Accueil > Tables rondes (stop aux)
Un forum samedi toute la journée organisé par France Culture sous forme de
table ronde au cabaret sauvage, à la Villette, cela paraît passionnant,
Le lendemain on remet ça , à la Villette encore, c’est dimanche les états
généraux au Zénith avec de nouveau des tables rondes.
Je suis convoqué à St Brieuc pour une table ronde sur le sujet « la culture
au feu, les artistes au milieu ».
Les tables rondes se multiplient.
Ça fait bien d’être à la tribune d’une table ronde.
Ça montre qu’on est un bon intellectuel, reconnu apte aux tables rondes.
Je ne comprends pas, je ne suis pas invité à toutes les tables rondes.
Ce matin c’est la table ronde des arts de la rue,
au programme l’organisation de tables rondes dans toute la France.
Les tables rondes sont la panacée et la réponse à tout.
Modérateur de table ronde, c’est un nouveau métier,
Peu à peu se dessine une aristocratie de la table ronde,
avec des stars de la table ronde...
Les tables rondes sont les grands rendez vous de l’automne.
Combien faîtes vous de tables rondes par semaine ?
Si vous avez le micro, lors d’une table ronde, vous devez être incisif,
ramassé, percutant, et tenter de vous faire applaudir en étant plus
passionné que l’orateur précédent,
N’oubliez pas de rappeler qui vous êtesŠ
À moins que le modérateur ait sorti son « on ne présente plus Jacques
Livchine » ce qui fait du bien à votre égo.
À la quarantième minute de la table ronde intervient un recentreur de table
ronde qui en principe nous rappelle que c’est l’OMC, la responsable de tous
les maux.
Au bout d’une heure et demie, le modérateur de la table ronde est débordé
et arrête la table ronde, pour que la discussion continue autour d’un
verre.
On se demande ce qui a été dit que l’on ne savait pas et si la pensée a
avancé d’un millimètre, car les tables rondes ne rassemblent que des gens
qui sont tous d’accord entre eux à de faibles nuances près.
Une bonne table ronde doit ressembler à une sorte de messe où sont
psalmodiées les refrains de l’été, les rengaines anti Medef, anti Aillagon,
anti Cfdt, anti Raffarin, et l’inénarrable place indispensable de
l’artiste au c¦ur de la société.
Les tables rondes sont les nouveaux clubs à la mode où il est bon de
montrer sa solidarité sans faille au mouvement des intermittents.
Pendant ces centaines de tables rondes, au 3 rue de Valois, le
conseiller Brunner, le directeur de cabinet, Cerruti le ministre se
réjouissent et s’affairent La fermeté a payé, pensent ils.
Le retour au calme s’est fait sans encombre, grâce au réseau institutionnel
qui ne s’est pas laisser tenter par l’aventure des annulations en chaîne.
Et ils nous préparent tous ensemble une sorte de loi d’orientation, une
loi cadre, personne ne comprend ce que c’est , ils consultent vaguement des
pans de la profession qui sont fiers d’être sollicités et d’être l’oreille
du ministre pendant 45 minutes, ce ministre qui ose encore se présenter
comme le « sauveur » de l’intermittence.
Et pendant ce temps là, dès le 10 janvier , les premiers intermittents vont
disparaître. Chez nous, c’est Goobie qui aura perdu 26 cachets cet été,
dont la date anniversaire est le ’0 janvier et qui n’arrive pas à trouver
ses heures sur ’’ mois même en opérant le fameux glissement.
On a évoqué les plateaux tournants pour les grévistes d’Avignon, cela a
commencé à ToulouseŠmais la prudence et la réticence de nos institutions
font que cela démarre très en douceur.
A la grande joie de la rue de Valois, les petites compagnies vont, elles
aussi, commencer à disparaître, ce qui était le but de l’opération.
L’épuration ethnique va se faire sans tintamarre médiatique.
Ma question : est- il bien raisonnable de continuer à faire des tables
rondes ?
Le raz de paroles doit se transformer en cahier de doléances.
Il y avait une telle énergie tout l’été,
Il faut la transformer en projet, en construction en création.
Que l’Etat soit face à une volonté populaire de changement.
Il suffit de transformer ces tables rondes en contre- assises avec papier et
crayon et de rassembler des propositions écrites, et c’est là que l’on voit
ce que réclament les gens tout de suiteŠ
Ils veulent une autre culture, plus proche, plus vivante , plus humaine,
Ils veulent du partage, de la solidarité,
Ils veulent du populaire, ils le disent, mais de qualité,
Ils veulent une culture plus subversive,
ils en ont marre des mandarins et de l’artistiquement correct
Ils veulent que la télé paie les dégâts qu’elle a provoqués, ils veulent
que l’on taxe les émissions dégradantes,
Ils veulent que l’on taxe les villes qui profitent des festivals off
Ils veulent de la rage, de la subtilité
Ils veulent voir le désordre du monde sur scène, transformé en bonheur
insurrectionnel
Ils veulent du brassage, de la diversité
Ils veulent de l’art à l’école,
Ils veulent de l’impertinence , de la couleur
Ils veulent changer les canons en projecteurs,
Ils veulent moins de généraux, plus de généralesŠ
Ils veulent des haltes- garderie dans les lieux culturels
Ils veulent le mélange des arts
Ils veulent des logiques d’engagement, pas des logiques de carrière,
Ils veulent un quota de directeurs de structure qui n’aient pas le bac
Ils veulent un jour de télé off par semaine
Ils veulent un dégrèvement d’impôt sur les places de spectacle
Ils veulent mettre fin au copinage des directeurs
Ils veulent désacraliser les lieux d’art
Ils veulent que la culture soit aussi financée par le ministère de la santé
et de l’urbanisme et de l’aménagement urbain etc.
J’ai déjà plus de 300 propositions rassemblées au cours de 3 contre-
assises. (deux à Limoges, une à Audincourt)
On continue le ’er novembre.
Les réponses sont anonymes, fiévreuses et toutes vont dans le même sens.
Mais il en faut des milliers.
Et forts de ces propositions,
on pourra se lancer dans un nouveau bras de fer.
Porter la guerre sur notre terrain, et la gagner.
On s’est tous dits que c’était le moment où jamais de changer ce qui nous
pèse.
Mais ce n’est pas à une petite structure comme la nôtre d’assumer toutes les
contre- assises, tout le monde doit s’y mettre,
C’est à nous de nourrir Latarjet et de faire en sorte que sa nomination
n’ait pas été un simple leurre pour permettre au ministre de calmer le jeu.
Il ne faut pas que Latarjet soit le porte parole des seuls barons de la
culture, notre voix doit être forte, car elle doit être celle du « peuple »
Jacques Livchine