Accueil > CRA DE MAYOTTE : DES CONDITIONS RUDIMENTAIRES, QUI SONT TOUTEFOIS (…)

CRA DE MAYOTTE : DES CONDITIONS RUDIMENTAIRES, QUI SONT TOUTEFOIS HABITUELLES AUX COMORES

Publie le dimanche 28 juin 2009 par Open-Publishing

VISITE DU CENTRE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE DE MAYOTTE
(1ER FÉVRIER 2009)

Une délégation de la Mission d’information relative aux centres de rétention administrative et aux zones d’attente a visité le CRA de Mayotte le dimanche 1er février 2009. Elle était composée de M. Thierry Mariani (UMP), Président, et de Mme George Pau-Langevin (SRC).
La délégation a visité les locaux du CRA et s’est entretenue notamment avec le directeur de la police aux frontières (PAF) de Mayotte, M. Yvon Carratero. Elle a également pu rencontrer des personnes retenues.

1. Généralités sur le CRA de Mayotte

● Le CRA de Mayotte se caractérise par un caractère vétuste et des dimensions insuffisantes, alors que les succès enregistrés à Mayotte dans la lutte contre l’immigration clandestine ont conduit au cours des dernières années à une forte hausse des personnes transitant par le centre. Il convient de rappeler que, grâce au renforcement des effectifs de la PAF de Mayotte (passés de 31 à 143 agents de 2004 à 2008), à la mise en service de 3 radars fixes de surveillance et de plusieurs nouvelles vedettes rapides, en 2008, le nombre d’embarcations clandestines (dénommées localement kwassas-kwassas) interceptées (256) a été multiplié par 6,9 par rapport à 2004, et celui des éloignements exécutés (16 040) multiplié par 4 depuis 2002.

● Les effectifs de la PAF affectés à la gestion du CRA s’élèvent à 45 agents. Par ailleurs, le coût annuel de gestion de ce centre et des vedettes avoisine 100 millions d’euros (hors personnel). Le coût moyen de l’éloignement d’un étranger en situation irrégulière peut être estimé, à Mayotte, à 150 euros, ce qui est très faible comparé au coût moyen d’un éloignement en métropole.
Le coût moyen payé par les étrangers en situation irrégulière pour gagner
Mayotte par la mer depuis l’île comorienne voisine d’Anjouan (située à
70 kilomètres de Mayotte) a augmenté ces dernières années et peut être estimé à 250 euros. Les étrangers interpellés ne manifestent généralement pas de résistance et font globalement preuve de fatalisme – ce qui permet d’éviter des escortes policières pour leur réacheminement aux Comores. Si plus de 90 % d’entre eux sont originaires d’Anjouan, ceux qui proviennent des autres îles (Grande Comore ou Moheli) refusent toutefois d’être reconduits vers Anjouan – ils séjournent donc plus longuement au centre dans l’attente d’une liaison vers leur île d’origine (organisée périodiquement dès qu’un nombre suffisant d’étrangers doivent y être reconduits).

● Conçu pour accueillir 60 personnes, le CRA de Mayotte en héberge souvent le double, en fonction du nombre imprévisible de kwassas-kwassas interceptés en mer, mais son taux d’occupation est très variable d’un jour à l’autre.
En cas de blocage prolongé des frontières comoriennes pour des raisons politiques, l’impossibilité de procéder aux reconduites conduit à la remise en liberté des étrangers à l’expiration de leurs délais de rétention, ce qui est décourageant pour les forces de l’ordre.

● Les empreintes digitales des étrangers amenés par la PAF sont systématiquement prises ; en revanche, pour les étrangers conduits au centre par la gendarmerie nationale ou les policiers de la direction de la sécurité publique de Mayotte, le relevé n’est effectué que lorsque cela est matériellement possible.

● Les kwassas-kwassas confisqués par les forces de l’ordre, embarcations de fortune moulées en résine et capable de contenir 30 à 40 personnes ainsi que quelques animaux, sont entreposés sur un terrain situé devant l’entrée du CRA avant d’être détruits.

● Il convient enfin de rappeler que le secrétaire d’État à l’outre-mer,
M. Yves Jégo, a annoncé le 8 janvier dernier que le CRA actuel serait remplacé en 2011 par un nouveau centre, plus grand et plus adapté.

2. Les conditions matérielles d’hébergement.

● Lors de la visite, le nombre d’étrangers retenus dans le CRA s’élevait à
110 personnes, soit presque le double de la capacité théorique du centre. Au cours de l’année 2008, le taux moyen d’occupation du CRA s’est élevé à 116 % (la moyenne mensuelle variant de 21 % en avril à 166 % en novembre), mais a, au cours de l’année, ponctuellement avoisiné 400 % à deux reprises (223 personnes le 21 octobre et 241 personnes le 22 décembre 2008).

● Des travaux d’agrandissement du CRA étaient en cours, sous la supervision directe de son directeur, mais le manque de terrain disponible offre peu de possibilités. Une rénovation était intervenue au cours des semaines précédant la visite, pour un coût de 155 000 euros, de façon à isoler les sanitaires et les douches, à créer des espaces distincts pour l’hébergement des femmes et des enfants, ainsi que pour la restauration.

● Les hommes et les femmes sont désormais accueillis dans des pièces séparées, disposées autour d’un unique couloir, qui sont dépourvues de fenêtres et dont l’aération est effectuée par des espaces grillagés en hauteur. Le centre ne comprend pas d’espace de promenade ou de détente, ni de télévision accessible aux étrangers retenus. Le couchage et la prise des repas ont lieu au sol, selon des conditions rudimentaires, qui sont toutefois habituelles aux Comores et ne sont pas critiquées par les intéressés. L’alimentation des personnes retenues est plus difficile le week-end, du fait de l’appel à un prestataire extérieur pour la nourriture fournie (qui est ensuite réchauffée), si bien que certains étrangers ont déploré son insuffisance. Le respect des règles d’hygiène constitue à l’évidence un défi compte tenu de la promiscuité, et fait l’objet de critiques.

● D’une manière générale, le CRA actuel ne demeure adapté qu’à de courtes périodes de rétention – leur durée est d’ailleurs, en règle générale, limitée à une ou deux journées.

3. Les conditions d’exercice des droits

● Les droits liés à la situation administrative : les étrangers retenus n’ont pas accès à un affichage relatif aux informations administratives les concernant – informations dont la lecture serait pour nombre d’entre eux impossible (absence de maîtrise écrite de la langue française).

● Le droit à l’assistance médicale : la présence périodique de personnels du Centre hospitalier de Mayotte permet la prise en charge médicale des étrangers retenus dont l’état de santé implique des soins rapides. Les conditions sanitaires ne paraissent acceptables que pour de courts séjours – un début d’épidémie de gale est survenu lors d’une période de forte surroccupation, conduisant à l’évacuation et à la désinfection totale du centre.

● Le droit à une assistance juridique : les visites de la CIMADE dans le CRA demeurent épisodiques et les personnes retenues ne disposent pas d’un avocat – rappelons que les recours dirigés contre les procédures d’éloignement sont dépourvus d’effet suspensif à Mayotte.

● Le droit de communiquer avec l’extérieur : les étrangers retenus peuvent avoir accès à une cabine téléphonique payante (ils doivent pour cela acheter une carte téléphonique vendue quelques euros).

● Compte tenu de la hausse récente des demandes d’asile déposées à
Mayotte, dont l’instruction très longue par des personnels venus de La Réunion entraîne la libération de nombreux étrangers, l’ouverture d’une antenne permanente de l’OFPRA à Mayotte est à l’étude.

Source : http://medias.lemonde.fr//mmpub/edt...