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Une police qui se dit republicaine

Publie le vendredi 29 septembre 2006 par Open-Publishing
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QUE FAIT LA POLICE ? - Bulletin d’information anti-autoritaire - Nouvelle série Numéro 3 - Octobre 2006
Editorial : Une police qui se dit republicaine...

Les exploits des policiers au squat de Cachan, durant la seconde quinzaine d’août 2006 sont encore dans la mémoire de nombre d’esprits anti-autoritaires. Après l’expulsion sans ménagement du 17 août, les véritables agressions dont ont été victimes des femmes portant leur enfant sur le dos, le 18 août, ne pouvaient que révolter les témoins. Comment décrire ces CRS qui jouent de la matraque sous le nez d’une femme enceinte ? Non contents de se comporter en prédateurs locaux certains ricanaient même, ignoblement.

Quelques questions s’imposent. Le policier est-il un homme comme les autres ? Est-ce un fonctionnaire parmi les autres ? S’agit-il d’un robot ? Cette dernière proposition, bien qu’elle soit tentante, est pourtant erronée. En effet, le robot ne fait qu’obéir mécaniquement aux ordres reçus, il n’a pas les moyens de la réflexion, et n’est pas davantage tenaillé par cette volonté d’améliorer la consigne. Ce qui est le cas des hommes et des femmes délégués au maintien de l’ordre.

Le policier n’est pas un robot car il dispose de la possibilité de se retrancher derrière les droits de l’homme qu’il prétend servir. Il a le choix, il lui est possible d’accepter ou de refuser une mission. Bien qu’il soit assermenté, le policier peut remettre en cause les ordres inhumains émanant de sa hiérarchie. Il dispose même d’un Code de déontologie qui lui ouvre la voie de la contestation légale. Il lui est même possible de quitter cette institution, s’il la juge par trop répressive -sans autre risque que devoir se livrer à une autre activité. Bien sûr, il faut du courage, et de la conviction, pour prendre une telle décision. A l’époque de l’occupation nazie, on a pu compter sur les doigts de la main les policiers refusant de se comporter en auxiliaires du bourreau nazi. Alors, pourquoi en serait-il différemment dans une société où les citoyens ont le sentiment d’être en liberté ?

Etat d’âme, courage moral, ces notions sont inconnues du serviteur de l’ordre public. La loi, c’est la loi -même si elle est mauvaise. Le policier a pris librement la décision de se situer d’un côté de la barricade, et d’être impitoyable avec ceux qui se trouvent de l’autre côté. Qui pourrait l’en blâmer ? Les hommes sont libres, comme le stipule l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais le policier a appris sur le terrain que les hommes ne sont pas égaux en droits. Etant chargé parmi d’autres tâches, de maintenir l’ordre, la discrimination sociale convient au policier, et plus encore lorsqu’il rencontre sur son chemin ces étrangers qui viennent manger notre pain, comme on disait jadis. L’homme en uniforme devient mauvais quand ces gêneurs ont une couleur de peau qu’on lui a appris à détester.

Le policier ne fait pas de politique. Il se contente d’appliquer, avec conviction, toutes les lois ayant pour objet la marginalisation et l’exclusion de ceux qui ont le grand tort de vivre ici, alors qu’ils devraient être ailleurs. Ayant une trique au bout du bras, il sait qu’il ne sera pas contredit. Serviteur d’une République qui lui a délivré trop de pouvoir, le policier abuse de ce statut lui assurant l’impunité pour l’essentiel de ses méfaits. Il a d’autant moins de comptes à rendre que sa hiérarchie l’incite à être performant et, plus trivialement, à faire du rendement. Finalement, cette volonté de mal faire a transformé une police qui se prétendait républicaine en une armée de mercenaires haineux -éventuellement disponible pour un coup d’Etat. On a pu voir, lorsqu’un vent mauvais soufflait depuis l’Algérie, en mai 1958, à quel niveau se situait la réflexion policière.

Sans être nécessairement au service d’une idéologie, le policier s’adapte aux aléas du moment. Préférant les pouvoirs forts à la démocratie, il n’a aucune difficulté à pratiquer la violence verbale tout autant que la violence physique. Il lui est possible de matraquer hommes, femmes, enfants ou vieillards. Lorsque la trique autoritaire s’abat sur un crâne, le policier ne ressent aucune émotion particulière, n’imaginant même pas que sa mère, son épouse ou son fils puissent subir le même sort.

Maurice Rajsfus

http://quefaitlapolice.samizdat.net/?p=45

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