Vive la corvée ! Vivent le travail gratuit et obligatoire !

Lettre ouverte de Laurence Parisot, patronne des patrons, aux chômeurs, aux salariéEs, aux étudiantEs et aux collégiens

Le 29 août 2005, à l’université d’été du Médef (mon syndicat de patrons), moi, Laurence Parisot, je demandais : " Réenchanter le monde... est-ce possible ? Est-ce nécessaire ? Est-il si désenchanté que cela ? "

Aujourd’hui, je réponds : Pourquoi serions-nous désenchantés alors que nous avons rétabli la corvée abolie à la Révolution ? Et en douceur !

Bon, c’est vrai que l’histoire du lundi de Pentecôte où la majorité des salariéEs a préféré se faire porter pâle plutôt que d’accomplir son devoir nous a peiné.

Ah ! L’époque des corvées, quelle belle époque ! Des quantités de journées de travail gratuit fournies par les roturiers aux seigneurs (malheureusement passées de 180 jours par an sous les Carolingiens à 12 jours sous l’Ancien Régime. Quelle misère !) et au roi (8 à 40 jours par an).

Aujourd’hui, c’est vous qui nous fournissez gratuitement des millions de journées de travail.

Vous, les salariéEs payéEs à temps partiel qu’on oblige à travailler à plus que plein temps parce que si t’es pas contentE, regarde la queue à l’ANPE ...

Vous les salariéEs à plein temps qui effectuez des tas d’heures supp’ gratuites, vous auxquelLEs on supprime des jours de congés payés en cas d’arrêt maladie, parce que si t’es pas contentE ...

Vous, chômeurs, notre providence. Avant, on vous disait : " Tu veux bosser ? Commence par quelques semaines au noir ". Maintenant, on vous dit : " Commence par quelques semaines gratuites, on verra ensuite ! ".

Vous, les employéEs de l’ANPE et des boîtes " d’insertion ". Combien d’entre vous ne refusent pas d’imposer la corvée sous couvert d’évaluation en milieu de travail (EMT - 80h gratuites ... payées minimum 2 euros par l’ANPE au patron) ou EMT préalable à l’embauche (40h gratuites) ? Combien d’entre vous ne renâclent pas à caser, parfois sous la menace, les chômeurs dans des stages de 4 à 6 mois où la moitié du temps se passe à la production sans que le patron débourse un sou, même pour l’équipement professionnel obligatoire ? Combien d’entre vous n’ont-ils pas dit à ces " stagiaires " qui veulent déserter la chaîne : " Si vous arrêtez, vous devrez rembourser le stage, 1000, 1500 euros " ?

Merci à vous de faire croire aux chômeurs que ce travail gratuit leur est utile et d’entretenir la soumission à l’autorité chez notre main d’oeuvre.

Merci aussi à l’éducation nationale qui nous livre collégienNEs et lycéenNEs dès la classe de 5ème. A cet âge tendre, ces dernierEs comprennent que personne n’échappe à l’ordre patronal. Les gosses qui, en préparant CAP ou BEP, sont habituéEs à travailler gratuitement en entreprise près de la moitié de l’année, nous manifesteront quant à eux une reconnaissance éternelle quand nous les paierons des miettes . . . dans quelques années.

Merci aussi aux gouvernements de toutes les couleurs qui créent toutes sortes de " contrats " dits " d’insertion " ou TIG - Travail d’intérêt général - (RMA, contrats d’avenir, CIVIS, PARE, etc.) qui rémunèrent nos " salariéEs " avec leurs propres allocations !

Mais, qu’ouis-je ? On me parle d’une révolte ? D’une grève ! Des stagiaires hyper diplômés défilent dans les rues en prétendant qu’ils en ont marre d’être des stagiaires professionnels depuis des années ? Ils veulent être rémunéréEs ! ! !

Mais, elle est contagieuse cette maladie ! Demain, touTEs les stagiaires vont réclamer un salaire et, pourquoi pas, nous obliger à respecter le Code du travail ! Demain, les chômeurs et RMIstes vont réclamer une vraie allocation qui leur permette de vivre décemment ! Et pourquoi pas la gratuité des services de première nécessité (logement, fluides...) pendant qu’on y est !

Laisserons-nous ces manants désenchanter notre monde ?

Pcc/Laurence Parisot

Pour résister au travail obligatoire, pour résister au travail gratuit

Pour avoir le droit de choisir son emploi et sa formation

Pour avoir un revenu en aucun cas inférieur au SMIC, même au chômage

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