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U.S.A. : COMMENT EMPÉCHER LES ÉLECTEURS DU PARTI DÉMOCRATE DE VOTER ?

Publie le jeudi 10 janvier 2008 par Open-Publishing

U.S.A. : COMMENT EMPÉCHER LES ÉLECTEURS DU PARTI DÉMOCRATE DE VOTER ?

9 janvier 2008

Ce texte est la suite de l’article : COMMENT LE PARTI RÉPUBLICAIN VA TRUQUER LES ÉLECTIONS DE 2008…

[Greg Palast - extrait de son livre “Armed Madhouse” (édition 2007) pages 350 à 353 - Traduction : Grégoire Seither ]

Mais pourquoi ? Pourquoi se donner tant de mal pour empécher les gens Pauvres, Noirs et Non-Blancs de voter ? Pourquoi le Congrès se sent il obligé, quarante ans après l’abolition des lois “Jim Crow” qui empéchaient les noirs de voter, d’ajouter une batterie de nouvelles mesures sécuritaires à l’arsenal des législations électorales ? L’excuse officielle est résumée dans cette déclaration de Russel Pearce, législateur Républicain du comté de Mesa, en Arizona :

Nous sommes confrontés à une tentative massive d’inscrire des immigrés clandestins sur les listes électorales

Nooon ! Pas possible ! Nous serions confrontés à une vaste conspiration ayant pour but de noyer les listes électorales sous les hordes basanées de Juarez qui ont franchi les déserts à pied et nagé à travers le Rio Grande juste pour avoir la chance de voter pour Hillary Clinton ?

J’ai immédiatement décroché mon téléphone pour appeler Russel Pearce et en apprendre plus sur cette vaste cabale, savoir comment il avait découvert cette attaque sans précédent sur notre démocratie, lui demander quelques noms et chiffres permettant de prouver cette “tentative massive”… bref, je voulais avoir un peu plus de renseignements.

J’ai aussi suggéré à Russell Pearce de contacter sans attendre le Département de la Justice et de lui remettre les noms de ces clandestins illégalement inscrits sur les listes électorales afin qu’ils reçoivent leur chatiment… mais notre politicien de l’Arizona a été incapable de me fournir le moindre nom d’un seul clandestin inscrit illégalement sur un registre électoral. Il n’a pas non plus été capable de me donner le nom d’une seule personne identifiée comme ayant participé ou orchestré cette “tentative massive” d’inscription illégale.

Quand j’ai demandé à Russel Pearce de me fournir une estimation chiffrée du nombre d’électeurs illégaux ayant infesté nos listes électorales, il m’a renvoyé à son attaché de presse, qui a avancé le chiffre de cinq millions.

Ben ma vieille ! Cinq millions ? Ce ne devrait pas être très difficile de les retrouver, ces millions d’électeurs illégaux, étant donné qu’ils nous ont fourni - sur leur formulaire - leur adresse et leur numéro de permis de conduire.
Comment ont ils calculé ce nombre ? En fait ils l’ont pris sur un site Web du Parti Républicain qui l’a établi à partir d’une extrapolation des chiffres mesurés sur une population de 500 résidents d’une petite ville près de la frontière mexicaine. Dans cette ville, un certain nombre de citoyens avaient été appelés à siéger comme jurés au tribunal mais se sont défaussés parce qu’ils n’étaient pas des citoyens américains.

Il s’avère que les listes dans lesquelles on tire au sort les jurés sont établies à partir des registres électoraux mais aussi des fichiers des cartes grises. Il ne s’agissait donc pas d’immigrés clandestins inscrits illégalement sur les listes électorales, mais tout simplement de résidents légaux qui conduisaient une voiture en Arizona. Ces résidents étrangers s’étaient inscrits pour pouvoir conduire aux Etats-unis, pas pour pouvoir y voter.

Mis à part dans les phantasmes cybernautiques du Parti Républicain, où peut on trouver ces millions d’immigrés clandestins inscrits illégalement sur les listes électorales ? Nulle part ! C’est un mythe… mais un mythe qui est très utile au niveau politique. La légende des “clandestins qui votent” est la base de tout un arsenal de mesures législatives dont le but est d’empécher un crime qui n’existe pas - par contre ces mesures législatives sont à l’origine d’un véritable crime : priver des citoyens légitimes de leur droit de vote.
Si l’on considère que ces nouvelles mesures législatives ont permis jusqu’à présent de tripler le taux de refus d’inscription sur les listes électorales - même quand des électeurs renouvellent leur demande, on peut estimer que le nombre de citoyens américains interdits de vote chaque année va probablement plus que doubler, passant de 1,9 à 3,8 millions par an. Vous pouvez en être certains.

Sherlock Holmes à la rescousse

Je ne suis arrivé au journalisme qu’au milieu de ma vie, vers les quarante ans. J’ai consacré les 20 premières années de ma vie professionnelle à travailler comme enquêteur dans les domaines économiques et financiers. Mon travail consistait à remonter les filières financières et administratives, à éplucher des documents et compiler des statistiques pour découvrir le pot aux roses.

Cette expérience m’a beaucoup aidé pour débusquer l’arnaque présente. Traffiquer une élection c’est avant tout une affaire de manipulation de chiffres et de probabilités. On fait disparaître un petit point de pourcentage par ici, on gonfle un résultat par là…

Ceux qui gagnent à ce genre de jeu sont ceux qui ont compris que ce ne sont pas les votes exprimés qui comptent, mais les votes qui n’ont pas pu s’exprimer, les “néga-votes” qui ne sont jamais enregistrés par les sondages. Le but n’est pas de bourrer les urnes, c’est trop dangereux. Le but est d’empécher les électeurs de votre adversaire d’aller voter ou bien de s’arranger pour que leurs votes ne soient pas comptés.

Prenons donc le temps de compiler et vérifier quelques statistiques.

Pour commencer, oubliez toutes les légendes et préjugés que la presse vous distille à longueur de journée et qui voudraient que les Noirs et les Basanés sont trop feignants ou ne sont pas assez motivés pour aller s’inscrire sur les listes électorales ou encore aller voter. Il suffit de regarder la réalité des chiffres pour voir que c’est totalement bidon. Contrairement à ce que la presse veut nous faire croire, les Noirs américains sont tout autant motivés par les questions électorales que leurs concitoyens Blancs. Neuf Noirs sur dix inscrits sur les listes électorales se rendent au vote (87%), soit quasiment le même pourcentage que les électeurs Blancs (89%). La différence, bien que légère, est essentiellement due au fait qu’il y a plus d’électeurs inscrits Noirs qui se font rejeter dans le bureau de vote que d’électeurs Blancs. Dans certains comtés, neuf fois plus de Noirs que de Blancs se voient refuser l’accès aux urnes.

Mais la grande différence se trouve dans l’inscription sur les listes électorales. Les trois quarts de la population Blanche est inscrite (75%), par contre seulement 69% de citoyens Noirs sont inscrits. Si les Noirs s’inscrivaient sur les listes électorales dans les mêmes proportions que les Blancs, il y aurait 1 630 000 d’électeurs Noirs en plus - soit un nombre suffisant pour faire totalement basculer l’équilibre des forces politiques au Congrès et à la Maison Blanche.

Je vais vous dire une chose qui va vous surprendre : les Noirs s’inscrivent sur les listes électorales dans les mêmes proportions que les Blancs.

Mais alors, me direz vous, où sont ces électeurs supplémentaires ? Ils sont nulle part. Les Noirs essaient de s’inscrire sur les listes électorales. Ils sont même, proportionnellement un peu plus nombreux que les Blancs à tenter de le faire en remplissant chaque année un formulaire d’inscription. Environ 78 % des citoyens Noirs tentent chaque année de s’inscrire sur les registres électoraux de leur commune alors qu’ils ne sont que 77% de Blancs à tenter de le faire.

Mais comme le taux de rejet de demandes des citoyens issus de minorités est tellement plus haut et comme les électeurs Noirs et Basanés ont quatre à cinq fois plus de chances d’être “purgés” des régistres, au final, le nombre de Noirs et Basanés qui se retrouve effectivement inscrit sur les listes électorales est inférieur à celui des Blancs.

Ce “nettoyage ethnique” des registres électoraux n’est pas un point de détail. Par exemple, quand, juste avant les élections 2000, j’ai enquêté sur les “purges” des registres menées en Floride (dont bon nombre se sont avérées, une fois contestées, totalement illégales), j’ai découvert qu’un électeur Noir innocent avait neuf fois plus de chances de se retrouver viré des listes électorales qu’un électeur Blanc innocent. Neuf fois… et on veut nous faire croire que la discrimination n’existe plus.

Pour résumer, le fait d’être issu d’un groupe culturel minoritaire n’a rien à voir avec votre attitude vis à vis du vote et des élections. Ce n’est pas une histoire de culture, c’est une histoire de “nettoyage ethnico-politique” savament préparé.

C’est du racisme ! me direz vous. Pas du tout - enfin, généralement ce n’est pas une histoire de racisme. Alors pourquoi élimine-t’on les Noirs et les Basanés des listes électorales ? Un “stratège” du Parti Républicain, John McWhorter, m’ expliqué les choses lors d’un débat à Harlem :

Si les Noirs et les Latinos n’étaient pas aussi prévisibles dans leurs votes, s’ils cessaient de presque systematiquement voter pour les Démocrates, il est probable qu’ils cesseraient d’être les victimes de ce genre de stratégies électorales nauséabondes et ne seraient plus interdits de vote.

Je suis certain qu’il a raison.

D’ailleurs, si les Noirs sont victimes d’ostracisme électoral, la situation est encore pire dans les communautés Latino et Asiatiques, deux communautés particulièrement ciblées par les “éradicateurs du vote”.

Au printemps 2006, des millions de citoyens d’origine Latino sont descendus dans la rue pour exiger des droits en tant qu’immigrés. La presse n’a pas vraiment mentionné le fait qu’une importante partie de ces manifestants était constituée de citoyens d’origine hispanique qui avaient la nationalité U.S. ou bien des papiers en régle. XCes gens ne manifestaient donc pas pour obtenir un droit qu’ils n’avaient pas, c’étaient des gens en règle et - théoriquement - en droit de voter.

Les leaders politiques Latinos ont annoncé, à l’occasion de ce mouvement social, qu’ils comptaient inscrire un million de citoyens Latinos supplémentaires sur les listes électorales, en toute légalité. C’était un objectif facile à atteindre, étant donné qu’il y a, aux Etats-Unis, sept millions de résidents Latinos ayant le droit de voter mais non inscrits sur les listes électorales.

De son côté la communauté Noire menait depuis plusieurs années une campagne intensive d’inscription des gens sur les listes électorales. Le Révérend Jesse Jackson et d’autres pasteurs des églises Noires avaient collecté plusieurs centaines de milliers de formulaires d’inscriptions sur les listes électorales lors de meetings et de fêtes paroissiales.

Mais malgré ces efforts et toutes ces campagnes intensives d’inscription sur les listes électorales, les taux d’inscription d’électeurs issus des minorités restent étonnamment bas. Maintenant nous savons pourquoi. Ces “militants du vote” tentent de remplir d’eau une bassine trouée. Plus ils inscrivent de personnes sur les listes électorales, plus les autorités politiques de chaque Etat “purgent” leurs listes et rejettent des demandes pour une raison ou une autre.

Ainsi, si par exemple vous êtes un soldat Noir ou Non-Blanc entrain de vous faire trouer la peau pour l’Oncle Sam dans la banlieue de Bagdad, il y a de fortes chances pour qu’on vous ait rayé des listes électorales. En effet, votre carte d’électeur a été envoyée en recommandée à votre adresse au pays. Comme vous n’êtes pas là, le Bureau des Elections en a conclu que vous n’êtes plus résident dans ce district et vous a rayé des listes. Vous pouvez continuer à mourrir pour l’Amérique, mais vous ne pourrez plus voter pour elle.

Quand on laisse la possibilité aux électeurs des communautés hispaniques ou asiatiques de participer aux élections, ils se rendent aux urnes dans les mêmes proportions que les électeurs à la peau blanche - plus de 80% des électeurs Latinos ou Asiatiques vont voter. Par contre le pourcentage de Latinos et d’Asiatiques autorisés à se rendre aux urnes est incroyablement bas : seulement 47% des membres de la communauté hispanique en age de voter et seulment 44% des asiatiques est actuellement inscrite sur les registres électoraux du pays.

Ceux qui ont été rejetés ne sont pas des criminels ou des sans-papiers. Ce sont des citoyens légitimes de l’Amérique. Ils ont le droit de voter. Mais on multiplie les obstacles pour les empécher d’entrer dans l’isoloir.

Et pour les élections de 2008, les Républicains comptent bien faire le maximum pour que cette situation s’agrave encore, ils sont déjà entrain de percer de nouveaux trous dans la bassine.

Et parmi ces nouvelles astuces pour virer les gens des listes électorales, il y a la toute dernière trouvaille de notre ami Russell Pearce : la loi “Proposition 200 ?, votée dans l’Arizona en 2006. Cette loi est toute simple : si vous voulez voter, il va falloir prouver que vous êtes un “vrai ‘mrikain” comme le dit notre Président.

(La suite au prochain numéro)

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