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Souvenirs vénéneux...

Publie le mardi 8 août 2006 par Open-Publishing

Hasard du calendrier, les images de la destruction acharnée du petit état libanais et des populations écrasées sous les bombes m’ont remis en mémoire le sinistre anniversaire de la première attaque atomique de l’histoire : le bombardement d’Hiroshima.

Le 6 août 1945, le B29 Enola Gay, larguait à 9000 mètres d’altitude, une d’une puissance de 20 kilotonnes. Cette bombe, surnommée "little boy", avait été soigneusement revêtue, sur la base de Tinian, de signatures et d’injures à l’adresse de l’empereur Hiro Hito. A 8h15, lorsqu’elle explosa ,75000 personnes périrent sur le coup. 50000 blessés moururent dans les semaines suivantes. En quelques secondes, l’humanité venait d’entrevoir le vrai visage de l’enfer !

L’équipage de l’Enola Gay fut décoré immédiatement après s’être posé sur la base de Tinian. Le 9 août 1945, Nagasaki fut bombardé à son tour. Une troisième ville, choisie pour cible, fut épargnée grâce à de mauvaises conditions météo. Le Japon capitula le 15 août 1945. Le syndrome d’irradiation aiguë, en particulier par affaiblissement des défenses immunitaires, continuera à tuer pendant des décennies. Le total cumulé des victimes d’Hiroshima et de Nagasaki est estimé à 400000 personnes. Aujourd’hui encore, le taux de certains types de cancer, sur les villes bombardées, est trois fois supérieur à la normale.

La spécificité "nucléaire" des armes utilisées ne sera comprise que très progressivement par l’opinion publique internationale. Les pertes humaines, prévisibles dans le cadre d’une opération de débarquement des Américains au Japon, serviront, pendant longtemps, de seule justification à l’utilisation de cette arme "extrême". En 1988, la déclassification de certaines archives du Pentagone et la publication de la correspondance du Président Truman montreront que la réalité est tout autre.

A la capitulation de l’Allemagne nazie, le Japon est déjà très affaibli et sa défaite est devenue inéluctable. Les Soviétiques entrent en guerre le 8 août 1945 en envahissant la Mandchourie occupée par les Japonais. Dès lors, la capitulation reste la seule issue possible. L’Empereur avait décidé de cesser les hostilités dès le 20 juin 1945 et, au moment du bombardement d’Hiroshima, les pourparlers sont sur le point d’aboutir. L’usage, par les Américains, de "la bombe", n’est pas évoqué comme un élément décisif de sa décision de capituler. Alors comment expliquer le bombardement d’Hiroshima et, a fortiori, la récidive sur Nagasaki, trois jours plus tard.

Il apparaît que la décision finale ait été prise par l’état-major américain à qui le Président Truman avait laissé "carte blanche" sur cette opération. L’état-major avait le souci de démontrer "l’efficacité" et l’importance stratégique de cette nouvelle arme afin de justifier l’énorme investissement consenti. Le projet "Manhattan" élaboré en réponse à la course aux armements de l’Allemagne nazie, avait déjà coûté deux milliards de dollars au contribuable américain et sa poursuite ne pouvait être obtenue, du sénat, sans une démonstration incontestable.

Il convient également, pour Truman et Churchill, d’impressionner les Soviétiques et de ralentir leur ardeur conquérante. Le bombardement de Dresde, mené par l’aviation Anglo-Canadienne et Américaine, avait anéanti la ville dans la nuit du 13 au 14 février 1945. Ce bombardement extrêmement spectaculaire et meurtrier, sans aucun objectif militaire, procédait déjà de la même logique d’intimidation.

Hiroshima et Nagasaki constituent le départ de la "guerre froide". Les Etats Unis venaient d’inventer une nouvelle façon d’avancer leur pion sur l’échiquier géopolitique.
Cette méthode, à grand spectacle, sera réutilisée par la suite, sans toutefois oser avoir, de nouveau, recours à l’arme nucléaire. Le Vietnam sera le théâtre de plusieurs démonstrations de force particulièrement sanglantes, à destination des Soviétiques et des Chinois. L’invasion de l’Afghanistan et de l’Irak a, également, été conduite de la même façon.

Il est à craindre que la symbolique "vitrification", dont est actuellement victime le Liban, procède de la même méthode de "démonstration/intimidation". Les Etats-Unis ne sont-ils pas en train de tenter d’impressionner l’Iran et la Syrie par l’intermédiaire de l’armée Israélienne ? Cette brutale et spectaculaire "exécution" n’est elle pas destinée à dissuader tous ceux qui voudraient s’opposer au "remodelage" du proche Orient selon Georges W. Bush.

Il semble bien que la population civile libanaise soit en train de subir le sort des habitants d’Hiroshima et Nagasaki, le sort de victimes exemplaires d’un conflit qui ne les concerne pas.