Accueil > Une colère, 232 cortèges
de Luc Peillon
Deuxième mobilisation contre les retraites depuis la rentrée alors qu’un sondage Viavoice pour Libération fait état d’un fort sentiment de « révolte » des Français.
La tension monte. A l’heure où les Français sont appelés, pour la cinquième fois depuis mars, à descendre dans la rue contre la réforme des retraites, un sondage réalisé par Viavoice pour Libération fait état d’une opinion publique de plus en plus indignée. Selon cette enquête, 45% des personnes interrogées se déclarent « révoltées » par la situation économique et sociale. Seuls 18% affichent une « confiance » face au contexte actuel, et 21% se disent « résignées ». Au-delà du projet du gouvernement, c’est donc un sentiment profond de malaise qui semble s’installer, alors que l’économie commence à montrer des signes de reprise plutôt encourageants.
Quant à la réforme des retraites, elle suscite toujours autant de rejet. Selon notre étude, 59% des sondés se déclarent opposés au report de l’âge légal à 62 ans, trois mois après l’annonce de la mesure. Conséquence logique : 63% des Français se placent « du côté des grévistes et des manifestants », contre 29% qui choisissent « Sarkozy et son gouvernement ». Ils sont même 80% parmi les 18-24 ans à avoir un faible pour les cortèges syndicaux. Plutôt inquiétant pour le pouvoir. D’autant que depuis des mois, sondage après sondage, les deux tiers des Français disent considérer la réforme comme « injuste ».
Tension.« Ce n’est pas tant une ambiance antigouvernement que l’on ressent actuellement sur le terrain, qu’un sentiment d’injustice très fort face à cette réforme, rapporte Alain Gatti, de la CFDT Lorraine.Quelque chose de beaucoup plus puissant que l’antisarkozisme, et alimenté par le climat glauque des affaires et des histoires de fric. »Analyse similaire pour François Girodon, responsable de Solidaires dans la Somme : « La tension est forte dans les boîtes de la région, les gens sont exaspérés. Et quand on distribue des tracts dans les centres commerciaux, les clients - et ça n’a pas toujours été le cas - nous encouragent. » Bref, la défiance pourrait persister bien après la bataille des retraites. « Surtout que la reprise économique se passe mal, ajoute Alain Gatti, à coup de contrats précaires et de chantage à l’emploi de la part des employeurs. »
Mais pour ce soir encore, c’est un chiffre qui fera l’actualité : celui du nombre de manifestants qui ont défilé aujourd’hui dans les 232 cortèges contre la réforme des retraites, à l’appel de huit organisations syndicales. Les confédérations savent que la barre très haut placée du 7 septembre (2,7 millions de manifestants selon la CGT) sera difficile à franchir. Les remontés de terrain sont positives, les équipes militantes mobilisées, reste à savoir si les salariés suivront. Deux journées de grève en quinze jours, un projet de loi déjà adopté à l’Assemblée, une intransigeance affichée au sommet de l’Etat sur le cœur de la réforme (le recul à 62 ans de l’âge légal) sont autant d’éléments qui pourraient dégarnir quelque peu les cortèges.
« Soutien ». Du côté des secrétaires généraux des principales confédérations, on affiche un optimisme raisonnable. « Notre objectif, c’est de faire quelque chose de comparable à ce que nous avons fait le 7 septembre », annonçait le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, sur France Info. « Je suis confiant, déclarait pour sa part François Chérèque, de la CFDT, dans le Parisien d’hier. Car au-delà du nombre de manifestants, on est en train de gagner le soutien populaire. » Mais aucun des deux ne s’est risqué à annoncer une journée « exceptionnelle », comme ce fut le cas, et à raison, à la veille du 7 septembre. Les préfectures, elles, prévoient une mobilisation forte mais moindre que la dernière fois, et avec des manifestants issus en quasi-totalité de la fonction publique. En dehors de FO, « tout est sous contrôle » ne cesse de répéter à Nicolas Sarkozy son conseiller social, Raymond Soubie. A voir. D’autant que la question n’est plus forcément celle du nombre de manifestants, mais plutôt l’inquiétant état d’esprit de l’opinion.
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