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Le Kurdistan syrien fait sa révolution agricole

par Maxime Azadi

Publie le lundi 16 juin 2014 par Maxime Azadi - Open-Publishing
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La révolution kurde en Syrie se propose comme un modèle démocratique pour les problèmes fondamentaux de toute la région. Au cœur d’une guerre sauvage par procuration, les Kurdes ont su mettre en œuvre un projet fraternel et démocratique, en réunissant tous les composants de cette région qui subit une injustice historique. Après avoir créé des cantons autonomes, des institutions publiques, un contrat social ou de multiples organisations de la société civile, la région kurde fait maintenant sa révolution agricole.

La réanimation de l’agriculture et de l’élevage au Kurdistan syrien ravive l’espoir d’une nouvelle vie chez les habitants de cette région, devenue un havre de paix dans une guerre impitoyable. Les terres cultivées s’agrandissent, l’élevage se développe et des installations laitières sont en cours de construction. Des produits longtemps interdits sous le régime baasiste de Damas sont désormais présents sur le marché, nettement moins cher. L’économie de la région se développe de jour en jour malgré un embargo et des attaques.

Le Kurdistan occidental est une zone agricole fertile en raison de conditions météorologiques favorables. Les trois cantons de Djazira, Kobani et Afrin, déclarés en janvier 2014, ont toujours été des centres d’intérêts en raison de leurs richesses en ressources terrestres et souterraines. La région kurde est une riche zone agricole grâce à un climat ni trop chaud en été ni trop froid en hiver. Les olives de la région d’Afrin peuvent nourrir toute la Syrie. La région assure la production de blé, maïs, orge, pois chiches, épices et charbon de bois. Elle est aussi assez fertile pour les céréales, les légumes, les fruits et d’autres produits, mais le régime baasiste a longtemps interdit de cultiver certains produits pendant son règne, près d’un demi-siècle.

La région est également riche en eaux, en pétrole et en gaz. Les deux fleuves historiques, le Tigre et l’Euphrate, traversent cette petite partie du Kurdistan. Les puits de pétrole et de gaz se concentrent notamment dans la région de Djazira (Cîzre en Kurde).

La révolution kurde, lancée en juillet 2012, avec la prise des villes kurdes par le peuple continue de se renforcer avec des développements spectaculaires dans de nombreux domaines. De multiples organisations et institutions ont été créées pour défendre et étendre les acquis de la révolution. L’une de ces institutions est le comité de l’agriculture et de l’élevage, créée le 15 juillet 2013 au sein de l’institution de développement de l’économie.

Cette institution a lancé de nombreux projets, en particulier dans la région de Djazira pour relancer l’agriculture et l’élevage. Désormais, des produits agricoles à bas prix sont arrivés sur le marché, ce qui est devenu une source d’espoir pour les habitants du Kurdistan qui subissent un embargo.

Nawzat Souleiman, un membre de l’institution, a indiqué que la région de Djazira est idéale pour la culture de légumes, rappelant que le régime baasiste a longtemps interdit de cultiver certains produits, sauf pour le blé, le trèfle, les pois chiches et les lentilles.

Ajoutant que la région est aussi favorable pour le coton, sésame et tournesol, il a affirmé que le régime transportait dans d’autres villes les produits cultivés dans la région kurde pour les exploiter. La région manque notamment d’usines, de raffineries et d’universités, dans le cadre de la politique « ceinture arabe », mise en œuvre en 1962, pour expulser toute la population kurde de la région de Djazira le long de la frontière turque et la remplacer par des Arabes.

Mais aujourd’hui, 120 hectares de terres dédiés aux légumes ont déjà été cultivées, notamment dans les villes de Dérik, Girkê Legê (al-Ma’abada), Serêkaniye (Rass al-Ain), et Dirbessiyé. "Nous disposons environ 7.000 hectares de terres cultivables et notre comité a déjà lancé des travaux sur ces terres. Une partie des terres (30 hectares) a été distribuée à la population pour encourager l’agriculture », dit Souleiman.

Souleiman affirme que l’un des projets élaborés est la culture en serre, mis en œuvre d’abord à Girkê Legê. « C’était la première expérience dans ce domain. Nous avons cultivé 6 hectares dédiés à la culture de tomate et de concombre, dans des conditions totalement naturelles ».

Indiquant que tous ces produits seront mis sur le marché, Souleiman dit que ces produits seront vendus à un prix inférieur à celui du marché qui est très élevé en raison du conflit syrien. Il ajoute également que l’un des objectifs de ce projet est d’encourager les citoyens à s’auto-diriger.

Attirant l’attention sur d’autres projets considérés comme les acquis de la révolution, il souligne que 400 litres de lait sont produits par jour à partir de 250 vaches. « Ce lait n’est pas destiné aux commerçants. Les communes que nous avons créées livre ce produit directement à la population avec un prix très bas »

Nos fermes proposent également des emplois aux familles immigrantes. Par exemple, dans cette ferme des vaches, 20 immigrés travaillent pour nourrir leurs familles.

Avant la révolution, le régime syrien empêchait la région kurde d’accéder à la farine, tandis qu’aujourd’hui, les comités kurdes ont réglé ce problème en construisant des usines. Ils ont fondé un moulin à farine à Dirbesiyê. « En vingt jour, nous avons produit 40 tonnes de farine par jour dans cette usine », dit Souleiman. Il ajoute que les travaux se poursuivent dans d’autres régions, pour atteindre 200 tonnes par jour dans le canton de Djazira.

Selon lui, les comités kurdes envisagent de construire de nouvelles usines laitières. Il souligne que grâce au modèle d’organisation coopérative, les gens profitent mieux des ressources.

« La situation économique du Kurdistan occidental prospère malgré l’embargo sur la région » dit-il avant de poursuivre : « Dans son ensemble, le travail de l’institution de développement de l’économie a eu un grand effet sur l’économie de la région. Nous n’avons empêché que le prix du pain flambe. Le prix du blé a également chuté. La vente de lait à moitié prix était également un facteur important. Tout cela a donné l’espoir aux gens qui ont vu qu’ils ne sont pas obligé de dépendre des autres. »

"L’économie du Kurdistan occidental est aujourd’hui mieux que celle de nombreux pays. Nous ne voulons pas nous contenter de produire uniquement pour notre région, mais nous envisageons d’exporter nos produits agricoles à l’avenir », conclut Souleiman.

Source : ActuKurde.fr

Messages

  • Tableau champêtre, quasi paradisiaque. Les multiples confessions religieuses ne sont pas un problème, et les immigrés semblent bienvenus (en particulier sans doute les réfugiés d’autres parties de la Syrie, ou des kurdes turcs ?) : tolérance de bon aloi. Mais comme le précise Maxime Azadi, c’est au coeur d’une guerre sauvage. Et c’est le lieu d’un irrédentisme qui dérange directement 4 pays, voire 5.
    Comment le presque-Kurdistan s’arrange-t-il des récents "exploits" de l’EIIL en Irak ?
    Quelles perspectives d’exploitation pétrolière, dont les pays actuels bénéficient ou aimeraient bénéficier ?
    Quel espoir de reconnaissance mutuelle pacifique avec les états voisins ?
    Le chaos en Syrie a favorisé l’émergence d’une quasi autonomie : les victoires militaires assadistes menacent-elle ces avancées ?
    Les institutions kurdes (armée, police, administration, organisation démocratique...) mises en place dans une situation conflictuelle sont-elles intrinsèquement pérennes ?
    Quelle gestion de l’eau à long terme (le Tigre irrigue la vallée de Mossoul à Bagdad, et les prélèvements turcs posent, déjà, problème sur l’Euphrate) ?