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IRAK : une Constitution contre les femmes

Publie le dimanche 24 juillet 2005 par Open-Publishing
3 commentaires

de GIULIANA SGRENA traduit de l’italien par karl&rosa

L’introduction de la charia dans un système laïc passe toujours par le code de la famille. L’Irak ne fait pas exception. Les droits des femmes seront les premiers à être sacrifiés par la constitution de l’après Saddam, au nom de l’Islam. Et sur cela les Chiites, les Sunnites et les Kurdes, divisés presque sur tout, se mettront facilement d’accord. Les brouillons, qui sont en train de circuler, du texte de la nouvelle constitution qui devrait être approuvée le 15 août prochain, ne laissent pas de doutes.

En fait, l’article 14 établit que les matières concernant le mariage, le divorce et l’héritage seront réglées sur la base de la loi religieuse (la charia, selon l’interprétation sunnite ou chiite).

On peut donc facilement imaginer l’introduction du tuteur (ou du permis de la famille) pour le mariage, le droit de répudiation pour le mari et l’héritage diminué de moitié pour les femmes. Peu importe si un autre article de la même constitution établit des droits égaux pour les femmes, parce que, plus loin, il ajoute : quand ces droits ne "violent pas la charia".

Même l’escamotage est classique, voir l’Algérie, pour ne citer qu’un exemple. La charia n’est pas, jusqu’ici, l’unique source de la législation irakienne, mais toutes les lois - y compris les traités internationaux - ne peuvent pas entrer en contradiction avec l’islam. Il reste à voir quels tribunaux religieux jugeront les chrétiens, d’ailleurs de moins en moins nombreux (ils étaient environ 700.000) en Irak, compte tenu de la chasse qui a été déchaînée contre eux.

La nouvelle constitution marquera donc la fin d’un code de la famille approuvé dans les années cinquante qui, pour les droits reconnus aux femmes, était considéré comme l’un des plus progressistes du monde arabe musulman. Voila le résultat de la guerre, de l’occupation et des élections de janvier qui ont vu la victoire de la liste confessionnelle chiite sponsorisée par le grand ayatollah Ali al Sistani, lequel a poussé ses fidèles à se rendre aux urnes par une fatwa (sentence religieuse). D’ailleurs, ce qui est en train d’être réalisé par la nouvelle constitution n’est pas la première tentative d’effacer le code de la famille, considéré comme trop permissif par les leaders religieux - tous, chiites et sunnites - malgré les modifications introduites les derniers temps par Saddam, comme l’obligation pour les femmes d’âge inférieur à 45 ans d’être accompagnées par un homme dans leurs voyages à l’étranger. Déjà en décembre 2003, Abdelaziz al Hakim, leader du Sciiri (Conseil supérieur pour la révolution islamique en Irak), pendant son mois de présidence du Conseil gouvernemental provisoire, avait fait approuver la "mesure 137" qui abolissait le code de la famille et introduisait à sa place la charia. Seule une mobilisation immédiate et forte des femmes avait empêché la mesure de passer.

Entre temps, dans l’Irak sans loi la condition des femmes s’est remarquablement dégradée, la violence - rapts, viols, menaces - est à l’ordre du jour et pour les femmes qui ont subi des violences, l’ "honneur" de la famille est sauvé, sur la base d’ordres donnés par des leaders tribaux et religieux, par la mort de la femme. Les crimes d’honneur, d’ailleurs impunis, ont augmenté remarquablement après la chute de Saddam, comme le soutient aussi l’institut de médecine légale de Bagdad. Et les corps des femmes tuées n’arrivent pas tous à cet institut. Pas que des crimes d’honneur. Les femmes sont menacées par des groupes islamistes si elles ne portent pas le voile, si elles se maquillent, si elles sortent dans la rue.

Malgré ces menaces, les femmes irakiennes, habituées à une participation à la vie politique, sociale et économique du pays, ne se rendent pas. En défiant les problèmes de sécurité, elle ont manifesté mardi pour leurs droits, place Firdaus (qui d’un paradis n’a que son nom). Réussiront-elles à repousser les tentatives des islamistes ? Dans le Comité qui est en train de préparer la constitution, sur 71 membres, les femmes sont moins de dix et même la proportion de 25%, garantie aux femmes dans les organismes parlementaires par la constitution provisoire, est menacée. Il y en a qui soutiennent hypocritement que, comme les femmes sont plus de 50%, ce n’est pas juste de prévoir une présence féminine de 25%. Et, comme la constitution prévoit des droits égaux pour les hommes et les femmes... les interprétations forcées ne servent pas, sauf pour faire respecter le Coran (naturellement selon l’interprétation des groupes islamistes au pouvoir).

http://www.ilmanifesto.it/Quotidian...

Messages

  • à rapprocher des échanges de la semaine dernière sur ce site à propos d’un article posté par une jeune musulmane fraichement élue au bureau de l’association des amis du diplo ...

  • Que les femmes soient la cible des barbus de tous poils en Irak et soient réduites à l’asservissement par les obscurantistes n’émouvra pas un instant, c’est sûr, les va-t-en-guerre menés par l’abominable Bush.

    En partant à la conquête du pétrole irakien, en voulant étendre leur hégémonie au Moyen-Orient, ils savaient bien ce que cela signifierait pour les femmes et les enfants du pays : traumatismes, mutilations, violence, viols, deuils, privations.

    De même qu’ils se doutaient bien qu’en renversant Saddam Hussein ils mettraient les islamistes au pouvoir, tôt ou tard, et remplaceraient une dictature par une autre tout aussi cruelle, si ce n’est plus.

    Comme Bush ne pouvait ignorer que le blocus mis en place par les Etats-Unis atteignait de plein fouet les populations vulnérables et, donc les femmes et les enfants, qui souffraient de privations.

    Mais rien ne pouvait arrêter leur détermination. Peu importait que les populations, impuissantes, trinquent encore et encore. Le Diable Saddam devait être mis hors d’état de nuire par le Bon Dieu Etats-Unien.

    Les « démocraties » occidentales ont substitué aux valeurs universelles des Droits de l’Homme et du Citoyen les dogmes religieux les plus radicaux : Bush, en tête, qui gouverne en se réclamant de Dieu, qui évoque le Bien et le Mal et qui prône la fidélité et l’abstinence contre le Sida (par ex).
    Quant aux leaders des pays européens, ils ne sont pas en reste : Blair et Sarkozy , pour ne citer qu’eux, se proclament profondément croyants. De là à s’appuyer sur la religion pour justifier de leurs choix politiques, il n’y a qu’un pas… que le prétendant au trône de France ne manquera pas de franchir sitôt intronisé.

    Alors, en se prévalant de Dieu et de la religion, on peut, ainsi, oublier de s’indigner, voire fermer les yeux sur les diverses pratiques cultuelles, même les plus liberticides, en particulier pour les femmes.

    Quitte à s’y opposer le moment venu. Aujourd’hui, à l’instar du communisme naguère, les religions servent d’alibi et d’épouvantail à la folie meurtrière des ultra-libéraux en veine de nouvelles conquêtes.

    Et qui en fait les frais ? les FEMMES, bien sûr. La religion est le terrain privilégié de l’homme, qui asservit, façonne, aliène la deuxième moitié de l’Humanité, cela au nom d’un certain « Dieu » (au fait, il est où, celui-là, aujourd’hui ? Quoi, "il peut rien faire".).

    Contraception, avortement, mariage, fidélité, répudiation, accoutrement vestimentaire, lapidation, excision, crimes d’honneur : tout passe par la loi des hommes « inspirés » par Dieu.

    Je ne sais qui a prétendument dit « le XXI° siècle sera religieux ou ne sera pas » mais ces propos paraissent actuellement terriblement funestes.

    En Irak, pour l’instant, les femmes semblent résister mais pour combien de temps encore ?

    Nous ne pouvons laisser faire sans réagir ici et maintenant contre la pression qu’exercent tous les responsables politiques et religieux sur les populations pour imposer leur « charia » et attiser les haines entre les populations pour mieux asseoir leur pouvoir et faire oublier leurs mensonges et leurs exactions.

    Pour cela, nous devons reprendre le terrain, celui de Droits de l’Homme et du Citoyen et celui de la Laïcité.
    Il n’est plus temps de se disputer sur des détails : nous avos à combattre le libéralisme et tous ceux qui nous entraînent dans la haine, les guerres et le terrorisme par dogmatisme et cupidité morbide.
    Tous ceux qui avilissent et aliènent les populations au nom d’une idéologie mortifère, expansionniste et esclavagiste.

    En votant non au référendum, nous avons voté oui à une société plus juste, libre, solidaire, laïque et égalitaire. A nous de montrer l’exemple au reste du monde.

    Maintenant.

    MC