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Stephen Harper : Premier ministre avec 24,3% de l’électorat canadien

Publie le jeudi 26 mai 2011 par Open-Publishing

LA DÉMOCRATIE : L’ENFANT PAUVRE DU SYSTÈME POLITIQUE CANADIEN

La définition que nous donne le Petit Larousse de la DÉMOCRATIE est à l’effet que « le peuple exerce sa souveraineté lui-même ou par représentants interposés » Dans le cas du Canada, les électeurs et électrices votent non pas pour un parti politique, ni pour un Premier ministre, mais pour des représentants à la Chambre des communes. Là se trouve le véritable pouvoir du peuple canadien. Cette Assemblée fait le plein de tous les votes.

Dans le cas de la présente élection, les 308 députés élus représentent 61% de l’électorat canadien, soit 14 720 580 sur les 23 971 740 ayant droit de vote. Par contre le Parti conservateur, avec 39.6 % de ces votes obtient la majorité absolue, 166 des 308 sièges que comprend la Chambre des communes. Ainsi le pouvoir du peuple glisse discrètement de la Chambre des communes au Parti conservateur. Ce dernier acquiert ainsi l’exercice d’un pouvoir entièrement sous son contrôle, même si 61% de ceux et celles qui ont voté pour d’autres partis demeurent largement majoritaires par rapport aux 39% de ceux qui ont voté pour le Parti conservateur. Le jeu des partis politiques et du partage des voix ont fait en sorte que 39.6% des voix donnent 166 sièges au parti conservateur et que 60.4% des voix donnent à l’ensemble des autres partis politiques que 132 sièges.

M. Harper avec l’appui de ses 166 sièges, a donc un chèque en blanc pour décider sur de nombreux sujets qui concernent l’ensemble du peuple canadien. Il peut, entre autres, disposer des questions de politique étrangère comme bon lui semble, décider sans contrainte de la participation militaire du Canada dans des guerres offensives sans que personne n’ait à redire, garder en tout le contrôle de l’agenda politique et économique du pays et faire les nominations qu’il souhaite bien au Sénat et à la Cour suprême du Canada. En somme, il est devenu un véritable souverain avec l’appui de seulement 24.3% de l’électorat canadien. Est-ce bien là le type de démocratie pour laquelle nos soldats vont se battre, risquant leur vie et celle des hommes, des femmes et des enfants des pays où ils sont envoyés ?

Cet exemple n’est pas propre à la démocratie canadienne. Tout récemment certains promoteurs de cette démocratie au plan international ont célébré la grande victoire du candidat Martelly comme Président d’Haïti. Une brève analyse de cette élection démontre que près de 77% des Haïtiens n’ont pas voté et que Martelly n’a disposé que de 15,26% des voix de l’ensemble de l’électorat. Comment, dans pareil cas, se prévaloir d’un pouvoir lui permettant de parler au nom du Peuple haïtien, alors que plus de 82% n’ont pas voté pour lui ? Il faut toutefois signaler que dans le cas d’Haïti, différemment de celui du Canada, le poste de Président est soumis aux votes de l’ensemble de l’électorat, ce qui n’est pas le cas pour le poste de Premier ministre du Canada. Heureusement d’ailleurs pour le président Martelly car son parti politique n’aurait pas fait suffisamment le plein de représentants élus au Sénat et à l’Assemblée législatives, pour accéder au poste de Chef d’État.

DES DÉMOCRATIES TROMPE-L’ŒIL

Qui ne se souvient de cette « démocratie autoritaire » dont se prévalait, dans les années 1970, ce putschiste chilien du nom d’Augusto Pinochet ? Plus près de nous, en 2009, un autre putschiste du nom de Michelletti, cette fois, hondurien, n’avait à la bouche que le mot démocratie, pour justifier le renversement par la force du Président légitimement élu, Manuel Zelaya. Pas plus tard que ce matin un animateur bien connu à LCN, M. Mongrain, qualifiait les pouvoirs du Premier ministre canadien comme une sorte de « démocratie dictatoriale », lui permettant de nommer qui il veut, comme il veut et de la manière qu’il veut à divers postes, dont ceux de sénateurs. Dans nos sociétés, comme nous venons d’en donner quelques exemples, nous parlons de démocratie représentative. Cette dernière est de toute évidence la préférée de nos gouvernements. Il y a également, et nous en parlons peu dans nos milieux politiques et journalistiques, la démocratie participative qui se veut, dans sa structure même, une courroie permanente et plus directe unissant le pouvoir du peuple à celui des gouvernants.

En somme la démocratie à l’état pur n’existe pas ou presque pas. Toutefois, pour mesurer, autant faire se peut, leur proximité du pouvoir du peuple, c’est-à-dire leur teneur démocratique, il faut se référer à ce qui fonde le pouvoir de l’État, à savoir le BIEN COMMUN DE L’ENSEMBLE DE LA SOCIÉTÉ. Un État sera d’autant plus démocratique qu’il répondra prioritairement aux impératifs de ce BIEN COMMUN. À l’inverse, il le sera d’autant moins, qu’il s’en éloignera.

Une première observation s’impose : plus nombreux sont les intermédiaires qui interviennent avant, pendant et après l’élection, plus grands sont les dangers d’une récupération du pouvoir du peuple par certains groupes d’intérêts aux préoccupations autres que celles du Bien commun. Les intérêts d’oligarchies économiques et financières seront toujours différents de ceux du peuple et dans bien des cas s’y opposeront. Nous n’avons qu’à penser aux campagnes déployées pour affaiblir l’État dans ses interventions au niveau de la santé, de l’éducation, de l’environnement… Or, dans nos démocraties représentatives, c’est ce qui se passe : les oligarchies contrôlent les processus électoraux et prennent facilement en main les principaux leviers des pouvoirs de l’État. Ainsi leurs intérêts s’imposent aux impératifs du bien commun.

Ces groupes dont le pouvoir financier est immense seront, en général, opposés aux lois visant l’encadrement du financement des partis politiques. Ils seront allergiques à toute forme de consultation populaire y inclus le recours au référendum pour décider de certaines questions plus fondamentales. La consultation directe du peuple leur fait peur. Ils seront également peu pressés pour que les gouvernements votent des lois qui encadrent les processus électoraux et intègrent les technologies les plus modernes pour identifier les électeurs et électrices et pour procéder au comptage des votes. Ils préfèrent se garder des zones grises permettant des interventions leur assurant la protection de leurs intérêts.

Par contre, des pays, beaucoup moins avancés, disposent de technologies qui assurent que chaque vote soit comptabilisé pour ce qu’il est. C’est le cas, entre autres en Bolivie et au Venezuela qui se prévalent de la démocratie participative et qui font appel aussi souvent que nécessaire à la consultation référendaire pour procéder à des changements d’importance.

Il n’est donc plus possible de parler de démocratie sans aussitôt la qualifier soit d’autoritarisme, de représentative, de dictatoriale ou soit encore de participative. Dans les premiers cas, l’analyse met en évidence le contrôle exercé par les oligarchies économiques et financières quant aux orientations qu’elles prennent au niveau législatif, judiciaire, et fiscal. Par le contrôle soit des dictateurs, soit des partis politiques, elles s’assurent cette mainmise rassurante sur la politique de l’État. Elles sont réfractaires aux consultations populaires sur lesquels elles n’exercent qu’un contrôle indirect par les médias qu’elles contrôlent. Le dernier référendum réalisé tout récemment en Équateur permet de voir jusqu’où elles peuvent aller pour manipuler et tromper l’opinion publique. Dans ce dernier cas, ses efforts n’ont pas permis de renverser la vapeur en faveur du OUI. Il en fut, sans doute autrement lors du référendum pour l’indépendance du Québec, en 1996.

CONCLUSION

Dire que nous envoyons nos soldats combattre dans des pays étrangers pour établir la « démocratie », celle sur laquelle les oligarchies auront plein contrôle, le plus souvent en opposition directe avec les intérêts de ces peuples, donne à réfléchir. Que faudra-t-il au peuple pour reprendre le contrôle de son destin ? Pour le moment il ne l’a pas. D’autres s’en occupent.

Oscar Fortin

Québec, le 19 mai, 2011

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