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Les attaques de Nicolas Sarkozy contre les juges provoquent un tollé
PARIS (AP) - Nicolas Sarkozy est-il allé trop loin ? En s’en prenant aux juges qui ont remis en liberté l’un des deux meurtriers présumés de Nelly Crémel, le ministre de l’Intérieur a indigné les syndicats de magistrats et provoqué une vive réaction de la chancellerie.
Ses dernières déclarations révèlent en tout cas la stratégie du président de l’UMP pour 2007 : ratisser à droite, voire à l’extrême droite.
Depuis son retour début juin au ministère de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, en position de force face à Jacques Chirac depuis la victoire du "non" au référendum, multiplie les déclarations musclées. Que ce soit sur la lutte contre les multirécidivistes, la politique d’immigration ou la critique du modèle social français, il revendique haut et fort son discours de droite, aux relents populistes.
Lundi, le numéro deux du gouvernement avait déjà créé une belle polémique en annonçant sa volonté de "nettoyer" la cité des 4.000 à La Courneuve (Seine-Saint-Denis) après la mort du petit Sidi Ahmed, tué par balles lors d’un affrontement entre bandes rivales.
Deux jours plus tard, M. Sarkozy est allé encore plus loin avec ses déclarations sur un autre fait divers, le meurtre de Nelly Crémel. Cette mère de famille a été frappée et abattue le 2 juin dernier en Seine-et-Marne par deux hommes, dont un multirécidiviste condamné à perpétuité en 1990 pour un hold-up suivi d’un meurtre. Patrick Gateau avait bénéficié en 2003 d’une décision de libération conditionnelle.
Devant des officiers de gendarmerie, le ministre de l’Intérieur a estimé mercredi soir que "le juge" qui avait libéré Patrick Gateau devait "payer" pour sa "faute". Dans une nouvelle provocation à l’égard de Jacques Chirac, il a précisé avoir saisi le chef de l’Etat de cette question le matin même lors du conseil des ministres. "Cette question, il y a 62 millions de Français qui se la posent", s’est défendu M. Sarkozy jeudi lors d’une visite à Aix-les-Milles (Bouches-du-Rhône).
Ces déclarations remettant en cause le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs entre le pouvoir exécutif et l’autorité judiciaire ont suscité l’indignation des syndicats de magistrats.
Le Syndicat de la magistrature (SM) et l’Union syndicale des magistrats (USM) ont exhorté jeudi Jacques Chirac à réagir à ces "propos sans précédent dans l’histoire de la Ve République", selon Nicolas Blot de l’USM.
Les deux syndicats ont demandé au chef de l’Etat de saisir le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) "afin que celui-ci rappelle avec force le principe de l’indépendance de l’autorité judiciaire".
Ni l’Elysée ni Matignon, visiblement soucieux de ne pas entrer dans le jeu de M. Sarkozy, n’ont souhaité jeudi faire de commentaire.
La seule réaction officielle est venue du ministre de la Justice Pascal Clément, qui a pris la défense des magistrats. "La loi, toute la loi a été respectée", a déclaré le garde des Sceaux dans un communiqué, rappelant que la remise en liberté de Patrick Gateau avait été décidée par "un collège de trois magistrats" et "en application des dispositions du code pénal et du code de procédure pénale".
Quoi qu’il en soit, les deux dernières "provocations" de Nicolas Sarkozy ne surprennent guère. Son discours est le même que lors de son premier passage place Beauvau de mai 2002 à mars 2004.
Le président de l’UMP est en effet convaincu que le poids électoral du Front national est dû à l’exaspération de l’électorat populaire face à l’inaction des partis de gouvernement. "Je comprends pourquoi le peuple s’est détourné de vous. Parce que vous l’avez oublié !", a-t-il lancé mercredi à la gauche.
Depuis son élection à la présidence de l’UMP, M. Sarkozy n’a de cesse d’amener à lui une partie de l’électorat FN. Cette stratégie s’est pour l’instant révélée payante. Selon une note interne de l’UMP citée mercredi par "Le Monde", le parti de Jean-Marie Le Pen a reculé dans toutes les cantonales partielles depuis novembre dernier.
Reste que M. Sarkozy pourrait bien remettre en selle un Front national aujourd’hui en difficulté. "En faisant cela, il légitime le discours de Le Pen. Il court derrière lui. Cela ne peut qu’alimenter le FN", craint André Vallini (PS). AP