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A Gaza, le sang et la fureur

Publie le jeudi 17 mai 2007 par Open-Publishing
5 commentaires

de Michel Bôle-Richard

Le ballet des ambulances à l’hôpital palestinien Chifa est incessant. Toutes sirènes hurlantes, elles déversent devant les portes du plus grand centre hospitalier de la ville de Gaza leurs brancards de morts et de blessés. Seules les détonations et le bruit des rafales d’armes automatiques couvrent, de temps à autre, ce tragique va-et-vient. Les familles se pressent devant la morgue dans la cohue et la confusion pour venir reconnaître et chercher leurs morts. Pleurs, cris de douleur et de colère, gestes de désespoir et de rage face à la disparition d’un être cher enlevé par la tourmente qui s’est emparée de la bande de Gaza depuis vendredi 11 mai.

Le corps de Maher Tahir, 35 ans, membre des services de sécurité du président Mahmoud Abbas, est emmené dans un linceul blanc. Un sniper du Mouvement de la résistance islamique, le Hamas, lui a logé une balle en plein coeur. Son cousin clame sa fureur. "On ne fait plus confiance aux leaders politiques. Ils n’ont plus aucun pouvoir. Le gouvernement d’union nationale est fini, il n’existe plus. C’est la jungle, alors nous allons venger nos morts. Ce sera la guerre civile, mais on n’a plus le choix." La mère de la victime tient à accompagner son fils pour son dernier voyage. Le cortège part en klaxonnant.

Dans la morgue, les casiers sont tous occupés. Sept corps défigurés n’ont pu être identifiés. Mais, déjà, d’autres ambulances arrivent. Les brancards sont déployés, six nouveaux morts sont chargés. Certains ont été mutilés par des éclats, les vêtements déchirés par les balles ; ils sont souillés de sang encore frais, les yeux toujours ouverts. La foule veut voir. Elle se précipite comme si les habitants de Gaza n’étaient pas encore habitués au spectacle de la mort. Les employés de la morgue les repoussent et tentent de fermer les portes. Certaines victimes de la Force exécutive du Hamas auraient été tuées par des tirs amis. D’autres, adversaires des islamistes, auraient été extirpés de leurs voitures et exécutés dans la rue parce qu’ils n’étaient pas du même camp.

Les récits sont confus. Personne ne sait vraiment. Ce qui est sûr, c’est que les "exécutions" à bout portant de frères ennemis armés sont de plus en plus nombreuses. Au total, au moins une quarantaine de personnes ont perdu la vie en quatre jours. On ne compte même plus les blessés. "C’est pire qu’en décembre et en février. La situation est devenue totalement incontrôlable. On essaie de tenir. C’est la lutte pour la survie", fait remarquer Abou Fayed, membre des Brigades des Martyrs d’Al-Aqsa, groupe paramilitaire issu du Fatah. Un militant du Hamas refuse de parler à la presse.

Les civières souillées de sang sont rangées dans l’attente du prochain arrivage. A l’extérieur, le sang coule sous les portes de la morgue et se répand sur la chaussée. Le docteur Hazar Abed, directeur de l’hôpital, a déjà dénombré vingt-quatre morts. Combien d’autres ont été répertoriés à l’hôpital Al-Qods ? Personne ne le sait.

Les appels au don du sang, lancés à la radio et à la télévision, restent sans réponse. Les habitants ne peuvent pas se déplacer. Les équipes d’urgence et les ambulances circulent difficilement dans les rues barrées par des parpaings, des levées de sable ou des poubelles. Le personnel hospitalier hésite à se rendre au travail ou doit faire d’immenses détours pour éviter les carrefours dangereux et les quartiers névralgiques occupés par les forces de sécurité qui défendent leur territoire. Un militaire de la Sécurité nationale, le visage dissimulé par un passe-montagne, avoue qu’il a peur d’être tué. "Nous savons que nous pouvons être attaqués mais que faut-il faire ? Nous sommes là pour défendre l’Autorité palestinienne, car si tout s’écroule, ce sera le chaos."

Quatre hommes grièvement blessés, dont un en état de mort clinique, viennent d’arriver à la salle des urgences. Ils sont rapidement évacués vers les salles d’opération. Alors que les médecins fument une cigarette et boivent un café pour se détendre, des familles tentent de prendre des nouvelles. Le docteur Adel n’est pas du genre à faire du sentiment mais, cette fois, il trouve que cela suffit. "Tout cela est absurde. On n’a rien à manger et on se tire dessus alors que tout le monde sait que l’on ne peut pas diviser la ville, qu’un camp ne peut pas l’emporter sur l’autre, dit le docteur. Pourtant je sais que cela va continuer, que le pire est à venir. Les Arabes ne veulent pas de solution. Les Israéliens ne veulent pas la paix et se frottent les mains. Les Américains n’ont rien à offrir et attisent les braises. Dans ces conditions, je suis prêt à partir comme beaucoup de Palestiniens. Je suis prêt à aller au Darfour."

Pour les Gazaouis, le gouvernement d’union nationale a échoué. Il n’a pas réussi à empêcher le retour des violences. Ahmed Bahar, président par intérim du Conseil législatif palestinien (Parlement), pense que la responsabilité de ces confrontations "trouve son origine dans l’embargo imposé par les Israéliens et les Américains qui accroissent les tensions". Fawzi Barhoum, porte-parole du Hamas, estime que "la situation s’aggrave d’heure en heure et que la réponse est entre les mains de Mahmoud Abbas, qui doit retirer ses forces des rues et arrêter le laisser-faire".

Un quatrième cessez-le-feu a été instauré dans la soirée de mercredi. A-t-il plus de chances de tenir que les précédents ? Pour le moment, la population reste terrée chez elle. Les écoles sont fermées. Les rideaux de fer des commerces tirés. Rares sont les voitures qui s’aventurent dans les rues où quelques habitants, malgré tout, discutent sur le pas de leur porte. Des enfants profitent des rues désertées pour jouer au football. Après une semaine de grève des éboueurs, les trottoirs sont transformés en tas d’immondices.

Gaza s’enfonce dans la misère et la terreur. Une énorme colonne de fumée s’échappe d’une tour sans doute touchée par un projectile. Des obus de mortiers sont tirés de temps à autre sur la zone qui abrite la présidence. Les détonations résonnent dans cette cité paralysée par la peur. Des hommes armés sont partout, cagoulés, sur le qui-vive, sans que l’on sache à quel camp ils appartiennent.

Dans la soirée, une quarantaine de journalistes se sont retrouvés bloqués pendant près de trois heures au neuvième étage d’un immeuble, dans les locaux de l’agence de presse Ramattan. Des membres des forces de sécurité du Fatah ayant pris position dans le dernier étage, le bâtiment a été la cible d’un feu roulant, pendant trois heures, entre ces combattants et les forces du Hamas.

Plusieurs projectiles sont venus se loger dans les fenêtres et les murs, alors que les cloisons vibraient sous le souffle des déflagrations de roquettes. Les journalistes se sont réfugiés dans la pièce jugée la plus sûre pour éviter d’être pris sous le feu croisé des miliciens. Les combats ont finalement cessé aussi soudainement qu’ils avaient commencé.

http://www.lemonde.fr/web/article/0...

Messages

  • Veuillez nous pardonner notre racisme !

    Goel Pinto

    publié le jeudi 17 mai 2007.

    Le meurtre de Taysir Karaki de Beit Hanina, 35 ans et père de cinq enfants, a été perpétré par un seul individu, mais le terreau dans lequel a poussé le terroriste juif français Julian Soufir mérite néanmoins un examen collectif.

    Ce ne sont pas que quelques Juifs français qui ont expliqué, durant la récente campagne présidentielle en France, qu’ils étaient pour Nicolas Sarkozy à cause de la poigne de fer qu’il a employé contre les immigrés musulmans de la première génération lors des émeutes de banlieues de 2005. Son soutien sans équivoque à la communauté juive après le meurtre d’Ilan Halimi en 2006 et le fait qu’il en ait attribué la cause à des motifs antisémites a aussi aidé Sarkozy à gagner le vote de nombreux Juifs français. Des remarques du style "les Arabes prennent le pouvoir en France" et "nous avons besoin d’un véritable homme pour remettre les choses en place ici" ont été exprimées par beaucoup plus que quelques Juifs durant la campagne électorale.

    Il y a 600.000 Juifs qui vivent aujourd’hui en France. Contrairement aux enfants des immigrés musulmans, de nombreux Juifs français ont obtenu des postes à responsabilité et ont gagné le respect et la protection du gouvernement. Dans un Etat qui met en avant l’effacement de l’identité religieuse pour favoriser une identité nationale en tant que membres de la République, les Juifs ont joué sur les deux terrains. D’un côté, ils se sont intégrés à la société française, tandis que de l’autre ils ont continué à démontrer une grande loyauté à Israël et, en particulier, aux gouvernements de la droite dure qui ont régné ces dernières décennies.

    L’agitation de nombreux Juifs français et le racisme que certains d’entre eux affichent vis-à-vis des Musulmans ne sont pas un phénomène nouveau. Je me souviens d’une matinée de shabbat dans une synagogue parisienne. J’avais 12 ans. C’était pendant la guerre du Liban de 1982 et le rabbin a récité la prière pour l’Etat d’Israël et ses soldats. La congrégation a répondu par des interruptions telles que "Sharon, montre-leur !" et "Tue-les !" Le rabbin n’a fait aucun effort pour les faire taire. Même à ce moment-là, il était clair que cette communauté, qui avait fait des dons généreux à Israël, utilisait cet Etat comme instrument de vengeance.

    Aucun Juif français n’oserait faire du mal à un Musulman en France. Soufir, le meurtrier juif, a émigré en Israël avant d’assassiner un Arabe - et pas à cause d’une quelconque pénurie de Musulmans en France. C’était plutôt parce que de nombreux Juifs, en France, préfèrent se draper dans le tallith des victimes - et, là-bas, les incidents anti-Juifs leur fournissent assez de munitions pour agir ainsi. L’image de la victime entraîne le gouvernement à les soutenir beaucoup, en grande partie à cause de ses propres sentiments de culpabilité face à la période de Vichy.

    Le temps est venu pour l’Etat d’Israël de placer un miroir devant les Juifs de France, qui tiennent un double langage. Le Premier ministre Ehoud Olmert et la Présidente par intérim Dalia Itzik devraient rendre visite à la famille de la victime assassinée et demander pardon au nom de l’Etat et du peuple juifs, exactement comme le Roi de Jordanie Hussein le fit après le meurtre des sept fillettes de Beit Shemesh lors de l’attaque terroriste de Naharayim en 1977, exactement comme le président français et sa femme, Jacques et Bernadette Chirac, ainsi que le Premier ministre Dominique de Villepin, le firent à la suite du meurtre d’Halimi en participant au service religieux commémoratif dans une synagogue parisienne.

    C’est aussi le moment approprié pour les chefs de la communauté juive de France, conduite par le Grand Rabbin Yosef Sitruk, de rendre visite à la Grande Mosquée de Paris et de demander pardon. Pardon pour ce meurtre, mais aussi pour le racisme anti-musulman qui est enraciné dans leur communauté et qui est l’une des causes principales de la détérioration, en France, des relations entre les Juifs et les Musulmans.

    Traduit de l’anglais par [JFG-QuestionsCritiques]

    http://questionscritiques.free.fr/e...

    article original :

    Forgive us our racism

    http://www.haaretz.com/hasen/spages...

    • "mais aussi pour le racisme anti-musulman qui est enraciné dans leur communauté et qui est l’une des causes principales de la détérioration, en France, des relations entre les Juifs et les Musulmans."

      Eh ben, bravao pour le commentaire ci-dessus.
      A quand les appels au pogroms ?

      Jacques

    • cher jacques, il y a partout du racisme , et donc il faut le combattre, et oui il y a du racisme contre les juifs contre les musulmans contre les etrangers etc moi je pense qu´on a pas besoin de nationalite et heureusement (!?) je suis athe. Mon logo : il n´y a pas d´etrangers, partout je suis chez moi. Salut j f dieux (die linke, attac, green peace, ai , DGB)

    • oui il y a dans des groupes juifs du racisme anti-musulman et reciproquement , j f dieux

    • Il serait plus intelligent que les juifs et arabes français (qui sont cousins), se tiennent à l’écart du drame qui se joue en Palestine. Apaiser les tensions là bas : OUI ; agraver les tensions : NON. J