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Un fantôme parcourt le Mexique : le fantôme de l’EZLN

Publie le dimanche 5 février 2006 par Open-Publishing

Par Boris Leonardo Caro

Divers journaux ont publié les déclarations de L.H. Alvarez, Commissaire pour la Paix au Chiapas : "L’EZNL n’existe pas en tant que groupe et le sous-commandant Marcos cherche, avec l’Autre Campagne, à donner de l’air à un mouvement qui a fait son temps. Il a demandé à ses collaborateurs d’évaluer si l’EZLN existait encore vraiment.

Aux dires de L. H. Avarez, l’Autre Campagne serait une tentative désespérée du sup Marcos, déguisé en délégué Zéro, pour ressusciter un mouvement politique anachronique et même définitivement mort et enterré. Marcos dans cette optique serait un Don Quichotte au-delà de la folie, désarmé et privé de moulins-à-vent, complètement isolé au beau milieu d’un pays qui l’observe dans une totale indifférence. En un mot : un fantôme. Cela paraît incroyable mais M. Alvarez l’affirme : l’EZLN est un fantôme qui hante la vieille classe politique mexicaine. Sans doute, les lecteurs les plus attentifs de la Sixième Déclaration ont reconnu les élites politiques de la nation mexicaine. Ils ont compris que le message va à l’encontre de leur hégémonie et de l’idéologie qu’elles ont imposée à la société mexicaine. A partir de là, la stratégie a été bien placide : une reconnaissance timide et des signes de bienveillance au début de l’Autre Campagne, quelques déclarations sur l’insignifiance de la nouvelle entreprise des Zapatistes. Ces deux réactions cachent mal un souci grandissant face aux réactions que provoque le passage de la caravane zapatiste. L’inquiétude augmente à mesure que les élections approchent. Bien au-delà de l’impact de l’Autre Campagne sur les résultats du vote de juillet, l’EZLN ébranle les fondements mêmes du système politique mexicain. En haut de la foire électorale, les prétendants à la présidence commencent à sentir le sol de la "maison" trembler sous leurs pieds.

Le projet de la Sixième est fondamentalement anti-hégémonique. Voici quelques exemples pour soutenir cette affirmation :

 Un détournement des rites traditionnels des vieux partis : "Nous allons écouter et discuter sans intermédiaire avec les gens simples et humbles du peuple" proclament les Zapatistes. Il s’agit d’inverser les conditions du contact entre la classe politique et la société. La démarche a pour base l’écoute, sur un plan d’égalité entre les interlocuteurs. Les journalistes qui suivent l’Autre Campagne témoignent de cette façon de dialoguer si différente, si authentique. Construire "D’EN-BAS ET POUR LE BAS" sur une base totalement horizontale. Pas de grands discours à la tribune, adressés aux électeurs potentiels pour les convaincre des qualités du futur gouvernement mais tout le monde au même niveau, bénéficiant de la même liberté d’expression. Pas de promesses concernant un avenir que l’histoire a montré oublieux et traître, surtout dans le cas du Mexique. ; mais une confluence d’idées pour construire à partir du présent.

 Une remise en question de la démocratie parlementaire : l’EZLN a critiqué ce qu’on pourrait appeler l’opportunisme des partis qui se rapprochent de l’électorat seulement en période électorale. Donc les droits politiques des citoyens mexicains s’exerceraient uniquement avant les élections. Entre-temps, le gouvernement du pays est entre les mains d’une caste de fonctionnaires qui ont des liens épisodiques et marginaux avec les électeurs. L’Autre propose une relation différente : "Une autre façon de faire de la politique, qui a en tête de servir le peuple, avec désintéressement, honnêteté, dévouement, en tenant parole, avec pour seule récompense la satisfaction du devoir accompli." Au delà d’une révolution éthique, c’est une attaque contre le système des partis qui se disputent à couteaux tirés les électeurs comme la dépouille d’un gibier.

 Un affrontement avec le capitalisme, en particulier avec son avatar néolibéral actuel : se dire anti-capitaliste c’est se mettre sur la liste noire des milieux du pouvoir économique (et ses ramifications politiques) qui dominent la planète. C’est l’approche la plus directe, claire et vaste de la Sixième Déclaration. Etre anti-capitaliste signifie se mettre du côté de la masse immense des exploités, les "mal-logés du monde" ; du côté de ceux qui "profitent" des largesses du système, heureux prisonniers de la consommation et de l’aliénation, toujours à la limite d’être rejetés par ceux qui pour l’instant les séduisent ; du côté des exclus, de ceux qui n’ont rien à perdre et tout à gagner.

A cause de tout cela, l’Autre campagne constitue une menace pour la tranquillité de la classe politique mexicaine, au pouvoir ou dans l’opposition. Un fantôme qui parcourt les terres de Juarez, de Villa et de Zapata, et fait peur à tous ceux qui veulent continuer à vivre de malhonnêteté, sur le dos du peuple mexicain.

B.L.Caro
http://lazezta.blogspot.com