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Le PS, Aurélie Filippetti (et surtout d’autres…) devrait (re ?)lire Marx

Publie le mardi 9 février 2010 par Open-Publishing
6 commentaires

de Weatherboy

La petite polémique qui vient de suivre le bout de tissu sur les cheveux d’une jeune demoiselle qui a manifestement une conscience plus progressiste sur les questions sociales que les ¾ des petites mamies qui ont frôlé l’infarctus en lisant le Figaro, a ceci d’intéressant qu’elle invite à une logique renouvelée.

Ainsi découvre t-on sur le site d’Arrêt sur Images, qu’Aurélie Filipéti, invitée sur une chaîne de Canal+ - pas prise depuis « Pas vu. Pas pris », que personne n’a vu -, ségoléniste convaincue, membre du Nouveau Parti Socialiste - celui du FMI, du traité de Lisbonne, depuis bien longtemps adepte des signes ostentatoires du Capital-, cite Marx.

Oui, elle cite Marx la coquine, sans honte, sans rougir, et elle dit ça comme ça :

« Besancenot devrait relire Marx qui dit que la religion c’est l’opium des peuples ! ».

V’lan dans ta face le facteur islamo-bolchévique !

Et tout le petit plateau bien propre sur soi et son petit public d’applaudir bien fort une telle audace – audiance qui certainement comme notre chère ségolèniste se gardera bien de jamais lire Marx et Engels de sa vie, et serait bien en peine d’en dire autre que ces petits trois mots.

Ce qui finalement, ma foi, arrange bien tout le monde.

L’hystérie des média de masses passée, il semble pourtant que même le dernier des idiots ne puisse s’empêcher d’être traversé par quelques petits doutes : « Tiens, le NPS et ses ségolénistes seraient devenus plus marxiste que les marxistes, mmm ? », lui qui depuis qu’il rassemble les plus grands philosophes de notre temps (Bernard-Henry Lévy) a passé ses week-ends à nous tartiner du Marx=Goulag, voilà qu’il trouve du bon à prendre chez Marx ?

Accordons qu’il est vrai que c’est une bonne nouvelle qui mériterait peut-être la Une du Figaro : « 2010 : La direction du PS découvre Marx ! »

Ca claque.

Je dirais : très bien, surtout continuez …

A ce sujet rappelons donc brièvement et partons de cette petite phrase.

Dans Critique de "La philosophie du droit" de Hegel Marx écrit plus précisément ceci :

« La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans coeur, comme elle est l’esprit des conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple. »

Ce qui, pour bien commencer, devrait faire dire que le fait religieux n’est pas chez Marx le fruit d’un idéalisme ou d’un complot bourgeois mûrit par on ne sait qui dans quelques buts obscurs dans un sens ou dans l’autre, ce qui d’ailleurs relèverait d’une logique assez éloignée du matérialisme.
Toutes les bases venant des ses textes montrent justement que de ce point de vue le besoin de religion est le produit de la misère sociale et du mode de production capitaliste.
Pour le dire autrement, des conditions matérielles même d’existence des hommes : la religion n’est que l’idéal projetée par ceux-ci dans un ailleurs lorsque le capitalisme ne promet ici d’autres perspectives que leur exploitation. Ce monde où « réussir » sa vie n’ a plus d’autres sens que la vendre au plus offrant

Aussi Marx comprenant que la religion est conséquence de l’ordre social, à laquelle il répond, et non cause, met en garde que ceci n’a à peu près aucun sens de vouloir s’en débarrasser en soi :

« Donc, une fois qu’on a découvert, par exemple, que la famille terrestre est le secret de la famille céleste, c’est la première désormais dont il faudra faire la critique théorique et qu’il faudra révolutionner dans la pratique. »
Karl MARX et Friedrich ENGELS Thèses sur Feuerbach –p. 66

Autrement dit, si l’homme se cherche un ailleurs par l’opium, ce n’est pas tant la lutte contre l’opium qui puisse être mener, mais celle contre les conditions qui poussent les hommes à ce besoin d’opium. C’est à dire évidemment le mode de production actuel.

Déjà on sent que Filipetti, qui se garde d’ailleurs bien elle de critiquer cet ordre, fait un pas en arrière en se demandant si elle a bien fait de citer ses trois mots… Qu’elle se rassure ce n’est pas tout.

Engels dans l’ « Anti-Duhring » (Ch. XVI), par exemple, critique fortement notre ami Fil.. euh Duhring qui vise à pointer du doigt les religions, alors que comme lui répond Engels, celle-ci ne sont que les projections fantasmées par les hommes de puissances et de dominations étrangères, et que ce sont donc les responsables de ces projections qu’il faut viser, et non leur échos fantasmagoriques.

Engels dit ainsi :

“Au contraire, M. Dühring ne peut pas attendre que la religion meure de cette mort naturelle qui lui est promise. Il procède de façon plus radicale. Il est plus bismarckien que Bismarck ; il décrète des lois de mai aggravées, non seulement contre le catholicisme, mais contre toute religion en général ; il lance ses gendarmes de l’avenir à la poursuite de la religion et ainsi il l’aide à accéder au martyre et prolonge sa vie. Où que nous regardions, c’est du socialisme spécifiquement prussien !…”
« Anti-Dürhing », Friedrich ENGELS

Autant dire que Marx et Engels n’ont pas grand chose à voir de ce point de vue avec les anarchistes purs (chez qui le fait religieux est un élément de domination, mais même ici Kropotkine n’en fait qu’une recommendation pas une injonction supérieure qui serait contraire à son esprit) ou la loi de1905 qui est on ne peut plus éloigné de la fin du capitalisme et du Capital.
(Rajoutons que Marx et Engels n’ont pas grand chose à voir non plus avec Filippetti, mais ça, tout le monde le savait déjà.)

Alors oui il y a sans doute des contradictions entre anarchisme-marxisme, entre « loi 1905 »-marxisme, encore que suivant les interprétation ce ne soit loin d’être évident, et c’est bien tout le mérite du NPA d’avoir noté la complexité de la question sans fermer aucune voix, et notamment ici sans avoir abandonner les écrits de Marx et d’Engels, qui invitaient vivement à ne pas se lancer emporter dans de fausses et stériles stigmatisations.
Pour ce concentrer sur la seule qui y mettra nécessairement fin.

Mais alors que ceux-là se sont voulus les éclaireurs de leur époque pour éviter que leurs camardes passent leur temps à taper sur des ombres qui dansent au fond de la caverne, par exemple des ombres en forme de burqa, Filippeti, elle, se trouve toujours au fond à taper sur les murs.


PS : Quelques extraits de la très bonne compilation des textes de Marx et Engels sur la religion qui est librement accessible ici :

* Friedrich Engels et Karl Marx, « SUR LA RELIGION »
Textes choisis, traduits et annotés par G. Badia, P. Bange et Émile Bottigelli (1968)

« A l’encontre de la philosophie allemande qui descend du ciel sur la terre, c’est de la terre au ciel que l’on monte ici. Autrement dit, on ne part pas de ce que les hommes disent, s’imaginent, se représentent, ni non plus de ce qu’ils sont dans les paroles, la pensée, l’imagination et la représentation d’autrui, pour aboutir ensuite aux hommes en chair et en os ; non, on part des hommes dans leur activité réelle, c’est d’après leur processus de vie réel que l’on représente aussi le développement des reflets et des échos idéologiques de ce processus vital. Et même les fantasmagories dans le cerveau humain sont des sublimations résultant nécessairement de leur processus de vie matériel que l’on peut constater empiriquement et qui repose sur des bases matérielles. De ce fait, la morale, la religion, la métaphysique et tout le reste de l’idéologie, ainsi que les formes de conscience qui leur correspondent, perdent aussitôt toute apparence d’autonomie. Elles n’ont pas d’histoire, elles n’ont pas de développement ; ce sont au contraire les hommes qui, en développant leur production matérielle et leurs relations matérielles, transforment avec cette réalité qui leur est propre et leur pensée et les produits de leur pensée. Ce n’est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience. Dans la première façon de considérer les choses, on part de la Conscience comme étant l’Individu vivant, dans la seconde façon, qui correspond à la vie réelle, on part des individus réels et vivants eux-mêmes et l’on considère la Conscience uniquement comme leur conscience. »
  Karl Marx, « L’idéologie allemande »

« Cette conception de l’histoire a donc pour base le développement du processus réel de la production, et cela en partant de la production matérielle de la vie immédiate ; elle conçoit la forme des relations humaines liée à ce mode de production et engendrée par elle, je veux dire la société bourgeoise à ses différents stades, comme étant le fondement de toute l’histoire, ce qui consiste à la représenter dans son action en tant qu’Etat aussi bien qu’à expliquer par elle l’ensemble des diverses productions théoriques et des formes de la conscience, religion, philosophie, morale, etc., et à suivre sa genèse en partant de ses productions, ce qui permet alors naturellement de représenter la chose dans sa totalité (et d’examiner aussi l’action réciproque de ces différents aspects). Elle n’est pas obligée, comme la conception idéaliste de l’histoire, de chercher une catégorie dans chaque période, mais elle demeure constamment sur le sol réel de l’histoire ; elle n’explique pas la pratique d’après l’idée, elle explique la formation des idées d’après la pratique matérielle ; elle arrive par conséquent à ce résultat, que toutes les formes et produits de la conscience peuvent être résolus non pas grâce à la critique intellectuelle, par la réduction à la « conscience de soi » ou la métamorphose en « apparition de revenants », en « fantômes », en « folles lubies », etc., mais uniquement par le renversement pratique des rapports sociaux concrets d’où sont nées ces sornettes idéalistes. Ce n’est pas la Critique, mais la révolution qui est la force motrice de l’histoire, de la religion, de la philosophie et de toute autre théorie. »
  Karl Marx, « L’idéologie allemande »

“En général, le reflet religieux du monde réel ne pourra disparaître que lorsque les conditions du travail et de la vie pratique présenteront à l’homme des rapports transparents et rationnels avec ses semblables et avec la nature.”
 Karl Marx, “Le Capital”

“Au contraire, M. Dühring ne peut pas attendre que la religion meure de cette mort naturelle qui lui est promise. Il procède de façon plus radicale. Il est plus bismarckien que Bismarck ; il décrète des lois de mai aggravées, non seulement contre le catholicisme, mais contre toute religion en général ; il lance ses gendarmes de l’avenir à la poursuite de la religion et ainsi il l’aide à accéder au martyre et prolonge sa vie. Où que nous regardions, c’est du socialisme spécifiquement prussien !…”
 « Anti-Dürhing », Friedrich ENGELS

Messages

  • Il y a quelque chose de plus violent qu’à l’époque dans le fait d’arborer des signes religieux aujourd’hui ce sont des expressions critiques contre l’impérialisme qui émerge aussi dans nos sociétés — contre la différence et en plus qui soutiennent la politique de guerre américaine. On n’est plus à l’époque où il y avait deux camps pour dialectiser entre l’Est et l’Ouest... aujourd’hui c’est la généralisation du libéralisme et aussi comme culture.

    Ainsi, je ne crois pas du tout que les filles qui arborent volontairement des signes islamiques ne le fassent pas aussi par défi, plutôt que par misère, sur la question palestinienne notamment et aussi sur la violence dont elles sont l’objet pas seulement politiquement dans le monde dont elles sont solidaires, mais aussi par certains garçons dans les banlieues qui les maltraitent ; leur façon de marquer leur autonomie par rapport aux garçons qui les convoitent et pour ne pas être traitées de putes à cause de ça : c’est le voile ; ça tientles mecs en respect dans les banlieues en réalité.

    Il y a eu trop de dégâts, trop de laisser pour compte dans ces régions il faut maintenant que les filles se débrouilllent seules pour affronter la violence tellement c’est courant. Et ce n’est pas ni putes ni soumises qui va diligenter assez de femmes flic dans les quartiers pour l’empêcher.

    Je ne les pense pas du tout dans une configuration communautaire pro-saoudienne par ex. mais au contraire pas dans une situation de se soumettre à des hommes malgré le voile et pour la plupart d’entre elle, ce serait plutôt une entrée mystique.

    Mais il faut voir aussi qu’un accès d’ascétisme mystique peut gagner une jeunesse contestataire.
    En plus très souvent ce ne sont pas des familles entières qui se présentent avec le voile mais certains individus d’entre elles, donc par choix personnel.

    Bref, on ne voit pas pourquoi elles n’iraient pas à la Chambre des députés. On dirait les ténors en train de craindre une invasion barbare !! qu’est-ce qu’ils craignent ? Un vote contre le capital ;-)

    Une chose est certaine et logique : si les féministes se solidarisaient collectivement avec les filles qui portent le voile pour leur éviter la répression, et bien il n’aurait plus lieu d’être à moyen terme comme défi, et pour celles qui le porteraient en effet contraintes par des hommes ou la communauté, et bien elles ne tarderaient pas à commencer de se révolutionner mais par elles-mêmes.

    Je dis qu’on n’aurait pas du faire du voile un problème. Personnellement ça ne m’en pose pas. Si la fille se présentait dans mon quartier, devant le racisme dont elle a fait l’objet par les femmes et la goujaterie des hommes, alors j’aurais évidemment voté pour elle avec l’espoir en plus qu’elle entre à la Chambre des députés avec son voile !!

  • Depuis hier j’ai appris que même Fabius (oui, lui) invite à (re ?) lire Trotsky.
    Ah toute cette presse qui invite à lire Marx, comme ça fait plaisir :-)

    Au passage vu que mon petit article est passé en page centrale, j’en profite pour signaler cet excellent article (plus ardu mais sans doute plus précis que le mien) remis en avant par la revue Contretemps hier, et qui est sans doute la meilleure analyse théorique que j’ai lu à ce sujet :

     Opium du peuple ? Marxisme critique et religion

    Contretemps, n° 12, février 2005.

    Et même si l’approche théorique n’est pas tout, si cette histoire permet au moins de pousser les gens à mieux connaitre Marx pour ne plus se laisser prendre par ceux qui n’en cite que trois petits mots, et bien ce sera déjà ça de gagner

  • Et ça vote en rangs serrés pour financer les écoles cathos, gave les entreprises privées de subventions, a des femmes avec voile sur les cheveux dans leurs candidates, participe ostensiblement à des diners du CRIF une officine religieuse qui est en plus sioniste .

    Fillipetti est une honte et une ignare, mais surtout une hypocrite.

    Qu’elle nous dise le fond de sa pensée sur des hommes politiques qui ont beaucoup plus fait démonstration religieuse quant ils faisaient de la politique.

    La liste est interminable, et on attend de notre adepte du basting anti-NPA et anti-musulman, qu’elle nous fasse part de son point de vue sur, entre autres :

    Martin luther king
    Gandhi
    L’abbé Pierre
    Chavez
    Camillo Torres
    etc

    ce n’est plus de la bravitude pour un fichu fichu mais de l’illettritude.

  • oh je suis dégoûté je voulais le faire cet article ! ;-)
    étant qu’il est très bien fait, inutile d’en rajouter un