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Vers un nouveau scénario putschiste au Vénézuéla
Publie le mercredi 30 juillet 2003 par Open-Publishing29 juillet 2003
Les noyaux durs de l’opposition et Washington optent à nouveau pour la violence
par Heinz Dieterich Steffan , Rebelion
Fortement armé, l’émissaire du patriarche se dirigeait au bureau du Général. Sa mission était délicate, extrêmement dangereuse. Il devait neutraliser ce puissant officier qui gênait les intérêts de l’ex-président et de l’oligarchie qu’il représentait.
Le garde le mena à l’antichambre du haut gradé, qui lui rappelait un chapelle, avec ses bougies, ses vitraux, ses statues de la Vierge et ses icônes du Libertador Simon Bolívar. Tout cela créait une atmosphère de sérénité et de paix cosmique, quasi religieuse. Mais le cœur dur de ce chef d’entreprise ne faiblissait pas, décidé qu’il était à remplir sa mission et confiant de l’efficacité de l’arme létale que contenait son attaché-case.
Lorsque le Capitaine le fit entrer, il s’assit en face du Général et s’arma de courage. Il sortit son arme, visa et ouvrit le feu : « Général, nous vous offrons un milliard de dollars si vous changez de position et arrêtez de soutenir le président Hugo Chávez ».
Au grand étonnement du Général, cet employeur précisa qu’un contrat serait dûment signé et qu’une avance de cinq cents millions pouvait être versée. Lui-même servirait de « conseiller financier » au Général, afin de l’aider à blanchir une telle somme.
Une partie du montant, poursuivit-il, serait investie dans l’acquisition de propriétés foncières à l’étranger, aux États-Unis, surtout. Et la part du lion serait placée dans différents paradis fiscaux des Caraïbes, ainsi que dans l’Île de Man, éden du blanchiment d’argent des Britanniques si civilisés.
Pendant les premiers mois de l’année 2003, la position du Général dans le rapport de force entre les putschistes et les constitutionnels était, de fait, cruciale pour l’avenir des deux camps. Les subversifs avaient donc bien choisi leur cible. Par contre, ils s’étaient fourvoyés quant à la qualité morale de l’officier. Et malgré l’énormité de la fortune promise, malgré le conseil qu’on lui donnait de penser à son avenir, le Général maintint son attitude : « Vous pourrez ajouter tous les zéros que vous voudrez -répondit-il à l’envoyé de l’oligarchie. Je trouve votre proposition insultante et je vous prie de quitter mon bureau ! »
L’arme létale avait échoué, détrompant ainsi la célèbre sentence du général de la Révolution mexicaine Álvaro Obregón, qui avait dit un jour : « Aucun général ne peut résister à un coup de canon de cinquante mille pesos ».
Défait, le chef d’entreprise battit en retraite pour appeler Miami et informer les bailleurs de fonds du coup d’État d’avril 2002 et du putsch pétrolier de décembre 2002-février 2003, que le Général n’était malheureusement pas à la vente. Il transmit aussi la triste nouvelle en République Dominicaine, où l’un des patriarches politiques de l’oligarchie vénézuélienne -avec qui il se réunit régulièrement dans l’île- rêve encore d’être le président de la junte de transition une fois que Chávez aura été renversé. Bien entendu, il fit aussi quelques appels locaux, afin d’annoncer aux investisseurs du pays que le négoce n’aurait pas lieu.
L’échec de la neutralisation du Général à coups de billets verts pousse les ’investisseurs’ sur les voies plus traditionnelles de l’assassinat politique. Dans les cercles bien informés, le plan est maintenant de liquider physiquement ’le président et ses douze apôtres’, à savoir : Hugo Chávez et les principaux acteurs militaires et civils du processus de changement.
Des tueurs à gage ont déjà été importés de Colombie, du Salvador, du Guatemala et d’autres pays. De pair avec des cadres militaires et des civils opposants vénézuéliens, ils sont chargés des meurtres respectifs. Et c’est depuis Miami que ce réseau international terroriste est coordonné.
Tentatives de corruption d’officiers, projets d’assassinats politiques, pose de bombes sophistiquées faites de plastic à usage exclusivement militaire (comme le C-4), recrudescence des attaques de la part de l’épiscopat vénézuélien, des mass médias et de la politique américaine ; tout ceci vise à créer un nouveau climat favorable à un coup d’État, visant à détruire de façon inconstitutionnelle le gouvernement élu du président Chávez.
Le volet terroriste de ce plan ne vise pas uniquement des ’cibles humaines’, mais aussi, à l’instar du putsch pétrolier, des parties vitales de l’infrastructure du pays, comme l’électricité ou le secteur du gaz. Il faut savoir d’une partie considérable de l’électricité est produite grâce au gaz, transporté sur de longues distances par des gazoducs non souterrains.
Sur ces gazoducs, par intervalle, des soupapes de sécurité permettent de réguler la pression, qui fonctionnent par télémétrie. Autrement dit, il s’agit de systèmes de mesures alimentés par cellules solaires qui transmettent les données des manomètres à des satellites, facilitant ainsi le contrôle. Plusieurs tentatives de sabotage de se système sophistiqué ont déjà eu lieu, dont les auteurs ont essayé de masquer en actes de vandalisme. La connaissance technique nécessaire démontre pourtant qu’il s’agit bel et bien d’attentats.
Grâce à des explosifs volés dans le pays ou introduits de l’extérieur, les subversifs peuvent faire sauter les gazoducs et causer des dommages qu’il faudrait jusqu’à dix jours pour réparer. Si de tels actes de sabotage étaient perpétrés dans certains centres stratégiques, c’est toute la production électrique du pays qui s’arrêterait et, partant, l’activité économique. Dans le cadre de ce plan de destruction économique, les déstabilisateurs effectueraient des opérations de commando, afin d’assassiner les personnalités clé du régime actuel. Le cirque médiatique monté par l’opposition nationale et Washington concernant le soi-disant manque de volonté gouvernementale pour l’organisation d’un référendum révocatoire n’est essentiellement qu’un écran de fumée destiné à cacher le véritable projet de destruction du bolivarianisme, par la voie du terrorisme, coordonné, bien entendu, avec les soutiens respectifs de la superstructure nationale, notamment la justice, le parlement et les médias, et des intérêts internationaux.
Les deux déroutes des putschistes ne les ont pas neutralisés, comme d’aucuns le pensent dans le pays et à l’étranger, ni ne les ont démocratisés. Au contraire, les noyaux durs et Washington ont de nouveau opté pour l’issue qui leur est congénitale : celle de la violence.
Sachons-le : la troisième offensive des forces de l’anti-histoire a commencé.
Traduction : Gil B. Lahout, pour RISAL.
Article en espagnol : "Nuevo escenario golpista en Venezuela", Rebelion, 26 juillet 2003.
© COPYLEFT Heinz Dieterich Steffan 2003.