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… et les femmes n’hésitent pas à prendre la rue, malgré les nombreuses pressions.
Ici sous l’aspect citoyen, partout les femmes doivent être le moteur du changement. Car si les hommes partent chercher l’argent pour nourrir la famille, ou alors faire la guerre : les femmes restent et voient mourir leurs enfants. Dans la lutte, les femmes prennent confiance pour continuer à se lever le matin, pour croire en l’avenir ensemble.
Plus de deux semaines après les élections générales, on ignore toujours qui est le gagnant de la présidentielle zimbabwéenne du 29 mars 2008 et il est toujours question de recomptage des bulletins de vote. Les Zimbabwéens attendent… « On pensait qu’après les élections, il y aurait quelque chose de mieux », avoue Rose en tenant la main de son mari, pas vraiment confiante. Un sentiment visiblement partagé par les autres habitants de la township où ils vivent depuis sept ans, sans électricité.
Cette indécision de l’opposition n’étonne pas vraiment Jenni Williams. Coordonnatrice de Women of Zimbabwe Arise (WOZA, « les femmes du Zimbabwe se lèvent »), elle poursuit avec acharnement son combat pour la démocratie et les droits des femmes. Aujourd’hui, elle dit des élections : « C’est une compétition entre une élite qui est au pouvoir et une élite qui attend d’être au pouvoir. » Une bonne centaine de personnes, surtout des femmes, se sont rassemblées en brandissant des panneaux réclamant la publication du résultat des élections puis, rejointes par beaucoup de ceux qui se trouvaient sur leur chemin, elles ont commencé à marcher dans les rues de la ville jusque devant le parvis de la Haute Cour de justice. Étonnamment, la police n’est pas intervenue.
L’espérance de vie des Zimbabwéennes est passée de 65 à 34 ans en une décennie. Le Zimbabwe subit les effets conjugués du sida, d’une crise alimentaire grave et d’une débâcle économique qui feraient 3 500 morts chaque semaine, plus qu’en Irak ou au Darfour. Le désastre a été aggravé par le règne impitoyable du président Mugabe, au pouvoir depuis l’indépendance, en 1980, et sa kleptocratie. Le régime a réussi à transformer un pays considéré comme le grenier du continent en une terre malade et affamée. Il y a dix-huit mois, le gouvernement lançait l’opération Murambatsvina (“nettoyage des ordures”), une offensive hypocrite contre les plus pauvres : des centaines de milliers de familles ont été privées de toit à la suite de campagnes de démolition de bidonvilles ; les vendeurs des rues ont été arrêtés, dépouillés et réduits au chômage. En dehors des pompes funèbres, la police secrète, la Central Intelligence Organisation (CIO), est bien la seule chose qui prospère au Zimbabwe. Son budget colossal - plusieurs fois les dépenses de santé - a permis à son réseau d’informateurs et d’hommes de main de mettre au pas toute résistance ou presque.
Dans ce climat de peur et de désespoir, seul un groupe de femmes défie encore régulièrement le gouvernement. L’association WOZA a été créée en 2003, dans un contexte de crise économique jamais connue depuis l’accession du Zimbabwe à l’indépendance, en 1980. Le but de l’association était de faire entendre la voix des femmes, de promouvoir leur leadership au sein des communautés et de les encourager à se battre pour la défense de leur droit et de leur liberté politique. Arrêtée plus de 30 fois, Jenni Williams, coordinatrice nationale de l’association vit en lieu sûr depuis trois ans pour éviter de se faire arrêter. Les militantes de l’association WOZA sont fréquemment traitées de « prostituées » par la police ; certaines femmes, qui vont souvent aux manifestations avec leurs enfants parce qu’elles n’ont pas les moyens de payer une aide familiale pour s’occuper d’eux, se retrouvent en détention avec leurs enfants dans les commissariats.
AMOUR & RESISTANCE
“S’appuyant sur les principes de la non-violence stratégique dans nos actions, le WOZA crée un espace où les Zimbabwéens sont invités à articuler ensemble des enjeux dont par peur ils n’oseraient pas se saisir sinon individuellement. WOZA a conduit plus de 50 manifestations en trois années d’existence et plus de 2500 femmes ont été mises en garde à vue par la police (…)
WOZA a été créé afin de prouver que le pouvoir de l’amour peut gagner sur l’amour du pouvoir. “Amour & Résistance” est notre arme secrète pour nos mobilisations de masse. Cet amour résistant est comme l’amour d’un parent, qui vous apporte par ce biais la discipline. Les femmes le pratiquent afin d’apporter et pousser à un retour à la dignité chez les Zimbabwéens. Cet amour endurant est un instrument du “pouvoir des gens”, utilisable localement et par tout groupe, pour pousser à une meilleure gouvernance et à la justice sociale, spécialement pour les Zimbabwéens. Les responsables politiques du Zimbabwe ont besoin de quelque discipline : qui de mieux pour la leur servir que des mères !”
Le 14 février 2008 : la Saint-Valentin.
WOZA organise par ailleurs depuis sa création une marche annuelle le jour de la Saint-Valentin au mois de février, illustrant le “pouvoir de l’amour”… Celle de 2006 était placée sous le signe “Du Pain et des Roses” (”Bread and Roses”), en mémoire de la grève nord-américaine des ouvrières du textile en 1912. Celle de 2007 (la cinquième édition !) a été violemment réprimée.
27 novembre 2007 : manifestation contre la violence de genre.
“Vers midi le 27 novembre 2007, environ 1000 membres de WOZA et MOZA (Men of Zimbabwe Arise) ont marché dans les rues du centre de Bulawayo pour marquer le lancement des 16 Jours d’Action contre la Violence de Genre. La manifestation pacifique commémorait aussi le premier anniversaire du lancement de la Charte du Peuple l’an dernier le 29 novembre, au cours duquel des centaines de membres avaient été brutalement attaqués par la police anti-émeutes à Mhlahlandlela. Le souvenir de Maria Moyo qui tenait l’an dernier la bannière en tête de cortège, et est morte récemment des suites du traumatisme de son enlèvement par la police, est aussi dans dans nos esprits et nos coeurs.”
Juillet 2007 : La manifestation de Power To The People.
La désormais célèbre association WOZA a organisé un sit-in impromptu dans les bureaux de la compagnie zimbabwéenne de distribution d’électricité (ZESA). Les membres de WOZA se sont rassemblées dans huit bureaux différents du ZESA - Pumula, Mpopoma, Entumbane, Tshabalala, Magwegwe, Nkulumane, Nketa 6 et Luveve – pour tenir simultanément des manifestations locales. Plus de 500 membres de 16 quartiers différents de Bulawayo ont pris part à ces manifestations citoyennes. La manifestation à Magwegwe, Entumbane, Nketa 6 et Mpopoma s’est déroulée sans incidents et les participant ont pu se disperser avant l’arrivée de la police. A Pumula, environ 70 membres ont été arrêtés alors qu’elles se dispersaient (le commissariat de police est situé à côté des bureaux du ZESA.) Elles ont été amenées au commissariat de Pumula avant d’être transférées au commissariat central de Bulawayo.
Le site : http://wozazimbabwe.org/
[sources : humanité, resisting-women]