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USA : Comment optimiser la propagande ?

Publie le vendredi 17 mars 2006 par Open-Publishing
2 commentaires

Le cabinet de relations publiques Project Syndicate a très largement diffusé un texte du secrétaire à la Défense états-unien, Donald Rumsfeld, appelant à une réforme des moyens de propagande de Washington. Compte tenu de sa diffusion, ce texte a suscité un grand nombre de commentaires dans la presse internationale et a remis à l’ordre du jour la question de la guerre psychologique et de la fabrique du consentement. Mais, dans la presse occidentale mainstream, le débat n’a pas porté sur les moyens à mettre en œuvre pour résister à cette propagande et discerner le vrai du faux. Ce débat a porté sur les moyens à mettre en œuvre pour rendre cette propagande plus efficace !

C’est un étrange spectacle que de voir, dans des médias se targuant d’indépendance, d’objectivité et tirant leur légitimité de cette auto-désignation, un débat sur le meilleur moyen d’influencer la presse et l’opinion. Une tribune émanant d’un membre important d’un gouvernement appelle à la reprise en main de l’information pour servir des intérêts politiques, elle bénéficie d’une audience mondiale, elle peut être lue par les lecteurs du monde entier sans que cela ne provoque la moindre remise en cause des médias dominants de la crédibilité des sources officielles états-uniennes.

Comme toujours pour un texte diffusé par Project Syndicate, la tribune de Donald Rumsfeld bénéficie d’une diffusion considérable. Nous l’avons trouvée publiée dans le Los Angeles Times (États-Unis), le Korea Herald (Corée du Sud), Le Figaro (France), le Daily Star (Liban), le Jerusalem Post (Israël), El Tiempo (Colombie), Die Welt (Allemagne) et La Libre Belgique (Belgique), mais d’autres publications ont dû nous échapper.

Cette diffusion planétaire prend dans le cas de ce texte une dimension comique puisque le propos de Donald Rumsfeld est essentiellement de se lamenter sur l’incapacité des États-Unis à se faire entendre. Il assure que les États-Unis et leurs alliés sont systématiquement dénigrés dans certains médias manipulés par les « terroristes » qui, eux, ont bien compris l’usage des médias.

À titre d’exemple, il déplore qu’on ait davantage parlé des tortures contre les prisonniers à Abu Ghraib que des charniers de Saddam Hussein, oubliant de ce fait la propagande belliqueuse ayant précédé le conflit. Il regrette également que la diffusion d’articles favorables à l’occupant en Irak grâce aux moyens du Lincoln Group ait été révélée et présentée comme un « achat d’information ». Implicitement, le secrétaire à la Défense assimile donc toute dénonciation des manipulations médiatiques de son administration ou des crimes commis par l’armée états-unienne à une action favorable aux « terroristes », voire à une opération orchestrée par eux.

Le secrétaire à la Défense ne précise pas quels moyens le Pentagone ou l’administration Bush mettra en œuvre pour soutenir médiatiquement la guerre au terrorisme. On peut donc déduire que le principal intérêt de ce texte est de présenter une vision du monde médiatique manichéenne qui définit toute critique des États-Unis comme partisane du terrorisme islamiste. Il désamorce également par anticipation toute critique dans des scandales à venir révélant les manipulations médiatiques de son gouvernement en les présentant à l’avance comme relevant de l’intérêt et de la sécurité du « monde libre ». Enfin, l’auteur insiste également énormément sur le fait que les moyens à mettre en œuvre doivent être nouveaux, ce qui nécessite de nouveaux crédits.

Sans surprise, le chroniqueur du Los Angeles Times et chercheur au Council on Foreign Relations, Max Boot, applaudit l’investissement du Pentagone dans la propagande. Il déplore en revanche que le département d’État n’en fasse pas plus. Il souligne que Condoleezza Rice a fait faire des progrès à son administration en apportant plus de moyens à la « diplomatie publique » (le terme politiquement correct pour désigner la propagande), notamment au Moyen-Orient. Mais l’auteur trouve qu’il est possible de faire davantage en restaurant l’US Information Agency et en lui donnant plus de moyens. Il demande aussi, dans un troublant accès de sincérité, une réforme de l’USAID qui la fera ressembler au ministère des Colonies britannique du temps de l’empire. L’auteur, tout en réclamant la mise en place d’une meilleure propagande, ne cache même plus l’inspiration des actions militaires états-uniennes.

Le doyen de la School of Communication de l’université de Boston, John J. Schulz, se montre pour sa part beaucoup plus critique sur la politique de propagande de l’administration Bush dans le Boston Globe. Toutefois, ce qui le choque, ce n’est pas l’intention, ce sont les moyens mis en œuvre et surtout le fait que Washington se désengage de la station de radio internationale officielle Voice of America (VOA), radio dont il a été le collaborateur pendant 21 ans. M. Schulz est ulcéré par l’appel à la nouveauté de Donald Rumsfeld. Pour lui, rien ne sert de construire un nouvel outil de propagande à coup de millions ; VOA est un outil efficace et rentable qui a fait ses preuves. Au contraire, les experts actuels de l’administration Bush n’ont abouti qu’à des dépenses inconsidérées ou à de nouveaux scandales.

La presse arabe est bien entendu bien plus critique.
Soussan Al-abtah, universitaire et journaliste libanaise, se moque dans Asharq Al Awsat de la complainte de Donald Rumsfeld. Elle rappelle que ce n’est pas « Al Qaïda » qui possède les médias et que ce n’est pas non plus cette organisation qui propose à des journalistes arabes de rédiger des articles pro-états-uniens contre rémunération. L’auteur parle ouvertement de la corruption des journalistes dans son article, un sujet tabou dans la presse occidentale bien qu’il s’agisse d’une pratique avérée historiquement. Elle estime que le texte de Rumsfeld est en fait la marque que l’administration Bush se retrouve face à une opposition interne de plus en plus importante et a terni son image dans le monde arabe. Washington a donc besoin de remobiliser ses troupes et stigmatiser ses adversaires.
Même écho du côté de Faissal Al-azel, journaliste ba’asiste syrien, dans Rezgar, journal de la gauche laïque arabe. L’auteur lance un appel aux médias arabes : les organes de presse doivent se re-mobiliser et surtout se réformer eux aussi. Si l’ennemi transforme ses méthodes de propagande, il faut s’adapter.

La propagande a un double objectif : diffuser des informations favorables, mais aussi empêcher la diffusion d’informations gênantes. L’administration Bush a ainsi développé une obsession du secret quant à ses activités, obsession proportionnelle à son usage du mensonge. Elle s’est également spécialisée dans la décrédibilisation médiatique de ses adversaires.
L’ancien représentant démocrate de l’Indiana, membre de la commission d’enquête sur l’Irangate et ancien vice-président de la Commission d’enquête sur le 11 septembre, Lee H. Hamilton, dénonce l’obsession du secret dans le Christian Science Monitor et appelle à une réforme des procédés de classification des documents officiels. Toutefois, les motivations de l’auteur ne sont pas prioritairement l’information des citoyens et la possibilité de développer un débat critique à partir de documents officiels. Il estime plutôt que cette classification alourdit l’échange d’informations entre les agences de renseignement US et que la surcharge de documents « secrets » ne permet pas de les contrôler tous et donc favorise les fuites. Ainsi, c’est au nom de l’efficacité des organes policiers qu’il plaide pour un ralentissement des processus de classification.

Dans le Los Angeles Times, l’analyste néoconservatrice de l’American Entreprise Institute, Danielle Pletka, dénonce l’action médiatique de la CIA qui organise des fuites opportunes de documents secrets pour saper l’action de l’administration Bush. L’auteur rappelle que l’agence a une orientation politique et qu’il faut se méfier de ce qu’elle diffuse. Cette tribune n’est qu’un épisode de plus dans la guerre qui oppose les néo-conservateurs à une partie du personnel de la CIA. Ces derniers, soutenant sur le principe la politique impériale états-unienne, mais s’opposant aux cibles et aux méthodes choisies par l’administration Bush, ont organisé toute une série de fuites dans la presse qui ont fragilisé les positions de la Maison-Blanche. La nomination de Porter Goss à la tête de la CIA, puis de John Negroponte à la tête de tout le renseignement états-unien, visait à purger les services de renseignement états-unien de ces éléments adverses.

Réseau Voltaire

Messages

  • « Telos-eu est une Agence intellectuelle fondée en décembre 2005. Elle est présidée par Zaki Laïdi. Regroupant universitaires et professionnels, elle aspire à répercuter sans esprit partisan les grands débats mondiaux dans un espace français livré aux passions hexagonales. L’écart qui sépare la France du reste des autres grands pays est devenu trop préoccupant pour que nous ne nous interrogions pas sur le narcissisme de nos petites différences et sur les moyens de s’en défaire.

    Telos-eu aspire ainsi à servir de plateforme de débat entre intellectuels, de lien entre intellectuels et medias, de canal de communication entre intellectuels et public.

    Telos-eu est une Agence d’inspiration réformiste. Mais elle n’est affiliée à aucun parti ou aucune institution. Les personnalités qui parrainent et animent Telos-eu le font à titre strictement personnel. »

    Quels sont les rubriques actuellement ouvertes par Telos-eu ?

    Thèmes :
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    A quoi cette agence va vraiment servir ?

    On voit tout de suite ses avantages : Cette agence peut proposer du « chaud », du rédactionnel réagissant très vite à l’événement, en temps direct ou quasi-direct, de la part de voix qualifiées et « autorisées », et fournissant du prêt-à-penser, prêt-à-mâcher, aux médias dominants.

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    LAVAGE de CERVEAUX

    Michèle

    On n’est pas étonné de constater que cette agence est dirigée par Zaki Laïdi, qui est habitué à inonder la presse de commentaires « pondérés » déplorant l’injuste état du monde, dans un triste style soporifique CFDT

    On sera peut être plus surpris de lire le nom qui trône officiellement en tête du comité de parrainage, comme « président », qui n’est autre que Pascal Lamy, actuel grand « lider maximo » du commerce international et de la déréglementation sauvage, à la direction de l’OMC, soit l’un des tous premiers véritables maîtres (et ennemis) du monde entier.

    (Question de détail : Depuis quand, pour se croire autorisés à publier des chroniques dans les journaux, de grands universitaires indépendants ont besoin de se faire parrainer et adouber par un des plus puissants bureaucrates de la planète ? Ils ne sont pas assez grands ni assez indépendants pour s’exprimer sans label ?)

  • Rumsfeld/Bush et toute leur clique internationale (dont nombre de représentants en France) ne sont que les dignes descendants d’une élite de base anglo-saxonne en place depuis bien longtemps. Très au fait des techniques de manipulation des peuples et des individus, ils ont pu manipuler leur monde sans trop de difficultés jusqu’à aujourd’hui (contrôle de l’éducation, contrôle des médias, manipulation par les religions, contrôle de l’histoire, contrôle de la santé, contrôle de l’économie et du système bancaire frauduleux, contrôle des pseudo-démocraties, contrôle de l’armée la plus puissante au monde, assassinat des récalcitrants dont le célèbre JFK pour ne citer que lui etc...).

    Le magistral exemple de manipulation est ce qui s’est passé le 11 septembre. A force de nous rabâcher les histoires Ben Laden et Al Qaeda, le monde a fini par accepter leur propagande comme une réalité au point que personne ou presque ne se pose de question sur la vraisemblance de cette théorie. Ceux qui continuent à accepter la version officielle sont encore nombreux, ceux qui la défendent sont soit complices, soit aveugles (je pense malheureusement que peu de nos dirigeants en France soient aveugles à moins qu’ils ne bougent pas de peur des conséquences).

    Il y a hic dans leur stratégie. L’Internet qui devait être un outil de plus pour manipuler se retourne contre eux. Leurs agissements sont exposés en long, en large et en travers sur le Net, et presque en temps réel. Il y a bien des techniques pour s’opposer à ce mouvement de vérité : le mensonge, la propagande (celle qu’ils dénoncent avec toute la duplicité qui les caractérise), le dénigrement avec leur argument favori qui est l’anti-sémitisme (qu’ils invoquent à volonté quand il pourrait s’agir plus justement d’anti-sionisme, ce qui à mon sens est fondamentalement différent et qui n’est pas, non plus, être contre le peuple israëlien, juif ou non juif).

    L’emprise des religieux qui prévalait jusqu’au Moyen-Age n’a pas résisté à l’invention de l’imprimerie par Gutenberg. Le Nouvel Ordre Mondial ne résistera pas à l’Internet (même s’ils décident de le fermer quand ils déclencheront le cataclisme mondial qu’ils nous ont préparé).

    Albert Piquet