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Argentine : "Arrêtez", par Perez Esquivel*

Publie le vendredi 28 mars 2008 par Open-Publishing

Il est nécessaire de faire appel à la sérénité et au dialogue entre le gouvernement national et les producteurs agricoles, pour résoudre le conflit en vigueur depuis plus de 13 jours.

Réclamer que ceux qui essaient d’imposer leur volonté à travers de la violence et non par le dialogue "en finissent". La prépotence de groupes piqueteros leadérés par D’élia est lamentable, tout comme les dirigeants du syndicat des camionneurs, des Moyanos, qui n’aident pas avec leur attitude (1) et qui sont des groupes de choc pour défendre le gouvernement.

C’est le pire des chemins choisis. Tout comme celui du cacerolazo qui a eu lieu pour défendre leurs intérêts sectoriels et non à chercher des solutions justes et dignes pour tout le peuple. Rappelons que ce sont les mêmes qui ont applaudi et accompagné la "politique de répression" (mano dura) qu’a voulu imposer Blumberg pour condamner la pauvreté.

Des moyens existent pour avancer dans le dialogue, et le gouvernement est responsable de l’assumer et d’éviter qu’on en arrive à un affrontement entre travailleurs. C’est un recul dans la vie démocratique du pays. Tous les producteurs ruraux ne sont pas dans les mêmes conditions.

Les grands producteurs ruraux et les entreprises transnationales s’enrichissent à travers du soja et des exportations de bestiaux, privilégiant le capital financier sur le capital humain. Les faits sont plus qu’éloquents. Ils transforment le pays en producteur de monoculture de soja transgénique, avec les graves conséquences de cette exploitation irrationnelle, avec des dommages irréversibles sur l’environnement et les ressources naturelles, la dévastation des montagnes naturelles et de la biodiversité. En provoquant l’ expulsion des peuples indigènes et de la paysannerie. Ces secteurs, dans ces dernières années, ont gagné des fortunes qu’ils ne sont pas disposées à redistribuer et s’opposent aux rétentions. Les rétentions sont nécessaires pour que le pays sorte du puits dans lequel l’ont submergé les secteurs "canailles" qui l’ont pillé avec une impunité totale, engendrant la faim, la misère et la perte du patrimoine du peuple.

Une autre situation qu’il est nécessaire de différencier est celle que vivent les petits et moyens producteurs ruraux. Beaucoup d’entre eux ont des propriétés hypothéquées et sont sans recours. Les rétentions qui leur sont appliqués ne peuvent pas être de la même grandeur que celles des propriétaires fonciers ’terratenientes’). L’équité et la justice de politiques différenciées est ce que le gouvernement doit établir, entre ceux qui ont le plus, avec ceux qui ont le moins.

Un autre point critique est celui de savoir ce qui est fait avec les ressources dégagées par les rétentions, où sont-elles destinées et quel est leur impact social, en éducation, santé, travail et développement du peuple ? N’oublions pas la crise de 2001 et le pillage qu’a souffert le pays.

On est dans une étape de récupération économique soutenue et la redistribution de la richesse dans des politiques cohérentes avec les besoins du peuple est nécessaire et mettre comme priorité le paiement de la dette interne (en opposition à la dette externe, NdT). Éviter que meurent de faim et de maladies évitables des enfants, des indigènes et des personnes âgées. Générer des sources de travail authentique et non le clientélisme politique qui tant de dommage fait au pays.

Si les rétentions sont correctement dirigées vers le bien du peuple, dans la redistribution de la richesse pour faire une réalité le pays que nous voulons, ce sera un triomphe de tout le peuple argentin. C’est pour cela que je leur dis : arrêter. Le chemin est le dialogue et non la violence.

1- Hier des camionneurs ont "attaqué" des barrages de routes d’agriculteurs pour les lever (NdT)

Adolfo Pérez Esquivel est prix Nobel de la Paix.

Rebelion, 28 mars 2008.

http://rebelion.org/noticia.php?id=65229