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Un homme et une famille qui accumulent les casseroles

Publie le jeudi 22 novembre 2007 par Open-Publishing
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Un homme et une famille qui accumulent les casseroles (libre belgique)
BERNARD DELATTRE

Nombre de dossiers sont clos. Mais dans d’autres, l’ex-Président et ses proches sont cernés par les juges.

CORRESPONDANT PERMANENT A PARIS - En juillet dernier déjà, Jacques Chirac avait marqué les annales en devenant le premier ex-Président à être entendu par un juge : par le magistrat enquêtant sur une autre affaire d’emplois de complaisance présumés, remontant à la même époque. Cette fois, des agents auraient été payés par la ville mais auraient travaillé pour le RPR. C’est ce dossier qui a déjà donné lieu à la condamnation d’Alain Juppé.

A l’époque, l’ex-Président s’était exprimé en tant que témoin assisté, ce qui suppose l’existence d’"indices rendant vraisemblable" sa participation aux délits présumés de prise illégale d’intérêt et de recel d’abus de biens sociaux. Dans "Le Monde", il avait dit avoir agi "avec probité et dans le souci de l’intérêt général". Et avait rappelé au juge "le contexte" et les "usages" de la période précédant le financement public des partis.

Peu auparavant, l’ex-Président avait également fait sensation en adressant une fin de non-recevoir aux demandes d’audition des juges instruisant l’"affaire Clearstream". Jacques Chirac est soupçonné d’avoir joué un rôle dans cette retentissante affaire de dénonciation calomnieuse. Les faits présumés étant postérieurs à son élection à l’Elysée (en 1995), l’ex-Président considère qu’ils ne sont pas du ressort de la justice ordinaire. Jacques Chirac avait donc signifié aux juges son refus "absolument définitif" d’être auditionné. Pareillement, il refuse d’être entendu par le magistrat instruisant d’éventuelles pressions qui auraient été commises sur la justice dans l’"affaire Borrel", du nom de ce juge français assassiné autrefois à Djibouti.

L’"affaire Euralair", en revanche, porte sur des faits présumés avoir été commis bien avant l’arrivée de Jacques Chirac à l’Elysée. Euralair était une compagnie aérienne dirigée par un de ses proches et qui a fait faillite en 2003. Les époux Chirac auraient indirectement contribué à sa déroute financière en bénéficiant abusivement de billets d’avion gratuits, de vols régionaux non facturés et d’autres avantages en nature. Une perquisition a eu lieu récemment aux archives pour voir si ces faveurs présumées ont été inscrites par Jacques Chirac dans ses comptes de campagne pour l’élection présidentielle de 1995. Bernadette Chirac, au titre de conseillère générale du département de Corrèze, aurait bénéficié elle de six vols offerts par Euralair entre 1998 et 1999, ce qui pourrait relever du recel d’abus de biens sociaux.

Bernadette et Claude Chirac aussi

Le nom de l’ex-Première Dame est aussi apparu dans le fameux dossier dit des "frais de bouche". De faramineuses dépenses d’intendance faites par le couple Chirac à l’Hôtel de Ville avaient été réglées dans des conditions si hétérodoxes qu’elles ont fait penser à un financement politique occulte. Les faits présumés, toutefois, ont été jugés prescrits. Toujours quand elle était à la mairie, Bernadette Chirac est soupçonnée d’avoir contribué à des détournements de fonds au détriment d’une imprimerie travaillant pour la ville : des documents d’ordre purement personnel, concernant la Corrèze, auraient été imprimés pour elle puis facturés à l’Hôtel de ville.

Sa fille Claude, elle, a vu récemment son nom cité dans cette affaire des chargés de mission qui a valu mercredi à son père d’être mis en examen. Claude Chirac a fait l’objet d’une enquête préliminaire de la part des policiers de la division nationale des investigations financières, qui cherchent à savoir pourquoi, lorsqu’elle travaillait pour Jacques Chirac à la mairie de Paris, elle aurait, entre 1989 et 1993, été rémunérée par une société privée. En 2001 déjà, Claude Chirac avait été entendue comme témoin, sans être inquiétée ensuite, dans la rocambolesque affaire des billets d’avion payés en liquide par son père entre 1992 et 1995 : un appendice d’un gros scandale de financement politique occulte à la Région Ile-de-France dans lequel ont été condamnés des anciens collaborateurs de Jacques Chirac. A l’époque, ce dernier s’était dit "blessé" que l’on s’en prenne à sa famille pour une affaire aussi "abracadabrantesque", dans laquelle le nom de Bernadette Chirac était également apparu.

Messages

  • tageblatt (même sujet)

    Chirac mis en examen dans l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris

    Mise à jour : 22/11/2007 9:50:43

    Jacques Chirac a été entendu hier matin durant trois heures par le pôle financier du Palais de justice de Paris dans l’affaire dite „des emplois fictifs de la ville de Paris”, à la suite de quoi il a été mis en examen pour détournement de fonds publics par la juge Xavière Simeoni.
    De notre correspondant Bernard Brigouleix, Paris

    Ce qui signifie, dans la tradition judiciaire française, que la magistrate estime disposer d’assez d’„indices claires et concordants“ pour lancer cette procédure, sans précédent sous la Ve République – et même dans l’histoire de la France en général.
    Bien sûr, ce ne fut pas tout à fait, hier en fin de matinée, un coup de tonnerre dans un ciel serein.
    Du moins sur le fond : dès le premier septennat de Jacques Chirac, il était devenu probable, ou au moins possible, qu’une fois rendu à la vie de simple citoyen, celui qui ne serait plus alors que l’ex-président eût à s’expliquer sur certaines singularités budgétaires de sa gestion municipale de la capitale. Les faits, pour controversés qu’ils demeurent, n’étaient plus inconnus depuis longtemps.
    Mais à force d’entendre l’intéressé, et le Conseil constitutionnel lui-même, expliquer qu’un chef d’Etat en exercice ne pouvait déférer à une convocation de la justice, puis de voir le temps passer, et M. Chirac s’installer dans une retraite que l’on disait d’ailleurs un peu morose, malgré le lancement de sa fondation et ses projets de voyage, on avait fini par s’habituer à l’idée que l’histoire et la justice passeraient l’éponge d’une main commune et indulgente. Il n’en aura finalement rien été.
    De quoi s’agit-il plus précisément ? Du paiement, sur le budget de la ville, du traitement d’un certain nombre de „chargés de mission“, un terme très en vogue dans les cabinets ministériels français, qui entouraient en principe le maire de Paris qu’était alors Jacques Chirac, jusqu’à son élection à l’Elysée en 1995.
    S’il s’était réellement agi de conseillers du premier magistrat de la capitale, dont le recrutement et la rémunération avaient d’ailleurs dûment été autorisés par des votes publics successifs du Conseil de Paris, il n’y aurait rien eu à dire, au moins sur le plan juridique.
    Le problème est que, d’après les indices dont disposent la juge (et c’est d’ailleurs un secret de Polichinelle) nombre d’entre eux étaient en fait affectés à d’autres tâches, en particulier auprès de l’état-major du RPR, le parti du futur chef de l’Etat, sa machine de conquête du pouvoir suprême.
    Une vingtaine de personnes

    D’autres salariés de moindre niveau pouvaient être fournis gracieusement – c’est-à-dire en fait aux frais des contribuables parisiens – à des personnalités ne figurant pourtant pas nécessairement parmi les amis politiques de droite de M. Chirac : ainsi du chauffeur de Marc Blondel, à l’époque secrétaire général de la grande confédération syndicale Force ouvrière.
    D’autres salaires, enfin, semblent n’avoir correspondu à aucun travail, ni pour la ville ni pour quelque autre organisme que ce soit. „Une chose est acquise : il n’y a eu aucun enrichissement personnel“, fait valoir l’avocat de l’ancien maire de Paris, Me Jean Veil. De la part de l’ex-président, cela semble en effet très probable. Mais d’autres personnalités politiques, sans avoir évidemment retiré de ces emplois fictifs une véritable fortune, pourraient bien, tout de même, y avoir trouvé quelques revenus d’appoint non négligeables.
    Au total, une vingtaine de personnes sont actuellement soupçonnées d’avoir bénéficié de ces fausses attributions professionnelles, et des salaires qui allaient avec, durant les années 80 et 90, l’accusation concernant aussi le successeur de M. Chirac à la mairie, Jean Tiberi (1995-2001).
    Mais ceux qui ont signés de tels vrais-faux contrats sont également dans le collimateur de la justice comme complices de détournement de fonds publics présumés. On se souvient d’ailleurs qu’Alain Juppé, ancien premier ministre, a été condamné naguère à une peine d’inégibilité pour avoir exercé, à l’époque, les fonctions de directeur du budget de la capitale.

    Agents

    de liaison

    Dans l’entourage de l’ancien président, on s’applique à afficher une grande sérénité. „Cette mise en examen, dans le contexte actuel, était devenue la suite logique de la procédure, et elle va permettre à M. Chirac de s’expliquer“, affirme son avocat.
    L’intéressé lui-même a publié hier après-midi dans Le Monde une tribune libre qui était évidemment rédigée à l’avance, ce qui indique bien qu’il n’a pas été surpris par sa convocation au pôle financier du Palais de justice, et dans laquelle il explique qu’il a personnellement „souhaité et autorisé“ le recrutement de ces fameux chargés de mission, „des personnes qui ont travaillé à m’éclairer sur des questions de fond, afin de permettre au maire de la capitale d’assumer au mieux ses missions“.
    Curieusement, Jacques Chirac ajoute : „Il pouvait s’agir aussi d’hommes et de femmes de qualité, ayant toutes les compétences nécessaires, mais traversant une période professionnelle difficile, et à qui j’ai voulu redonner une chance. Et enfin d’un très petit nombre de collaborateurs qui ont facilité la coordination et l’exercice de mes fonctions.“
    Doit-on comprendre qu’il s’agissait, d’une part d’amis politiques dans la panade et qu’il fallait recaser, d’autre part d’„agents de liaison“ entre la mairie de Paris, la présidence du RPR, et/ou la Corrèze dont M. Chirac était alors le député ? „Jamais les moyens de la ville de Paris n’ont été mis au service d’autres ambitions que d’agir pour les Parisiennes et les Parisiens“, assure encore M. Chirac dans les colonnes du Monde, où il regrette „les caricatures infondées et malveillantes“. C’est ce que la justice va devoir déterminer, dans une procédure qui, à l’encontre d’un ancien chef d’Etat, n’avait encore jamais eu lieu en France – signe que, lentement mais sûrement, l’indépendance de la justice commence à s’affirmer ...
    Il reste que cette affaire – que le député socialiste Arnaud Montebourg, acharné depuis des lustres à la dénoncer devant l’opinion publique, a qualifié hier de „victoire trop tardive, presque posthume“ – pourrait, parmi d’autres conséquences, achever d’embarrasser une droite parisienne déjà pas très allante pour tenter de reprendre la mairie de la capitale à Bertrand Delanoë en mars prochain.