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HOMMAGE À JEAN-DANIEL POLLET

Publie le jeudi 1er mars 2007 par Open-Publishing
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de Genica Baczynski

Il y a peu, le Studio Christine, projetait en avant-première le film de Pierre Borker consacré à Jean-Daniel Pollet.

Pierre Borker a été un collaborateur discret et un ami sans doute de l’auteur de Méditerranée et de L’acrobate. Mais plutôt que de s’abandonner à une hémorragie de souvenirs ou à une pédagogie élémentaire qui auraient démenti ses intentions et adultéré son propos, il a préféré céder en grande partie la parole à des personnages le plus souvent étrangers à l’œuvre du cinéaste disparu et capter leurs impressions, en tant que "spécialistes" ou amateurs improvisés.

Son abord original fait exception avec Pascal Bonitzer qui rapporte Jean-Daniel Pollet par l’anecdote et des appréciations spontanées et l’opérateur de ce dernier qui éclaire concrètement une façon de filmer, de traiter le sujet et par conséquent son rendu en l’inscrivant dans une durée déterminée de la prise de vue (une demi-heure en fin de journée) afin de lui imprimer une singularité esthétique décidée par le temps et dans le cas présent le crépuscule.

Pierre Borker rend donc compte des aspects d’une production polymorphe en onze séquences.

Paradoxe, son film est pleinement réussi car, d’un certain point de vue, manqué.
On peut songer opportunément ici à l’article de Jean-Luc Godard sur Montparnasse 19 de Jacques Becker où un véritable éloge est prononcé à partir d’un semblant de débâcle.
Le film de Pierre Borker est pleinement réussi quand il restitue presque sans interférence la réalité brute d’une œuvre subtile et variée.

Il serait raté si l’on estimait que les commentaires desdits "spécialistes" ou amateurs de circonstance remplissaient une fonction autre que celle de servir de contrepoints défaillants, sinon défectueux, à la présence d’images acquise à une beauté aussi composée qu’irrécusable.

Ils paraphrasent plus ou moins savamment ( une intelligence amoindrie par leur discipline ou leur naïveté) des plans caractérisés par l’évidence, c’est-à-dire par le fait que rien ne saurait s’y substituer ni les parasiter. La séduction provient de ce décalage. Pierre Borker, qu’il l’ait prévu ou non, a finalement orchestré le plein et les déliés. Et quand il se met en scène, qu’il témoigne directement, c’est à son détriment. Pollet ne retient pas ses suggestions.

Il n’en conserve que de magnifiques rebuts inutilisés mécaniquement.
Le bavardage, s’il faut le qualifier ainsi, sa portée insignifiante en bien des cas, souligne, par le défaut, l’absolu poétique de Jean-Daniel Pollet, qu’il se projette sur des pierres, des objets, des paysages, des portraits, ou des scènes dites de genre, sur une nature ou une humanité…

Toujours est-il qu’on y retrouve tout Pollet : la fascination pour la matérialité, le désir de coaguler des mémoires, un goût pour l’abstraction, une géométrie inventive si l’on se réfère à ses travellings qui désaccordent le temps, sa vocation pour un cinéma familier combinée à une tentation exaspérée d’étrangeté… Exercice délicat, surtout quand on cherche à quitter les sentiers battus et à rendre un hommage sans renoncer à imprimer sa marque.

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