Accueil > Vif débat à Paris cinéma sur la place des intermittents
Vif débat à Paris cinéma sur la place des intermittents
Publie le mercredi 16 juillet 2003 par Open-Publishingin : http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3246--327641-,00.html
Vif débat à Paris cinéma sur la place des intermittents dans
l’audiovisuel
LE MONDE | 12.07.03 | 13h47 • MIS A JOUR LE 14.07.03 | 17h59
Le festival créé par la Ville de Paris a réuni, vendredi 11 juillet,
élus parisiens, acteurs, producteurs, réalisateurs et syndicalistes
pour une discussion houleuse sur ce secteur accusé de tous les abus.
Longtemps restés en retrait, les intervenants des secteurs de
l’audiovisuel et du cinéma ont débattu le matin du vendredi 11
juillet dans le cadre d’un colloque organisé par Paris cinéma,
manifestation financée par la Ville de Paris. Après avoir exprimé sa
vive inquiétude sur l’avenir de l’exception culturelle, Christophe
Girard, l’adjoint au maire de Paris chargé de la culture, a ébauché
un mea culpa : "La gauche ne s’est pas occupée de ce champ.
La faucheuse du Medef est passée et a fauché les intermittents."
Elus, producteurs, délégués syndicaux, représentants de
coordinations, réalisateurs ont ensuite évoqué les contradictions
inhérentes à la place de l’intermittence dans les milieux de
l’audiovisuel et du cinéma. Serge Siritzki, rédacteur en chef du
journal professionnel Ecran total, a énoncé d’emblée la contradiction
fondamentale. Si tout le monde s’accorde à dénoncer les abus commis
par les grandes entreprises audiovisuelles et à appeler à un
renforcement des contrôles, personne n’est dupe : c’est la
possibilité même de ces abus qui permet l’existence d’un secteur de
production indépendant.
Autrement dit, le renforcement des contrôles de l’inspection du
travail fait courir un risque mortel à la création cinématographique
et audiovisuelle. La question de fond est donc celle du financement
de la culture et de l’audiovisuel.
Stigmatisé de toute part, l’audiovisuel public était au cœur des
débats. Pascal Rogard, délégué général de la société des Auteurs
réalisateurs producteurs (ARP), a souligné que la redevance
télévisuelle en France était l’une des plus faibles d’Europe et
qu’"aucun gouvernement, qu’il soit de droite ou de gauche, n’a eu le
courage de dire jusqu’à présent qu’un audiovisuel public de qualité
avait un prix. C’est une aberration de prétendre chasser les abus qui
fondent l’équilibre financier de la télévision publique, tout en
refusant d’en accroître les ressources".
"UNE QUESTION POLITIQUE"
Anne Hidalgo, première adjointe au maire de Paris, a admis que "si
beaucoup de chaînes publiques en sont là, c’est qu’on ne s’est pas
donné les moyens d’un audiovisuel public de qualité". Pour Jacques
Rozenkranz, délégué syndical Force ouvrière, "la crise actuelle a le
mérite de poser pour la première fois la question complètement
occultée jusqu’ici de la place de la culture dans notre économie.
Quel prix est-on prêt à payer pour notre culture ?".
Les débats, houleux, ont vivement opposé des acteurs habitués à
travailler main dans la main. Dans un mouvement similaire à celui qui
déchire les professionnels du spectacle vivant, l’hétérogénéité
fondamentalement créatrice du cinéma semblait soudain agir comme un
poison.
Malgré leurs récentes déclarations en faveur d’un contrôle accru des
pratiques des groupes audiovisuels, les représentants du Syndicat des
producteurs indépendants (SPI) ont été pris à partie pour ne pas
avoir dénoncé l’accord du 27 juin réformant l’indemnisation des
intermittents. "C’est une question politique, a avancé une
réalisatrice. Nous ne sommes pourtant pas dans des camps opposés ! De
la même manière que ce n’est pas plaisant pour nous de recevoir 60 %
de notre salaire via les Assedic, je sais que cela ne fait pas
plaisir aux producteurs de ne pas pouvoir nous payer assez. Je ne
comprends pas que vous ne preniez pas clairement position et j’en
suis peinée."
Thierry de Segonzac, coprésident de la Fédération des industries du
cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia et PDG de la société TSF
s’est, lui aussi, attiré des foudres en indiquant que les récents
piquets de grève ont terriblement fragilisé son entreprise. Selon
lui, ces interruptions de tournages risquent de renforcer le
mouvement de délocalisation qui frappe actuellement la production et
les industries techniques françaises.
Autre pomme de discorde, le champ d’application du régime des
intermittents du spectacle. Pour Pascal Rogard, l’extension continue
du nombre des bénéficiaires oblige à recentrer le périmètre sur la
création. Vivement opposé à cette proposition, un membre de la
Coordination des intermittents et précaires d’Ile-de-France a soutenu
au contraire que l’alternance entre œuvres de création et activités
moins artistiques était la clé de l’équilibre du système.
Isabelle Regnier