l’augmentation de salaire à un allègement de charge.

Ce préaccord n’a pas reçu l’aval de son gouvernement et le Medef local en a profité pour faire du dilatoire.

Les négociations sont interrompues mais la lutte continue en conscience avec encore plus de détermination !!!

Cela a été démontré par la manifestation du 14 février, regroupant 50 000 personnes, qui s’est tenue au MOULE en commémoration d’une tuerie des ouvriers de la canne qui manifestaient pour une augmentation de 5francs de salaire et ce en 1952. Conjonction donc avec l’histoire des luttes ouvrières.

Pour suivre le mouvement au jour le jour vous pouvez consulter les sites suivants :
site d’information caribéen :
http://www.caribcreole1.com/
et le site du LKP :
http://www.lkp-gwa.org/

Le Moule, le 25 février 2008

 http://www.gr-socialisme.org/index....