Accueil > Un vif échange entre deux "judéo-gentils"
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de Dominique Dhombres
Frédéric Taddeï anime en direct, depuis le 25 septembre, une nouvelle émission culturelle, "Ce soir ou jamais", du lundi au jeudi, en seconde partie de soirée sur France 3. Il reste donc le couche-tard qu’il a été, pendant huit ans, au gré de ses humeurs et de ses déambulations nocturnes sur Paris Première. Mais s’il se déplace toujours, c’est seulement d’un groupe à l’autre, sur le plateau où ses invités sont éparpillés. La soirée commençait, jeudi 5 octobre, par un face-à-face entre deux philosophes, Edgar Morin et Alain Finkielkraut.
Le premier vient de publier, au Seuil, un essai intitulé Le Monde moderne et la question juive. Il y invente le concept du "judéo-gentil", qui s’applique aux juifs intégrés comme citoyens dans les Etats démocratiques modernes. "Ce qui s’est avéré historiquement fécond, c’est la rencontre, la double ouverture entre juif et gentil, la double conscience qui permet le regard critique ou sceptique sur ce monde occidental dont on fait partie sans en faire vraiment partie", écrit Edgar Morin.
Mais ce n’est pas ce concept qu’était venu contester Alain Finkielkraut. L’opposition entre les deux hommes, parfois véhémente, tient au regard très différent qu’ils portent sur l’Etat d’Israël. Sur ce terrain, Frédéric Taddeï n’avait pas beaucoup d’efforts à faire pour relancer le débat. Ces deux-là, qui se connaissent depuis longtemps, n’ont besoin de personne pour échanger leurs balles, ni même pour les ramasser. Ils se déclenchent tout seuls, en quelque sorte.
Frédéric Taddeï rappelait seulement une polémique récente. L’avocat Gilles-William Goldnagel a traîné devant les tribunaux, pour "apologie du terrorisme et antisémitisme", Edgar Morin, Danièle Sallenave et Sami Naïr pour un article intitulé "Israël-Palestine : le cancer", qu’ils avaient cosigné dans Le Monde du 4 juin 2002. Edgar Morin antisémite ! L’argument était idiot ou de mauvaise foi, l’un n’empêchant d’ailleurs pas l’autre.
La Cour de cassation a rendu justice aux auteurs le 12 juillet 2006. Mais l’affaire a laissé des traces. Alain Finkielkraut estime qu’a travers le thème récurrent de l’"humiliation" des Palestiniens par l’armée israélienne, et, de façon plus générale, avec la rhétorique de l’antiracisme, se manifeste un retournement pervers qui fait systématiquement du Juif un oppresseur.
Edgar Morin rappelait que toute armée d’occupation confrontée au terrorisme a recours à l’humiliation, comme lorsque des soldats israéliens obligent des pères de famille palestiniens à se déshabiller devant leurs enfants. On a compris que ces deux-là n’étaient pas près de tomber d’accord.