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Faces Invisibles...

Publie le jeudi 20 mars 2008 par Open-Publishing
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Faces Invisibles...

Par Layla Anwar

19/03/08 "ICH"

http://www.informationclearinghouse...

— - Je dois aller chercher un document officiel, complet, authentifié, officialisé, approuvé, signé…
Encore une putain de queue. Qui aurait pensé que j’y serais engluée toute la journée…

Et encore une fois, tous ceux qui sont ici sont des Irakiens. Un d’entre eux boîte, l’autre tient un enfant en bas âge, il y a une femme âgée, si frêle, j’ai pensé qu’elle allait s’effondrer d’une minute à l’autre, un homme tout transpirant porte 10 passeports, il tremble tant, que tous ses papiers tombent se dispersant comme des flocons blancs sur le plancher gris et sale, de l’étage...
Il s’excuse auprès du fonctionnaire mille fois pour le gaspillage de 3 minutes de son temps précieux, il a besoin d’obtenir ce certificat, il a besoin de cette signature...
Votre nom ?
Le nom de votre père ?
Le nom de votre mère ?
Allez prendre votre ‘’Security check’’ !

J’ai eu mon ‘’Security check’’.

Mais ça ne suffit pas...

Le sous-sol avec des portes épaisses en métal. Il ressemble en réalité à une prison.

Je peux jurer que j’y ai aperçu des cellules...

J’entre dans une pièce nue. Un bureau et une machine fabriquée aux USA.
Went into a bare room. A desk and a machine made in the USA.

Again the same questions
Encore les mêmes questions.
« Votre nom ? »
« Le nom de votre père ? »
« Le nom de votre mère ? »
« Asseyez vous ! »

« Regardez dans la machine ! » « Visez le cercle ! » « Pas bon ! » « Je vous dis de viser le cercle ! »
Il y a deux cercles mais l’idiot ne le sait même pas.

« Pas bon ! » « Inclinez votre tête à gauche. » « Non, inclinez-la à droite »... « Yalla, regardez le cercle »... « Il y a un cercle ! »

« En ce moment il y a deux cercles », je lui dis… « Un pour chaque iris. »

« Yalla, donnez-moi vos doigts me dit une autre ». Elle est très grosse transpirante sous son voile de polyester. Et l’odeur émanant de ses aisselles me donne la nausée.

Elle saisit mes doigts un à un, de sa main rondelette, et elle ne sait même pas travailler sur cette foutue machine...

Fabriquée aux USA.

J’ai envie de lui crier, « Vous ne voyez pas ce que l’écran de l’ordinateur vous dit ? Il dit que vous devez ‘’annuler’’ espèce d’idiote... ».

Mais je n’ai dit rien.

Elle a continué à répéter : « Pourquoi ne mettez vous pas vos doigts correctement, sur le scanner ?

« Mais je le fait, je mets mes doigts sur votre scanner... »

« Non, vous ne le faites pas ».

Et elle me prend chaque doigt et l’appuie si fort que je sens mes tendons écrasés par la pression ... Et en même temps je voudrais crier « Regardez votre foutu écran, vous, l’imbécile, il dit que vous annuliez tout... Vous ne pouvez pas travailler sur ce damné scanner avant de cliquer sur ‘’annuler’’ »...

« Regardez la caméra maintenant ». Clic, clic, clic....

Et j’étais là. Ils avaient maintenant mes yeux, mes doigts, mon visage... Grâce à la machine "de sécurité" fabriquée aux ETATS-UNIS.

Un autre homme âgé était là avec sa canne ; et il était aveugle. Sa fille dans le noir l’aidait, et elle semblait si pâle, si perdue... Comment va-t-il faire pour regarder le cercle ?

Est ensuite venu un autre couple et j’ai vu la femme qui déchirait avec inquiétude des bouts du tissu qu’elle tenait dans ses mains et qui les enfonçait dans sa poche.

Et il y avait une femme avec une petite fille portant des pantoufles ; sans chaussettes.

Et il y avait un homme avec un pantalon souillé.

Et une autre femme portant un sac à main avec trous dedans, comme s’il avait été perforé par une mitrailleuse.

Et une autre femme couvrant sa tête avec un chapeau de laine, pour cacher sa chimiothérapie.

Et un autre homme âgé qui boitait horriblement.

Et autre, et un autre, et un autre...

Tous des numéros…

Numéro 154, 155, 156, 157, 158...

Tous des Irakiens. Tous ici à cause de vous.

Tous qui attendent pour s’asseoir devant la machine fabriquée aux USA.

Les doigts immobiles, les yeux fixes et les visages invisibles....

Et lorsque j’ai vu plusieurs d’entre eux s’approcher des épaisses portes de métal, j’ai prié.

J’ai prié pour que vous tous deveniez des bannis, des exilés...

J’ai prié pour que vous perdiez toutes vos traditions, vos gagne-pain, vos maisons, vos parents, vos enfants, vos familles, vos aimés...

J’ai prié pour que vous soyez envahis et occupés par la Chine, ou un autre pays...

J’ai prié pour qu’ils s’approprient vos richesses, vos ressources, votre travail, votre pays, vos vies...

Et plus la file d’attente durait, plus durement j’ai prié...

Et ma prière a pris une vie propre, vivant isolément, au-delà de mon contrôle...

Ma prière s’est contracté à une seule phrase et j’ai continué à la répéter comme une mantra, à plusieurs reprises, la répétant compulsivement jusqu’à...

…Jusqu’à ce que j’ai oublié la file d’attente, oublié les visages, oublié les trous dans les chaussures et dans les sacs à main, oublié la petite fille dans des pantoufles en plastique sans chaussettes, oublié la femme chauve âgée, oublié la jeune femme perdue vêtue de noir, oublié les numéros… Et j’ai continué à le répéter à plusieurs reprises...

Pouviez vous ne jamais trouver un jour de Paix dans vos vies.

Alors une voix crié :

« 158 ! 158 !... Où est 158 ? Yalla, c’est votre tour ! ».

Votre nom ?
Le nom de Votre père ?
Le nom de Votre mère ?...

Layla Anwar, Who am I ? The eternal Question . Have not figured it out fully yet . All you need to know about me is that I am a Middle Easterner, an Arab Woman - into my 40’s and old enough to know better. I have no homeland per se. I live in Iraq, Lebanon, Palestine, Jordan, Syria and Egypt simultaneously ... All the rest is icing on the cake.
http://arabwomanblues.blogspot.com/

G.L.

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