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Une lettre à la direction de mon syndicat
Publie le mardi 7 février 2006 par Open-Publishing6 commentaires
Enseignant en Seine-Saint-Denis, syndiqué au SNES, j’ai été à l’initiative, au lendemain de l’agression de Karen Montet-Toutain, professeur au lycée Louis-Blériot d’Etampes, d’un appel qui demandait aux syndicats de l’enseignement public « qu’ils affirment et apportent effectivement leur soutien total à la victime, ainsi qu’à ses collègues, contre leur hiérarchie », « qu’ils condamnent publiquement les allégations du ministre » et qu’ils refusent « toute concertation avec le ministère sur (son) terrain ou sur celui de l’entrée de la police dans les établissements scolaires ».
Cet appel, hébergé entre autres par le « Réseau des Bahuts », a rassemblé en trois jours, et en période de vacances scolaires, plusieurs dizaines d’enseignants, dont plusieurs secrétaires de S1 du SNES. Depuis, la multiplication des mobilisations locales en réaction à des violences scolaires - singulièrement dans le département où j’exerce - montrent que, pour de très nombreux collègues, le problème reste entier. C’est pourquoi je ne peux que relever avec désapprobation les propos de Claudie Martens, co-secrétaire générale du SNES, dans l’éditorial du dernier US (n°631 du 26 janvier 2006).
Non contente d’indiquer qu’il ne s’agirait pas, selon elle, « de chercher à tout prix des responsables encore moins des coupables » dans l’affaire du lycée Louis-Blériot , Claudie Martens engage la polémique contre ceux qui demandent à leur syndicat d’assumer leur défense : « Nombre de collègues », écrit-elle, « ont interpellé alors le SNES, certains allant jusqu’à réclamer une grève sur la seule question de la violence, l’opposant à la démarche unitaire du jeudi 2.
Ce n’est pas notre choix parce que les réponses aux questions de violence ne peuvent être traitées séparément de la politique éducative au plan plus général, les moyens à dégager, les personnes à recruter ». Il faut bien le dire : l’opposition effectuée par Claudie Martens entre demande d’une prise de position claire au sujet des annonces gouvernementales sur les « violences scolaires » et « la démarche unitaire de jeudi 2 » est totalement artificielle et n’aboutit qu’à un résultat : occulter la nécessité d’une prise de position syndicale sur ce sujet.
Bien loin de dénoncer la démarche du ministre, Claudie Martens déplore en effet « le refus du ministre d’entendre la parole des collègues sur la réalité de leurs difficultés scolaires » et « le refus d’amorcer une réflexion sur les questions soulevées par cette parole ». Par ailleurs, un communiqué du SNES daté du 17 janvier 2006 reprochait déjà au ministre d’agir « sans aucune concertation avec les syndicats représentant les personnels qui ont des propositions simples, applicables rapidement ».
Pour qui sait lire, il s’agirait, non de combattre la politique du gouvernement, mais au contraire de se « concerter » avec lui ! On peut encore s’étonner de l’absence de toute dénonciation des insultes de de Robien et d’une opposition catégorique, élémentaire, à l’entrée des forces de répression à l’école.
Dans un article publié dans l’US n°630, le secrétaire de la FSU 91 est allé jusqu’à reprendre à son compte la rhétorique ministérielle en déplorant que les enseignants « ne (soient) pas formés à faire face » aux « comportements » de « certains jeunes ». Quant aux permanences de la police ou de magistrats dans les établissements scolaires, elles relèveraient « au mieux de la fausse bonne solution, au pire de l’effet d’annonce » (communiqué FSU du 20/12/2006, repris à son compte par le SNES) - ce qui revient à dire que la direction du syndicat ne s’y oppose pas catégoriquement. Il ne devrait pourtant pas être nécessaire de le rappeler : le métier d’enseignant, celui d’éducateur, sont rigoureusement opposés à la fonction répressive de l’appareil d’Etat.
En outre, alors que le gouvernement prépare d’ores et déjà l’expulsion massive de nos élèves « sans-papiers », prévue pour le mois de juillet, qu’il œuvre à recenser ces élèves, la responsabilité du syndicat est de toute évidence d’assurer leur protection, ce qui commence par refuser l’entrée de la police dans nos établissements ! Les dernières mesures annoncées par Sarkozy sont d’ailleurs sans équivoque : non seulement « banaliser la présence de policiers et de gendarmes dans les établissements, là du moins où la communauté scolaire le demande » mais encore instaurer la « possibilité de comparution immédiate devant la justice pour les mineurs » et instituer « un véritable carnet de développement de l’enfant qui le suivra de l’enfance à sa vie d’adulte » (Reuters).
Les mesures répressives du gouvernement participent pleinement de sa politique d’ensemble : à l’avenir de précarité que le « Contrat Première Embauche » préparerait aux jeunes salariés, si la loi (dite) d’ « égalité des chances » devait être adoptée, à la suppression des ZEP pour la majorité des quartiers populaires, à l’orientation vers des formations-bidon voire l’expulsion avant 16 ans du système scolaire, correspond la volonté de développer une répression toujours plus brutale et des sanctions arbitraires. Face à cela, la responsabilité du syndicat n’est pas de réclamer plus de « concertation », mais bien d’opposer son refus clair et net, comme l’a signifié notre appel.
Y.B., Saint-Denis (93)
Messages
1. > Une lettre à la direction de mon syndicat, 7 février 2006, 20:11
Certaines directions d’organisations ( surtout SGEN-CFDT et SE-UNSA, mais maintenant aussi SNES ?) commencent à apparaitre de plus en plus clairement comme la collaboration de la composante syndicale au système de la pédagogie d’Etat : il s’agit d’empêcher la contestation des personnels de s’organiser face aux politiques de démantèlement de leur métier, de leur statuts, et du service public dans son ensemble, alors q’aucune contestation du financement public des écoles privées n’est plus présente dans les revendications de ces syndicats "responsables".
Pour en finir avec les plaintes interminables des enseignants, l’idée géniale est de les culpabiliser, de les présenter comme "insuffisament formés" pour faire face à une violence scolaire jugée par les pseudo-sciences de l’Education comme inhérente à l’acte d’enseignement.
Le travail de la pédagogie d’Etat dans le public est analogue au travail des DRH pour soummettre les salariés du privé.
1. > Une lettre à la direction de mon syndicat, 7 février 2006, 23:38
pfoui... mal barré le prof (et les gosses qui vont avec) , si jamais il est prof !
2. > Une lettre à la direction de mon syndicat, 8 février 2006, 01:30
Les syndicats majoritaires à l’EN sont en effet de moins en moins représentatifs des personnels car ils tendent à défendre ce que chaque enseignant sait être une pédagogie d’Etat, dont il n’est désormais plus possible d’occulter la nocivité.
Mais si tu trouves que ce colègue est un danger pour les "gosses", essaie de te procurer son identité pour le dénoncer au rectorat. C’est très tendance.
3. > Une lettre à la direction de mon syndicat, 8 février 2006, 18:36
reponse a 81 12
Le "prof" YB est un professeur.
Les "gosses qui vont avec" sont des eleves.
Et 81 12 ecrit mais n a pas le moindre debut d argument a proposer au debat.
4. > Une lettre à la direction de mon syndicat, 9 février 2006, 03:36
si ! il dit "pfoui"...
on va pouvoir en faire un scientifique de l’éducation, pédagogue d’Etat.
2. > Une lettre à la direction de mon syndicat, 9 février 2006, 20:12
La question sociale et l’insuffisance numérique des personnels sont pour les syndicats bien-pensants seules causes de violence. Or, il faut être parfaitement ignorant sur la manière dont les enfants sont élevés hors du monde occidental pour admettre cette idée que les difficultés sociales seraient une explication valide des violences scolaires. Il ne s’agit en aucun cas de truffer les établissements de poulets, mais d’admettre que l’ecole et les enseignants sont massivement incapables de se faire respecter...face à des gamins !!
Cette situation a DES FONDEMENTS THEORIQUES, effectivement rabâchés par les pédagogistes, que l’on peut ignorer ou décider d’ignorer. Surtout quand cette violence explose.
Peut-être est-ce préférable quand on est soi-même complice de ces situations qui sidèrent les peuples du Sud.