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Tchétchénie : quelle amnistie ?

Publie le samedi 17 février 2007 par Open-Publishing
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Tchétchénie

Amnistie

L’amnistie adoptée par la Douma en septembre 2006 est venue à échéance le 15 janvier dernier. Elle avait suivi l’appel lancé par le directeur des services de renseignements (FSB), Nikolai Patrushev, à la suite de la mort de Chamil Bassaiev. Au lendemain de l’action, les chiffres diffèrent : 467 combattants du Caucase du Nord se seraient rendus durant cette période, parmi lesquels 305 auraient déjà reçu l’amnistie, selon le procureur adjoint tchétchène, Nikolai Kalugin, tandis que le comité national contre-terroriste parle de 546 personnes. « Les formations armées illégales ont pratiquement été éliminées, et leurs chefs soit exterminés ou poursuivis en justice et condamnés » , s’est réjoui Ramzan Kadyrov. Selon lui, les deux nouveaux bataillons Nord et Sud sont aujourd’hui composés à 90% d’anciens combattants, et le régiment Kadyrov à 99%.

La guérilla, par la voix de son ministre des affaires étrangères Akhmed Zakayev, a rejeté les chiffres de l’amnistie, parlant d’une « propagande ». Au contraire, elle s’est réjouie de la défection de trois Kadyrovtsy le 8 janvier dernier, venus rejoindre les troupes de la guérilla. Les autorités tchétchènes non-séparatistes ont rétorqué que les trois hommes étaient simplement manquants. Plusieurs défenseurs des droits de l’homme restent également sceptiques face au succès de l’amnistie. Pour eux, l’amnistie était beaucoup trop étroite pour accueillir ceux qui se trouvent encore dans les montagnes. « Si la participation au combat contre les forces armées est regardée comme un crime impardonnable, qui donc est éligible au regard de l’amnistie ? » , demande Oleg Orlov, de l’organisation Memorial. Cette amnistie est la troisième adoptée depuis le début de la seconde guerre : deux autres le furent en décembre 1999 et en septembre 2003.

RFE_RL, Newsline, vol.11, n°8, part I, 9 janvier ; RFE-RL, Russia Says 550 North Caucasus Militants Accepted Amnesty, 15 janvier ; RFE-RL, Newsline, vol.11, n°8, part I, 16 janvier ; Prague Watchdog, Amnesty deadline runs out in Chechnya, 16 janvier ; New York Times, Success of Chechen Amnesty Plan Is Contested, 16 janvier ; Kommersant, Ramzan Kadyrov claims credit for the amnesty, 16 janvier .

Sécurité

Selon l’envoyé spécial du président pour le district fédéral sud, Dmitri Kozak, le principal problème du Nord-Caucase est la corruption. « Plus personne n’est concerné par l’activité terroriste ou le niveau de criminalité - tout le monde a peur de l’extorsion de le part des autorités, de leurs stéréotypes et de leurs biais. » Les organisations de droits de l’homme contestent cependant la disparition des autres problèmes. Tatiana Loshkina, de Demos, "oui, nous pouvons être contents des bâtiments nouvellement peints, des rues propres et des fontaines bâties à Grozny… Mais malgré tout cela, la situation des droits de l’homme reste monstrueuse".

Dans leur nouveau rapport sur la situation des droits de l’homme en Tchétchénie, Memorial et Demos ont conclu à l’absence de stabilité, malgré le culte de la personnalité de Ramzan Kadyrov. Selon eux, les événements dans la République peuvent toujours être considérés comme étant des crimes contre l’humanité. Depuis le début de la seconde guerre, entre 3000 et 5000 personnes ont disparu en Tchétchénie. 539 personnes auraient disparu en 2002, 497 en 2003, 448 en 2004, 302 en 2005 et 172 en 2006.

Selon les deux organisations, la diminution du nombre de disparition ne dénote cependant pas une amélioration de la situation, mais la peur des familles de témoigner. Les policiers eux-mêmes conseillent aux familles de retirer leurs plaintes, en leur expliquant qu’elles ont plus de chances en agissant par eux-mêmes. « Pourquoi vous priver d’une chance de retrouver votre proche ? Un intermédiaire pourrait apparaître et vous permettre de régler l’affaire. Mais si vous faites du bruit et utilisez les moyens légaux, vous pouvez oublier cette chance ».

De nombreuses prisons illégales sont toujours présentes sur le territoire tchétchène. Les pires sont à Tsentoroi, le fief de Ramzan Kadyrov, Khankala et Djalka. Pour les organisations, Elina Ersenoïeva, mariée de force à Chamil Bassaiev peu avant sa mort, aurait été détenue à Tsentoroi. Sa mère avait été enlevée alors qu’elle recherchait sa fille. Les deux organisations pensent qu’elles sont toutes deux aujourd’hui décédées.

RFE-RL, Newsline, vol.11, n°12, part I, 22 janvier ; AP, Think tank : Human rights in Chechnya "monstrous", 29 janvier ; Novaïa Gazeta, The silence of the Chechens , 30 janvier )

Présidence

Le 24 janvier, le président tchétchène Alu Alkhanov a annoncé qu’il ne se représenterait pas pour un deuxième mandat en 2008. Il a cependant rajouté : "si ma destinée est d’être le leader de la république une deuxième fois, je le ferai". Tous spéculent sur qui sera le prochain président : le Premier ministre Ramzan Kadyrov ou le ministre du travail Magomed Vakhayev. En effet, quelques jours avant l’annonce d’Alkhanov, Kadyrov avait déclaré qu’il avait envoyé sa recommandation à Vladimir Poutine concernant le prochain candidat pour la présidence tchétchène. Il avait alors annoncé avoir soutenu la candidature de Magomed Vakhayev.

Vakhayev n’est pourtant pas candidat à la présidence. Comme il l’a déclaré à Kommersant : « je ne penserai même pas à faire une telle chose - défier Ramzan Kadyrov pour la présidence ». Depuis la révision de la nomination des présidents des républiques, les envoyés présidentiels, dans ce cas Dmitri Kozak, font deux propositions au président russe, qui effectue le choix ultime. Beaucoup voient donc dans la candidature de Vakhayev un choix inoffensif face à la future candidature de Kadyrov.

En attendant, Kadyrov continue à remodeler le gouvernement. Il a demandé à tous les ministères et les agences de rendre dans le mois à suivre une analyse de toutes les actions à mener d’ici la fin de l’année. « A la fin de l’année, les décisions de nomination pour chaque ministre seront basées sur l’étendue de leur mise en œuvre leur objectifs de leurs plans d’action ». Il a également ordonné la création d’un groupe chargé d’étudier la possibilité de revoir les sentences des Tchétchènes condamnés en Russie. Selon l’ombudsman tchétchène Nurdi Nukhazhiev, 12000 Tchétchènes ont été condamnés depuis le début de la seconde guerre. Il estime que la moitié des condamnations ont été basées sur des accusations montées de toutes pièces.

RIA Novosti, Alkhanov says not keen on 2nd term as Chechen president, 24 Janvier ; Moscow Times, Alkhanov Says Rumors About Resignation Are ’Groundless’, 26 janvier ; Kommersant, Ramzan Kadyrov to free the Chechens, 26 janvier ; Kommersant, Ramzan Kadyrov recruiting for the presidency, janvier .

http://www.groupetchetchenie.org/flash/fr/courriers/0702/tchetchenie.htm

Messages

  • Irak dechire, Tchetchenie pacifiee !

    Alors qu’au milieu des bombes, une nouvelle loi prévoit à Bagdad la répartition du contrôle des gisements pétroliers entre communautés shiites, kurdes et sunnites, prélude à la guerre civile et à la partition, un événement majeur est passé pratiquement inaperçu dans les médias français, d’habitude si attentifs et compatissants envers les malheurs de la République séparatiste tchétchène : rien de moins que l’élection de son nouveau Président le 2 mars 2007. Ramzan Kadyrov, le fis de feu le président Ahmed Kadyrov, assassiné en 2004, vient d’être confirmé par la Parlement Tchétchène dans ses fonctions de Président suite à la démission de Alu Alkhanov. Le sarko-bushiste Glucksman n’en fera pas ses gorges chaudes, si ce n’est peut-être pour dénoncer une « marionnette de Moscou » ou un « pouvoir fantoche » puisqu’il n’est pas viscéralement anti-russe. En attendant, la réalité du terrain est naturellement plus complexe, celle d’une Tchétchénie lasse, vidée de sa génération d’indépendantistes formés à l’époque soviétique dans les rangs de l’armée rouge, une Tchétchénie désormais tant bien que mal pacifiée par un pouvoir russe et une société civile qui ont su trouvé l’incarnation d’une difficile mais nécessaire réconciliation nationale dans la personnalité ambiguë et tourmentée de Ramzan Kadyrov.

    La suite a consulter sur http://www.salutpublic.fr/spip.php?article230