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10 objections majeures au commerce équitable

Publie le mercredi 14 juillet 2004 par Open-Publishing
17 commentaires


de Bruno Clémentin et
Vincent Cheynet


Débat

Les arguments en faveur du « commerce équitable » ont été largement développés.
Notre propos n’est donc pas ici de les rappeler mais, de développer un contre
argumentaire à ce commerce dit « équitable ». La capacité à accepter la critique, à recevoir
la contradiction, à engager un débat, sont le gage d’une démarche évolutive.

1 - Le commerce « équitable » est inéquitable. En effet, pour qu’un échange
soit réellement équitable, les conditions de protection sociale et de rémunération
des individus qui produisent devraient être identiques à celles des personnes
qui consomment.


Exemple : selon le site Max Havelaar, http://www.maxhavelaarfrance.org/ , au prix
actuel, il faut trois cents ans à un Manuel, producteur local en Colombie, pour
gagner 15 000 euros (environ la rémunération moyenne annuelle chez nous). Manuel
reçoit, au nom du commerce équitable, d’après les chiffres fournis par Max Havelaar,
3 fois plus que ce que lui donne le marché*, il ne lui faudra donc plus, au prix
du marché équitable que. . . cent ans ! Pour être vraiment équitable, le prix
du paquet de café (de 250g, dans l’exemple Max Havelaar) devrait être acheté 100
fois plus cher - 19 euros - et être vendu à Pierre, en France - 21,8 euros. Pierre
ne le paye aujourd’hui que. . . 2,35euros. Ce commerce est donc simplement « moins
inéquitable ».

Les coûts d’importation, de torréfaction et de distribution restent, eux, quasiment
identiques.

* Selon la revue Silence, l’excédent de revenu par rapport à un producteur « classique » est
de 4 euros par mois .

2 - Le commerce équitable favorise la concurrence déloyale

Exemple : Marie fabrique des chapeaux sur le plateau du Larzac. Elle les vend sur le marché à Millau*. Sur ce même marché, Jacques propose des chapeaux estampillés « commerce équitable » moitié moins cher que ceux de Marie. L’association qui importe les chapeaux vendus par Jacques ne paye pas, comme tous les commerçants, le transport à son coût réel : le kérosène des avions et le gasoil des bateaux n’est pas taxé. Cette association de commerce équitable profite aussi, dans une moindre mesure que le commerce classique certes, des faibles rémunérations et de l’absence de protection sociale des pays producteurs et jouent sur la force de l’euro. Enfin, Jacques n’est pas payé : salarié du Crédit Lyonnais, il occupe son temps libre en faisant du bénévolat pour cette association. Résultat : Jacques met en faillite l’activité de Marie, avec d’autant plus de force qu’il le fait avec la meilleure conscience possible, sûr de contribuer à un monde meilleur.

* Exemple réel.

3 - Le commerce équitable ne tient pas compte des coûts écologiques

Exemple : Patricia achète une « banane équitable* ». Elle la paye 1 euro. Patricia pense ne manger qu’un fruit tropical alors qu’elle consomme aussi du kérosène, énergie nécessaire pour acheminer le fruit du Costa Rica jusqu’à chez elle**. Ce kérosène n’étant pas taxé, le coût de l’impact écologique du transport n’est pas pris en compte dans son achat. Et la peau de la banane ? Celle-ci est perdue pour le sol du Costa Rica qu’elle aurait du enrichir en compostant !***

* Max Havelaar importe aussi par exemple du miel ou du riz, produits que l’on trouve dans nos régions.
** Max Havelaar importe des dictatures zimbabwéenne et kényanne vers la Suisse, des fleurs « commerce équitable ». Ces fleurs sont réfrigérées et acheminées en avion pour rester fraîches ! La culture des fleurs se fait sous serre avec force produits toxiques comme les pesticides, qui sont connus pour provoquer des évanouissements chez les ouvriers, des allergies, des eczémas, des affections respiratoires, des problèmes de vue ; pour les femmes : des fausses couches, des naissances prématurées, etc. Ces conditions de travail sont dénoncées par les ONG.
(Source revue Silence n° 274, p. 24)

*** Ce sont ainsi d’énormes quantités d’humus qui sont perdues pour les pays producteurs.

4 - Le commerce équitable favorise l’appauvrissement de la biodiversité

Exemple : Patricia est en train de finir de manger sa banane « commerce équitable ». Elle a aussi acheté un pamplemousse, une orange, et . . . une pomme. La diversité de sa corbeille de fruits étant à l’échelle du globe, Patricia néglige alors la biodiversité locale. Alors que sa région comptait cinquante espèces de pomme voici vingt ans, il n’en demeure plus que cinq aujourd’hui.

5 - Le commerce équitable accompagne la « déculturation » de la production

Exemple : Quand Michel va en Inde, il est heureux de trouver une culture différente de la sienne, enraciné dans son milieu. L’habillement fait partie intégrante de cette diversité des cultures et cette diversité culturelle fait la richesse de la Terre. Toute la production fait ainsi partie de la culture vivante des peuples*.
Azimuts, entreprise d’habillement issu du commerce équitable, importe en France des vêtements de style tropicaux. Imaginons la tête du Népalais qui, en arrivant à Paris, se trouve face à des personnes habillées en... habitant des tropiques. Gageons qu’il repart aussitôt, déçu. L’idéologie dominante mène au renoncement à sa propre culture.

* Le terme « exception culturelle » limitant la culture aux arts et à notre seul pays, constitue, à cet égard, un scandale.

6 - Le commerce équitable nous éloigne de l’essentiel : re-localiser l’économie

Exemple : Loba est paysan en Côte d’Ivoire. Il cultivait son champ pour se nourrir et alimenter son village (culture vivrière) puis, son gouvernement l’a obligé à produire des fèves de cacao pour les exporter en France(culture de rapport). Loba est alors devenu dépendant du cours mondial du cacao, alors que, grâce aux bénéfices réalisés en vendant les fèves, la Côte-d’Ivoire a pu acheter des avions de chasse à la France. Malheureusement, le cours du cacao ayant beaucoup baissé, Loba se trouve au bord de la famine. Grâce au commerce équitable, Loba a un peu moins faim (il reçoit maintenant juste assez d’argent pour acheter la nourriture. . . qu’il produisait avant) et la Côte d’Ivoire peut continuer à acheter des tanks à la France. Mais le retour à l’autosuffisance alimentaire s’est à nouveau éloigné. . . et Loba ne connaît toujours pas le goût du chocolat : un produit réservé pour les riches occidentaux.

7 - Max Havelaar cautionne la grande distribution

Exemple : Monsieur et Madame Grandval avaient un peu mauvaise conscience en se rendant en voiture à Auchan le samedi. Ils savaient que, d’une part, cela ne favorise pas leur coopérative, les paysans au marché ou encore les commerces de proximité, et que, d’autre part, ils faisaient tourner la grande distribution avec toutes ses conséquences : déshumanisation, impact écologique (automobile obligatoire pour y aller, transport routier, flux tendus, agriculture intensive), mal économie, etc. Ils savaient aussi très bien que ce type de distribution dans les pays riches est la cause de bien des maux dans les pays du Sud. Désormais, grâce au paquet de café Max Havelaar* qu’ils déposent à la fin de leurs courses dans leur chariot plein à ras bord, ils ont maintenant en plus bonne conscience. Auchan s’est en effet servi de cet argument en y axant une large partie de sa communication.

* Ainsi, Max Havelaar ne cesse de se réjouir d’être distribué dans un nombre croissant de grandes surfaces. A cause de celles-ci, entre 1966 et 1998, selon l’INSEE, la France a perdu 17 800 boulangeries-pâtisseries(44%), 73 800 épiceries (84%), 3 500 fromageries (76 %), 1 300 librairies, 4 700 commerces de chaussures (50 %), 4 300 quincailleries (46 %), etc.

8 - Le commerce équitable cautionne la mondialisation

Exemple : Renée est une vielle militante écologiste. Elle se bat depuis cinquante ans pour les cultures vivrières et contre les cultures de rapport. Elle ferraille contre l’uniformisation du monde, contre la volonté de l’Occident d’étendre son anticulture marchande au reste de la planète, contre le « commerce » des pays riches. Pour elle, le commerce équitable est une véritable catastrophe. En effet, comment combattre encore la mondialisation si on lui pose des pastilles vertes, des « labels éthiques », si on cautionne ce système si fondamentalement destructeur qui détruit la nature et opprime une multitude d’humains sur la planète* ?
Comment alors amener une critique constructive qui remette en cause les problèmes à leurs racines et non une fausse contestation qui n’a pour conséquence que de renforcer ce système ?

* Dans la lettre de Max Havelaar La tasse Max, l’organisation se félicite de sa présence et d’être écouté au. . . forum économique de Davos. « Quant à Porto Alegre, on ne prêche plus contre la mondialisation mais pour une autre mondialisation. » La Tasse de Max,n° 12, mars 2003.

9 - Le commerce équitable est une forme du néo-colonialisme*

Exemple : Patrick arrive à la retraite. Après avoir passé sa vie à polluer la planète dans une grande entreprise de chimie, il se dit qu’il pourrait occuper sa retraite en faisant quelque chose « pour les autres », et notamment pour ces pauvres noirs. En plus, le commerce équitable lui permettra de joindre l’utile à l’agréable en voyageant à travers le monde.

Nathalie, elle, a 29 ans. Elle ne veut pas travailler dans une multinationale classique. Elle choisit donc de travailler chez Max Havelaar. Ainsi, elle a tous les avantages d’une entreprise classique plus l’éthique. Et, comme Patrick, elle adore les aéroports.

Patrick et Nathalie sont, sans vouloir l’accepter, la version actuelle de nos anciens missionnaires. Ceux-ci apportaient une caution morale au vol des ressources naturelles et à l’esclavage des pays du Sud. Avant de vouloir « faire le bien », Patrick et Nathalie ne se sont pas demandé comment d’abord « ne pas nuire ». Ainsi, tous les deux continuent, avec les 1% de la planète les plus riches, à prendre l’avion ou bien encore à aller aux sports d’hiver, sans se poser sérieusement de question sur les conséquences qu’impliquent leur mode de vie. Dans leur station de ski respectives, très fiers, Patrick et Nathalie parlent à leurs amis de ces paysans andins qui sont « si gentils ». Ils ne dédaignent pas de temps en temps « faire la morale » et pousser un coup de gueule contre ce monde « qui va si mal ».

* « Qui dit commerce équitable dit développement. » La tasse de Max, n° 12, mars 2003

10 - Le commerce équitable participe à l’idéologie de la soumission

Exemple : Thierry milite dans une association de commerce équitable depuis dix-sept ans (son salaire représente 10 fois celui de Loba en Côte d’Ivoire). Il connaît bien les objections au commerce équitable des militants écologistes radicaux, comme Renée. Mais Thierry travaille et ne veut pas remettre en cause toutes ses longues années de labeur acharné. Au lieu de prendre en compte des remarques de ses contradicteurs, il choisit de les insulter : « Vous voulez que chacun reste chez soi ! ? », etc. Thierry ne cesse de parler de « réalisme » de « stratégie » et de « pédagogie ». Thierry finit par être le meilleur allié de la soumission au « réalisme économique ». Sans forcément s’en rendre compte, Thierry a fait passer dans son échelle des valeurs les lois de l’économie avant le principe moral et le système se nourrit d’abord de toutes les fausses contestations qui légitiment le primat de l’économie. C’est le retour à la case départ.

http://ecolo.asso.fr/textes/20020312equi.htm

14.07.2004
Collectif Bellaciao

Messages

  • Ma réaction est la suivante : soit vous faites parti d un mouvement ecolo, je dirais au hasard http://ecolo.asso.fr, soit le temps que vous devez passer à rédiger vos articles se limite à un copier coller, puisque vet article provient de ce site. Si la 1ère option est la bonne, autant pour moi sinon, faites attention de ne pas copier le "J accuse de Zola", là, ça se verra

    Ciao

  • Bo, d’accord. Mais qu’est ce qui est le mieux ? Manger une banane "commerce équitable ou une chiquita ? Boire du café commerce équitable ou Nescafé ?

  • Le commerce équitable ? Ne s’agit-il pas là d’une arnaque de plus, ressortissant de la "Charité bizness" qui connaît un grand succès aujourd’hui, chez les soi-disant artistes et chez les margoulins du grand commerce ? Achetez ma camelote : c’est pour la bonne cause ! Bâfrez tant et plus pour qu’aux pauvres reviennent des miettes...

  • En réaction à cet article, publié il y a déjà plus d’un an, je souhaite diffuser ce contre-argumentaire rédigé par un militant de commerce équitable.

    Nous avons pleinement conscience des limites du CE et notre démarche s’enrichit de ces débats et objections, mais merci de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain !

    "D’abord, je précise que je n’ai aucunement qualité pour parler au nom de l’ensemble du Commerce Equitable ! C’est une nébuleuse qui comprend de nombreuses organisations (beaucoup plus à l’étranger qu’en France, d’ailleurs) et il est évidemment impossible de garantir que toutes sont absolument indemnes de tel ou tel travers dénoncés dans ce texte. Mais tout de même, celui-ci m’a semblé écrit de façon souvent inexacte et relativement tendancieuse, pour ne pas dire parfois tout à fait injuste ; d’où les réactions ci-dessous – qui ne sont que les miennes, mais que sans doute beaucoup d’autres membres de ces associations feraient leurs (en rappelant aussi qu’ils sont presque tous bénévoles, et peuvent donc avoir des perceptions assez diverses concernant le sens de leur engagement…)

    Tout d’abord, première remarque, j’ai nettement l’impression que vous vous trompez de priorités – et je me demande bien pourquoi. Car s’il est clair que ni le Commerce Equitable ni Artisans du Monde ne sont parfaits (et Max Havelaar peut-être encore moins …), ils ont tout de même le mérite d’exister, et de chercher à apporter des réponses concrètes à des problèmes bien réels. Alors, même si on peut leur faire remarquer quelques faiblesses ou déviations – et pourquoi pas, encore mieux, leur proposer des améliorations de leurs pratiques – je ne pense pas que cela puisse constituer “des objections majeures” à opposer à leur existence. Sauf évidemment de la part des Parfaits évoqués par Madeleine Nutchey dans le dernier numéro de Silence ; mais si ces derniers ont par hasard connaissance de ce texte, je les prie de bien vouloir me pardonner : je ne m’adresse ici qu’au commun des mortels, dont je fais partie. Et tous ceux-là ne sont que de pauvres pécheurs, avec “les mains sales” à force de les plonger dans cette triste réalité quotidienne qu’ils veulent faire évoluer ! Par contre, si vous êtes à la recherche de combats essentiels à mener, il vous suffit de regarder autour de vous : des “objections majeures”, vous en trouverez à faire ! Aux incinérateurs, à la clim’, aux 4x4, au nucléaire, etc : simplement, faites attention à la qualité de vos arguments, car ceux qui sont énumérés dans votre page de reproches m’ont semblé parfois assez malvenus…

    Et c’est ma deuxième remarque : si vous le voulez bien, on va reprendre tout ça ensemble, à partir de vos affirmations :

    1 - Le commerce “équitable” est inéquitable : là, assez d’accord : on peut trouver que ce mot est inadapté – ça dépend du sens qu’on lui donne. D’ailleurs, pour la centrale d’achats d’Artisans du Monde, il s’agit tout simplement de commerce “plus équitable”. L’équité, pour moi, c’est comme l’Ouest, ou comme la démocratie : c’est une direction dans laquelle on peut avancer, mais pas question de penser qu’on n’a plus à progresser dans ce domaine… Ceci étant, je me permets de vous faire observer que si en théorie vous avez raison, dans la réalité concrète votre exemple ne tient pas debout : si on décidait de payer 19 € au petit producteur, son café serait évidemment invendable. Et du coup, les foules de paysans qui comptent sur les débouchés qu’on leur offre n’auraient plus qu’à crever de faim devant leurs récoltes : peut-on croire que l’équité en sortirait renforcée ?
    Bon, ce qui est tout à fait vrai, c’est qu’au lieu de travailler pour notre superflu et notre économie de rapine, mieux vaudrait qu’ils consacrent leurs forces et leur potentiel agricole à des productions vivrières adaptées à leurs besoins. Oh oui ! Mais ce n’est pas en leur cassant les reins qu’on y parviendra ; cependant, si vous pouvez faire des propositions concrètes et réalisables, susceptibles de leur fournir la transition dont ils ont cruellement besoin pour passer de l’une à l’autre de ces formules, elles seront les très bienvenues : c’est justement de ça qu’on manque – et eux encore plus ! En attendant, au quotidien, on essaie d’agir pour un peu moins d’iniquité ; ce n’est pas très glorieux, mais on essaiera de faire mieux dès que quelqu’un saura nous dire de quelle façon il faudrait s’y prendre : c’est promis !

    2 – Le commerce équitable favorise la concurrence déloyale : mais non, ce n’est pas le commerce équitable ! La preuve ? Supprimez le CE, et cette concurrence “déloyale” continue à exister. Car celle-ci tient aux échanges entre régions du monde dont les conditions de production sont différentes – quelles que soient les raisons de ces différences, et nonobstant les faiblesses de la théorie des avantages comparatifs de Ricardo. Et tient aussi à l’absence d’une véritable organisation mondiale du commerce (bien sûr, pas la triste caricature qui pour le moment porte ce nom, et n’est en réalité que le faux nez des multinationales). Précisons encore que de tels échanges continueront sans doute à exister (à un niveau forcément beaucoup plus limité) même après la fin du pétrole, après l’avion et tous les autres fossoyeurs de la planète : depuis des millénaires, l’humanité en a perçu l’intérêt et trouvé les moyens, pas de raisons qu’elle s’arrête – sauf si elle disparaît bientôt, ce qui ne me semble d’ailleurs pas du tout inconcevable… Mais ceci est une autre histoire.

    3 – Le CE ne tient pas compte des coûts écologiques : tout à fait vrai. Sur ce plan, il a exactement le même défaut que le commerce classique (il n’a d’ailleurs jamais prétendu y apporter une solution). Mais là aussi, supprimez le CE, vous n’avez pas résolu un iota de ce problème. En outre, il est peut-être utile de rappeler que le CE représente quelque chose comme 0,01 du commerce mondial ; je suis bien d’accord sur le fait qu’il y a beaucoup à faire pour une meilleure “gestion des ressources de la planète” (et pour le respect de la biosphère), mais je pense aussi qu’il vaudrait mieux essayer de traiter les problèmes par ordre d’importance… Pour parler crûment, je dirai que sur ce plan, les défauts (indiscutables) du CE ne sont guère plus qu’une chiure de mouche par rapport à l’océan de merde qui menace de nous engloutir…

    4 – Le CE favorise l’appauvrissement de la biodiversité : non, il ne la “favorise” pas (le premier dictionnaire venu vous expliquera que favoriser, cela consiste à “traiter de façon à conférer un avantage”). Tout au plus pourrait-on dire qu’il y contribue – exactement de la même façon que le commerce classique, et dans les proportions rappelées ci-dessus. Mais je n’arrive pas à croire qu’en supprimant le CE, nous pourrions favoriser la biodiversité… y aurait-il quelque chose que j’ai mal compris ?
    En outre, permettez-moi de vous faire remarquer que votre exemple n’en est pas un ; car ce qui a induit la disparition de la plupart des variétés de pommes (et de fraises, et de tomates, etc), c’est la consommation de masse de productions agricoles industrialisées En effet, les grandes surfaces qui les distribuent exigent des produits beaux à voir, calibrés, standard, pas fragiles, dont la maturation est suffisamment lente pour réduire les pertes au minimum… d’où la mise au point des variétés modernes, et la disparition des débouchés pour les autres – que la plupart des producteurs ont abandonnées simplement parce qu’ils ne pouvaient pas les vendre. Là, le CE n’y est vraiment pour rien !

    5 – Le CE accompagne la “déculturation” de la production : disons que ce n’est pas totalement faux, et l’exemple des vêtements peut illustrer ce phénomène (je passe sur l’exemple du Népalais écoeuré de retrouver en France des vêtements de chez lui : un peu faiblard comme argument, non ? ) Mais pourquoi refuser cette évolution pour ceux qui la souhaitent ? De mes années au Sahel, j’ai ramené une sorte de T-shirt très aéré, fabriqué au Burkina à partir de tissage local, et que je trouve très confortable en plein été ; de même, pendant la dernière canicule, j’ai regretté de ne pas avoir de sarouel, sûrement plus adapté que le pantalon habituel (un jean, bien pratique aussi même s’il est né dans l’Ouest américain… mais je présume que vous n’en avez jamais porté, puisqu’il est lui aussi un métèque ? ) – et tant pis pour celui qui m’aurait dit que ce vêtement ne devait pas être porté hors d’Afrique du Nord. Au fait, une question : les Nord-Africains vivant en France seraient-ils admis à le porter, eux ? Et finalement, vouloir que chaque tribu continue pieusement à porter les mêmes vêtement que ses aïeux, est-ce que ce n’est pas le raisonnement des organisateurs du tourisme de masse, qui organisent pour leurs clients des “visites culturelles” dans les villages des Hmongs ou les réserves des Cheyennes, dont les habitants sont payés pour sortir alors de leurs coffres les tenues traditionnelles… qu’en fait ils ne portent que pour ces occasions ? Ou encore comparable à l’attitude de ces chefs d’entreprise qui contestaient à leurs employées le droit de mettre un pantalon plutôt qu’une jupe ? J’ai l’impression que là, on s’éloigne de la réflexion à faire sur les améliorations souhaitables du CE, et qu’on se rapproche dangereusement d’un raisonnement étroitement conservateur, du type “C’était comme ça autrefois, c’était tellement plus beau qu’il ne faut surtout rien y changer ! ”

    6 – Le CE nous éloigne de l’essentiel : relocaliser l’économie : enfin un argument à prendre en compte ! Car il est bien clair que la survie de l’humanité passe par sa capacité à redécouvrir les modalités d’un fonctionnement économique le moins prédateur possible ; et donc, à mettre en place cette fameuse décroissance conviviale – dont la “relocalisation de l’économie” est une des conditions (et constituera une clé, eu égard aux coûts écologiques du transport). Mais il faut rappeler aussi que ce n’est pas le CE qui a créé cette course à la délocalisation dont les ravages sont encore maintenant trop mal connus. En effet, il est né voici bientôt 40 ans, et je présume qu’à l’époque, fort peu nombreux étaient ceux qui percevaient les problèmes qui devaient naître de ce phénomène ! Moi, en tout cas, je n’allais guère au-delà de René Dumont, connaissais très mal les apports de Jacques Ellul ou d’Ivan Illitch, moins encore ceux de François Partant et de Nicholas Georgescu-Roegen – et, par la force des choses, ignorais évidemment Serge Latouche !
    Ceci étant, bien vrai qu’il reste à ouvrir vers cette décroissance un chemin praticable par le plus grand nombre ; mais là aussi, je pense qu’il est plus utile de réfléchir (comme le fait donc Madeleine Nutchey) pour essayer d’inventer les transitions qui seront nécessaires, que de simplement prononcer des condamnations contre les pécheurs ignorants que nous sommes tous plus ou moins. Et j’avoue avoir bien du mal, lorsque je parle des déséquilibres Nord-Sud, à déboucher sur des suggestions concrètes qui ne soient pas un peu dérisoires si on les compare à l’énormité du problème. Si vous avez des idées à me donner pour améliorer ma pratique, je suis preneur !
    Ceci dit, il est assez vraisemblable que tous les militants du CE n’ont pas encore une bonne perception de ce problème, et il n’est pas illégitime de se demander si leur engagement ne risque pas de le leur “masquer”. Mais personnellement, j’ai plutôt l’impression inverse : il me semble que pour beaucoup, c’est à partir de leur petite pratique dans nos boutiques qu’ils sont amenés à s’intéresser à ce qui se passe au-delà, et qu’il est alors plus facile de les faire réfléchir sur ces thèmes ; encore faut-il faire cet effort “pédagogique”, c’est vrai ; et là, on a sûrement encore à progresser !

    7 – Max Havelaar cautionne la grande distribution : l’exemple donné n’est malheureusement pas invraisemblable, et quand on connaît les ravages dus à la grande distribution, on peut effectivement se demander s’il est très astucieux de travailler avec elle… En tout cas, c’est mon avis – mais visiblement, celui de Max Havelaar est différent. Ceci étant, pour être honnête, il ne faut pas se contenter de montrer le passif d’un bilan, mais aussi son actif ; et je suis bien incapable de dire si au final, on pourra dire que cette collaboration a été plus néfaste qu’utile : à eux de s’en expliquer – avec des arguments qui tiennent la route, SVP !

    8 – Le CE cautionne la mondialisation : non, trop simple ! Même si toutes les organisations du CE n’ont pas la même activité contre la mondialisation, même si on peut être réservé sur certaines attitudes d’ATTAC ou autres, on ne peut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, et oublier que si tout ça n’existait pas… le mouvement altermondialiste en serait affaibli. Il est vrai que le CE doit être très prudent face aux risques de “récupération” encourus : bien connu, il faut une longue cuiller pour dîner avec le diable ! Et c’est clair qu’en aucun cas, il ne doit se contenter d’un fonctionnement qui le réduirait au rôle de “voiture-balai de la mondialisation libérale” : je vous rassure, on est un certain nombre à s’être promis d’y veiller. Mais je vous remercie de nous rappeler que nous devons être très attentifs à ce risque !

    9 – Le CE est une forme de néocolonialisme : généralisation abusive ! Il y a sans doute fort peu de vos Patrick et Nathalie parmi les militants du CE ; et croyez-moi, j’en connais quelques-uns ! Peut-être choisissez-vous mal vos fréquentations ? Mais la consommation irraisonnée, compulsive et “compensatoire”, est effectivement un piège qui nous menace en permanence ; tous, et pas seulement les “bobos” qui se seraient convertis au CE. Et par ailleurs, celui-ci doit évidemment se garder d’agir comme si les pays du Sud devaient continuer indéfiniment à mettre leurs capacités productives au service du Nord, comme au beau temps du colonialisme. Même si certains des échanges mondiaux sont vraisemblablement appelés à perdurer, cela passera nécessairement par des réajustements majeurs – où l’équité (notion d’ailleurs à redéfinir) devra évidemment être la première règle !

    10 – Le CE participe à l’idéologie de la soumission : là aussi, généralisation abusive ! Bien sûr, il est possible qu’après nombre d’années dans la même activité, certaines personnes aient du mal à jeter sur elle un regard critique – et votre Thierry me semble être de ceux-là. Mais le problème est plutôt celui de sa propre rigidité intellectuelle, qu’on retrouve aussi bien du côté des scientistes, du fanatisme religieux… que chez certains jusqu’auboutistes de l’écologie radicale (sur le mode “Puisque j’ai raison, tous les autres ont tort ; mieux vaut donc les détruire que risquer d’être contaminé en cherchant à comprendre leurs arguments ! ”

    Pour conclure :

    Soyons clairs : l’utilité du CE ne sera jamais proportionnelle à son chiffre d’affaires – même si, pour le petit producteur du bout de la chaîne, le faible complément de revenu qu’il en tire peut être essentiel (ainsi que l’occasion d’’apprentissage de l’autonomie“ liée à l’activité collective). Mais pour nous, dans nos pays, l’essentiel est de faire avancer la prise de conscience des énormes menaces qu’entraînent les déséquilibres mondiaux –- de toute nature. Et pour cela, notre petite pratique boutiquière est un support essentiel, parce qu’elle nous donne accès à des endroits, à des moments, à des ”instances de la personnalité” (traduisez “des préoccupations de l’interlocuteur”), où il est possible de faire entendre ces propos. A nous de faire en sorte que ce soit avec le plus d’efficacité possible ! Et bien sûr, sans oublier qu’il est d’autres lieux d’action : en particulier ceux où se développe l’effort de tout le mouvement altermondialiste. Certes, nous devons ne pas nous faire trop d’illusions sur nos résultats ! Mais pour changer le monde, il faut faire en sorte que soient changées les pratiques des hommes qui y vivent ; et pour cela, il n’y a que deux méthodes : la force des armes (il y a beau temps que je n’y crois plus) – ou la persuasion : c’est bien peu, mais je ne connais pas d’autre méthode…

    Louis Pinsard

    • Rarement ai-je pu lire un contre-argumentaire sur le commerce équitable aussi développé. Chapeau.

      MAIS.

      Il me semble tiré d’une volonté d’aller jusqu’au bout de pratiques et de valeurs dont le commerce équitable s’inspire. Du miel qui concurrence le miel local, un surplus de revenus pour acheter ce dont on a besoin pour vivre et non pas le cultiver (ayant lu à plusieurs reprises les standards sur fairtrade.net, la culture vivrière est une condition du CE...). Les mots portent, font réfléchir.

      Le CE n’a de sens que s’il s’inscrit dans le mouvement de la consommation responsable. acheter du miel bio cubain n’a pas de sens si on peut trouver un miel bio de gaspésie à montréal. aussi pathétique d’ailleurs que d’acheter un kiwi bio de nouvelle-zélande.

      Or, outre le fait que le CE représente à la fois la dignité pour les petits producteurs et une force éducative pour les consommateurs passifs du Nord, il a le mérite de se positionner au centre-gauche du baromètre politico-économique. Le CE n’est pas la solution. Il est UNE DES solutions. Trop habitué aux discours jusqu’au-boutiste de certains écolos, je ne peux que remarquer l’écho que les arguments du CE peuvent avoir dans les couches les plus désabusés de la population. Le CE, c’est du concret. Le CE, c’est de l’accessible pour le commun des mortels. Ce n’est pas une série de gestes impossibles à poser au quotidien qui demande une complète révolution dans le mode de vie des citoyens, mais également de toute la collectivité. Le CE est une façon simple de faire évoluer les pratiques d’achats des épiciers, comme des écoles ou des entreprises.

      Mieux encore, le CE, ça marche. Économiquement entends-je. Ça marche tellement que les sympathiques multinationales du café sont en train de développer leurs propres normes éthiques pour limiter les dégâts que le CE fait dans leur part de marché et dans les questions qu’elles reçoivent lors de leurs assemblées d’actionnaires.

      Le CE, c’est l’étapisme. Le contre-argumentaire ressemble plus au grand soir. Et bien... il y en a qui l’attende et en discute patiemment autour d’un bon café...équitable. D’autres tentent de le faire advenir. Petit à petit. Chi va piano va sano. E chi va sano, va lontano. On ne peut créer de marché pour des produits équitables que si on change les valeurs de consommation. Et pour que ce changement se matérialise, ce n’est pas en vendant les produits, mais en prenant la vente comme prétexte d’éducation.

      Merci aux auteurs du contre-argumentaire, il servira aux formations futures de nos employés, supporters, partenaires et bénévoles. Et vive la conversation ! Seule façon de faire avancer la connaissance !

      Dario Iezzoni

    • Préconiseriez-vous la force des armes si vous y croyiez encore Monsieur Pinsard ? La force de persuasion n’est-elle pas une manipulation intellectuelle ? Je pense qu’il faut se contenter d’énoncer les faits clairement sans verbiage incompréhensible pour des esprits peu entraînés, et chacun fera la part des choses en son âme et conscience. Cela dit, votre réflexion est tout à fait intéressante.
      Une action forte et pacifique de toutes les ONG réunies aurait peut-être une chance d’inverser la tendance du "tout profit pour ma pomme" au coeur d’une mondialisation de l’individualisme !
      Isabelle Autrive

    • Bonjour Mr Pinsard,

      J’ai lu votre contre-argumentaire avec attention. Je me permets de joindre à ce forum mes commentaires objection par objection.

      Certes ce texte contient des imprécisions voire même des incorrections mais je pense que ce texte contient des questions et des objections tout à fait valables.
      Malheureusement, en poussant certaines objections jusqu’à la caricature, ce texte se décrédibilise.

      Pour commencer, je souhaiterais répondre à Mr Pinsard. Concernant certaines objections qu’il admet bien volontiers, ses réponses s’accompagnent souvent d’un MAIS, "c’est déjà mieux que rien" ou "le commerce équitable ne représente que quelques % du commerce mondial et n’a donc qu’un impact limité".

      Je souhaitais simplement rétorquer que j’attends du commerce équitable qu’il joue justement le rôle de "traceur" de nouvelles voies et d’alternatives et fasse donc preuve d’innovation et de créativité non seulement dans les produits qu’il diffuse mais également dans les pratiques managériales, organisationnelles et opérationnelles. Et là c’est décevant.

      Revenons au document proprement dit :

      1 - Pas d’accord / effectivement comparer les pouvoirs d’achat de nos pays et des pays dont sont originaires les produits du commerce équitable est, si pas une erreur, irréaliste.

      2 - Là, l’objection a du sens. En effet, l’ambiguité du commerce équitable actuel (du moins du côté des associations de bénévoles) est de dénoncer le "système" tout en en étant dépendant (entrée dans les grandes surfaces, campagne marketing). En effet, ne soyons pas dupes. Il y a va de la survie de ces associations du Nord d’augmenter leur "chiffre d’affaire" et cela ne peut se faire qu’en utilisant les bonnes vieilles techniques commerciales. D’où la question : si ces associations veulent prouver que le commerce équitable est une alternative viable, dans ce cas, elles doivent prouver qu’elles peuvent fonctionner comme tout commerce "classique" c’est-à-dire sans bénévole (= travail au noir dans le commerce classique)

      3 - Une nouvelle objection sensée. En effet, à cette objection, certains m’ont rétorqué mais certains des produits sont bio ! Tant mieux que ces produits soient conçus dans des conditions bio mais cela n’a rien à voir avec l’impact environnemental lié notamment au transport et aux emballages.

      Ne me faites pas écrire ce que je n’ai pas écrit. Je suis très content que mon café, venant de pays situés à des milliers de kilomètre tout comme le riz, soient équitables. Que je puisse découvrir des objets et des substances inconnues de nos contrées...sans que cela ne verse dans une espèce de mode de l’exotisme et du "world" ce-que-vous-voulez.

      4 - Pas d’accord / le commerce équitable n’est pas responsable de l’appauvrissement de la biodiversité dans nos contrées. Cet appauvrissement a commencé bien avant la "mode" du commerce équitable et l’impact de ce dernier est, selon moi, nul ou presque.

      5 - "Déculturation de la production". A partir du moment où le commerce équitable se positionne comme une alternative au commerce international "classique", il en est de même pour tout commerce quel que soit le pays, au Nord comme au Sud. Le développement par les exportations (que ce soit vers le pays voisin ou à des milliers de kilomètres) dépend des modes de consommation des clients-cibles et s’y adaptera donc. Là également l’objection est fallacieuse car le commerce équitable, per se (vu qu’il a choisi la voie du commerce international), sera impacté comme les filières commerciales classiques. Cette constatation est à mettre en parallèle avec la dimension "développement des circuits courts de commercialisation" qui est négligée, voire absente dans le commerce équitable.

      6 - Une nouvelle objection qui me semble correcte. C’est clair, notre pouvoir d’achat est supérieur à celui de la majorité des habitants des pays du Sud et il est donc plus intéressant de nous vendre des produits car nous sommes potentiellement plus "acheteurs". Mais cela se fait au détriment du développement d’un marché local, de proximité, privilégiant la solidarité chaude et qui réduit la dépendance par rapport aux modes de consommation du Nord. Certes, cette alternative ne peut compenser les revenus que gagnent actuellement les producteurs du commerce équitable. Il s’agit donc d’insérer dans la stratégie des associations de commerce équitable du Nord le soutien au développement de circuits courts de commercialisation dans le Sud, circuits par lesquels les mêmes produits du commerce équitable seraient vendus...en tenant compte du pouvoir d’achat local.
      Il s’agit petit à petit de promouvoir les produits locaux et d’arriver à un équilibre entre produits exportés / produits commercialisés sur place.

      7 - une objection partiellement vraie. C’est le problème du verre à moitié plein ou à moitié vide. Certains diront "du commerce équitable dans les grandes surfaces, c’est déjà ça !". D’autres diront que cela "dilue" l’effet du commerce équitable notamment en matière de conscientisation. En effet, mon expérience montre que, pour une somme relativement modique, beaucoup de personnes s’achètent une bonne conscience grâce aux produits du commerce équitable. A-t-on déjà vu dans les grandes surfaces des petits dépliants à côté des produits du commerce équitable mettant l’accent les mutlinationales du café, des équipements sportifs, etc. et proposant au public des actions concrètes autres que la consommation. C’est rare (je suis optimiste), voire inexistant ! Encore une fois, nous en revenons aux objectifs du commerce équitable pour les associations du Nord : faire du chiffre d’affaire dans une niche commerciale ? Sensibiliser le grand public par ce qui constitue désormais l’acte prépondérant dans nos sociétés : la consommation ?

      8 - c’est une objection abusive. Naturellement, le commerce équitable ne constitue pas une stratégie de rupture par rapport au système actuel et il ne le sera jamais. Cette objection est un peu vraie pour ce que j’appellerais le commerce équitable "canada dry" ou "light". Pour les filières de commerce équitable visant à terme l’autonomie des producteurs du Sud et le développement de circuits courts de commercialisation diminuant leur dépendance par rapport au Nord, cette objection est incorrecte. Le tout est de voir quelle sera la proportion, dans l’avenir, entre le commerce équitable "canada dry" et le commerce équitable digne de ce nom.

      9 - Là encore trop, c’est trop. La caricature est exagérée. Le document suggère que la majorité des personnes travaillant dans des associations de commerce équitable voyage fréquemment. C’est faux. Ce qui est par contre vrai, c’est l’absence de changement en profondeur des habitudes de consommation et d’engagement de la majorité des personnes actives dans ce domaine. Les quelques heures passées bénévolement suffisent mais au-delà, souvent c’est le retour au réalisme (non durable) qu’il soit social, économique ou environnemental.

      10 - Encore une fois le terme est forcé. Le choix d’associations de commerce équitable de privilégier le réalisme économique au détriment d’un changement en profondeur est latent. Il suffit de voir l’augmentation des termes issus du management d’entreprises "classiques" dans les textes de gestionnaires de ces associations. C’est un choix. Il y va de leur survie et de leur pérennité...et, d’après leurs dires, de la survie des actions de sensibilisation.

      Malgré le ton caricatural qui nuit à son contenu, il faut admettre que certaines objections soulèvent des questions quant au positionnement du commerce équitable : niche commerciale ou acteur de changement en profondeur ?

      Développer un réseau de commerce solidaire et équitable associant circuits courts de commercialisation et commerce international équitable pourrait faire partie d’une alternative pouvant altérer quelque peu les rapports de force actuellement fort en défaveur des petits producteurs, qu’ils soient du Nord ou du Sud...

      Philippe Drouillon (philippe.drouillon@skynet.be)

  • Les grandes plateformes de commerce équitable ont des frais fixes énormes de personnel et de stockage, elles doivent donc vendre à tout prix.

    Les produits ne sont plus sélectionnés en fonction de la qualité du processus social pour les fabricants et les paysans, mais en fonction de la vendabilité, et de la capacité à développer de gros chiffres d’affaires.

    Aujourd’hui ces organisations chechent d’abord des projets pour couvrir leurs charges.

    Pour la grande distribution, faire du marketing, c’est normal, ils recherchent à gagner de l’argent.

    Autant la course marketing des plateformes et des labels de commerce équitable est louche !

    La grande taille de ces organisations implique une logique de rentabilité, et de volume, incompatible avec le commerce équitable.

    La mort de l’esprit commerce équitable c’est l’arrivée de ces commerçants aventurier qui trouvent un bon moyen de gagner de l’argent en disant : regardez je suis généreux, je donne aux pauvres !!!

    Bref, recherchez les petites structures !
    A bon entendeur salut

  • Rappellons-nous que le commerce équitable n’est pas à l’origine du développement mondial de commerce. L’exploitation des travailleurs dans les pays en développement remonte à l’ère de la colonialisation. Les 10 objections décrites sont des objections au commerce mondial, à la globalisation. C’est en replis sur soi comparable au mouvement alter-mondialiste (consommer les pommes de France...). Le commerce équitable propose une alternative à l’exploitation et non pas une réponse aux problèmes de la mondialisation du commerce. S’attaquer au commerce équitable et à Max Havelaar n’apportera pas la solution à cette problèmatique. Soyons constructifs.

  • Bonjour,

    je suis journaliste dans une chaîne de télévision locale : Télégrenoble.
    Mardi prochain, nous organisions un débat en direct sur le thème du commerce équitable et tourisme solidaire..nous n’avons aucun mal à trouver des invités "pro" commerce équitable, mais peu d’invités "contre" !!..
    N’hésitez pas à me contacter si vous pensez à des intervenants sur Grenoble..

    Pauline
    pa@telegrenoble.net

  • il ya quelques objections interressantes le reste c du pure chipotage et sa perd toute credibilité vous devriez plus vous attardez sur l’exploitation qui est faite de l’image du commerce equitable que de la quantite de compostant perdu par le costa rica

    ciao

  • Une 11ème Objection "majeure ?" au Commerce soit-disant Equitable : Le Commerce Equitable est, à la base, supposé améliorer la situation matérielle de la personne qui produit le bien (meilleur salaire, meilleur bénéfice, meilleur ceci ou meilleur cela...).

    C’est effectivement le cas, mais, à travers l’exemple suivant, je vous laisse apprécier les conséquences qui peuvent se produire lorsque vous soutenez le commerce équitable.

    Travaillant en indépendant sur les marchés en vendant de l’artisanat que j’achète à différents fabricants ou grossites de Thailande, il m’arrive souvent d’entendre cette question magique qui me fait sérieusement marrer : "C’est du Commerce Equitable, j’espère...", me demande-t-on avec un petit sourire narquois et lourd de sous-entendus. Ma réponse est et sera toujours la même, à moins que l’un d’entre vous ne puisse me convaincre du contraire : Non, ce n’est pas du commerce équitable, car cela n’existe pas vraiment. Pourquoi ? Car le droit du Travail n’existe pas partout, tout simplement... Exemple :

    Un Suisse vient habiter en France. Il est aisé, et en France son pouvoir d’achat est décuplé par rapport à la Suisse. Il peut s’offrir la villa avec le jardin qui va bien avec, et tout et tout...

    Il embauche un jardinier français pour s’occuper du jardin, et, par souci d’équitabilité, lui dit : "Le smic en France est trop bas pour vivre décemment, alors je te donne le double du smic comme salaire car dans ce pays je suis riche et je peux le faire facilement.

    Que fait le jardinier Français ?

    On peut supposer que, ravi de l’aubaine, le jardinier va apprécier et va faire de son mieux pour conserver ce boulot qui lui rapporte plus que n’importe ou ailleurs... Tout à fait. On peut en plus espérer de lui qu’il travaille encore mieux que lorsqu’il était payé une misère avec un lance-pierres...

    Ca, c’est comme le commerce équitable : j’améliore le niveau de vie du gars que je fais travailler en acceptant de le payer plus cher que ce que ca coute normalement dans son pays...

    Prenons maintenant le meme exemple, mais celui d’un Français moyen, qui va s’installer au Laos, et qui, soucieux de, va faire la même chose que notre estimé Suisse.

    Que fait le jardinier Laotien ?

    On peut supposer que...

    ET BIEN PAS DU TOUT !!!

    Le jardinier Laotien ne sait pas ce que c’est qu’une fiche de paye, et il n’existe pas de retenues sur salaire, de cotisations à payer, etc...

    Du coup, comme notre jardinier a oublié d’être idiot, il va immédiatement se dire : si j’embauche un gars, et que je le paye normalement, voire un peu moins que normalement si je choisis un Mhong ou un Birman (main d’oeuvre immigrée locale sous-payée), je me garde le reste dans la poche sans rien faire.

    C’est comme ça que je me suis retrouvé avec 2 femmes de ménage, et 2 jardiniers. Sauf que ceux que j’avais moi-même embauchés se retrouvaient dans un fauteuil à donner des ordres à d’autres que je n’avais jamais vus.

    Vous pouvez faire le meme exercice avec un fournisseur qui fabrique les bougies indiennes que vous achetez en France... Améliorez la rentabilité d’une entreprise, et vous verrez que la première chose qu’elle fera, c’est de se développer en embauchant plus de gens sous-payés, pour produire plus, et gagner plus. Mais certainement pas pour payer ses employés plus.

    Le Commerce Equitable, dans un pays sans droit du travail, transforme un bon employé en un mauvais patron. C’est bien pour son niveau de vie à lui, mais pour le nouvel employé sous-payé, c’est pire.

    Grace à nous !

    Parce que il n’y a qu’un européen pour penser qu’embaucher quelqu’un, c’est compliqué et couteux... Chez eux, c’est simple comme bonjour. Le contrat de travail est oral, pas de charges...

    Alors, pourquoi payer plus cher que le prix qu’on vous demande si cela entraine ces consequences ? Et pourquoi négocier comme un enfoiré des remises de 10 centimes auprès des marchands locaux lorsque vous allez faire une balade au souk en Tunisie ? Vous pourriez accepter de le payer directement un bon prix, ca vous coute quoi ? Vous discutez les prix, chez Carrefour ? Vous vous êtes vus vous comporter quand vous achetez vous-même sur un marché d’un pays du Sud ?

    Alors, si vous voulez du Commerce equitable, il faut d’abord un droit du travail commun dans le Monde. Mais je vous dis pas le prix du kilo de bananes après... Lorsque les couts de production doublent, en general, le prix de vente augmente un peu. (En France, donner 80 euros nets de tout à un salarié coute au total 160 euros environ). Ce jour la, on recommencera a manger des pommes...

    Et en ce qui me concerne, je n’ai toujours pas réussi à m’offir la maison et le 4x4 que possèdent la plupart de mes fournisseurs. Car lorsqu’un petit commerçant achète des petites quantités, il ne peut pas négocier les prix de la meme facon qu’une grande enseigne de distribution française.

    Si vous voulez du Commerce Equitable dans le Monde, commencez par boycotter la grande distribution quand vous pouvez le faire. Car le meme produit à 3 euros chez Auchan par exemple ou à 5 euros au Marché ne veut pas dire que le forain vous arnaque : ca veut dire qu’Auchan le paye une misère parce qu’il en achete 20000. Il paye moins cher, donc le fabricant gagne moins, donc son employé aussi.

    Je connais personnellement un de mes founisseurs, qui a finalement et sur mes conseils, refusé la commande d’une centrale d’achat que vous connaissez bien, en lui expliquant preuve comptable à l’appui qu’il allait tout perdre. Au moins, avec nous, il peut vendre en négociant un prix qui lui rapporte, et qui lui permet de vivre normalement.

    Et, au fait, avec le recul, combien de petites entreprises françaises ont été, euh, comment dire, un peu embétées de bosser avec la Grande Distri ?

    Merci de vos commentaires si vous pensez pouvoir me faire changer d’avis. Car j’aimerais bien changer d’avis, mais la réalité de la Vie m’en empêche.

    "Nul n’est plus esclave que celui qui croit faussement être libre" (Goethe)

    Max, de Chiang Mai, Nord-Thailande.

  • je pense que les propos que tiennent le createur de cet article sont un peu arrièré.Il faut vivre a son époque a ce moment on ne boit plus de café,mange plus de chocolat,ni de bananes...
    Il est evident qu’on ne peut erradiquer l’importation le consommateur en serait le premier insatisfait.je ne suis pas certaine que ceux qui ont rédigés cet article ne consomment aucun produit d’importation.
    On ne peut pas changer la face du monde pour sur.Mais meme si le commerce équitble n’aide qu’une petite partie des paysans et bien je pense que c’est déja une progression.