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« Il n’y a plus de vie politique en Grèce »
par LIBE
Publie le vendredi 17 février 2012 par LIBE - Open-PublishingL’Europe a de nouveau repoussé, mardi, toute décision sur une nouvelle aide financière à la Grèce. Pour , professeur de sciences politiques à l’université Panteion d’Athènes et membre permanent de l’université de Cambridge, la tutelle internationale a détruit la vie politique grecque.
– Êtes-vous surpris par le nouveau report du versement de l’aide européenne à la Grèce ?
Ces problèmes étaient prévisibles, et on peut en craindre d’autres dans un futur proche. La raison, c’est que cette politique mène vers une impasse. Plus on donne de « médicaments » au malade, plus la maladie empire. Ces mesures n’ont jamais été mises en œuvre que sous des régimes dictatoriaux ou dans les gouvernements post-communistes d’Europe de l’Est. Si le gouvernement le pouvait, il serait encore plus répressif. Mais il ne sait pas jusqu’où aller sans prendre le risque d’une révolution.
– Peut-on dire qu’il y a une vie politique en Grèce, avec un gouvernement technocratique appliquant les décisions de ses créanciers ?
J’en doute. La coalition au pouvoir est le résultat d’un processus dont on peut douter qu’il soit réellement démocratique. En fait, les mesures décidées ne sont même pas le résultat d’une réflexion économique, technocratique. C’est l’application, par des extrémistes néo-libéraux, d’un programme visant à la destruction du rôle social de l’Etat et des relations de travail. Il s’agit d’aider les banques à faire le plus de bénéfices possibles, sans souci des conséquences pour la société et l’économie réelle.
– Pour ses créanciers, il est naturel que la Grèce paye ses dettes. Peut-on dire le contraire ?
Il s’agit d’une dette contractée de manière très complexe, on ne peut pas simplifier le problème ainsi. Cette dette a été causée par une partie de la société qui, aujourd’hui, ne paie pas du tout les conséquences de la crise. Au contraire, l’effort repose sur ceux qui n’en sont pas responsables. La véritable approche du problème est sociale. Sa solution est la reprise en main des ressources de la société par la société elle-même.
– En quoi consisterait cette solution ?
Avant tout, en un vrai contrôle des banques par la société. Il faut les nationaliser, pas au profit de bureaucrates obscurs, mais de manière transparente. La société grecque produit de la richesse. Elle manque de liquidités parce que les bénéfices des banquiers passent avant tout. Si la société maîtrisait ses ressources, la croissance serait plus importante.
– Historiquement, les crises ont débouché sur des régimes nationalistes autoritaires, plutôt que sur des sociétés ouvertes et généreuses...
C’est vrai. Une crise n’est jamais quelque chose de plaisant. A la gauche d’y prendre garde, elle qui pense que les gens se tourneront d’eux-mêmes vers elle face aux conséquences de la crise. Comme si l’histoire se finissait forcément bien. Cela dit, il ne faut pas non plus se convaincre que l’on file droit au fascisme. Une bataille politique fait rage, qui suppose une analyse sérieuse de la situation politique, et surtout la participation de la population. Les citoyens doivent prendre la rue, eux seuls peuvent réellement protéger la démocratie.
– L’avenir du pays serait-il plus assuré hors de l’Union européenne ?
Les plus grands ennemis de l’Europe sont les institutions européennes telles qu’elles existent aujourd’hui, qui ne représentent en aucun cas les idéaux de ses fondateurs. La logique des néo-libéraux dogmatiques conduit logiquement à des Etats répressifs, non-démocratiques, qui exacerbent les nationalismes et conduiront à la fin de l’Union.
Recueilli par Dominique Albertini, à Athènes
http://www.liberation.fr/monde/01012390093-il-n-y-a-plus-de-vie-politique-en-grece