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Voynet : plutôt Cohn Bendit que Mozart
Publie le lundi 7 juillet 2008 par Open-Publishing3 commentaires
« Montreuil : la citadelle rouge résiste à la verte Dominique Voynet » est le titre d’un article rédigé par Matthieu Écoiffier, publié dans le monde du 3 mai 2008. On peut y lire ceci :
« Bizarreries ». La nouvelle équipe a annulé des « bizarreries ». Comme la programmation de la « Flûte enchantée », l’opéra favori de Brard, pour la Fête de la ville, consacrée cette année à mai 68 : « 200 000 euros, aucune compagnie sélectionnée, et Brard qui m’accuse de mépriser les pauvres ! Sur mai 68, un discours de Dany Cohn-Bendit, c’est gratuit », ironise Voynet. »
Matthieu Éscoiffier n’a pas répondu à mon courriel. J’aurais aimé lui demander quelle définition il donne à « ironie ». Jean-Pierre Brard n’a pas répondu à mon courriel. J’aurais aimé avoir quelques précisions, de sa part, sur ce projet, sachant qu’à Montreuil, c’est la direction du Conservatoire de musique qui est maître d’œuvre de ce genre de manifestations. Dominique Voynet n’a pas répondu à mon courriel, mais là...
Ce genre de dérapage, s’inscrit dans une campagne médiatique tout aussi invraisemblable qu’inquiétante. Elle est pour les Montreullois,dont moi-même, désobligeante. Voynet aurait fait tomber le dernier « bastion rouge », comme si Montreuil n’avait pas été une commune administrée selon les lois de la République, comme toutes les communes du pays, et comme si cela allait changer avec notre libératrice. Là, c’est ce qu’elle dit dans le micro de gauche. Dans celui de droite, elle dit : « on a gagné contre tout le monde ». Que doit enregistrer le micro du milieu ?
Parce qu’en effet, Montreuil n’était ni un bastion, ni rouge. Depuis de très longues années, cette ville était administrée par une municipalité de large union, citoyens sans appartenance à un parti politique compris. Les communistes n’y étaient pas majoritaires, loin de là ; Jean-Pierre Brard est, depuis longtemps, démissionnaire du parti communiste, y prenant son bien, selon ses besoins clientélistes. Les Verts, ont fait partie de la majorité municipale, ont eu des maires adjoints.
Le micro du milieu doit donc enregistrer « on a gagné contre tout le monde »... et pour le coup, la nouvelle municipalité est une citadelle isolée : elle se dit elle-même seule contre tout le monde.
Dominique Voynet, les bobos qui forment sa liste, ceux qui l’ont soutenue, n’ont pas été rebutés par l’horreur de cette ville aux mains des derniers staliniens de France. Bien au contraire, ils ont été attirés par cette ville, riche de ses habitants (dont moi), de ses activités culturelles, avec des fleurons comme le « Salon du livre de jeunesse » à l’origine, une activité des centres de loisirs, ou le fameux cinéma « Le Méliès », à l’origine cinéclub amateur, qui partageait tant bien que mal le studio-théâtre Berthelot, avec les débordantes activités théâtrales, emportées par les tourbillons du « Théâtre École de Montreuil ». Dirigée par Jean-Guérin, acteur et animateur de génie, la troupe du Théâtre-École a été invitée à jouer Shakespeare au Festival officiel d’Avignon.
Montreuil est accueillante pour les artistes, qui y ont des facilités de vie et de création. Pour ce qui me concerne, j’ai pu bénéficier, totalement gratuitement, de salles, de l’auditorium du Conservatoire, du Théâtre Berthelot, du hall de la bibliothèque Robert Desnos, régie technique comprise, pour y créer spectacles, expositions, et même, collectivement, un extraordinaire festival de théâtre, qui n’a malheureusement eu que trois éditions. Montreuil c’est aussi « Les Instants Chavirés » et « Planète Flamenca », le Centre dramatique national, l’hébergement de la troupe d’Armand Gatti, le Studio Théâtre de Carlo Boso, et mes excuses pour tout ce que j’oublie, notamment du côté des arts plastiques.
Il est vrai qu’on n’est pas habitué à voir les membres de la nouvelle équipe municipale dans ces lieux et milieux.
Outre le fait de blesser les Montreuillois, qui, comme dans la Caverne de Platon, n’auraient pas réalisé qu’ils étaient enchaînés, et se seraient complu dans l’indignité d’un vil esclavage, il y a un mensonge qui ne tient pas la route.
En effet, faute de pouvoir développer un programme cohérent (et positif pour la Ville) sur lequel appuyer sa mandature, la nouvelle équipe exploite les facilités de la démagogie, avec les plus grosses ficelles de l’anticommunisme le plus élémentaire. On découvre donc à la mairie des micros dans les plafonds, des portes dérobées, des ascenseurs cachés, des documents disparus... mais classés dans les services administratifs, etc., malheureusement, etc.
Plutôt que faire de la politique, on criminalise. C’est un terrain très dangereux pour la paix sociale. Dans le fond, ce sont-là des pratiques propres aux pouvoirs autoritaires, stalinisme compris.
Il y a deux questions à ma porte :
La première porte à la fois sur la méthode et sur l’objet étudié (qui peut être la méthode) : quelle est cette force d’attraction des formules toutes faites, de la doxa, de ces choses qu’on répète d’autorité (par exemple, Charles Martel a arrêté les Arabes à Poitiers), avec laquelle on force littéralement nos représentations en dehors de tout procès critique, au point d’être incapable, parfois, de donner un sens rationnel à ce qui est sous nos yeux. En d’autres termes quelle est donc cette force des préjugés ? Ils sont une bien terrible citadelle, d’autant plus redoutables, qu’ils sont incolores, et se fondent dans tous les paysages.
Il y a danger quand le politique manque de politique, comme c’est le cas à Montreuil, parce qu’on utilise alors cette force des préjugés. Il y a une affabulation, un journaliste qui ne contrôle pas les informations, le reste suit, puisque c’est attribué à une municipalité communiste, donc à l’essence même de toutes les calamités. Le mensonge va être colporté de bonne foi, sans que les colporteurs se rendent compte de sa nature invraisemblable, en l’absence de véritable enquête. C’est dangereux, c’est indigne, ces ressorts sont utilisés, ont été utilisés ailleurs, pour exclure, mettre à l’index, tuer. Même quand on est malade de pouvoir, comme l’est Dominique Voynet (mais aussi Jean-Pierre Brard), il y a des risques qu’il faudrait ne pas s’autoriser.
Cela mène à la seconde question qui est celle de l’autorité des propositions. Normalement, les convictions devraient être emportées par leur évidence (Descartes), leur pertinence, les démonstrations, par les prospectives qu’elles ouvrent, par les soudaines nouvelles compréhensions qu’on peut avoir du réel, sur lequel on peut alors mieux agir, par ce qu’elles décadenassent. En fait en sciences humaines, particulièrement en musicologie, là où j’œuvre, on cite trop souvent l’autorité de la publication de ses propres travaux, des articles de dictionnaire ou d’autres auteurs. Peut-être n’est-on pas tout à fait sorti de la scolastique médiévale qui imposait l’humilité et le commentaire des Livres ou, par extension, des auteurs « autorisés » (côté de Dieu). Cette autorité des personnes a un renversement (côté du diable), celui des auteurs qu’on pourrait dire de non-autorité, ceux qu’on discrédite, pour discréditer leurs idées sans en discuter. On peut imaginer une extension aux actions et événements que l’on peut aussi utiliser comme transmetteurs qualitatifs à d’autres objets.
Voilà pourquoi Voynet préfère Cohn Bendit à Mozart. Certainement parce qu’elle manque de culture musicale, et politique (Mozart est aussi le compositeur des Lumières), mais surtout, parce que non seulement le propos utilise la puissance des préjugés, mais encore, participe à les alimenter.
« La Flûte enchantée », une œuvre extraordinaire de l’histoire de la musique, devient pour Voynet « l’opéra favori de Brard », donc un truc qui ne vaut pas un clou. En 1989, alors que Jean-Pierre Brard désirait commander une œuvre à Mikis Theodorakis, pour les fêtes du bicentenaire de la Révolution française, qu’aurait dit Voynet ? « Le compositeur préféré de Brard » ou « le compositeur officiel du Parti communiste ? » Les horizons culturels des névrosés de la politique sont assez limités, mais ont l’avantage de la simplicité.
Je pense que la population de Montreuil aurait bien mérité Mozart, y compris pour 200 000 euros, selon Dominique Voynet (somme qui aurait avant tout rémunéré des intermittents). Personnellement, j’aurais préféré qu’on fasse appel à un compositeur vivant.
J’ai assisté à la Maison de la Musique de Nanterre (une citadelle communiste) à la création des « Sacrifiées », un opéra du jeune compositeur Thierry Pécou. L’auditorium de 500 places a été, deux soirs de suite, plein à craquer, d’un public très majoritairement populaire, cloué sur place par l’émotion. Cela donne des idées contre les préjugés.
On notera au passage la confusion de Dominique Voynet quant à la pauvreté à Montreuil. Il y a toutes les raisons du monde pour qu’une municipalité fasse l’effort de tenter de confronter les plus déshérités avec le le meilleur de la culture, mais encore, la population de Montreuil n’est pas exclusivement composée de déshérités, loin de là.
Je ne sais pas si Dominique Voynet « méprise les pauvres », elle est simplement méprisante dans ses manières de politicienne vieux jeu. Preuve en est son apparition à la fête de la ville, protégée par un quarteron de gorilles (mort de rire, comme on dit). Mais que vient faire cette citadelle ringarde à Montreuil ?
Jean-Marc Warszawki
musicologue et montreuillois
Messages
1. Voynet : plutôt Cohn Bendit que Mozart, 8 juillet 2008, 02:09, par ar
Tout à fait d’accord aec cette analyse....L’article de Libé est d’un mérpis ahurissant et ne grandit pas son auteur...
IlROsso...
1. Voynet : plutôt Cohn Bendit que Mozart, 10 juillet 2008, 22:03, par la base
Au programme du "cosi fan tutte"de Voynet 175 emplois communaux sont supprimés en attendant la grande purge(stalinienne ?) de près de 450 autres
Telle est la revanche des médiocres.
2. Voynet : plutôt Cohn Bendit que Mozart, 8 juillet 2008, 08:33
Que de fantasmes...