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Un monde politico-people et un peuple qui desespère et dont on ne parle pas
Publie le jeudi 6 décembre 2007 par Open-Publishing06.12.2007 blog bernard delattre corespondant libre belgique à paris
Un soupir
On s’était pourtant réveillé de relativement bonne humeur ce matin. Mais on n’a pas pu s’empêcher de pousser un long soupir, entre lassitude et agacement.
C’était à la radio. On ne se souvient plus trop sur quelle chaîne – le niveau général des tranches d’infos matinales est tel, en ce moment, qu’on zappe sans ménagement. Un animateur racontait une anecdote survenue à Paris récemment. Johnny Hallyday allait essayer des costumes chez Dior. Dans cette même boutique de l’avenue Montaigne que Nicolas Sarkozy a l’habitude de privatiser pour ses essayages personnels les soirs de semaine, après 21 heures. Là, le chanteur tombait sur Rachida Dati elle-même en plein essayage. Trouvant cela trop drôle, Hallyday appelait Nicolas Sarkozy sur son portable pour lui narrer la scène. Le Président, à son tour, faisait se marrer l’idole des jeunes en lui révélant qu’il était précisément en train de déjeuner avec la chanteuse pour ados Chimène Badi, dont il est fan. C’était donc l’anecdote politique-pipol du jour. Et, en studio, tout le monde avait l’air de trouver follement épatante cette proximité entre hauts dirigeants de l’Etat et artistes de variété.
Dans la foulée, sur une autre chaîne, on feuilletait, visiblement avec ravissement, le dernier numéro de « Match » sorti ce matin. Où, une fois de plus, Rachida Dati minaude comme une top-model, photographiée dans un palace parisien en robes de haute couture. « La Garde des Sceaux ressemble vraiment à Eva Longoria », l’héroïne de sit-com américaines, s’enthousiasmait le confrère au micro.
La veille, on avait eu droit à Andrée « Dadou » Sarkozy, la mère du Président, qui, dans un autre illustré de papier glacé, « Point de Vue », avait révélé à la France entière combien elle trouvait ses deux petites-filles « très distantes, très froides, comme leur maman » Cécilia Sarkozy. Imaginez ce que vous ressentiriez si votre propre grand-mère pensait cela de vous et le disait tout haut dans les médias, devant des millions de gens…
La veille encore, lundi donc, on avait ressenti ce même sentiment de gêne effarée – ou d’effarement gêné, comme on veut – en lisant en embargo l’ouvrage de Ségolène Royal, sorti en librairie mardi. La candidate socialiste à l’Elysée y révélait que son ex-compagnon François Hollande avait « récemment parlé de revenir » à la maison. Mais qu’elle lui avait « dit que ce n’était pas une bonne idée ». Du coup, ce matin, toutes les critiques de fond faites par le patron des socialistes à l’ancienne candidate (sur son tropisme bayrouïste, son inaptitude à l’autocritique, etc.) étaient rabaissées par les commentateurs à de vulgaires règlements de comptes post-conjugaux.
Un soupir, donc. Devant ces déballages d’états d’âme sur la place publique. Cet étalage permanent d’une jouissance si parvenue du pouvoir. Cette mise en scène en direct et en temps réel d’égos surdimensionnés, de caprices d’enfants gâtés. Tout cela manque cruellement de pudeur et d’élégance. Tout cela commence vraiment à friser la vulgarité.