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Un boulevard pour les gauchistes

Publie le lundi 10 décembre 2007 par Open-Publishing
8 commentaires

de Conan Eric, Marianne du 08 décembre 2007

En adoubant quasiment Olivier Besancenot, comme Mitterrand avait installé Le Pen, Nicolas Sarkozy tente de faire croire que l’extrême gauche se résume à la LCR et à son programme stérile.

Dès le départ, Nicolas Sarkozy a misé sur Olivier Besancenot. Qu’on se souvienne : lorsque les petits candidats peinaient à récolter leurs 500 signatures, il était intervenu : « Je trouve qu’il serait dommage qu’un homme comme Besancenot ne puisse pas participer à la compétition présidentielle. »

L’appareil UMP reçut l’ordre d’aider le trotskiste de la Ligue communiste révolutionnaire alors qu’il s’employait à étrangler Nicolas Dupont-Aignan, le seul gaulliste de la campagne, qui, lui, dut renoncer. Arrivé en tête des candidats d’extrême gauche au premier tour, Olivier Besancenot ne cesse aujourd’hui de monter dans les sondages, qui le créditent de 20% à 40% d’opinions favorables, à égalité avec Ségolène Royal.

Lors de son prochain congrès, en janvier, la LCR veut se transformer en « grand parti de la gauche révolutionnaire » afin de devenir « un adversaire de taille pour Nicolas Sarkozy ». Et annonce, pour les prochaines municipales, des listes ouvertes à des candidats extérieurs à la LCR. A deux conditions : « Etre en totale opposition à Nicolas Sarkozy et être totalement indépendant du Parti socialiste. »

Tout cela convient parfaitement à l’Elysée, qui rêve d’un paysage politique réduit à deux guichets : Sarkozy ou Besancenot. Le confort : un gouvernement de droite plein de people du PS face à une extrême gauche refusant toute alliance. On voit le calcul. Faire d’Olivier Besancenot ce que François Mitterrand fit de Jean-Marie Le Pen : l’opposant chouchou qui pourrit la vie de l’opposition.

Qui lui scie les pattes aux élections. François Mitterrand n’avait rien négligé pour installer la machine infernale lepéniste : réforme électorale, pression pour que les télévisions fassent monter la bête avec laquelle le RPR ne pouvait pas s’allier. Olivier Besancenot a, lui aussi, plateau ouvert dans les télés.

Alors que François Bayrou ou Dominique de Villepin y sont rarement invités ou ridiculisés dans des reportages dignes de la télé soviétique, le gauchiste préféré de l’Elysée et de Canal + inspire respect et considération dans les médias les plus sarkozystes. « On dirait James Dean », lit-on dans le Point, où écrivait hier Jean-François Revel. Et dans Paris Match, Jean-Marie Rouart, le préposé aux panégyriques des importants de la Sarkozye, tombe en pâmoison devant « le bébé Cadum de la révolution » : « Le leader de l’ultragauche est ultrasympathique. »

Il incarne « notre frénétique désir de romantisme sans risque ». Il incarne surtout un frénétique désir d’opposition sans risque. Olivier Besancenot va partout, répétant la seule disposition crédible de son programme : ne jamais s’allier avec le Parti socialiste. Le reste du projet ? Un conservatoire de toutes les gauches qui ont échoué. La gauche morte de 1981 : nationalisations, interdiction de tout licenciement, retraite à 60 ans pour tous avec 37,5 années de cotisations.

La gauche morale des années 90 : droit à la différence, chacun pour soi et l’Etat pour tous. « Notre projet d’émancipation sociale vise l’émancipation individuelle. » Et la gauche totalitaire de toujours : bébé Cadum continue de célébrer les héros de la violence révolutionnaire, Trotski, Lénine, Che Guevara, Joëlle Aubron. Un opposant pareil, il faut le montrer, l’aider à s’imposer. Et, cela tombe bien, il est montrable, tout à fait adapté aux reality-shows.

Il a d’ailleurs été choisi pour cela. « C’est le bolchevique à visage médiatique. Cela ne marcherait pas avec Krivine ! L’identité et le look sont déterminants : les jeunes diplômés déqualifiés peuvent s’identifier à Besancenot, qui représente bien les 80% d’une génération qui ont le bac », estime Philippe Raynaud, auteur de l’Extrême Gauche plurielle (Autrement). Besancenot ou la politique expliquée aux enfants : « Sarkozy n’est pas un superhéros, il s’est pris un vent avec les cheminots et un super râteau avec les pêcheurs ! »

Mais aussi aux sarkozystes : qui mieux que lui aide le président à faire croire qu’il applique son programme alors qu’il va de reculs en compromis ? Besancenot ou la boîte à cris qui atteste que tout change avec Sarkozy quand rien ne bouge. « Nicolas Sarkozy a l’habileté de choisir ses thèmes et ses adversaires et notamment de monter en épingle ceux qui ne savent que dénoncer et faire la morale alors que lui prétend agir, explique le sociologue Jean-Pierre Le Goff, auteur de Mai 68 ou l’héritage impossible (La Découverte).

Et l’extrême gauche a toujours eu besoin d’un vis-à-vis flatteur à dénoncer : « le fascisme », « l’Etat policier » ou « l’Etat sécuritaire ». Chacun joue son rôle. » Nicolas Sarkozy veut tout contrôler, y compris son opposition. Asphyxier Bayrou. Réduire le Parti socialiste à un garde-manger d’arrivistes à cannibaliser les uns après les autres. Laisser croire que la gauche n’est plus peuplée que de gauchistes qui refusent tout et d’ex-gauchistes qui acceptent tout et qu’il peut débaucher.

Cette mise en scène, qui arrange bien les deux complices et que beaucoup de médias entretiennent, relève de l’imposture : l’extrême gauche ne se réduit pas au. phénomène Besancenot. « Ceux qui votent à gauche de la gauche ne le font pas pour construire une alternative au capitalisme, mais parce qu’ils estiment que la gauche de gouvernement ne les préserve plus de la révolution libérale », analysait déjà avant l’élection présidentielle le sondeur Stéphane Rozès.

Il ajoutait que cet électorat « 5e sent plus proche du terme « réforme » que de « révolte » et « révolution » ». Nicolas Sarkozy et Olivier Besancenot ont réussi à faire croire qu’il n’existait qu’un type de « réformes » : celles que souhaite le premier et que refuse le second. Or, derrière l’arbre médiatique Besancenot, la forêt de la gauche de la gauche se révèle plus intéressante. Dans un large périmètre esquissé au printemps 2006 par le rapprochement sans lendemain entre Laurent Fabius et José Bové pullulent organisations, clubs, sensibilités. Mouvance contradictoire, brouillonne, mal défendue, mais plus inventive, plus démocrate, plus réaliste et, de ce fait, plus radicale que les slogans de la LCR.

On y cherche des réformes autres que celles de la droite sans complexes du sarkozysme ou de la droite complexée d’un PS devenu bureau de placement pour cadres de l’OMC et du FMI. Les membres d’Attac, notamment, s’intéressent au plus important : cette réalité inédite d’un capitalisme financier mondialisé dont le modèle idéal de maind’ oeuvre est le prolétariat détruit par le maoïsme.

Ils se disent antilibéraux, mais pas anticapitalistes. Ils ne sont pas contre le marché, mais demandent de vraies régulations. Leurs inspirateurs, Gandhi, Jacques Ellul, André Gorz ou Joseph Stiglitz, le prix Nobel d’économie, sont plus sympathiques et plus inventifs que ceux de la LCR, tels Toni Negri, qui veut en finir avec « cette merde d’Etat-nation », ou Alain Badiou, apologue chic de la terreur communiste.

Même l’hebdomadaire Politis en vient à souhaiter « une nouvelle force politique » qui « ne doit plus passer par des organisations politiques comme la LCR ou le PCF ». En torpillant, lors de la présidentielle, toute candidature unique de l’extrême gauche, et en se prétendant désormais le seul représentant à la gauche d’un Parti socialiste diabolisé, Olivier Besancenot n’a pas seulement oeuvré pour sa boutique.

Il a installé un extrémisme protestataire et stérile qui empêche d’avancer. Mais qui arrange beaucoup de monde. Le symétrique de la machine Le Pen. Laquelle a fonctionné à merveille pendant vingt ans.

http://www.marianne2.fr

Messages

  • Quel article de merde.... Comparer la Ligue et Besancenot, que nous cotoyons dans toutes les luttes, avec le FN et Le Pen, ce fasciste qui a toujours défendu les intérêts de la bourgeoisie, fallait oser...

    Mais a t’on jamais vu les journaleux de Marianne dans les luttes ?

    On notera au passage quelques moments savoureux dans cet article, comme l’appel à une gauche réaliste et moderne, une gauche du "compromis", l’abandon des vieilles lunes synonymes de sang ou d’échec (la révolution, Lenine, l’interdiction des licenciements, la retraite à 60 ans... ), la défense des alliances coute que coute avec le PS, le regret de voir si peu Villepin ou Bayrou dans les médias, la transformation des Bové, Autain and Co en représentants de l’ExtGauche....

    Mais d’ailleurs, quelle crédibilité accorder, en tant que militant révolutionnaire, à ce journal qui n’a pas caché son soutien à ce grand gauchiste moderne qu’est Bayrou ???

    Marre de ces traitres qui prétendent être dans notre camps !

    Cédric

    • Qu’Olivier Besancenot soit loin de vouloir servir les intérêts capitalistes est une chose.

      Mais cet article démontre très bien la finesse perverse des tactiques politiciennes de Sarkozy et des journaux et médias audio-visuels à son service devant le choix toujours crucial de 2 types de sociétés radicalement différents.

      Maguy

    • Mais cet article démontre très bien la finesse perverse des tactiques politiciennes de Sarkozy

      Tu n’es pas difficile, je trouve...

      Là où tu vois une belle démonstration, je vois des gros sabots et des méthodes "Pravda 1950"...

      Au passage, puisque dans l’article il est fait allusion au FN : celui-ci a au moins fait la démonstration qu’il n’est pas nécessaire d’être dans les institutions (et de nouer des alliances) pour influer grandement sur le cours des choses (voir la lepenisation des esprits) et sur la politique réellement menée (de droite mais aussi parfois de gauche, malheureusement). A l’inverse, participer aux institutions (mettre les mains dans le cambouis, comme il est de bon ton de dire) amène (ou peut amener ?) à une stérilisation et finalement à une efficacité et un bilan nuls...

      Chico

    • L’article ne compare pas Besancenot à le pen mais fait un parallèle entre deux méthodes semblables employées par deux hommes differents pour les mêmes objectif à savoir asphyxier l’adversaire.
      Ceci dit , votre reaction est tres sympathique et traduit votre militantisme sincère.
      Amitiés.FARID

  • Souvent ce qui vient de Marianne est insignifiant mais là c’est le bouquet !

    on considèrera donc par charité cet article comme nul et non avenu .

  • Marrianne,un journal de Gauche,ça fait vraiment rigoler !

    Comparer le FN à la LCR,c’est vraiment lamentable.Eh oui le PS et le PCF ont trahi la classe ouvrière et çà c’est une réalité !La nature ayant horreur du vide il est bien normal que tous les déçus de 20 ans de gestion social-libérale par le PS et le PCF se retrouvent maintenant dans le projet clair net et précis de Besancenot pour la création d’un nouveau parti anticapitaliste et sans concéssions avec Solférino et la place cu Colonnel Fabien !
    Que ces bourgeois et sociaux-traites continuent à se regarder le nombrile et à se déchirer entre eux pour avoir des places,nous on avance et on aspire à prendre le pouvoir en étant majoritaire à gauche et pas à la remorque PS !

  • Ce qu’oublie l’auteur de cet article, qui semble pleurer le sort de la gauche, en ne nous proposant en fait qu’une gauche version light même s’il fait allusion à certaines franges de la gauche anti-libérale c’est que Besancenot ce n’est pas Le Pen (que le fascisme, la xénophobie ne sont pas les valeurs ni de Besancenot, ni d’ailleurs de Lénine, de Trotski ou du Ché comme ce Monsieur semble le penser). Et Besancenot ou la gauche radicale en général ne proposent qu’une véritable justice pour tous les enfants de cette terre qui ont le droit de vivre en paix et dans la dignité. Libre à chacun de ne voire la violence que là où il veut la voire.
    Dire que Lénine ou Ché Guévara ont été violents, cela n’est certainement pas faux. Mais De Gaule ne l’était pas ? Les présidents américains ne l’ont-ils pas été ? Dans un conflit, un mouvement social, une révolution, la violence est malheureusement pas inévitable. Pour revenir à Lénine, vous pensez que le tsar et l’armée blanche étaient des enfants de coeur ?

  • Le plus choquant dans cette affaire c’est le mensonge sans vergogne de Marianne qui prétend que Sarkozy, qui est en train de tout casser, ne fait rien en réalité.
    La privatisation des universités, la disparition des régimes speciaux de retraite, les 41 pour tous, la casse du système judiciaire, la fermeture de millier de bureaux de postes, d’hopitaux et la disparition programmé des services publics (EDF GDF France Telecom et autres) , tout ceci a echappé à la sagacité de Maranne.
    Encore un effort, Sarkozy n’a jamais existé !