Accueil > Un militant zapatiste assassiné à Mexico
Un jeune militant de la coopérative de café zapatiste Smaliyel et
activiste de l’université de Mexico est assassiné par un groupe
spécialisé dans la torture. Au Mexique la répression contre le zapatisme
s’accroît et prend les tournures de la guerre sale des années 70.
Ne pleurez pas en la mémoire de Pável
« Ne pleurez pas, cria Rosario Ibarra (de l’organisation Eureka),
aplaudissez, aplaudissez Pável et sa lutte ! » Quand on entendit la
vague d’applaudissements, j’ai senti un frisson me parcourir et j’ai eu
envie de pleurer. Mais non, ne pleurons pas, parce que nous allons
continuer à lutter, même s’ils nous menaçent, même s’ils nous
assassinent, plus encore s’ils le font, plus encore en la mémoire de
Pável González, 21 ans, étudiant de l’Université Autonome de México et
de l’Ecole Nationale d’Anthropologie, torturé pendant trois jours et
finalement assasiné vendredi 23 avril 2004, à cause de son activisme.
Alors que la guerre sale suit son cours au Mexique, le gouvernement de
ce pays se prononce contre Cuba, au nom des droits humains. Alors qu’il
signe des accords de libre commerce, on continue de découvrir les
cadavres des femmes assassinées à Ciudad Juarez. Alors qu’il offre le
café organique du Chiapas à la multinationale Starbuck, Pável, militant
de la coopérative de café zapatiste Smaliyel, est assassiné par ce même
gouvernement, prétendûment de la transition démocratique.
Pour ses amis et sa famille, il ne fait aucun doute : ceux qui l’on
séquestré, violé, frappé et finalement pendu d’un arbre sur une colline
de l’Ajusco (banlieue de la ville de Mexico), n’étaient ni un groupe
d’étudiants ennemis, ni un amant homosexuel emporté par la passion,
comme le suggèrent les « hypothèses » de la police..., mais bien « un
groupe spécialisé dans la tortute qui rappelle les pires époques de la
guerre sale et nous oblige à penser en un nouveau processus
d’annihilation des activistes sociaux » (lettre publiée dans La Jornada,
26 avril 2004).
L’histoire se répète. Les enlèvements, tortures, assassinats et
massacres perpétués par le gouvernement mexicain dans les années 60 et
70, dans le but de liquider les mouvements sociaux, les organisations
politiques et les guerrillas, non seulement sont restés impunis, mais
continuent à être utilisés comme mécanismes de répression et de terreur
contre les militantEs. Le massacre de 45 femmes, hommes et enfants
indigènes en décembre 1997 à Acteal (Chiapas) fut son expression la plus
monstrueuse ces dernières années. L’assassinat de la militante des
droits humains Digna Ochoa, en octobre 2001, en fut une autre, non moins
horrible. Les responsables intellectuels courent toujours, pire, dans le
cas de Digna Ochoa, il n’y a pas de responsable, puisque que la thèse du
suicide l’a emporté. Combien de femmes et d’hommes suicidés pour le
propre cause dans le monde ? Pável en est un de plus, selon les autres «
pistes » de la police.
Mais ces justifications sont seulement pour la forme, car en vérité ils
l’ont pas la moindre intention de déguiser leur crime, au contraire,
leur objectif est de semer la terreur et pour cela même ils n’ont pas
fait disparaître le corps de Pável, mais l’ont exposé, bien en vue,
comme un exemple. Leur message fut très clair hier aussi lors de la
manifestation silencieuse en la mémoire de Pável, alors que nous
marchions en direction de la mairie et qu’ils nous barrèrent le chemin
avec des grilles métalliques, des flics et un camion militaire. Le bruit
de leurs bottes semblaient dire : « vous voyez, pour cela nous sommes
là, parce que vous toutes et tous sont les prochaines victimes
potentielles, si vous continuez à exiger un autre monde. »
Mais bien sûr que nous allons continuer ! Comment en serait-il
autrement, justement maintenant que les mêmes - ou presque - sont en
train de bombarder Fallujah et Najaf en Irak, disposés à tuer la
quantité de gens nécessaire pour accéder ne serait-ce qu’à un seul puits
de pétrole. Liquide bleu, eau claire ou air pur, le capitalisme
s’approprie de tout. Celles et ceux qui gênent sur le passage seront
assassinéEs, comme Pável, ou persécutéEs et emprisonnéEs comme ses
camarades grèvistes de l’université, pour avoir voulu sauver l’éducation
des griffes du néolibéralisme.
Ce régime colonial ne va pas changer, nous crie ses chiens de garde,
nous menaçant avec la terreur et la mort. Mais dans le fond, ils
tremblent, ils tremblent devant les masses dans la rue contre la guerre,
devant les millions de femmes pour l’avortement, devant les centaines de
communautés indiennes zapatistes qui continuent leur résistance au
Chiapas, comme celles que soutenaient Pável o comme celles qui viennent
d’être la nouvelle cible de violences dans la commune de Zinacantan.
Bien que Fox (président du Mexique) ait prétendu résoudre en 15 minutes
le conflit au Chiapas, cette persistante faille mexicaine au modèle made
in US, les zapatistes continuent d’élever la voix, comme l’ont fait
récemment les lesbiennes, les paysanNes, et aujourd’hui les camarades de
Pável. Ils ne pourront pas nous faire taire, jamais. Comme l’exprime un
graffiti resté tout seul sur un mur après le passage de la manifestation
en l’honneur de Pável : le silence d’aujourd’hui sera notre voix de
demain et détruira vos Etats et vos mitraillettes. La lutte continue.
Vive Pável !
Louise D.