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La demande de déchargement des 5000 directeurs d’unités vise d’abord à gripper le système.

Publie le mardi 9 mars 2004 par Open-Publishing

Une lettre pour des milliers de démissions

« Monsieur le directeur général, depuis de longues semaines, la communauté scientifique a tenté d’attirer l’attention des autorités politiques sur le sort indigne qui était fait à la recherche publique dans notre pays. (...) La suppression récente de 550 postes dans la recherche sonne comme une trahison (...). En conséquence, je vous demande de me décharger de la responsabilité de directeur d’unité que vous m’aviez confiée. » Cette lettre type est en ligne depuis jeudi sur le site internet du collectif « Sauvons la recherche », assortie d’une variante pour les chefs d’équipe, l’ensemble étant révisable, sauf l’essentiel : la dernière phrase par laquelle le signataire présente sa démission de ses fonctions administratives. Les missives seront déposées, aujourd’hui, à la mi-journée, dans deux urnes disposées dans la salle de l’Hôtel de Ville de Paris accueillant l’« assemblée générale des directeurs de laboratoire et des chefs d’unité » solidaires de la pétition « Sauvons la recherche ». Environ 5 000 directeurs d’unité et chefs d’équipe l’ont signée sur un effectif de 12 000, ce qui laisse présager un important courrier, demain, sur les bureaux des directeurs des organismes de recherche (CNRS, Inserm, Inra, Pasteur...). Quel peut être le poids réel de ces démissions ? Décryptage.

Quelles sont les fonctions des directeurs d’unité et chefs d’équipe ?

Un directeur d’« unité de recherche » (laboratoire) est un chercheur qui a été nommé à cette fonction de direction. Le travail en laboratoire s’organisant en plusieurs équipes, celles-ci ont également un chef (un chercheur) qui peut assumer diverses responsabilités, avalisées par le directeur de l’unité. Le directeur d’unité et le chef d’équipe ont des responsabilités de trois ordres. Primo, l’encadrement scientifique : animer les projets du laboratoire ou de l’équipe. Secundo, l’évaluation scientifique : participer à des commissions de recrutement, d’orientation stratégique de la recherche, etc. Tertio, l’administration : gérer le budget alloué au laboratoire, trouver des contrats externes, commander le matériel. Aucune prime ni salaire ne rétribuent ces responsabilités qui s’ajoutent, souvent, à un travail personnel de recherche.

Quelles activités envisagent d’abandonner les démissionnaires ?

En toute rigueur, si un patron de labo cesse ses fonctions administratives, le laboratoire cesse de fonctionner, ne serait-ce que par manque de consommables, d’aliments pour l’animalerie, etc. Mais l’idée générale est de gripper le système. « Pas question de saboter les recherches en cours, et surtout celles des jeunes », dit Pierre-Olivier Couraud (Inserm). Pour cette même raison, un consensus semble s’être dégagé en faveur de la participation aux prochaines commissions d’évaluation pour le recrutement de nouveaux chercheurs. Toutefois, les recrutements pour 2004 n’étant effectifs qu’en décembre, et tous espérant une sortie de crise d’ici là, les rapports ne seront pas immédiatement communiqués aux directions des organismes. Plus radicalement, les directeurs et chefs cesseront d’assumer toutes les missions ne concernant pas le quotidien du laboratoire : la chasse aux sous et, surtout, la participation aux réunions de concertation inter-laboratoires qui sont la pierre angulaire de la cohérence d’un organisme. « Nous allons rentrer dans une phase difficile avec l’institution », avance Marina Cavazanna-Calvo (Inserm).

Les directions des organismes peuvent-elles refuser ces démissions ?

Evidemment. Si elles les refusent (option probable, déjà annoncée par le directeur général de l’Inserm), les chercheurs devront décider d’une grève de ces mêmes fonctions administratives. Si les directions acceptent les démissions, des remplaçants peuvent être nommés, mais une telle mesure infligerait une claque cinglante, difficilement pensable, au mouvement. Les directions des organismes disposent, pour se prononcer, de quatre semaines. Un délai de grâce, en réalité, pour une ultime réponse du gouvernement, que l’immense majorité des chercheurs espère. Comme un miracle. Toute la question demain sera de décider comment gérer cette attente.