Accueil > Journal mythique, Libération est à l’agonie (ds 24H, quotidien suisse)

Journal mythique, Libération est à l’agonie (ds 24H, quotidien suisse)

Publie le mardi 14 novembre 2006 par Open-Publishing
9 commentaires

Journal mythique, Libération est à l’agonie

PRESSE
La gauche française rêve de l’Elysée. Son titre de prédilection est sur la corde raide.

MATHIEU VAN BERCHEM PARIS
Publié le 14 novembre 2006

GAMMA / ETIENNE DE MALGLAIVE- CRISE : Le quotidien français n’aurait pas su garder son lectorat traditionnellement « de gauche, socialiste, voire gauchiste » et va aujourd’hui très mal.
C’es t un titre mythique de la presse française qui s’éteint peu à peu. Sous le regard vaguement apitoyé des candidats à la présidentielle. Libération va mal, très mal. Hier soir, la direction du journal devait se prononcer sur un plan de restructuration prévoyant la suppression d’une centaine de postes, sur 280. Un projet déjà repoussé par les salariés.

L’ancien garage en colimaçon, qui abrite la rédaction depuis 1987, où les journalistes se croisent en arpentant la « vis » avant de mijoter leurs éditoriaux au dernier étage, sur l’une des plus belles terrasses de Paris, prend l’eau. Le quotidien fondé par Jean-Paul Sartre et Serge July a déjà traversé des crises, mais celle-ci les dépasse toutes. En quelques mois, Libé a perdu plusieurs de ses meilleures signatures. L’ancien PDG Serge July d’abord, poussé dehors par le nouvel actionnaire majoritaire, Edouard de Rothschild. Puis des journalistes talentueux, dont Florence Aubenas, dégoûtés par la tournure que prenaient les événements : plans sur plans de restructuration, sans perspective de redressement.

July avait fait de Libé le titre phare des années Mitterrand, le plus inventif de la presse française et peut-être européenne, avant de perdre un peu la main. Le journal qu’un million de Français s’arrachaient au lendemain de la mort de Coluche vend aujourd’hui à peine 100 000 exemplaires. Pourquoi pareil effondrement ? Sur fond de mauvaise conjoncture de la presse française, Libération n’a pas su garder son électorat traditionnel : le « peuple de gauche, socialiste, voire gauchiste. » Le titre, par manque de « militantisme » peut-être, n’est plus l’« organe » du PS qu’il fut dans les années 1980.

Edwy Plenel souhaitait ressusciter cette vocation : que Libé redevienne le grand journal de gauche, le front avancé de la grande bataille qui s’annonce contre Nicolas Sarkozy. Le plan de l’ancien directeur de la rédaction du Monde était ambitieux : relance du titre, création d’un magazine ; « dégraisser » certes, mais sans excès. Edouard de Rothschild n’en a pas voulu. Trop coûteux. « Mon projet supposait une recapitalisation. Puisqu’Edouard de Rothschild n’en veut pas, je ne suis plus qu’un spectateur dans cette crise », déplore aujourd’hui Plenel, dont le tempérament autoritaire avait marqué Le Monde pendant dix ans.

Choisir entre Rothschild-Joffrin et le dépôt de bilan

Plenel hors course, qui prendra les rênes du journal moribond ? Un homme du sérail, apparemment. A l’heure où tout le monde décampe, Laurent Joffrin, qui coulait des jours paisibles au Nouvel Observateur , revient à Libé , qu’il a dirigé entre 1996 et 1999. Joffrin, qui a annoncé hier son retour, veut faire de Libé la « maison commune d’une gauche ouverte. » La personnalité de Laurent Joffrin, sa bonne réputation suffiront-elles à résoudre la crise ? « C’est un bon professionnel. Mais s’il vient pour faire un petit journal à 70 salariés, nous nous y opposerons », prévient François Wenz-Dumas. Or, note le délégué du Syndicat national des journalistes, c’est Edouard de Rothschild qui a fait venir Joffrin. « Les journalistes choisiront aujourd’hui entre la solution Rothschild-Joffrin et... le dépôt de bilan. »

Le destin de Libé interpelle les candidats socialistes, qui ont exprimé tour à tour leurs regrets. Sans conviction. Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius savent que la campagne se joue désormais ailleurs : sur Internet, voire au Monde , à Marianne ou au Nouvel Observateur.

Messages