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Jean-Paul Brighelli rappelle que les longues vacances valent aux enseignants d’être payés deux mois de moins que les autres fonctionnaires de grade équivalent. Le décret date de 1946. Depuis, les choses ont changé, la charge de travail s’est alourdie pour les profs. Mais le salaire, lui, est toujours amputé.
« Engagez-vous, rengagez-vous », qu’ils disaient…
« Oui, M’sieur… Qu’est-ce que je gagne, M’sieur ? »
« Bac + 5 ? Disons… 1310 € pour commencer, que vous soyez instit ou certifié… »
« Heu… Je viens de passer l’agrégation, M’sieur… Bac + 6, M’sieur… »
« Alors… Si vous êtes agrégé, 1423 €. 1423 ! Hein ! C’est pas beau ? »
« Et… Des avantages ? Des primes ? Des tickets-restaurant ? Un treizième mois ? »
« Vous n’y pensez pas ! Vous avez la vocation, vous — c’est déjà quelque chose… Et puis il y a les vacances…
Et les vendanges. »
Parlons-en, des vacances : c’est à cause de ces trois mois de vacances que le décret du 10 juillet 1946, concluant sur les délibérations des 6 janvier 1945 et 11 avril 1946, a fixé le traitement des enseignants au 10/12ème de celui des autres fonctionnaires de grade équivalent. Agrégé, dites-vous ? Vous aviez rang de colonel, et vous voilà ‘pitaine…
Ah, 1945… Grande année pour les vins… C’est même à cause de la vigne que votre salaire est calculé sur 10 mois — 10 mois répartis sur 12 : en ces temps-là, dans une France qui restait fondamentalement campagnarde, les grandes vacances allaient de fin juin à fin septembre — fin septembre ! — afin que les gamins et leurs maîtres (il y avait alors bon nombre d’instituteurs-vignerons) participent aux vendanges… Si, si, ce fut le motif officiel ! Trois mois pleins, à une époque où les congés payés, dans le reste du pays, n’excédaient pas trois semaines…
Heu… Oui, M’sieur… Mais voilà : aujourd’hui, les congés payés, ce serait plutôt six semaines. Sans parler des RTT. Et ceux des enseignants, l’été, moins de deux mois, si l’on tient compte des examens qui débordent allègrement sur juillet, et des pré-rentrées qu’il faut bien assurer. Moins de deux mois pour préparer ses cours — parce que nous appartenons à un monde bizarre où l’on ne s’arrête pas de travailler, où l’on amène ses copies à la maison, où l’on est bien obligé de se tenir au courant, sous peine de se retrouver rapidement obsolète… Et on ne complète pas nos revenus avec le produit des vendanges… D’ailleurs, combien d’enseignants aujourd’hui seraient capables de différencier, à vue d’œil, un chardonnay d’un sauvignon, un carignan d’une syrah ?
Mais les salaires, eux, en sont restés aux 10/12ème. Pour rattraper ne serait-ce que le reste de la fonction publique (et je ne parle même pas du privé, où l’on gagne un peu plus, à ce niveau de qualification…), il faudrait qu’un débutant touche, en fin d’année, les deux mois manquants. Soit 2620 euros.
Alors, les récentes augmentations proposées par Luc Chatel sont très loin du compte. 157 € nets par mois, a annoncé le ministre, pour un instit ou un Certifié. Cocagne !
Désolé : il manque 2463 euros. Pourquoi diable croyez-vous que malgré des lois restrictives, qui interdisent à un fonctionnaire de cumuler deux salaires, tant d’enseignants se vendent aux cours particuliers, et pour des gratifications de misère, autour de 10 euros de l’heure — qui permettent à Acadomia de flamber en Bourse, je suis bien content pour eux…
18h avec les élèves mais 39 heures effectives !
C’est de cela que l’on devrait parler, quand on parle revalorisation. La vraie « revalo », ce serait d’exiger la fin de cette ponction « viticole », de cette vendange qu’opère la rue de Grenelle dans nos traitements. Deux mois de salaire de moins par an, sur quarante ans de service, en mettant, l’un dans l’autre, le salaire moyen d’une carrière à 2000 euros par mois, (Byzance !) ma foi, ça permettrait de s’acheter… quelques arpents de vigne.
Alors, M’sieurs-dames des syndicats, vous qui savez, mieux que le ministre, qu’il y a aujourd’hui une crise des « vocations », vous qui savez que des concours qui attiraient il y a dix ans 10 ou 12 000 candidats n’en rassemblent pas plus du tiers aujourd’hui, qui n’ignorez pas, de surcroît, que les conditions de travail se sont sérieusement dégradées, et que la « prime de ZEP » ne compense pas les crachats jetés sur l’enseignant montant chaque jour au calvaire de son collège, voilà un vrai cheval de bataille : je réclame pour chaque enseignant en fin de carrière les 160 000 euros (minimum — j’ai calculé très juste, mais je ne voulais pas charger la barque) qu’a retenu le gouvernement pour cause de vendanges qui ne se font plus. Et pour ceux qui entrent dans la carrière, là, tout de suite, un salaire calculé sur 12 mois — c’est la moindre des choses, à l’heure où il est fortement question, au nom des « rythmes scolaires », de raccourcir encore les vacances d’été, et de rogner sur les autres.
« Oui, justement, dit monsieur Bidochon, opportunément entré dans la conversation. Il y a les autres ! Quinze jours par ci, quinze jours par là ! Vous croyez que j’y ai droit, moi ? »
« Triple buse — restons correct —, les vacances d’hiver ont été inventées pour que les hôteliers de montagne remplissent leurs stations. C’est même l’unique justification des « zones ». Inventées pour que les enseignants aient l’opportunité d’aller claquer à la neige les émoluments considérables que leur octroie le ministre. Et, accessoirement, pour que les enfants de Bidochon se reposent des fatigues excessives que leur occasionnent des programmes forcément surchargés, sans parler du stress d’un système forcément élitiste. Et faut-il que je te rappelle, crétin patenté, que nous travaillons tous, pendant les vacances ? Que le ministère même, qui sait compter — ô combien ! — sait que les 18 heures passées devant les élèves par un enseignant lambda correspondent à 39 heures effectives — pas 35 ! Nous devrions demander le paiement de ces heures sup’, tiens ! Mais allez, je te les offre — je les offre à la nation, qui est encore pour nous quelque chose, parce que c’est son futur que nous bâtissons tous les jours. »
M’sieur le ministre ! La prime de 160 000 euros aux 300 000 enseignants du baby-boom qui vont partir à la retraite dans ces prochaines années ! Tout de suite ! Et un treizième et un quatorzième mois pour tous les autres — comme à la Banque de France, autre service d’Etat.
Tout de suite.
http://bonnetdane.midiblogs.com/archive/2010/06/16/vendanges.html
Messages
1. Marianne salaire des profs les vacances ont bon dos, 19 août 2010, 01:07
La santé des profs : c’est le premier taux de suicide en France.
1. Marianne salaire des profs les vacances ont bon dos, 19 août 2010, 09:15
aprés les paysans.
2. Marianne salaire des profs les vacances ont bon dos, 19 août 2010, 10:32, par VITASEMPRE
après les France télécoms et maintenant les Postiers
3. Marianne salaire des profs les vacances ont bon dos, 19 août 2010, 11:07
non seulement aprés les paysans et un peu devant les policiers , toutes les enquêtes (il y en a peu) le disent.
4. Marianne salaire des profs les vacances ont bon dos, 19 août 2010, 11:44
– Le salaire des enseignants est anormalement inférieur à ceux des autres fonctionnaires de grade équivalent.
– Il est également inférieur aux salaires des enseignants de la plupart des autres pays de l’union européeenne.
Quand on veut organiser une regression sociale (gel des salaires, "réforme" des retraites), on argumente sur ce qui se fait dans l’union européenne, ou sur l’équité entre différentes catégories de salariés (public-privé, fonctionnaires enseignants et fonctionnaires non enseignants).
– Mais là, surtout ne raisonnons pas ainsi : les enseignants ont la "vocation", et devraient donc également faire voeux de pauvreté !
GREVE GENERALE ILLIMITEE DES LA RENTREE !
2. Marianne salaire des profs les vacances ont bon dos, 21 août 2010, 23:34, par Claude Deloume
Très bon article... ( de Marianne ?) mais pourquoi citer Brighelli, pourfendeur des "désastres" de l’éducation nationale pour mieux vendre ses propres bouquins (vaseux) tout en ayant soutenu Sarkozy en 2007... ?
1. Marianne salaire des profs les vacances ont bon dos, 23 août 2010, 12:20
Brighelli, soutien de Sarkozy ?
Vous n avez manifestement pas lu ses bouquins...mais ca ne vous empeche pas d avoir l avis institutionnel de lEducation nationale, puisque lesdits bouquins, lui ont valu des ennuis avec son ministere.
2. Marianne salaire des profs les vacances ont bon dos, 24 août 2010, 10:48, par Claude Deloume
Ennuis qui lui ont valu (curieusement..) une bonne pub et de bons moyens pour se prévaloir de la représentativité d’une profession en se foutant des syndicats, comme de la FSU, par exemple...
3. Marianne salaire des profs les vacances ont bon dos, 24 août 2010, 10:58, par Claude Deloume
Lu sur Wikipédia (oui, je sais ce n’est que Wikipédia mais comme c’est lui qui, manifestement, l’a pratiquement entièrement rédigé...) :
"Appelant de ses vœux « une refondation de l’école », il milite en particulier contre les options des « pédagogistes » représentés par Philippe Meirieu et pour un retour aux fonctions traditionnelles de l’école : la transmission des savoirs, l’apprentissage de connaissances et l’élitisme républicain. Pour atteindre ces objectifs, il est favorable à la suppression du collège unique (mis en place par René Haby et Valéry Giscard d’Estaing), la rénovation de la classe de seconde, la sélection des lycéens à l’entrée de l’Université, et la restauration de l’IPES pour choisir et former les futurs enseignants. Il prolonge la réflexion menée dans ses livres en tenant le blog Bonnet d’âne auquel il invite ses lecteurs, sympathisants et détracteurs à participer.
Après de nombreuses années passées au Snes, Jean-Paul Brighelli rejoint le SNALC, qui lui semble « le moins réactionnaire des syndicats ». Il est accusé de la part du Snuipp, qui appartient à la même fédération que le Snes, de « surfer sur des propos récoltés au café du commerce ».
(...)
"Membre du jury du CAPES de Lettres modernes, Jean-Paul Brighelli est invité à démissionner de cette fonction le mercredi 10 mai 2006 par le président du jury, Alain Pagès. Ce dernier lui reproche ses prises de positions critiques sur l’évolution de l’éducation, qui ont été extrêmement mal perçues par d’autres membres du jury, et qui ont provoqué la mise en place d’une pétition contre sa présence au sein du jury. Cette mise à l’écart suscite beaucoup d’émotion, et Gilles de Robien, alors ministre de l’éducation, demande que l’affaire soit éclaircie. Jean-Paul Brighelli est réintégré deux jours plus tard, l’Inspection Générale affirmant : « tout cela n’était qu’un malentendu, apaisons les esprits ».
Lors du second tour des élections présidentielles de mai 2007, il préfère le candidat Nicolas Sarkozy à Ségolène Royal : X. Darcos l’en remercie publiquement lors de la remise de sa légion d’honneur en octobre 2009. "
(...)
"Fin 2009, Jean-Paul Brighelli semble se rapprocher du Modem."
4. Marianne salaire des profs les vacances ont bon dos, 24 août 2010, 15:58, par Claude Deloume
Petite précision quant au SNALC.
3. Vendanges, 26 août 2010, 09:16
d’abord il est question de deux mois de salaire à toucher en fin d’année
puis de 157 € par mois
donc les 2463, ils viennent d’où ???