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Je ne vis pas de ma "dissidence".

Publie le mercredi 17 mars 2010 par Open-Publishing

Je reconnais sans ambages que mes idées sont largement minoritaires parmi mes compatriotes cubains résidant dans le sud de la Floride. Inutile de le répéter, il est bien connu que mon point de vue concernant la politique des Etats-Unis à l´égard de Cuba n´est pas partagé par la majorité des Cubains de Miami, ce qui fait de moi un véritable dissident. Ici, se prononcer contre le blocus infligé à Cuba et plaider pour de meilleures relations entre Cuba et les Etats-Unis relève du pêché capital.

Le fait d´être en désaccord avec cette majorité fait de moi quelqu’un d’à part à Miami. Egalement, être dissident ici peut s´avérer dangereux. Il y a quelques années, alors que Miami était la capitale des bombes, onze attentats terroristes furent perpétrés à l´encontre de la revue Réplica, un hebdomadaire qui connaissait un grand succès et dont j´étais le directeur. Les tentatives d´assassinat à mon encontre ne manquèrent pas à l´époque où le fait d´écrire ce que je pensais, sans peur et sans complaisance, m´amena à m´opposer à l´opinion dominante et à devenir l´un des premiers exilés dissidents de Miami.

Bien que j´ai de nombreux amis qui me soutiennent, je ne cache pas que je suis viscéralement haï par les extrêmistes de droite. Je suis à leurs yeux un communiste qui mérite pour châtiment une mort sordide, carbonisé sur un bûcher au coin du restaurant Versalles de la rue 8 de la Petite Havane.

Cependant, ma dissidence ne me conduit pas à entamer une suicidaire grève de la faim, pour protester contre le fait que le gouvernement US ne satisfait pas à ma volonté de changer sa politique étrangère à l´égard de mon pays d´origine, ou parce que la Maison Blanche ne décrète pas la mise en liberté – comme aurait pu le faire le président Obama- d´une simple signature- des cinq Cubain anti-terroristes détenus dans les prisons états-uniennes, où ils purgent d´injustes et longues peines, tandis que des terroristes avérés tels que Luis Posada Carriles et Orlando Bosch jouissent de la plus totale liberté à Miami et sont considérés comme des héros par l´extrême-droite des exilés cubains.

Penser différemment, même si la plupart des gens considèrent que cette opinion n´est pas juste, ne constitue pas un acte criminel. Si penser différemment du plus grand nombre est un droit inviolable qui doit être respecté par tous, gouvernants et citoyens, en revanche il ne peut servir, à mon sens, à dissimuler des activités orchestrées par un gouvernement étranger ; d´autant moins si ceux qui se prêtent à de telles manoeuvres sont motivés par de mesquines raisons économiques.

Je réside depuis des années à Miami et j´ai appris à vivre dans une ville ou règne l´intolérance et l´extrêmisme politique le plus irrationnel. Il s´agit de quelquechose qui a plus à voir avec les cubain qu´avec les Etatsuniens eux-mêmes. Ça me fait du mal de le dire mais c´est la vérité, à la grande honte de mes compatriotes cubains. J´exprime toujours ce que je pense franchement, mais en ce qui concerne ma dissidence, elle est respectueuse des coutumes et des lois du pays dans lequel je vis.

Il ne m´est pas facile d´être un Cubain dissident à Miami. Mais si je peux être fier de quelquechose, c´est de pouvoir dire tout haut que personne ne me paye pour ce que je fais ou pour ce que je dis. De pouvoir dire que je n´ai jamais touché, ni hier ni aujourd´hui, un quelconque salaire d´un gouvernement, cubain ou étranger. Au moins, je ne vis pas de ma dissidence.

Pour Réplica de Radio-Miami, Max Lesnik.

(foto Virgilio PONCE)

http://www.radio-miami.com/