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Un communiste nommé Guy Môquet

Publie le mardi 23 octobre 2007 par Open-Publishing
10 commentaires

de Nicolas MOSCOVICI

Ce lundi 22 octobre, Métro Guy Môquet, à Paris, le PCF et la CGT avaient décidé de rendre hommage au désormais incontournable martyr de la Résistance. Un juste retour des choses pour celui qui était avant tout communiste, parisien et fils de leader syndical. En ces temps de mobilisation sociale, les militants n’ont pas boudé l’invitation.

Bande de béton coincée entre la rue Marcadet et la bruyante avenue de Saint-Ouen, la sortie du métro Guy Môquet, à la lisière des XVIIe et XVIIIe arrondissements de Paris, n’a finalement rien pour plaire. Mais en ce 22 octobre 2007, le nom même de Guy Môquet prend une résonance toute particulière. Et avec lui, jour de symbole oblige, les lieux qui saluent sa mémoire.

C’est en tout cas ce carrefour qu’avaient choisi, entre midi et deux, le Parti communiste et la CGT parisienne pour rendre hommage au jeune résistant communiste exécuté par les nazis il y a tout juste 66 ans, à 17 ans à peine, dans le camp breton de Châteaubriant, en compagnie de 26 compagnons d’infortune.

Le portrait du juvénile héros s’affiche aux quatre coins de la placette. Etrangement, sa fameuse et émouvante lettre ne figure nulle part. Au contraire d’autres missives de fusillés ou encore de l’Appel du 18 Juin du Général de Gaulle, qui complètent un décorum somme toute spartiate. A la hâte, un vendeur ambulant dresse une table et y pose dessus des exemplaires de Guy Môquet, une enfance fusillé de Gérard Streiff. Prix de vente, 10 euros. L’homme connaît visiblement moins de succès que les vendeurs de L’Humanité du jour...

A la tribune, abritée par un modeste chapiteau dressé pour l’occasion, les orateurs se succèdent. Parfait sosie de Léo Ferré, le comédien Jacques Mignot ouvre le ban et déclame avec éloquence deux poèmes "classiques" de la Résistance : Les fusillés de Châteaubriant de Guy Cadou, suivi de La Rose et le réséda écrit par Louis Aragon. Suivront, entre autres, accueillis sur scène par le maître de cette cérémonie du souvenir, Laurent Klajnbaum, le Monsieur culture du PCF, micro à la main et écharpe autour du coup, Marie-George Buffet, Didier Le Reste, patron de la CGT cheminots, Philippe Baudelot, de l’Amicale de Châteaubriant ou encore Cédric Clérin, secrétaire général du Mouvement des jeunes communistes. Tous rappelleront ce que fut le combat de Guy Môquet, fils d’un cheminot devenu député communiste. "Résistance" sera le mot le plus usité à la tribune. Résistance à l’occupant, résistance au patronat, résistance à Nicolas Sarkozy et à la droite actuellement au pouvoir...

"Résister encore et toujours à l’oppression, c’est pleinement d’actualité."

Aussi sage qu’âgée, l’assistance goûte avec plaisir les propos engagés déclamés sur l’estrade, gratifiant même certaines envolées d’applaudissements nourris quoique engourdis par le froid glacial qui s’empare des lieux. D’une cinquantaine à midi, la foule n’a cessé de croître au fil des minutes. Quand Marie-George Buffet prend la parole, le public déborde allègrement sur la rue. "Il y avait au moins 700 personnes", confie à la fin de la cérémonie Laurent Klajnbaum, un brin optimiste. A vue de nez, quelque 300 personnes ont en réalité répondu à l’appel du PCF et consorts. Les jeunes ne font figure que d’une toute petite minorité, la plupart appuyés à leur grand drapeau rouge vif imprimé du logo du MJC, les jeunes communistes. "Un lundi, en semaine, ce n’est pas facile de mobiliser les lycéens et étudiants", concède Cédric Clérin. "Mais ce matin quand nous sommes allés ‘tracter’ devant les établissements scolaires nous avons reçu un très bon accueil", rééquilibre-t-il, tout en se félicitant de "la présence en nombre de jeunes, dimanche, à Châteaubriant pour l’hommage aux 27 fusillés".

Nul doute que le jovial leader du MJC, barbe de trois jours et look débraillé, a également dû apprécier l’intervention opportune de deux élèves du lycée Carnot, celui-là même que fréquentait Guy Môquet avant de s’en aller vers son héroïque destin. Comme l’immense majorité des professeurs de l’établissement, elles ont refusé de lire (ou d’écouter) la dernière lettre du résistant et de jouer le jeu de Nicolas Sarkozy, lequel, face à la fronde, a préféré renoncer au périlleux déplacement pourtant prévu dans la matinée. "Apolitique", l’une des deux camarades sert au public un discours enflammé et parfaitement exécuté. L’autre relate ce qui deviendra le fil rouge du rassemblement : sa maman, "d’origine colombienne", a été embarquée par la police au commissariat du XVIIe en raison du "tapage" que provoquaient les deux adolescentes dans le métro. "Un délit de faciès" qui fait réagir la foule militante. "On y va !" scandent certains, qui retrouvent pour l’ccasion une fougue intacte. Calme dans la tempête, l’impeccable Laurent Klajnbaum intervient : les élus communistes de l’arrondissement ont pris l’affaire en main. Une demi-heure plus tard, les choses sont entendues. Grâce à l’intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe communiste au Sénat, tout est rentré dans l’ordre. Salve d’applaudissements dans le public.

13h45, le rassemblement, amputée de la prestation de la chorale populaire de Paris, initialement prévue, touche à sa fin. Bernard et Denise ont apprécié. Casquette de marin vissée sur la tête et badge "Parti communiste français" agrafé sur le coeur, l’informaticien à la retraite, également "cégétiste", estime que seule l’époque a changé. Les combats passés et actuels sont, eux, restés les mêmes : "Résister encore et toujours à l’oppression, c’est pleinement d’actualité." Denise, militante communiste depuis la Libération et visiblement transie de froid dans son long manteau jaune, opine du chef avec certitude. Un peu plus loin, Laurent Klajnbaum, lui, se félicite "de la diversité des acteurs qui sont venus témoigner avec force, chacun à leur manière". Un rendez-vous du même type est-il prévu l’année prochaine ? "Je ne crois pas et entre nous, je n’y suis pas favorable", tranche-t-il. "Nous honorons tous les ans la Résistance à Châteaubriant. A travers tout le pays, ce sont plus de mille célébrations qui sont organisées." La sortie du métro Guy Môquet devrait retrouver pour longtemps sa tristounette routine.

http://www.lejdd.fr/cmc/societe/200...

Messages

  • Ce compte-rendu me semble tout à fait pertinent, à l’exception de l’avant-dernière ligne de l’avant-dernier paragraphe disant que "TOUT EST RENTRé DANS L’ORDRE". S’il est exact qu’un élu communiste est descendu dans la station soutenir les jeunes miltants, dont la fille de Madame Vuillet qui voulait voir sa mère, et qu’il s’est heurté à un véritable mur bleu-horizon. S’il est aussi exact que lorsque la muraille bleue est parvenue à exfiltrer Madame Vuillet et à l’embarquer dans un cortège de voitures de police très encadré, c’est ce même élu communiste qui est venu chercher Emmanuelle, en larmes, gravement choquée par l’arrestation de sa mère, et la façon brutale dont elle avait été opérée, pour la prendre sous sa protection et l’amener au Commissariat voir enfin sa mère. Il n’est, par contre, pas exact d’écrire que "tout est rentrè dans l’ordre" : Madame Vuillet s’est en effet vue notifier qu’UNE CHARGE D’"OUTRAGE A PREFET" AVAIT ETE RETENUE CONTRE ELLE (confère le Communiqué de Presse de 14h36 publié par rose_et_reseda@hotmail.fr).

    Après avoir reculé à Carnot à 8 heures du matin, le Pouvoir a soudainement décidé de ne plus reculer, mais brutalement, mais pour une broutille, ce qui est nettement moins risqué. Sauf qu’il arrive bien souvent que quand on soulève une pierre trop lourde pour ses forces, la-dite pierre finisse par vous retomber sur les pieds.

    Jacques Monge

    • Il faut ajouter que les policiers ont attiré la militante venue soutenir le collectif de lycéens, citoyenne Francaise ayant la double nationalité colobienne, dans la station sous le prétexte fallacieux que "Monsieur le Préfet coulait lui parler". Une fois à l’abris des regard il aurait ajouté "Tu es etrangère, tu va être expulsé".
      Quant à l’inculpation d’insulte à agent elle ne tiens pas, puisque plusieurs témoins pourront dire qu’à ce moment précis le préfet était de l’autre côté du carrefour, à l’autre extrémité du métro.

      Oui ces lycéennes ont raison, résister se conjugue au présent !

    • "Tu es etrangère, tu va être expulsé" : c’est un scoop
      Il ne faut pas oublier que Guy Môquet a été livré aux allemands par des policiers français.
      Maintenant ce sont des policiers qui expulsent pour avoir manifesté.
      Le gvnmt aujourd’hui ressemble étrangement à celui de vichy.

  • Dommage... je vis à 100m de la station en question (que j’emprunte tous les jours - mais je la rends chaque soir, promis !), toutefois, bossant Fontenay sous Bois je n’ai pu assister à ce ressemblement...

    Merci pour ce compte-rendu ; bien que je sois furax d’apprendre qu’une râfle a eu lieu en parallèle...

    Quand le peuple comprendra-t-il que le gouvernement fait subir aux "immigrés" ce que la Gestapo ET les autorités françaises faisaient subir aux Juifs, aux Communistes, aux Résistants de tous bords pendant l’occupation ?

    Quand ouvrira-t-il les yeux ?

    G.B.

    • Euh... je regrette mais il y a rafle et rafle...

      Pour aussi dégueulasses que puissent être les rafles cuvées 2002-2007 et les gens qui les commandent et les accomplissent (et elles/ils le sont et comment, dégueulasses...), faudrait quand même voir de ne pas tout confondre : être entassé comme du bétail sur un train direction Mathausen est une chose, être expulsé vers son pays d’origine (sauf si l’expulsé risque sa vie en y retournant) en avion en est une autre.

      Ne vous méprenez pas sur le sens de mon intervention : s’il n’en tenait qu’à moi il y a belle lurette que les frontières n’existeraient plus, et que tout le monde il serait chez soi partout... Mais quand je lis que "le gouvernement fait subir aux "immigrés" ce que la Gestapo ET les autorités françaises faisaient subir aux Juifs, aux Communistes, aux Résistants" je trouve que l’on exagère inutilement : la gravité de ces procédés n’a nul besoin d’être justifiée par le biais de douteuses hyperboles...

      Brunz

    • "Si l’on prend sa définition du petit Robert, une rafle est "une arrestation massive opérée à l’improviste par la police dans un quartier ou un établissement suspect". Rien de plus.
       Le mot ne se prononce pas sur la légitimité de l’autorité qui ordonne ces opérations.
       Le mot ne préjuge pas du destin ultérieur des raflés."

      src : http://arretsurimages.net/post/2007/09/30/Faut-il-parler-de-rafles

      Les mots sont importants !
      Paz.

    • Certes, la comparaison est un peu excessive, l’hyperbole peut-être douteuse, mais quand il s’agit de séparer des familles, de renvoyer des "étrangers" chez eux - alors que chez eux c’est ici en France - pour qu’ils y meurent de faim, de la guerre, de maladie, etc... à mes yeux c’est tout aussi criminel. Ils n’ont pas le droit de mourir ici, alors on les envoie mourir ailleurs, là où on ne les verra pas, là où leur triste sort sera noyé dans celui des millions d’autres victimes du capitalisme...

      La violence, les tabassages, les insultes lors de ces arrestations deviennent presque la règle, banales, et cette banalisation n’est qu’une étape vers quelque chose de pire. Le peuple ferme les yeux là-dessus, les fermera-t-il aussi lorsque notre gouvernement passera à la vitesse supérieure ?
      La montée de la droite radicale, de l’extrême droite & les mesures prises à l’encontre des immigrés dans plusieurs pays d’Europe laissent présager du pire. Le populisme-démago de certains dirigeants rappelle terriblement certaines figures du passé.

      Il ne s’agit pas là de banaliser les râfles, les déportations, les chambres à gaz. Non. Il s’agit plutôt de rappeler que les crimes contre l’humanité ont été commis de diverses façons, mais que seuls ceux des "perdants" furent qualifiés comme tels.

      Le "paupericide" silencieux - si je puis me permettre ce néologisme - auquel se livrent les puissants de l’empire du fric, sous le prétexte qu’il n’est pas affiché comme un objectif direct mais n’est qu’un dommage collatéral d’un système basé sur l’esclavage moderne - qui considère que tout être humain est remplaçable et donc quantité négligeable - n’en reste pas moins dégueulasse et aussi odieux.

      Et si je m’enflamme, c’est parceque je ne supporte plus le froid désintéret que je lis dans les yeux de mes pairs, préoccupés par leur seule vie, son présent et son futur proche.

      Pardon donc si je heurte certaines personnes, qui ont pu subir directement ou indirectement les exactions des nazis et de leurs collaborateurs : ce n’est ni mon souhait ni le but de mes propos.

      G.B.

    • Éxécution de Guy Môquet : l’étendard sanglant était bien levé

      La formation politique Forum Breizh tient à faire part publiquement de sa réprobation de l’instrumentalisation de l’exécution de Guy Môquet. En effet, dans ce délire cocardier tricolore, émulé par les principaux partis politiques français, on oublierait presque que ce résistant a été arrêté par des policiers français sous ordre de la préfecture de police de Paris. Dans la course au "plus charognard", les Partis Communistes qui ont largement voulu se réapproprier l’événement n’ont honte de rien puisqu’au moment de l’arrestation de Guy Môquet, le 15 octobre 1940, ce n’était pas vraiment l’heure de la Résistance pour le PCF, plus prompt à défendre le pacte germano-soviétique.
      Alors, à l’attention des 4000 personnes présentes hier à Châteaubriant sous une forêt de mâts tricolores, ayez un peu de décence et de respect pour les fusillés du camp de Châteaubriant, surtout quand vous mettez les pieds en Bretagne.

      Pour Forum Breizh,
      Amélie Le Bras.

      Kevredigezh / Association Forum Breizh
      Ti ar c’hevredigezhioù / Maison des associations
      6 straed ar Govuerezh / 6 rue de la Tannerie
      56 000 GWENED / VANNES – Pgz / Tél. 06 11 51 43 15
      http://www.u-blog.net/gwened2008/
      http://forumbreizh.vox.com/

    • Nous sommes donc bien d’accord en tout et pour tout, G.B...

      Sus à tous les salauds de cette terre et solidarité à tous les damnés de la même !
       :)

      Amitiés

      Brunz

    • Nous sommes d’accord et avons les mêmes objectifs en effet. ;)

      Amitiés,

      G.B.