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Biocombustibles, biodiversité et notre avenir énergétique (II- Suite et fin).

Publie le mardi 18 septembre 2007 par Open-Publishing
2 commentaires

Réseau d’information et de solidarité avec l’Amérique latine

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Biocombustibles, biodiversité et notre avenir énergétique

Le côté obscur des biocombustibles : horreur dans la « Californie brésilienne »
Le Brésil a pour ambition de devenir une grande puissance émergente grâce au leadership dans la production de biocombustibles. Le prix de cette ambition, ce sont l’environnement et les coupeurs de canne qui le paient, eux qui continuent à être la partie invisible de cette histoire.
par Raúl Zibechi
7 août 2007

(Suite)...

Les grands gagnants

Au Brésil, la production de canne a débuté en 1550, mais sa grande expansion s’est produite à partir de 1970, sous l’impulsion de l’augmentation des prix du pétrole. La végétation de la côte atlantique, la plus affectée par ce phénomène, a été réduite de moitié, mais aujourd’hui les cultures de canne progressent jusqu’au centre-ouest où l’on prévoit que la riche biomasse de la région des Cerrados disparaîtra vers 2030, la faute aux monocultures. Dans les sept prochaines années, le Brésil doublera sa production d’éthanol et devra produire presque 50% de canne en plus, ce qui suppose la construction de 100 autres usines pour 2010.

Les choses ne s’arrêtent pas là. La Banque Nationale de Développement Économique et Social (BNDES) prétend que le Brésil arrivera à contrôler 50% du marché mondial de l’éthanol. Cela implique de passer des 17 milliards de litres actuels à 110 milliards annuels, pour lesquels il faudrait planter environ 80 millions d’hectares supplémentaires. En d’autres termes, détruire l’Amazonie. Le gouvernement a fait de ce secteur sa principale stratégie de développement. La BNDES, qui a plus de ressources que n’importe quelle autre banque régionale, y compris la Banque Interaméricaine de Développement (BID), a l’intention d’investir six milliards de dollars dans des usines et plantations de canne.

Mais le Brésil veut étendre les agrocombustibles à toute la région. Les plans immédiats consistent à introduire la production dans les pays d’Amérique centrale et des Caraïbes ayant déjà signé des traités de libre-échange avec les Etats-Unis (comme le Central American Free Trade Agreement - CAFTA), pour contourner les tarifs douaniers à l’importation que maintient Washington. « L’objectif est d’exporter dans ces pays le produit quasi-fini », déclare l’hebdomadaire Peripecias, « y achever le processus et depuis là-bas pénétrer le marché états-unien ». La banque brésilienne finance les investissements dans ces pays, mais en plus négocie une participation actionnaire allant jusqu’à 30% dans les projets centraméricains.

Selon Stédile, trois grands secteurs convergent dans le projet de l’éthanol : « Les entreprises pétrolières (qui veulent diminuer la dépendance au pétrole), les entreprises de l’agrobusiness (comme Bunge, Cargill, Monsanto) qui veulent continuer à monopoliser le marché mondial des produits agricoles », et maintenant les capitaux transnationaux qui font « une alliance avec les propriétaires terriens du Sud, et particulièrement du Brésil, afin d’utiliser de grandes superficies pour la production d’agrocombustibles » [13].

Le panorama qui se profile n’est pas encourageant. Au lieu d’inciter à modifier le modèle de consommation et la matrice énergétique, en particulier dans les transports, les grands investisseurs comme George Soros [14] et les grandes entreprises comme Cargill se positionnent dans la production brésilienne d’éthanol pour augmenter leurs gains. Le réchauffement global comme les conditions de travail des coupeurs de canne n’entrent pas dans leurs préoccupations.

Notes :

[1] Témoignages recueillis par la Commission pastorale de la terre et reproduits par Núcleo Amigos da Terra Brasil, p. 15.
[2] [NDLR] Couvrant 1 million de km² et représentant 12% du territoire national brésilien, la région du Nordeste comprend huit États et compte une population de trente millions d’habitants. Aujourd’hui, le Nordeste est souvent synonyme de pauvreté et de malnutrition.
[3] Luiz Inácio Lula da Silva, op. cit.
[4] Carlos Vicente, op. cit.
[5] Estado de São Paulo, 13 marz 2007, en www.estadao.com.br.
[6] Toutes ces données proviennent de l’étude du Núcleo de Amigos da Terra Brasil.
[7] Francisco de Oliveira, dans Folha de São Paulo, 27 mai 2007.
[8] O Estado de São Paulo, 11 juin 2007.
[9] Maria Aparecida de Moraes Silva, entretien à la revue Instituto Humanitas Unisinos en www.unisinos.br.
[10] Jornal do Valor, São Paulo, 17 mai 2007.
[11] Carlos Vicente, op. cit.
[12] José Roberto Pereira Novaes, op. cit.
[13] Carlos Vicente, op. cit.
[14] [NDLR] George Soros est un financier milliardaire nord-américain, né en Hongrie en 1930, fils de l’écrivain espérantiste Tivadar Soros. Il est devenu célèbre pour ses activités de spéculation sur les devises et ses activités de philanthropie.

En cas de reproduction de cet article, veuillez indiquer les informations ci-dessous :

Source : IRC Programa de las Américas [-(http://www.ircamericas.org], 21 juin 2007.
Traduction : Agnès Tillinac, pour le RISAL http://risal.collectif.net.

Les opinions exprimées et les arguments avancés dans cet article demeurent l’entière responsabilité de l’auteur-e et ne reflètent pas nécessairement ceux du Réseau d’Information et de Solidarité avec l’Amérique Latine (RISAL).

GLOSSAIRE
Banque Interaméricaine de Développement (BID)

Institution financière régionale créée en 1959 pour promouvoir le développement économique et social de l’Amérique latine et des Caraïbes. Elle compte 46 membres : 26 d’Amérique latine et des Caraïbes, les Etats-Unis, le Canada et 18 pays extrarégionaux. Sa plus grande autorité est l’Assemblée de gouverneurs formée des ministres des Finances de chaque pays.

Le pouvoir de vote est déterminé par les actions de chacun : l’Amérique latine et les Caraïbes, 50 % ; les Etats-Unis, 30 % ; le Canada, 4 % ; l’Argentine et le Mexique ont la même quantité d’actions que les Etats-Unis.
Entre 1961 et 2002, la BID a accordé des prêts à hauteur de 18,823 milliards de dollars : 51 % à des projets énergétiques, 46 % au transport terrestre et 3 % aux télécommunications, au transport maritime, fluvial et aérien. Le Brésil a obtenu 33 % des ressources.

Banque Nationale de Développement Economique et Social (BNDES)
Banque publique brésilienne créée en 1952. Avec le gouvernement Lula, elle a vocation à financer de grands projets d’infrastructure en Amérique du Sud. Elle a beaucoup de ressources, plus que les autres organismes financiers de la région et elle met en oeuvre des projets énergétiques et hydroélectriques très importants au Venezuela et en Equateur, entre autres.

Biocombustibles
Les biocombustibles rassemblent les combustibles solides d’origine végétale qui permettent la production d’énergie (chaleur ou/et électricité). On distingue les biocombustibles d’origine agricole des biocombustibles d’origine forestière.
Source : Ademe.fr.

Central American Free Trade Agreement and Dominican Republic (CAFTA-DR)
Central American Free Trade Agreement and Dominican Republic (CAFTA-DR) est l’accord de libre-échange entre les Etats-Unis et des pays d’Amérique centrale (Salvador, Honduras, Nicaragua et Guatemala), auquel s’est joint la République dominicaine.
Combustible(s) fossile(s)
Terme général qui désigne des dépôts géologiques combustibles de matières organiques enfouis dans le sol. Ces dépôts sont formés à partir plantes et animaux décomposés et transformés en pétrole brut, charbon, gaz naturel, ou huiles lourdes suite à une exposition à la chaleur et à la pression dans l’écorce terrestre durant centaines de millions d’années.
Source : GreenFacts.

Commission pastorale de la Terre
La Commission pastorale de la Terre (CPT) est une pastorale créée en 1975 pendant la dictature militaire, par l’aile progressiste de l’Eglise catholique brésilienne, inspirée de la théologie de la libération, Elle a été (et est encore) un acteur politique fondamental pour le renforcement des organisation paysannes, la défense de la réforme agraire et la dénonciation des crimes pratiqués contre les travailleurs ruraux.

Monoculture
Culture d’une espèce végétale unique sur les mêmes superficies pendant de nombreuses années

Parti du Front Libéral (PFL)
Parti brésilien, à droite sur l’échiquier politique.

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Intéressant comment à travers un concept "humaniste", (Bio), on peut en arriver à justifier les pires dérives.
Et avec le soutien de ceux qui en sont victimes, en prime.

Messages

  • Enfin la vérité apparait.

    Pour ma part j’avais déjà dénoncé le danger de l’exploitation des agro-carburants à grande echelle lors d’articles parus vers le mois de mars qui prévenaient de l’inertie et du manque de discernement des instances européennes sur ce sujet ("Les technocrates européens atteints par le syndrome de l’autruche", entre autres), je suis donc assez heureux de lire de nouveau des articles qui corroborent mes propos.

    De plus, j’ajouterai que d’après les dernières informations qui me sont parvenues, l’OCDE serait aussi hostile aux agro-carburants pour une exploitation poussée au sein de l’Union européenne. Avec une restriction toutefois, car hypocritement elle propose de favoriser les pays du Sud dans l’exploitation de cette soi-disant nouvelle manne économique pour les pays émergeant et préconise de surcroit la liberté du commerce mondiale pour les agro-carburants. Donc, on repousse de cette manière un problème gênant en le transposant à une prétendue aide planétaire pour des pays en voie de développement. Déplorable et dangereux...

    Car le danger de déforestation de l’Amazone, la continuité de celle de certains pays asiatiques (particulièrement la Malaisie), est un sujet d’actualité, dont ont ne connait pas les conséquences écologique qui pourraient être désastreuses pour l’avenir de la planète.

    Michel Mengneau