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Quand Valls était « très fier » des 35 heures…
de Gérald Andrieu - Marianne
Le député-maire d’Evry serait le nouveau pourfendeur des 35 heures ? Un peu court tout de même. Manuel Valls développe depuis longtemps une critique de cette réforme du gouvernement Jospin. Mais les médias ont peu de mémoire. Et en période creuse, ne compte pour eux que le buzz. S’ils fouillaient un peu plus, ils se rendraient même compte qu’un jour Manuel Valls fut « très fier » des 35 heures…
« J’ai été très fier, ce jour de l’automne 1997, quand Jospin a annoncé au patronat scandalisé et aux syndicats médusés qu’il allait réaliser les 35 heures, conformément à ses engagements de campagne ». Qui se pose ainsi en ardent défenseur des 35 heures ? Jean-Luc Mélenchon, ce matin sur France Inter , voyant dans les récents propos de Manuel Valls sur le sujet « un des symptômes de la nécrose intellectuelle » du Parti socialiste ? Dominique Strauss-Kahn, l’initiateur souvent oublié de cette réforme-phare du gouvernement Jospin ? Ou Martine Aubry, celle qui a eu la lourde charge (quasi un fardeau pour elle aujourd’hui) de la porter sur le devant de la scène ? Aucun d’entre eux. C’est Manuel Valls lui-même ! Dans un livre-entretien avec Claude Askolovitch intitulé Pour en finir avec le vieux socialisme… et être enfin de gauche ! paru aux éditions Robert Laffont… en avril 2008 !
Quand Valls était « très fier » des 35 heures…
Il y a donc un peu plus de deux ans, lorsqu’on lui demandait à quel « moment récent » il s’était « senti fier, vraiment fier, d’être de la gauche, pour ce qu’elle faisait », le député-maire d’Evry répondait par deux décisions de Lionel Jospin : son discours sur les fusillés de Craonne … et la réduction du temps de travail. Un peu plus de deux ans, c’est donc le peu de temps qu’il faut pour passer de la « fierté » des 35 heures à la volonté de les « déverrouiller » ? Pas si simple. Car dans cet ouvrage, le même Manuel Valls amorçait déjà une critique sévère des 35 heures : « La rigidité de la réforme a posé plus de problèmes qu’elle n’a ouvert de solutions. Je te parle de la fierté d’un moment. D’un instant précis. Parce qu’on vient d’être élu sur des engagements, et qu’on décide de les tenir. On avait tant cru au “partage du travail” ! Avec Jospin, nous tenions enfin cette promesse que Mitterrand n’avait pas accomplie. Même si ce n’était plus le bon moment… Cela doit nous servir de leçon : nous ne sommes pas là pour rattraper les occasions perdues par nos anciens ou par nous-mêmes. Gouverner n’est pas consoler. »
Il avançait donc à l’époque un argumentaire quasi-similaire (la « fierté » en plus, certes…) à celui qu’il développait dimanche dernier sur le plateau du Grand rendez-vous d’Europe 1 et qui a provoqué tant de remous : « Est-ce que dans le monde tel qu’il est aujourd’hui, avec la concurrence que nous connaissons, expliquait-il il y a quelques jours, est-ce que nous pouvons nous permettre d’être sur des idées des années 70, 80 et 90 ? Non. » Mais voilà, les médias un 2 janvier ont peu de choses à se mettre sous la dent et, comme souvent, sont incapables de faire preuve de mémoire. À l’image de Thierry Guerrier, l’interviewer d’Europe 1, qui juste après la sortie de Manuel Valls se sent obligé d’en faire des caisses : « Est-ce que vous avez conscience que vous venez, aujourd’hui, sur Europe 1, de briser à gauche, au sein, du Parti socialiste un tabou considérable ? » Comme si la critique des 35 heures par Manuel Valls était d’une nouveauté folle ! Il conviendrait donc aujourd’hui d’interroger plutôt le député socialiste sur deux points :
* Est-il toujours aussi « fier » de « ce jour de l’automne 1997, quand Jospin a annoncé au patronat scandalisé et aux syndicats médusés qu’il allait réaliser les 35 heures, conformément à ses engagements de campagne » ?
* Est-il toujours aussi fier d’avoir été « élu sur des engagements » qu’il décide aujourd’hui, un peu plus de treize ans après, de ne plus « tenir » ?
http://www.marianne2.fr/Quand-Valls-etait-tres-fier-des-35-heures_a201334.html