Tout "Le Monde" aime Sarkozy

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Onze articles sur Sarkozy dans un seul numéro du Monde. Incroyable ? Et pourtant c’est vrai ! Je les ai lus pour vous...

Le Monde roule-t-il pour Sarkozy ? On peut se poser la question. Y répondre est plus difficile. A chacun de se faire son opinion.

C’est ce que j’ai essayé de faire. J’ai lu l’édition datée du Dimanche 2-Lundi 3 juillet 2006. Et, surprise ! Onze articles consacrés à Nicolas Sarkozy. On le retrouve en Une, en page 2, 3 (deux articles), 8 (deux articles), 9 (deux articles), 15, 16 et 21. Le journal compte 26 pages : la présence de Sarkozy est donc répartie "équitablement" dans tout le journal. Pas moyen d’y échapper !

Sarko et la photo

Dans les pages « Culture » on ne s’attend pas à voir le nom de Nicolas Sarkozy. Et pourtant, dans un portrait de Raymond Depardon (p. 26) on lit que le photographe est « le seul à pouvoir boucler un portrait de Sarkozy pour un magazine et une installation pour un musée d’art contemporain. » Sarkozy, une œuvre d’art contemporain ?

Un autre article est titré « Chez les Sarko, y a pas photo ». Une photo montre M. et Mme Sarkozy dans une pirogue en Guyane. Photo posée ou photo volée ? C’est le débat auquel le journaliste tente de nous intéresser. La conclusion revient, comme il se doit, à Nicolas Sarkozy. « Nicolas Sarkozy victime des médias ? La thèse peut faire sourire. A Venise, où il passait récemment le week-end avec son épouse - des photos ont été publiées dans le numéro de VSD du 28 juin -, la police italienne est venue les prévenir que des paparazzi les photographiaient depuis un bateau sans qu’ils s’en aperçoivent. Fataliste et blasé, le candidat a laissé faire : "Qu’est-ce que j’y peux ?", a-t-il dit aux carabiniers. » Et le lecteur du Monde, comment peut-il échapper à Sarkozy ?

Sarko et Villepin se chamaillent

La page 8 consacre un article et un « encadré » au Teknival. Des centaines de policiers surveillent 40 000 « teufeurs ». Un vrai casse-tête pour le ministre de l’Intérieur. Et une occasion de plus pour Le Monde d’illustrer l’affrontement Villepin Sarkozy. Sarkozy sort vainqueur, rassurez-vous !

L’encadré est titré « Sarko-teuff » ou « gatanatek » sous haute surveillance. Il permet d’associer les mots « Sarkozy » / « fête » et « Gantanamo » / « Teknival ». Les linguistes apprécieront !

Un petit papier pour les sans papiers

Concernant la manifestation pour les « sans-papiers », Le Monde de ce week-end a été très discret. Juste un petit papier en page 9. Intitulé « La maternelle Piver se mobilise autour des familles de sans-papiers », il se focalise sur une école. Et il mentionne, dans le chapeau « Des manifestations en faveur de la régularisation des familles d’enfants scolarisés étaient prévues samedi 1er juillet ». C’est tout...
Ce qui importe, c’est ce qui est écrit, mais surtout ce qui n’est pas écrit. En choisissant d’en dire le moins possible sur les manifestations des sans papiers, Le Monde prend parti. Ne pas faire de bruit sur ce sujet qui gêne Nicolas Sarkozy, telle semble être la consigne. Mais peut-être que je me trompe...

Le médiateur s’en mêle

Même la chronique du médiateur est « contaminée » par Sarkozy. Titré « Les vacances d’un ministre », elle est consacrée à Philippe Douste-Blazy. Mais Robert Solé, le médiateur, fait un clin d’œil au lecteur : « Il y a vingt ans [...] Le Monde faisait totalement silence sur la vie privée des personnages publics. Mais les médias français ont évolué dans ce domaine, encouragés parfois par les intéressés eux-mêmes, qui mettent en scène leur intimité quand cela les arrange. » Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal ne sont pas visés...

« Une opinion plutôt favorable »

Le comptage ethnique est une des marottes de Nicolas Sarkozy. Selon lui, c’est une façon de lutter contre les discriminations. Le Monde y consacre sa fameuse « Page trois ».

« Le sujet divise au sommet de l’Etat », explique-t-on. Sarkozy est pour, Chirac et Villepin sont contre.

Un encadré, en bas de page, fait pencher la balance dans le « bon » sens. Celui de Sarko, évidemment. Il s’appuie sur un sondage (re-évidemment !). Et il est titré « Une opinion plutôt favorable. » L’opinion, ça se travaille comme disait l’autre. Et on peut compter sur Le Monde pour y contribuer...

Une petite touche critique

Pour en revenir à la phrase de Daniel Schneidermann, l’important, ce n’est pas le nombre d’articles, « C’est le ton des éditoriaux, le ton des questions posées ». Jusqu’à présent, les articles que nous avons évoqué ne sont pas très défavorables à Nicolas Sarkozy. En voici un qui semble fort critique.
Titré « Sarkozy en Chirac III », il apparaît en page 2. C’est une critique de l’économiste libéral Eric Le Boucher. Sa thèse : Nicolas Sarkozy a décidé de nous resservir en 2007 le discours sur la « fracture sociale » qui avait tant réussi à Jacques Chirac.

Eric Le Boucher met en parallèle des citations des deux hommes. « Les deux propos sont mot à mot les mêmes : M. Sarkozy a fait du copier-coller de M. Chirac. »

L’économiste fustige la faiblesse du ministre de l’Intérieur en économie : « On avait déploré la faiblesse d’analyse économique de M. Sarkozy lors de son passage au ministère des finances (notre chronique du 29 novembre 2004). Il n’a visiblement toujours pas trouvé de conseiller à la hauteur. Au contraire. »

Il conclut en disant qu’en économie Sarko a tout faux : « Son discours d’Agen fait réapparaître une analyse de la situation de la France fausse, sommaire et inquiétante. »

Pour Eric Le Boucher, seule une politique encore plus libérale pourrait nous sortir de la panade. Ni Sarko ni Ségo ne trouvent grâce a ses yeux : « Tandis que le PS nous replonge dans des manuels marxistes, le candidat de l’UMP fait une régression anti-européenne. » Voici à quoi se résume le débat : « Mme Royal a sur le dos un parti qui vient de pondre un programme dépensier, inapplicable, dont l’inspiration recule aux années 1970. M. Sarkozy chausse les bottes de M. Chirac, d’avec qui il avait pourtant promis "la rupture". »

Que faut-il en conclure ? Qu’au Monde un journaliste à le droit critiquer Sarkozy à condition qu’il critique aussi Royal ? Je n’irai pas jusque là et je vous renvoie à la lecture du « journal de référence »...