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Cesare Battisti : dans moins d’un mois, la Cour de cassation se penchera sur son recours

Publie le mercredi 1er septembre 2004 par Open-Publishing

Mandat d’arrêt contre Cesare Battisti

Par Dominique SIMONNOT

« La justice ne peut se satisfaire d’un pied de nez de cette nature », a pesté hier, dans son réquisitoire, l’avocate générale, Sylvie Petit-Leclair. Sans surprise, les juges de la chambre de l’instruction de Paris ont révoqué, dans la foulée, le contrôle judiciaire de Cesare Battisti et décerné à son encontre un mandat d’arrêt. Concrètement, l’écrivain italien, ex-activiste d’extrême gauche réclamé par son pays pour y purger une peine de prison à vie, est désormais officiellement en cavale et inscrit au fichier des personnes recherchées.

Fuite. A la cour qui l’avait remis en liberté le 3 mars, après son arrestation surprise en février, l’avocate générale a rappelé : « Vous lui avez fait confiance, vous l’avez placé sous contrôle judiciaire, il n’a pas respecté l’obligation qui pesait sur lui. » Battisti n’a, en effet, pas pointé au palais de justice depuis le 21 août. L’avocate générale a expliqué qu’une visite des policiers au domicile parisien de Battisti, le 25 août, avait montré qu’il n’y vivait plus. Visite inutile d’ailleurs, puisque, le même jour, dans une lettre rendue publique, l’auteur de polars confirme sa fuite. En France, d’après lui. A l’étranger, selon nos informations.

Depuis 1990, Battisti, écrivain reconnu en France, y vivait, y travaillait, y avait fondé une famille, comme plus d’une centaine d’autres Italiens anciens militants d’extrême gauche accusés de terrorisme et réfugiés ici. En 1991, la cour d’appel de Paris avait rendu un avis défavorable à son extradition. Et depuis, pas de problème.

Jusqu’au revirement du gouvernement Raffarin, qui a décidé, il y a deux ans, de prêter une oreille attentive aux réclamations de Berlusconi. C’est ainsi que la cour d’appel de Paris a autorisé l’extradition de Battisti, le 30 juin. Ce qui ne lui laissait d’autre avenir que la prison à perpétuité en Italie, puisque, condamné par contumace, il ne bénéficiera pas d’un nouveau procès, selon la loi italienne. Même vingt-cinq ans après les faits. « Vingt-cinq ans plus tard, les gens ont vieilli, changé, des enfants sont nés », diront ses défenseurs.

Autres exilés. Une fois la décision de la cour rendue, ceux qui soutiennent Battisti ont donné une conférence de presse dans un bistrot parisien. Car, au-delà de son cas, se joue le destin d’autres exilés. Une trentaine auraient déjà fait l’objet d’une demande par l’Italie. Tous ces cas ont été examinés au ministère de la Justice français. Avec deux conditions. Que les personnes réclamées aient été condamnées pour « crimes de sang » et qu’une demande d’extradition n’ait pas été antérieurement formée sur des bases similaires.

Combien d’entre eux sont concernés ? « Très peu », répond-on à la chancellerie. C’est encore trop pour le comité de soutien : « Nous ne lâcherons pas prise sous prétexte que Cesare Battisti est parti, a commencé Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l’homme, il existe une éthique en politique, et quand un Etat donne sa parole, y revenir serait déshonorant. » D’autant, insiste-t-il, qu’aucun des exilés, s’ils étaient extradés, ne serait rejugé. Comme si tant d’années plus tard, les condamnés d’hier n’avaient ni changé ni évolué.

Pour les défenseurs de Battisti, Mes Irène Terrel et Jean-Jacques de Felice : « On pouvait, dans les années 80, discuter cet asile donné. En 1985, le président Mitterrand a donné sa protection à une poignée de ces gens qui avaient quitté la violence, abandonné les armes, vaincus. C’était intelligent d’aider l’Italie à mettre un terme à ces violences. Ce qui a été fait a été confirmé par tous les gouvernements sous l’autorité de Jacques Chirac, sous les gouvernements Balladur et Juppé. Ce fut une politique constante, non contestée. »

Engagement. Chez les élus, et en l’absence notable des socialistes qui le soutenaient, Pénélope Komitès, maire adjointe verte de Paris, a réaffirmé : « Nous continuons de soutenir Cesare Battisti et les autres réfugiés italiens. Des initiatives sont en cours de la part des élus, pour que l’Etat respecte ses engagements. » Un soutien qui pourrait prendre la forme de parrainages, individuels ou collectifs. Noël Mamère, maire (Verts) de Bègles, promet : « Nous sommes prêts à désobéir, et si Battisti frappe à ma porte, je lui ouvre et le laisse s’installer. » Au PCF, Pierre Mansat, adjoint au maire de Paris, organise « le soutien aux réfugiés » : « Notre pays doit respecter la parole donnée. »

Dans moins d’un mois, le 29 septembre, la Cour de cassation se penchera sur le recours de Battisti. Permettant son retour en France ou le renvoyant à sa cavale.

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