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un point de vue communiste de France

Publie le mardi 20 mai 2008 par Open-Publishing
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Dans une première contribution, (1) il a été abordé l’ampleur de la réflexion à porter pour refonder un processus d’émancipation. La crise systémique durable du capitalisme pose en terme aigus, écologique et humain, la question du dépassement de celui-ci.

Ce débat est à mener à l’échelle de toute la gauche et du peuple entier. Sans délaisser cette notion structurante de gauche, au seul motif des dérives qui affectent la social-démocratie.

En examinant ce que peut devenir l’apport du communisme de France dans sa triple dimension : la capacité à faire exister en politique des classes populaires, exclues par les classes dominantes, porter une visée émancipatrice de libération humaine, et proposer des projets permettant à la société de conquérir des transformations sociales concrètes à certains moments clés de son histoire.

Un vaste débat est en cours à gauche. (2) Il traverse les organisations politiques et au-delà. Et, pour le PCF, il s’agit de « confronter toutes les opinions qui sont en débat en son sein sans en exclure aucune a priori ». La confrontation peut permettre de dépasser des différences pour construire une unité ressourcée, elle doit aussi permettre de trancher clairement des options. Ce qui n’a pas toujours été le cas dans les congrès précédents. Trois questions me paraissent essentielles pour un congrès utile, non seulement au PCF mais pour toute la gauche.

Recréer des repères

En Europe la gauche a perdu une bataille d’hégémonie idéologique. Droite et patronat imposant leurs thématiques, aidés par les renoncements d’une partie de la gauche ou les échecs des tentatives de transformation sociale.

Recréer des repères forts, sur des questions clés, avec des contenus de classe, est un enjeu déterminant : développer des idées et des pratiques enracinant des solidarités. Par exemple, lorsque des travailleurs sans papiers sortent de l’ombre, et posent la question de la dignité et de la reconnaissance de tous les travailleurs, c’est un de ces repères.

D’autres peuvent être construits sur chaque enjeu. De l’utilisation de l’argent à la sécurité alimentaire, des défis écologiques à l’accès de tous à la culture. Avec une mise en cause du réalisme et de l’efficacité des logiques fondées sur la rentabilité financière. Permettant de réconcilier les « mises en commun » qu’appellent notre époque et le libre développement de chacun, contre les limites étriquées de l’individualisme de marché.

Du débat sur la loi OGM, comme sur les difficultés politiques qui affectent le tandem Sarkozy-Fillon sur le pouvoir d’achat, tout montre que cette hégémonie peut être contestée. Comme l’a également illustré le sondage publié par l’Humanité où 78% des personnes interrogées identifiaient 1968 à une période de progrès social.

Par son histoire, sa réalité ancrée dans la société, son ambition de dépassement du capitalisme, son attention au contenu de classe des questions posées, son ouverture vers d’autres problématiques, féministe ou écologique par exemple, le communisme de France peut être d’un apport précieux pour recréer ces repères culturels.

Un projet pour la société

Le communisme comme ambition anthropologique de dépassement de toutes les dominations doit être réaffirmé. Avec une totale concordance entre les fins et les moyens de cette émancipation humaine, avec la place centrale de la démocratie. Mais notre ambition dans la société française ne peut se limiter à rassembler uniquement ceux qui auraient des convictions anticapitalistes pré requises.

La question d’un « fil conducteur » pour faire émerger de la société des propositions de transformations sociales est posé.

Il ne peut d’ailleurs se limiter au seul cadre national, même si la nation reste un cadre politique propice. Il doit aller « du local au global », avoir notamment une dimension européenne. Il doit répondre aux enjeux populaires ressentis : comment assurer de vraies retraites ? Assurer la réussite de tous les enfants ? Sécuriser les parcours professionnels ? Il doit aussi tirer les enseignements des expériences gouvernementales : de ce qui a échoué tout en ramenant une droite plus dure au pouvoir.

Bref un projet qui puisse « parler » aux 85% de la société qui ne sont pas partie prenante de l’hégémonie financière ou patrimoniale qui gouverne le monde.

Faire reculer l’emprise et la domination des marchés financiers sur la société peut être un bon « fil conducteur ». Dérive économiste ? Non. Car cette emprise n’est pas qu’économique, elle est une toile qui affecte jusqu’aux libertés individuelles, les choix culturels, la place et le contenu du droit dans la société. Elle est au croisement de tout ce qui peut être porteur d’aliénation ou à l’inverse d’émancipation.

De l’individu à l’entreprise, de la commune à la société française, jusqu’à l’Europe et au monde, identifier publiquement les dégâts de cette emprise financière et les contenus pouvant la faire reculer, permet de forger un projet, des rassemblements et de nourrir le débat qui doit irriguer toute la gauche. Sur chaque question, les franchises médicales, la liberté d’information, ou les choix de la BCE, la question de la construction de « fronts populaires » pour faire reculer la domination des marchés financiers est posée.

Y compris pour reconfigurer de ce doivent être l’Etat et l’action et la responsabilité publique, tant au niveau national qu’international.

C’est aussi en posant la question de cette façon que l’on peut placer le social libéralisme face à ses impasses.

Rassemblements et partis

La démarche de rassemblement populaire est une des dimensions essentielles du communisme de France.

La crise politique traversée depuis plus de vingt ans la rend complexe. Il faut prendre en compte des données nouvelles : l’émergence de mouvement sociaux, des éléments de crise de la démocratie représentative, les défiances qui ont pu se créer à l’égard des partis politiques, les difficultés à faire émerger une véritable participation citoyenne populaire, la prégnance des pratiques délégataires,…..

Face aux « dangers du bipartisme », arguant « qu’aucune force constituée ne peut rassembler autour d’elle seule », certains imaginent une solution dans la création d’une nouvelle « force incarnant un projet alternatif » « d’une gauche enfin à gauche », invitant au parallèle avec l’expérience de « Die Linke » en Allemagne. (3)

Le caractère hâtif du plaquage de l’expérience très spécifique de l’Allemagne, après la division qui a affectée ce pays et dans un contexte où SPD et CDU gouvernent ensemble, demanderait à soi seul, un développement.

Mais au-delà, il me semble que cette invocation de la création d’une « nouvelle force » est un raccourci politicien. D’une part parce que les différences qui existent ne sont pas des différences « d’appareils » ou de « chapelles », mais bien des différents profonds. Voir par exemple celui qui existe avec la LCR sur le projet de « NPA » entièrement fondé sur « la théorie des deux gauches ».

Parce que cela supposerait ensuite qu’une partie significative du PS se détache de celui-ci, ce qui est pure spéculation.

Mais surtout parce que la question n’est pas de « rassembler autour », pas plus du PCF, que d’une « nouvelle force » mais de transformer les pratiques politiques.

Enfin ajoutons que, pour les « politiques » qui ont signé cet appel de Politis, ce qui semble les rassembler est plutôt le postulat que le PCF serait irrémédiablement obsolète et qu’il n’y aurait rien de plus urgent que de le passer par-dessus bord, plutôt qu’un accord profond sur ce qui doit se passer par la suite.

Le résultat le plus probable serait la disparition de l’atout réel, même s’il est à révolutionner, du PCF, la création d’une force relativement hétéroclite à la « gauche de la gauche », à l’impact populaire aléatoire mais visiblement très fournie en personnalités prêtes à faire don de leur personne pour la diriger.

Etre utile pour le rassemblement

Dans la période présente il y aura forcement, selon les questions posées, des rassemblements, et non pas une forme unique de rassemblement. Avec sur chaque question, l’école, l’Europe, le devenir de la Sécurité Sociale,… l’ambition de devoir construire le rassemblement le plus large sur des contenus solides.

Avec dans chaque rassemblement une double urgence : permettre une réappropriation populaire de la politique, (ce qui est une immense question), et faire grandir la prise de conscience des conditions d’un changement politique réel.

Avec des pratiques permettant les échanges, les convergences mais aussi les confrontations, entre partis, mouvements, citoyens, à égalité et dans le respect de la personnalité de chacun. Ce qui posera d’une toute autre façon la question des alliances entre forces politiques.

S’agissant d’échéances électorales, sans attendre le Congrès de la fin de l’année, des initiatives devraient pouvoir être prises concernant les échéances européennes de 2009, pour porter des propositions de réorientations profondes de la construction européennes et ouvertes à ce que se rassemblent toutes celles et ceux qui ambitionnent une Europe de progrès social.

Pour le changement social, il y a une confrontation à mener à l’échelle de toute la gauche et du peuple entier. Et un travail propre à la refondation de chacune de ses forces.

C’est en révolutionnant le meilleur de lui-même que le communisme de France pourra être utile Le PCF a à se mettre en situation, interne et externe, et en capacité de pouvoir écrire cette nouvelle page du communisme de France. C’est plus difficile que de se dissoudre ou de se fondre dans une nouvelle force située à « la gauche de la gauche ». Mais c’est aussi assurément plus utile.

Jean Paul Duparc

(1) numéro 2119 du Patriote du 8 mai
(2) de la nouvelle « déclaration de principes » du PS aux rivalités pour la succession de F.Hollande, ou bien la démarche de la LCR en vue d’un « NPA », nouveau parti anticapitaliste,…
(3) voir l’appel publié par Politis le 15 mai et intitulé « l’alternative à gauche, organisons là ! » signé par 55 personalités dont Clémentine Autain, Patrick Braouzec, Jean Claude Gayssot, Michel Onfray, Christian Piquet, ou Yves Salesse.

En annexe la première partie de cette contribution paru le 8 mai dernier :

Gauche : réflexions pour un point de vue communiste de France (première partie)

A l’évidence, après les espérances mais aussi les réalités et les échecs historiques du « court 20ème siècle », comme après les cycles électoraux de 2002 et 2007 en France, mais aussi les évolutions européennes, tant en Italie, Chypre, l’Espagne ou l’Allemagne, une réflexion et une production conceptuelle et pratique nouvelles sont indispensables pour refonder un processus d’émancipation humaine de toutes les exploitations et de toutes les dominations.

Un capitalisme mondialisé et financiarisé ayant réussi, économiquement mais aussi culturellement et sociologiquement, à intégrer et réagencer l’ensemble de ces dominations à son profit. Y compris celles qui ont historiquement précédé le capitalisme, comme la domination patriarcale.

Notre responsabilité aussi bien dans les ripostes d’aujourd’hui, les rassemblements de luttes comme pour l’avenir, est d’apporter une réflexion nouvelle, chacun ayant bien conscience, au delà de la diversité légitime des points de vue qu’une simple amélioration de l’efficacité militante de l’existant serait en deçà des défis posés.

La notion de gauche

Cette notion reste t elle pertinente ? Ainsi que l’ambition de s’adresser et de vouloir rassembler toute la gauche ? Dans une première vision les raisons d’y renoncer et de vouloir totalement essayer « autre chose » ne manquent pas. Les échecs historiques de la fin du 20ème siècle, aussi bien ceux concrétiser par l’effondrement soviétique que l’échec des social-démocraties dans l’aménagement du capitalisme. Le type de construction européenne à l’œuvre et son insertion dans la mondialisation. Le glissement des cercles dirigeants de la social démocratie en social libéralisme ainsi que le rôle que jouent activement nombre de ses dirigeants dans ce capitalisme mondialisé, de l’OMC au FMI, en passant par des dirigeants européens comme T.Blair….les raisons apparentes de vouloir faire « table rase » de cette ambition ne semblent pas manquer.

Et, partant de ce constat, considérer que face à ce bipartisme de consensus pour l’économie de marché qui a une domination institutionnelle écrasante, l’heure ne serait qu’à la résistance anticapitaliste, voire à une longue traversée du désert pour ressourcer une force révolutionnaire nouvelle, au refus de toute alliance avec le PS, à considérer comme compromettante toute perspective de dynamiser une gauche qui soit à la fois de combat et de responsabilité dans les institutions ou des majorités, voire même considérer que la notion même de gauche aurait perdu toute pertinence.

De tels points de vue ne feraient à mon sens qu’accélérer la marginalisation durable des forces de transformation sociale, agissant pour un dépassement du capitalisme et l’émancipation humaine.

L’utilité de la politique

Notamment dans la tradition française, la notion de gauche vient de loin. Y compris dans les suites de la révolution française. Ce n’est d’ailleurs pas d’aujourd’hui, qu’un courant de cette gauche est marquée par le réformisme, voire selon les périodes des compromissions actives avec les forces dominantes du capitalisme et on ne va découvrir tous les matins ce que sont les « socialistes » comme produit et prolongement de cette histoire du réformisme, comme si on tombait de l’armoire. (1). Même si la mutation de la social démocratie en social libéralisme pose de nouveaux problèmes.

Jamais sinon, nos prédécesseurs n’auraient osé le « Front Populaire contre le fascisme, pour le pain et la liberté », ni non plus recherché le rassemblement du peuple de France le plus large dans la Résistance et à la Libération.

Il reste que, loin d’avoir intérêt à l’effacement du clivage « gauche/droite », voire de rejeter le PS dans le « camp d’en face », l’intérêt populaire est au contraire me semble t-il de restaurer pleinement ce clivage « gauche/droite », tout en portant un débat, totalement public sur ce que doit être la gauche et une politique de gauche. Il y a d’ailleurs un déficit dramatique de ce débat public et populaire. Là est la question pour dépasser les formes effectivement insuffisantes voire obsolètes d’échanges, d’accords ou de désaccords entre organisations politiques.

Car les difficultés ne sont pas seulement les déceptions nées en France comme en Italie des politiques des « gouvernements de gauche » enfermés dans leurs renoncements face au néo-libéralisme ou bien les menaces institutionnelles du bipartime et du vote utile.

La difficulté essentielle réside dans la crédibilité d’une perspective de transformation sociale de dépassement du capitalisme dans les conditions nouvelles de notre époque. C’est la question politique majeure. D’où la question du projet et des contenus.

Certes s’adresser à toute la gauche, comme au peuple entier, ne suffit pas pour répondre à la question posée. Mais s’en priver serait assurément s’interdire de la résoudre en assassinant la crédibilité de toute perspective majoritaire et condamner alors la contestation du capitalisme à se cantonner à la protestation marginale et au verbe incantatoire et dénonciateur.

Le communisme français

Ce qui distingue un parti politique communiste, d’un simple mouvement ou d’une association, c’est la nature de l’ambition. Pas simplement entretenir une contestation ou des contre- pouvoirs dans tels ou tels domaines, mais d’être utile concrètement, à la fois au quotidien et dans l’utopie (au sens positif du terme), pour construire des rassemblements populaires majoritaires, faire bouger la société dans le sens des réponses aux besoins populaires contre l’insécurité sociale que déchaîne le capitalisme, unir réformes et ambitions révolutionnaires. Ce que le PCF a su faire à différents moments de son histoire.

Le communisme français vient de loin, de bien avant la « matrice de 1920 », au même titre que Marx d’ailleurs n’a jamais figé dans sa réflexion les formes et les contours de ce que devait être un « parti communiste ».

Le communisme n’est pas une théorie ou un « idéal », il est dans chaque formation sociale et nationale, et donc spécifiquement en France, un « mouvement historique réel ». (2) Son utilité et sa reconnaissance se sont enracinées dans la capacité sociale à permettre à des classes exclues, y compris issues de l’immigration, d’exister en politique, dans l’utopie créative d’une perspective, et surtout dans les moments de son histoire où il a su proposer à la société française, non pas « d’abolir » le capitalisme, ou de lui substituer un « modèle » tout préfabriqué qu’il s’agisse du « communisme » ou du « socialisme », mais de conquérir des transformations sociales concrètes, qui ont été potentiellement à leurs époques des négations potentielles et partielles du capitalisme : pensons par exemple au contenu et à la philosophie de la Sécurité Sociale à sa création.

Toute la question qui nous est collectivement posée, est pour la société française d’aujourd’hui, dans le monde et l’Europe d’aujourd’hui, de refonder dans la spécificité du communisme français, un apport pour toute la gauche et la société.

Jean Paul Duparc
(1) voir « L’histoire du réformisme » que Jean Burles avait publié il y a quelques années aux Editions Sociales. (2) Roger Martelli

Messages

  • "D’une part parce que les différences qui existent ne sont pas des différences « d’appareils » ou de « chapelles », mais bien des différents profonds. Voir par exemple celui qui existe avec la LCR sur le projet de « NPA » entièrement fondé sur « la théorie des deux gauches »."

    Certes .............mais pendant qu’on pinaille sur ces "différences" là, l’ennemi, le vrai gagne du terrain !

    Stop la farce et tous unis contre le capitalisme de la droite et le libéralisme débile du PS !!

    Chien Guevara en route pour l’unité de la vrai gauche !!