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le triste anniversaire de la mort de l’abbé pierre

Publie le jeudi 31 janvier 2008 par Open-Publishing

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BERNARD DELATTRE

Mis en ligne le 31/01/2008

La situation des SDF ne s’est pas améliorée, un an après le décès du leader d’Emmaüs. Le pouvoir est dépassé, les associations furieuses et l’opinion inquiète.
CORRESPONDANT PERMANENT à PARIS
Le coup de massue. Les représentants des associations d’aide aux sans-abri sont sortis comme sonnés de Matignon mardi, où s’est tenu un sommet consacré au mal-logement. Leur grise mine - leur "colère froide" même, dixit le charismatique leader des "Enfants de Don Quichotte", Augustin Legrand - contrastait avec leurs déclarations "satisfaites mais vigilantes" à l’issue de leur précédente venue à Matignon, en décembre. Le Premier ministre, François Fillon, avait alors promis de gros efforts budgétaires. Mardi, il a débloqué une enveloppe de 250 millions, alors que les associations demandaient plus d’un milliard.

"Personne ne doit être contraint de vivre dans la rue", a asséné le chef du gouvernement, qui a assuré que ce dossier faisait désormais figure de "grand chantier national". L’Etat affirme avoir globalement rempli ses engagements de l’an dernier en matière de création de places d’hébergement, même si François Fillon a reconnu l’existence de "résistances" et d’"obstacles". Mais un an après le décès, en janvier 2007, de l’abbé Pierre, le fondateur d’Emmaüs, ce constat est loin de faire l’unanimité.

Les ONG contestent les dires du gouvernement et l’accusent de ne pas avoir tenu ses promesses. Au-delà d’une fastidieuse querelle de chiffres, le problème apparaît au moins autant qualitatif que quantitatif.

En effet, les places en centres d’urgence ont vu leur nombre augmenter, certes, mais, vu leur impopularité auprès des SDF (promiscuité, insécurité, obligation de les quitter chaque matin, etc.), ce sont plus des centres dits de relais ou de stabilisation (où l’on peut rester plusieurs nuits, par exemple) dont on a besoin. Or ceux-ci sont souvent occupés par d’autres déshérités (travailleurs ne gagnant pas assez pour se loger, demandeurs d’asile, etc.) ne trouvant pas place dans les structures qui leur sont destinées car celles-ci sont occupées par les centaines de milliers de Français en attente d’un logement social.

Du coup, selon un rapport officiel issu d’une conférence de consensus tenue fin novembre 2007, la France, en Europe, fait moins bien que "tous les Etats confrontés à cette difficulté d’une exclusion radicale, (qui eux) ont diminué très substantiellement leur population de sans-logis". Mardi, Etienne Pinte, le député mandaté par Matignon pour travailler sur ce dossier, a d’ailleurs admis implicitement être dépassé : "On gère trente ans de retard en matière de logements : on ne peut pas inverser cette réalité d’un coup de baguette magique."

Opposable mais très relatif

L’illustre bien le Droit au logement opposable (Dalo), ce mécanisme entré en vigueur le 1er janvier, qui permet théoriquement aux mal-logés (en situation régulière) de traîner l’Etat en justice si, au 1er décembre 2008, il ne leur a pas proposé un logement. Quelque 600 000 mal-logés sont éligibles à ce droit, mais celui-ci ne s’applique qu’à un parc préfectoral de... 60 000 logements. Et le gouvernement a reconnu que, probablement, les objectifs de ce Dalo ne seraient même pas respectés dans les temps.

L’opinion ne s’y trompe pas. Elle est critique : trois Français sur quatre (et 60 pc des sans-abri) jugent qu’en un an, la situation des SDF n’a pas changé, voire s’est dégradée. Et elle est inquiète : près d’un Français sur deux (47 pc) redoute de lui-même finir un jour à la rue.
aire