Accueil > Fuir la Macédoine pour tenter la fortune en Irak
De nombreux macédoniens sont prêts à risquer leur vie en Irak et en Afghanistan pour fuir le marasme. KBR, filiale de Halliburton, recrute pour le moment à Skopje. Pour beaucoup, être engagé revient à toucher le jackpot. Mais les risques sont là : plusieurs citoyens macédoniens sont déjà morts en Irak et en Afghanistan.
Depuis quelques jours, des représentants de l’entreprise américaine KBR sont à Skopje pour embaucher des travailleurs macédoniens. Ils les enverront travailler en Irak, en Afghanistan, au Qatar, au Koweït ou à Djibouti. Chaque jour, de 8h à 16h, les candidats se présentent à l’hôtel Holiday Inn. Les offres ont été publiées sur le site Internet de KBR (ex-Kellogg Brown and Root, filiale de Halliburton). Elles se clôtureront le 22 mars.
Les candidats étant nombreux, l’entreprise a opéré une présélection avant l’entretien. Ils sont issus de différents milieux et de différentes formations. On trouve parmi eux des mécaniciens, des chauffeurs, des électriciens, des garçons de café, des jeunes, des vieux, des chômeurs, mais aussi des employés, des étudiants... La plupart sont des hommes, mais il y a aussi des femmes et même de jeunes mères quittant leurs enfants pour gagner de l’argent et se ménager un futur meilleur.
Devant l’entrée et dans le couloir de l’hôtel Holiday Inn, des candidats attendent leur entretien. D’autres viennent de finir et sortent avec des documents en main. Ils sont embauchés. Ils ne veulent pas faire de déclarations mais semblent contents.
Chaque jour, au moins 30 personnes sont convoquées. Mais seulement quelques-unes sont embauchées. Les contrats de travail s’étendent sur un an. Obstacle : il faut connaître un minimum d’anglais. Environ 80% des candidats sont de Kumanovo. Au moins cinq cents personnes ont posé leur candidature. Ils sont tous conscients qu’ils vont travailler dans des endroits dangereux où ils risquent leur vie. Mais ils sont décidés à partir et à accepter n’importe quel type de travail.
Risquer sa vie pour de l’argent
« Je sais que je cours des risques, mais la situation est la même ici, sans travail et sans argent : ce ne sont que des soucis chaque jour. J’ai trois jeunes enfants et ma femme ne travaille pas non plus. Je suis chômeur depuis plus de 15 ans. Je suis camionneur et j’ai déjà travaillé une fois pour KBR. Une chose est sûre, le salaire est élevé. On travaille douze heures par jours et on touche de 5 000 à 7 000 euros par mois. Je ne pourrais jamais gagner cette somme en Macédoine », explique Caslav Denkovski, de Kumanovo. Il est l’un des rares à accepter de nous expliquer pourquoi il a décidé de travailler en Irak, au Koweït, en Afghanistan ou à Djibouti, là où KBR offre des emplois.
Il raconte qu’un grand nombre de gens de Kumanovo ont travaillé pour KBR au cours des dernières années et sont revenus chez eux avec beaucoup d’argent. Ils ont fondé un commerce. Ils sont « devenus quelqu’un ». KBR a offert une opportunité à son frère. D’abord il a travaillé en Irak, et maintenant il travaille comme informaticien au siège de l’entreprise, à Houston. Selon Caslav, les travailleurs sélectionnés pour partir à l’étranger se rendent d’abord à Houston pendant quinze jours pour passer une visite médicale complète.
« L’entreprise paie tous les frais, y compris le voyage, l’hébergement et la nourriture. Ceux qui sont déjà allés en Irak disent qu’on peut sans problème transférer de l’argent vers la Macédoine par voie bancaire. Il est très facile d’économiser parce que là-bas il n’y a pas beaucoup d’endroits où l’on peut dépenser de l’argent »
Les employés macédoniens de KBR travaillent dans des bases militaires où il est impossible de se promener et de dépenser de l’argent. Caslav explique que, tous les trois ou quatre mois, on peut prendre quinze jours de congés payés.
Du côté du ministère du Travail et de la Politique sociale, on assure que, selon la loi sur l’embauche, seule une personne physique de citoyenneté macédonienne a le droit de recruter des employés et qu’il faut se déclarer auprès de l’Agence de médiation pour l’embauche en Macédoine et à l’étranger.
De mauvais souvenirs
Beaucoup de Macédoniens ont découvert KBR il y a deux ans, lors de l’enlèvement et de l’assassinat de trois travailleurs macédoniens en Irak, qui travaillaient là-bas pour l’entreprise Soufan Industries de Dubaï. La nouvelle de leur enlèvement avait été envoyée en Macédoine par le courriel d’une personne de Kumanovo qui travaillait pour KBR à Bagdad. Ces dernières années beaucoup de gens de Kumanovo sont partis travailler à l’étranger par l’intermédiaire de ces deux entreprises, qui ont ouvert des bureaux à Kumanovo.
En 2005, KBR a été choisie pour construire la nouvelle ambassade américaine à Skopje, derrière Kale, un projet de 30 millions de dollars. KBR est une filiale de l’entreprise américaine Halliburton. D’après des informations de la chaîne Bloomberg datant de janvier 2007, elle a touché environ 520 millions dollars de bénéfices de moins, lors du dernier trimestre 2006, que pendant la même période en 2005.
Halliburton est le numéro deux mondial dans le commerce du pétrole. Ses filiales travaillent de près avec l’administration américaine, entre autres avec le Pentagone et le Département d’Etat.
KBR est le premier fournisseur du Pentagone en Irak. Elle est sixième au classement des entreprises commerciales coopérant avec l’armée américains. L’entreprise est très controversée pour ses liens avec le gouvernement américain : le vice-Président Dick Cheney fut président du conseil d’administration de Halliburton de 1995 à 2000.
Maja Tomik (Utrinski Vesnik)
Traduit par Marija Nikolova