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les 500 signatures, vues de suisse (24H)

Publie le lundi 19 février 2007 par Open-Publishing
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La présidentielle ouvre la chasse aux signatures des maires de la France rurale


PARRAINAGE
Avant chaque élection présidentielle, les maires ruraux sont sollicités – harcelés, confient certains – par les candidats en quête des 500 signatures nécessaires pour se présenter.

XAVIER ALONSO DE RETOUR DU DOUBS
Publié le 19 février 2007

LES VILLEDIEU : Jean-Marie Saillard, maire de la commune de 160 habitants et conseiller général de son canton : « Les maires ruraux sont de moins en moins enclins à parrainer. Il y a une peur de prendre un engagement connu de la population. » / FLORIAN CELLA
« Jean- Marie Le Pen m’a appelé personnellement en 2002. Un dimanche après-midi. C’est ma fille qui a pris le téléphone… C’est surprenant. » Michel Morel est maire de Jougne, village de 1000 habitants dans le Doubs, à un jet de pierre de Vallorbe. Frontalier depuis 1968, ce chaleureux sexagénaire est chef de la partie mécanique de l’entreprise Maillefer à Ballaigues (VD). Il reçoit dans un restaurant adjacent à la Mairie et rit volontiers de l’attention dont les maires des communes rurales font l’objet.

« Ça ne m’étonnerait pas que Le Pen me sollicite encore. Pas plus qu’en 2002, je ne parrainerai quelqu’un. J’étais tenté de le faire pour Parisod, cet indépendant qui veut défendre les handicapés, mais je crois qu’il ne se présente plus. » Pourtant, ce passionné de la « chose publique » – maire depuis 19 ans – possède une carte de l’UMP. Relique de son ex-mandat de conseiller général du canton de Mouthe. A l’échelon communal, « un maire ne fait pas de politique, il travaille pour le bien commun. »

La chasse aux parrains…

Ce souci du parrainage, cette chasse à la signature (lire ci-dessous), est une spécificité bien française dont certains candidats à l’Elysée, malgré leur célébrité, n’arrivent pas à se dégager. José Bové, Olivier Besancenot, Philippe de Villiers ou Dominique Voynet, ainsi que le finaliste de 2002 Jean-Marie Le Pen peinent à réunir les 500 signatures d’élus locaux exigées par la loi pour participer à la compétition.

Des lettres, Gérard Deque (50 ans), maire de Métabief (1000 habitants, 80% d’actifs frontaliers, un domaine skiable et un centre de vacances dont il est le directeur), en a reçu beaucoup. Entre autres, une de Besancenot et une de Nicolas Hulot, il y a six mois. Au cas où. Le médiatique auteur du Pacte environnemental n’est finalement pas candidat, mais il préparait le terrain.

Le FN, par l’entremise d’un militant, a téléphoné. « Même si l’on est d’avis que pour la santé de la machine démocratique, un type qui représente 12 à 16% d’intention de vote dans les sondages doit pouvoir se présenter, peu vont se risquer à le parrainer. Etre publié et se retrouver étiqueté FN… il y a de mauvais retours ! » Malaise avec ses concitoyens, mais aussi avec les différentes instances politiques. « Demander ensuite des subventions pour sa commune à la Région ou au Département, si on s’est affiché de l’autre bord – sans parler du FN – c’est pas très simple ! »

Mme la maire des Hôpitaux-Neufs (620 habitants), Jacqueline Salvi, enseignante à la retraite que la vox populi du bar PMU de la place de la Mairie désigne à gauche, refuse tout commentaire. « C’est toujours mal interprété ! J’ai reçu une dizaine de lettres, même Chasse et pêche, et Le Pen… Je suis sans étiquette, je ne donne ma signature à personne. »

« Moi, je parraine François Bayrou. C’est la première fois que je donne ma signature », glisse Jean-Marie Saillard (56 ans), l’actuel conseiller général du canton de Mouthe. Il l’a fait spontanément : « Je pense que le centre à une place en France. » Le maire des Villedieu, minuscule commune de 160 habitants, précise qu’il écoute la « météo sur Sottens, parce que Lausanne c’est quand même plus proche que Paris. Donc plus précis. » Et d’ajouter : « C’est triste, mais c’est le seul moment où le maire rural prend de l’importance. »

Le désengagement paie

Comme ses collègues, Jean-Marie Saillard compte, mi-amusé mi-agacé, les lettres et les sollicitations téléphoniques. « L’autre jour, c’était Nicolas Miguet. Vous savez le type de La Bourse ? » Journaliste, homme d’affaires controversé (plusieurs condamnations), Nicolas Miguet a échoué en 2002 à réunir 500 signatures. Son parti, le Rassemblement des contribuables français (RCF), ne rassemble visiblement pas.

Les pittoresques, Elisabeth Rampant, la maire du chef-lieu Mouthe (957 habitants), les trouve parfois « très, très » agressifs. « Des partis dont j’ignore même l’existence m’ont demandé de parrainer leur candidat et se montrent presque impolis. » Son « désengagement » fut même un propos de sa campagne à elle… pour la mairie en 2001. En aucun cas elle ne parrainerait, avait expliqué à ses concitoyens cette pharmacienne de 51 ans : « Un maire n’a pas à coller une étiquette politique à sa localité. Quand, en 2002, Jean-Marie Le Pen m’a appelé personnellement, cela fut simple de lui répondre. »

Jusqu’au 16 mars, la chasse va faire rage. En 2002, Le Pen avait passé l’épaule dans les dix derniers jours : 89% de ses signatures émanaient de communes de moins de 500 habitants. Dring !

Michel Durant. Profession : collecteur de promesses

CLAUDE ANSERMOZ

Michel Durant est un « chasseur de primes ». Depuis trente-cinq ans et cinq présidentielles françaises, cet instituteur à la retraite part à la pêche aux signatures pour les Verts. Dans chacun des 100 départements français, on compte, dixit Michel Durant, « entre 40 et 80 collecteurs de promesses ». Dans son Allier, à quelques encablures de Vichy la thermale, l’alerte septuagénaire se mouille « à raison de deux heures par jour, pour qu’un candidat écologiste puisse proposer ses idées au nécessaire débat démocratique. »

En 2002, Michel Durant a envoyé près de 600 lettres aux maires de sa région. « Des lettres manuscrites, sinon elles vont à la poubelle ! » Et parcouru quelque 5000 kilomètres, « parfois en voiture, même si ce n’est pas très écolo ». Il tient son registre des édiles qui décèdent, écrit « un mot gentil lors de chaque nouvelle élection » et resollicite tant et plus ceux qu’il a déjà dans son réseau. Lui et son équipe revendiquent « entre quinze et vingt parrainages pour Noël Mamère (n.d.l.r. : 5,25% en 2002). »

« Mais cette année, assure-t-il, c’est nettement plus difficile ». Dominique Voynet stagne à 410 promesses. « Et il en faudrait 650 pour assurer le coup, désistements de dernière minute oblige ». Plus dur, parce que « le syndrome du 21 avril 2002 est dans toutes les mémoires », et que nombre de maires veulent « parrainer utile, notamment sous la pression des grands partis. Sans compter José Bové, qui nous pique des voix, ou le FN, dont les méthodes de cow-boys irritent et découragent certains maires. »

En 2002 justement, Michel Durant s’est lui aussi posé la question du « vote utile ». Le 22 avril, il est allé déposer des tracts appelant à voter Jacques Chirac au second tour dans les boîtes aux lettres des voisins. Il estime que le système des 500 parrainages, « voulu par Giscard et ne garantissant pas l’anonymat à ceux qui signent » est un mauvais système. Et Michel Durant de lorgner vers une solution à la Suisse, « une démocratie directe où les citoyens eux-mêmes parraineraient les candidats. »
Parrainage, mode d’emploi

CLAUDE ANSERMOZ

Le parrainage est presque né avec la Ve République. Et l’élection du chef de l’Etat français au suffrage universel. Pour « filtrer » les candidats fantaisistes. En 1962, la loi impose donc à chaque postulant le soutien écrit de 100 citoyens titulaires d’un mandat exécutif. Devant le nombre toujours plus imposant de candidats. Valéry Giscard d’Estaing décide en 1976 de faire passer le quota nécessaire à 500 paraphes, émanant d’au moins 30 départements. Et de rendre public ces signatures dans le Journal Officiel. Objectif raté puisque les prétendants officiels à la charge suprême étaient 12 en 1974 contre 16 en 2002.

Cette année, 47 289 maires, députés, sénateurs, parlementaires, conseillers généraux et régionaux, conseillers de Paris, maires d’arrondissements de Lyon ou de Marseille peuvent parrainer. Une signature par élu. Pourtant, « syndrome » du 21 avril 2002 oblige, beaucoup de « petits » candidats galèrent. Le système a-t-il atteint ses limites ? Beaucoup d’élus le pensent. Ceux qui avaient « soutenu » Le Pen en 2002, demandent un retour à l’anonymat. D’autres dénoncent les coûts exorbitants de cette procédure - on avance le chiffre de 2000 euros par signature - ou les petits arrangements entre partis. En 2002, par exemple, plusieurs sources ont accusé les proches de Chirac d’avoir aidé Le Pen à récolter sur le fil ses derniers parrainages. Une tactique pour évincer Jospin d’un second tour donné gagnant face à Chirac. Malgré toutes ces critiques, selon un récent sondage du Parisien , seul un tiers les Français pensent qu’il faudrait revoir cette loi.
Ils sont à la peine…

JEAN-MARIE LE PEN Le patron du Front national aurait entre 430 et 450 signatures. Louis Aliot, secrétaire général du FN, déclare à Libé être inquiet sans être « catastrophé ». Le FN a mis sur pied une cellule de 8 permanents salariés.
DOMINIQUE VOYNET Du côté des Verts, on se rassure avec 400 promesses sûres. On chasse les anciens parrains de Noël Mamère (candidat en 2002).
OLIVIER BESANCENOT La Ligue communiste révolutionnaire annonce 420 signatures. La LCR a déjà sollicité 11 000 maires. Le PS ayant demandé à ses élus de ne pas donner de signature, le blocage est total côté « gauches ».

Messages

  • Belle description de notre système politique où les distorsions s’ajoutent aux distorsions pour empêcher le système politique de représenter fidèlement le peuple dont il n’est que mandataire.

    L’histoire des 500 signatures, pour éliminer une surabondance de candidats, est avant tout une façon de ne pas mettre en cause le régime présidentiel.
    Les signatures de personnes déjà élues ne sont qu’une façon de faire verrouiller par la caste des élus, l’arrivée de candidats concurrents. C’est très peu démocratique.

    Et du point de vue arithmético-démocratique, c’est encore plus farfelu.
    Si l’on accepte (pouquoi pas, encore que..., mais ce n’est pas le sujet ici) l’idée de communes de 50 habitants qui administrent "toutes seules" leur territoire. L’idée que la signature d’un maire élu par 20 personnes pèse autant que celle d’un député élu par 20000 personnes est étrange. D’autant que si 80% des habitants du pays sont des citadins, les petites communes renversent le pourcentage. Seules des signatures de citoyens auraient une valeur. Mais quoi qu’on fasse une personne unique NE PEUT PAS à elle seule être représentative du peuple et avoir autant de pouvoir, au point de reconstituer à l’Elysée un gouvernement bis.

    C’est le régime présidentiel qu’il faut abolir.

    Et quand on voit qu’avec 30% des voix un parti peut avoir 60% des sièges à l’assemblée, on a plutôt honte de notre système politique.

    Il est urgent de redémocratiser la république. Il ne suffit pas de clamer "6ème république", car derrière ce numéro on trouve n’importe quoi.

    Jean-François